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La quatrième couronne – Chapitre 1




1 L’affront

L’hiver était là, ramené du Nord par de violentes bourrasques de neige qui brûlaient les yeux. Lena releva le col de la cape de laine sur sa nuque, le froid s’infiltrait partout, dans les bottes à l’épaisse semelle, sous l’armure résistante malgré sa légèreté, dans le pantalon de cuir tanné par les intempéries. Indisciplinés, les cheveux mi-longs flottaient au vent tel un voile sombre autour de sa nuque.

Rien, pas même la pire des tempêtes, n’aurait pu la déloger du gaillard d’avant quand les contours de la grande cité d’un million d’âmes se dessinaient à l’horizon. Le visage fermé, l’il rivé à la longue vue, Lena concentra son attention sur le port de Dariane, la capitale du Tanys et le point névralgique du commerce maritime.

Nous arrivons trop vite, maugréa-t-elle à son second.

Amenez la grand-voile ! hurla Tobias dans le vent. Hissez la misaine !

Lena détailla les étendards des navires ancrés dans la crique protégée. Six portaient le pavillon orné du sanglier de la famille Tristan maîtresse de Dariane, quatre arboraient la colombe blanche sur fond bleu de la ligue des marchands, l’aigle doré du douzième se montrait menaçant, les serres en avant, les ailes relevées ; le prince Alphan de la maison Lorin l’avait devancée. La jeune femme replia sa longue vue, agacée.

Baissez le pavillon ! Naviguez à bâbord, nous accosterons à l’extrême pointe de la baie loin des regards.

L’équipage choisi avec soin, des hommes rustres, mais loyaux capables de naviguer par tous les temps sur les mers des trois couronnes, se hâta à la manuvre. Avec un peu de chance, personne au port n’avait encore remarqué les trois épées croisées au centre d’un écusson rouge qui ornait l’oriflamme de la maison Tarel sur le grand vaisseau noir de la flotte septentrionale en approche.

Tobias, fais mettre une chaloupe à la mer dès que nous serons à l’abri du vent, on ne doit pas nous voir.

Lena avait espéré devancer Alphan à la cour du roi, au moins aurait-elle pu plaider sa cause. Malheureusement, la présence de son fiancé n’augurait rien de bon. La tradition du mariage arrangé avait force de loi dans les royaumes du Malvoy, de l’Angry et celui du Tanys. Les unions entre vassaux étaient ordonnées par intérêt, alliance politique ou cupidité, au mépris d’éventuels sentiments.

Les aigles de la maison Lorin assuraient le fer-de-lance de l’armée de l’Angry depuis toujours, les navires des Îles septentrionales servaient de premier rempart au royaume du Malvoy ; le mariage consoliderait davantage encore une paix longue de quinze ans, à peine troublée par quelques incursions barbares à la frontière à l’est de la terre des trois couronnes, là où nul ne s’aventurait par plaisir, là où les bannis contraints à l’exil étaient poussés sans espoir de retour.

D’après les allégations de quelques aventuriers peu dignes de confiance, les sauvages qui peuplaient la contrée se nourrissaient de chair humaine et copulaient à quatre pattes comme des animaux. On les disait sans loi, sinon celle du plus fort. D’étranges créatures terrifiantes peuplaient la terre des damnés, certains évoquaient des monstres aux griffes acérées, des lions à l’épaisse crinière campés sur leurs pattes arrière, des serpents qui crachaient leur venin sur plusieurs pieds.

Ces légendes destinées à effrayer les enfants ne perturbaient pas Lena ; les hommes de ce côté de la frontière se comportaient aussi comme des bêtes, pillant, tuant, violant. Le fracas des armes couvrait la voix des sages trop peu nombreux à se faire entendre, la précieuse paix entre les royaumes ne privait pas les puissants de s’enrichir au détriment du labeur des faibles. Le droit de naissance primait sur toute qualité.

Les habitants des bas quartiers de Dariane s’adaptaient tant bien que mal à la neige dans les ruelles malodorantes creusées en leur centre d’un sillon destiné à l’évacuation des eaux. Moins de navires accostaient l’hiver, moins de marchandises à décharger, le manque à gagner pesait sur les familles démunies. Quelques femmes mortifiées par le froid, certaines avec leur bébé dans les bras, en étaient réduites à mendier un morceau de pain ou un peu de lait.

Un garçonnet d’une dizaine d’années se précipita au-devant du cortège, stoppé dans son élan par une des six gardes du corps de la princesse. Le petit dégourdi reconnut sans ne lavoir jamais rencontrée, Lena Tarel, la seule femme des trois couronnes experte dans le maniement de l’épée, hormis celles à son service. Elle lui sembla bien jeune au nombre d’histoires qu’on racontait à son sujet.

Où crois-tu aller comme cela ? demanda Hermione, détendue par l’absence évidente de danger. Passe ton chemin, enfant.

Noble dame, s’égosilla-t-il imperturbable, laissez-moi vous servir de guide.

Je sais où je vais, pouffa Lena sans ralentir l’allure, voici pour ta peine. Mais garde le silence sur ma présence.

Abasourdi, le garçon rangea la pièce dans la poche de sa tunique crasseuse rapiécée ; la générosité de la damoiselle lui permettrait de subvenir aux besoins de sa famille, soit quatre personnes, pendant une bonne semaine. Il observa le curieux équipage s’arrêter à moins de cent pas du quartier des artisans, où les rues pas encore pavées s’élargissaient, avant de filer en sifflotant.

Arrêtons-nous le temps de nous restaurer un peu, commanda la princesse devant la porte entrouverte d’une taverne délabrée. Alphan ne me cherchera jamais parmi les gens du peuple, il est trop imbu de sa personne.

La maison Lorin se targuait d’être la plus fortunée des trois couronnes, une richesse acquise en grande partie sur le servage dans les mines, semblable dans l’esprit de Lena à l’esclavage. Sur les Îles septentrionales, chacun était rémunéré à son mérite, la pauvreté n’existait pas davantage que la richesse personnelle. Les taxes prélevées étaient les plus basses des trois couronnes.

Le tavernier épousseta d’une grosse main noueuse couverte de poils roux la table de chêne au fond de la salle saturée d’odeurs rances. Hormis quelques équipages de pirates ou de marchands d’esclaves, il recevait peu des gens aisés, encore moins des femmes ; toutefois, les armes de ces dernières décourageaient même les plus ivres de ses habitués peu avares de moqueries graveleuses d’habitude. L’individu, trop mielleux au goût de la donneuse d’ordre, fit étalage de courbettes jusqu’à en avoir mal au dos.

Que puis-je pour votre service, nobles dames ? Installez-vous ici près de l’âtre, il y fait moins froid.

De la bière et à manger, demanda Lena, attentive à ne laisser personne divulguer sa présence. Sers donc à boire à ces braves.

La grande salle de marbre embellie de trophées bruissait des rumeurs les plus folles, la fille de la maison Tarel avait disparu, toutes les patrouilles de Dariane étaient lancées à sa recherche. Le roi Zenios fourragea dans son épaisse barbe grise, amusé par une idée saugrenue. La promise, peu pressée de convoler, honorait peut-être de sa présence un bordel de luxe dans le quartier des plaisirs ; sa préférence pour les amours féminines de notoriété publique, elle retardait ainsi l’instant fatal.

Un silence circonspect dans l’assemblée se fit par l’arrière, la disparue passa d’une démarche nonchalante entre les piliers sculptés à l’entrée de la salle du trône, suivie de près par sa garde personnelle. La vision de femmes en armes souleva quelques hoquets lourds de désapprobation. Pour beaucoup, la légende de la fille des Îles septentrionales prenait forme humaine.

Alphan, au premier rang de la centaine de courtisans, se précipita. Sa promise n’avait plus ce joli visage fin qui l’avait séduit à leur première rencontre ; néanmoins, les traits restaient harmonieux sous les sourcils fournis qui durcissaient son regard. Négligeant la main offerte du seigneur, Lena ploya le genou au pied du trône au lieu de s’incliner à la manière des dames de haute naissance.

Voici une entrée tardive, mais remarquée, s’esclaffa Zenios, amusé. Puis-je savoir ce qui vous a retenue, gente damoiselle ?

J’ai honoré l’accueil de vos sujets dans une taverne près du port, mon roi. La bière y est tiède à souhait et la viande rôtie de belle façon. Peut-être aurai-je le plaisir de vous y inviter durant mon séjour.

La jeune fille perdue que Zenios avait reçue au palais trois ans plus tôt à l’occasion de ses fiançailles était devenue une femme de caractère. À l’époque, elle avait réussi à le convaincre de ne pas la marier sur-le-champ malgré les suppliques de la maison Lorin intéressée par un droit de regard sur les Îles septentrionales. Personne ne la savait alors attirée par les charmes de ses congénères ; sinon, la cour l’aurait supplié de la mener à l’autel avant de rétablir le droit de cuissage aboli depuis plus de cent ans.

Nous verrons cela. Votre père goutte-t-il encore l’hospitalité d’une taverne ? Je ne le vois pas.

Des affaires pressantes le retiennent aux Îles septentrionales, il arrivera à Dariane dans quelques jours.

Alphan tritura les boucles brunes qui couvraient sa nuque dans un grognement de dépit, sa promise faisait preuve d’une audace peu commune à pavoiser ainsi devant le roi du Tanys ; surtout, elle montrait à son égard un insoutenable dédain. Il se promit de lui enseigner la soumission avec un malin plaisir.

Alors nous patienterons, soupira Zenios, enchanté de profiter d’une présence qui le changerait des courtisans obséquieux. Jouissez des distractions de Dariane puisque vous le pouvez encore, certaines ne manqueront pas de vous séduire.

Il signifia la fin de l’entrevue d’un geste de la main sans attendre de réponse. Lena fit demi-tour, les guerrières de sa garde s’interposèrent naturellement entre leur protégée et le prétendant rouge de honte. Le reste de la cour enivré de rumeurs murmurées suivit à bonne distance par souci de discrétion ; personne ne souhaitait contrarier l’aiglon de la maison Lorin.

Soulagé d’être débarrassé des jérémiades de la cour, Zenios laissa errer un regard las sur les tentures qui narraient l’histoire de sa terre, autrefois une seule couronne. Ces instants de solitude, à imaginer la vie avant le grand chaos, servaient parfois sa réflexion quand le poids des affaires du royaume se faisait sentir. Il remplit une coupe d’un âpre, mais revigorant vin de Frémont.

À l’aube des temps nouveaux, le roi Alchias soutenu par les dieux veillait au bonheur de son peuple. Vieillissant, il divisa son domaine en trois contrées qu’il confia à ses fils. Le Tanys à l’est fut donné à l’aîné en charge de la protection du royaume. Le cadet reçut le Malvoy au centre, où une terre grasse permettait de nourrir tous ses sujets. Le dernier hérita de l’Angry à l’ouest, riche en minerais précieux.

Malheureusement, la sagesse du père s’éteignit avec lui ; les frères devinrent ennemis jurés. Une guerre interminable dont nul ne revendiqua la victoire sema la désolation dans les trois couronnes. Les rois se succédèrent, le conflit perdura. Rebutés par tant de violence, les dieux abandonnèrent les hommes. Une trêve fragile fut établie après des siècles de combats fratricides, mais le mal était fait, la défiance régnait.

Depuis, chacun surveillait son voisin, l’affrontement n’était jamais loin. Chaque cité levait une armée pour la mettre au service d’un seigneur, qui bien souvent en servait un autre selon le principe d’allégeance au plus fort. Les trois rois s’entendaient par défaut, prêts à ranimer les cendres encore chaudes de la discorde. Le Tanys avait l’avantage du nombre, l’Angry celui de la férocité, la rudesse à l’effort symbolisait le Malvoy.

L’union des maisons Tarel et Lorin avait été décidée au mépris du consentement de Lena ; les femmes servaient de monnaie d’échange diplomatique, ainsi allait le monde voulu par les descendants d’Alchias. En cela au moins, tous les hommes partageaient le même entendement. L’origine de l’accord importait peu, les trois rois y trouvaient leur compte, alors l’union se ferait. Et si les Îles septentrionales devaient changer de main à la faveur d’une naissance, le nouveau maître resterait un vassal.

Le soutien du souverain de Malvoy à son fidèle banneret laissait à désirer depuis quelque temps. Veuf sans enfant mâle, Toris Tarel avait fait de Lena son héritière, une aberration aux yeux des doctrinaires. Qu’une femme soit initiée à la science des armes dérangeait fortement, qu’elle délaisse les hommes pour se complaire à la couche de ses congénères méritait châtiment. Mais qu’elle accède au trône, même d’une insignifiante seigneurie des trois couronnes, ne pouvait être toléré.

Le Lorin a la réputation d’amant violent saurait mater la rebelle, ne serait-ce que par la consommation de cette union. Les hommes de science l’affirmaient, une fois mère, elle aurait d’autres préoccupations plus naturelles à sa condition, le problème ne serait plus. Le roi Zenios avait promis à la jouvencelle de ne pas la marier avant ses 18 ans, le moment était venu de contenter ses pairs.

C’en est presque dommage, grommela-t-il à mi-voix, furieux de ressentir pour la jeune femme une certaine considération.

Dariane, du moins sa noblesse et la caste des marchands qui voyaient là une nouvelle occasion de faire fructifier ses affaires, savourait les premières festivités. Banquets en l’honneur des fiancés, tournois, bals, feux de joie, la capitale du Tanys servait d’écrin à toutes sortes de réjouissances. Il devait en être ainsi huit jours durant, jusqu’à la grande cérémonie d’union au balcon du palais. Les prêtres en appelleraient encore aux dieux, peut-être ces derniers daigneraient-ils répondre cette fois.

Dans la froidure, le souffle des chevaux surexcités ressemblait à la fumée sortant des naseaux des dragons, du moins selon l’imaginaire populaire. Les chevaliers en armure rutilante distants d’une centaine de pas, la grande épée à la main, piquèrent leur monture du talon. La rumeur du public ne suffit pas à couvrir le grondement de la chevauchée. Le choc violent face à la loge d’honneur désarçonna les deux cavaliers.

Quel beau spectacle ! s’extasia Alphan, une main sur la cuisse de sa promise.

Nous n’avons pas la même conception de la beauté, grimaça la jeune femme irritée par la caresse imposée, la paix sert davantage les royaumes.

Elle se dégagea sans douceur au risque de provoquer la susceptibilité de son fiancé. Ce dernier cracha son venin.

Tu ne te montreras plus dans une taverne, désormais, ce n’est pas la place de mon épouse, surtout dans un quartier mal famé.

Aurais-tu l’intention de m’enchaîner avant notre union ? tempêta Lena, décidée à calmer les ardeurs d’Alphan. Pauvre ne signifie pas mauvais, juste malchanceux de par la naissance. Peut-être devrais-tu t’intéresser au combat.

Sur la piste de sable en contrebas, un chevalier vacillait sous les assauts répétés de son adversaire, le duel menaçait de tourner court.

Allons, se radoucit le Lorin, peu enclin à une querelle en public, ne gâchons pas nos retrouvailles. Quant à ce divertissement, je lui préfère un autre genre de corps-à-corps que j’aurais plaisir à t’enseigner.

Dans lequel tu es passé maître aux dires de certaines, ironisa la jeune femme. Toutes les jouvencelles du Lorin passent dans ta couche, ton hypocrisie m’insupporte. L’avenir des trois couronnes ne dépend pas de la fente entre mes cuisses.

Voici une allusion blessante, mon aimée. Si je me laisse aller parfois à quelques passades, c’est uniquement par dépit.

Lena se concentra un instant sur le combat. Le chevalier en mauvaise posture avait ployé les genoux, la grande épée trop lourde gisait à quelques pas. L’autre, confiant, se positionna afin de mimer la décapitation. Le premier roula sur lui-même, provoquant la chute de son adversaire désorienté, qui se retrouva avec la lame d’un long poignard en travers de la gorge.

Combler cet orifice ne fera jamais de toi mon maître, signifia la damoiselle, la main levée, en guise d’applaudissement, seulement un amant par devoir. Les jeux de l’amour sont semblables à ceux de l’arène, qui peut savoir avec certitude si la soumission n’est pas une ruse destinée à tromper l’ennemi.

Alphan blêmit, son père ne lui pardonnerait jamais de jouer l’avenir de leur maison sur un coup de sang. Il tendit une main nerveuse vers le serviteur attentif, ce dernier remplit la coupe de bière.

Une nuit claire remplaçait le jour, la neige tombée en abondance le matin tapissait les rues de blanc au-delà des contours du château nettoyés par une armée de serviteurs zélés. Lena se laissa guider par la fidèle Hermione dans le quartier des orfèvres où les dames de la cour dépensaient des fortunes en bijoux. Alléguant la fatigue consécutive à deux jours de mer par gros temps, elle avait échappé à un dîner arrangé en son honneur. La compagnie féminine lui seyait davantage que celle du Lorin.

La relation charnelle entre femmes restait punie de mort pour le peuple, la noblesse se montrait plus conciliante à l’abri des regards. La complicité entre une servante et sa maîtresse se changeait parfois en tendre sentiment ; certains époux toléraient la situation, soulagés de ne pas savoir un autre homme honorer leur couche. Quelques gentes dames possédaient aussi une maison à l’écart où elles recevaient leurs amantes en toute quiétude.

Discrètement courtisée dans l’après-midi par la fille cadette d’un seigneur en mission pour le roi Zenios loin de Dariane, Lena attendait l’instant de revoir la jolie blonde avec impatience. La lourde porte s’ouvrit sur une servante délurée vêtue d’une courte tunique, le coton dévoilait la naissance du sillon glabre de son intimité au moindre mouvement, la soirée s’annonçait sous les meilleurs auspices. Hermione retint la donneuse d’ordres sur le point de franchir le seuil.

Je préfère retourner au château, le jeune Lorin souhaitera peut-être obtenir de toi quelques faveurs. Je préfère le tenir à l’il.

Prends Cybèle avec toi, on ne sait jamais. Attendez-nous à la porte sud juste avant l’aube, les sentinelles seront moins promptes à faire du zèle après une nuit de veille.

Les guerrières avalées par la froide noirceur de la nuit, Lena prit plaisir à suivre les fesses rondes de la jeune femme d’un pas léger à travers un dédale de couloirs jusqu’à la salle à manger chichement meublée de dorures et de bois précieux. Les quatre gardes de l’escorte cantonnées dans une antichambre attenante restaient à portée de voix, avec des servantes attentives à leur bien-être.

Lysabelle, en hôtesse prévenante, accueillit son invitée d’un modeste baiser sur la joue avant de la mener à un des deux divans séparés par une table basse chargée de victuailles. Lena apprécia les rondeurs remarquables sous la tunique de soie transparente d’un blanc vaporeux, bien différente de la robe de velours dans laquelle la jeune beauté lui était apparue ; la douceur de la salle à manger entretenue par des braseros permettait ce genre d’audace.

Soyez la bienvenue, gente dame. De la bière, du vin ? Ou peut-être quelque chose de plus fort. Vous devez avoir chaud, minauda Lysabelle.

Elle prit soin de dégrafer chaque bouton de la veste de cuir de son invitée avec une lenteur exagérée, la vision de la poitrine orgueilleuse dont les tétons saillaient sous une tunique de laine la fit saliver.

Le vin me rend amoureuse. Et appelle-moi Lena cette nuit, le cérémonial des titres a le don de m’exaspérer.

La présence de servantes dans la salle à manger surprit moins la fille Tarel que leur nudité ; cérémonial dû à sa présence ou révélatrice d’une passion débordante, Lysabelle avait le don de mettre ses désirs en scène.

Voici Essa et Anisia, mes fleurs de Laristanis.

La première nommée se coula contre l’invité sur son divan, la seconde resta attachée à sa maîtresse. La réputation d’amantes insatiables des filles de la grande cité au sud du Tanys n’était peut-être pas usurpée.

Lysabelle frappa dans ses mains ; des danseuses à peine voilées répondirent avec une sensualité peu commune au son d’une harpe caressée par une jeune fille dont la tunique nouée sur l’épaule droite dévoilait le sein gauche. Les servantes remplirent aussitôt les coupes de lantinum, le rouge rubis liquoreux avait le don de faire tourner les têtes sans les abrutir.

Buvons à la beauté, psalmodia l’hôtesse d’une voix mélodieuse. Nous sommes à ton service, réunies pour ton seul plaisir.

Anisia présenta un morceau de faisan à sa maîtresse, cette dernière fit grossir le téton à portée d’une savante caresse buccale puis, satisfaite, s’intéressa à la viande. Devant l’offre similaire d’Essa, Lena arrondit la bouche autour de la petite aréole claire dont la pointe s’allongea entre ses lèvres.

Le velouté de sa peau vaut bien une viande, gloussa Lysabelle satisfaite, et attend de goûter le reste.

La fille des îles septentrionales soupira, souhaitant ne pas se réveiller. Les différentes attentions la plongeaient dans un monde extraordinaire ; toutefois, la magie perdura.

Je commence à avoir sacrément faim, rit Lena, la gorge sèche.

Les danseuses abandonnèrent leurs voiles vaporeux, l’une d’elles délivra la harpiste de sa tunique devenue gênante. La joue sur la crosse, le corps de l’instrument contre son épaule, les paupières closes sur un sourire lumineux, elle accompagnait de pincements de corde les caresses éthérées des hétaïres sur les trônes de sa féminité. Les petits seins pointus dansaient sur un souffle de plus en plus haletant. Les caresses se firent précises, moins désordonnées, des bouches se joignirent aux mains.

Quel tempérament ! s’étonna Lena dont les cuisses se serrèrent l’une contre l’autre, elle va déjà se laisser aller à l’extase.

Peut-être, glissa Essa à son oreille, peut-être pas. Peu importe, le plaisir se prend sur le chemin à parcourir autant que dans la destination. Observe son visage, ses joues pâles, ses narines pincées, ses lèvres tremblantes. Tu sais ce qu’elle éprouve pour l’avoir toi-même ressenti, tu connais la profondeur de son tourment, combien la délivrance sera une bénédiction. Seule une femme peut comprendre cela.

Lena ne s’offusqua nullement du tutoiement, un privilège accordé aux servantes dans certaines circonstances ; s’en défendre lui aurait paru méprisable ce soir. Négligeant les danseuses occupées à donner du plaisir à la harpiste, elle sourit à la jolie Laristanienne.

Admire la volupté, susurra cette dernière d’un souffle tiède dans le cou de l’invitée, elle ne peut plus rejeter l’impérieuse montée du plaisir, même si retarder l’inéluctable lui permet de savourer encore l’instant présent. Peu importe, l’extase n’est pas une fin en soi, seulement l’aboutissement de la première étape menant à la plénitude. La nuit sera longue aux amantes.

Les doigts suspendus près des cordes, la harpiste expulsa de sa poitrine oppressée un petit soupir silencieux. Une perle de sueur née dans le cou glissa entre les seins et sur le ventre jusqu’à se perdre dans le nombril. Lena ignorait du plaisir de la jeune fille ou de la voix suave à son oreille, ce qui la maintenait dans un état second.

Sur un geste de Lysabelle, les servantes dévêtirent leur invitée non sans s’octroyer la faveur de quelques caresses. Lena, désormais insensible aux danseuses entremêlées dans une étreinte orgiaque, s’abandonna aux quatre mains expertes dans l’art d’entretenir son désir, de le magnifier.

Viens près de moi, lança-t-elle d’un regard suppliant à la jolie blonde alanguie sur le divan.

Celle-ci s’exécuta sans se presser, attentive à ne rien montrer de l’impatience qui la tenaillait pourtant. Elle s’allongea entre les cuisses ouvertes sur un fruit charnu comme on en trouvait au sud du royaume, là où le soleil brillait sans discontinuer. Lena frémit de sentir le souffle brûlant sur sa plaie tandis qu’une servante entreprenait ses seins avec une voracité peu commune.

Hummm… ne put-elle s’empêcher de gémir.

Lysabelle effleura de ses lèvres tremblantes la conque offerte. Une goutte de liqueur fleurit sa bouche qu’Anisia s’empressa de recueillir.

Sa saveur est délicate, tu vas l’aimer. Baise son antre maintenant, le supplice n’a que trop duré.

Obéissante, encouragée par la voix suave, la jeune femme posa les lèvres en corolle sur la fleur délicate, sa langue s’invita dans la fente au parfum capiteux. L’abondance de la sève la surprit, témoin de l’impatience de sa nouvelle amante. Elle savoura la douce amertume, certaine désormais de la reconnaître.

Entends comme notre amie se libère, souffla Anisia, attentive au rituel amoureux, tes caresses l’ensorcellent.

Elle écarta doucement les replis intimes de leur victime afin de la livrer entière à la convoitise de sa protégée.

Passe ta langue ici… c’est bien. Maintenant, lèche… oui. Regarde comme sa fleur brille de désir… régale-toi de son miel.

Lysabelle, confondue, porta une main fébrile entre ses cuisses. Initiée depuis peu au plaisir par les servantes de Laristanis, elle se délectait d’une conque inconnue pour la première fois.

Vas-y, l’encouragea Anisia après avoir surpris le geste discret. Notre invitée s’offre à toi, prends-la.

Lena éructa en guise d’acquiescement, l’inexpérience de son amante, compensée par son appétence, ajoutait à la montée du plaisir. Lysabelle glissa un doigt dans la moiteur avec prudence.

Laisse ta langue dans le calice, susurra la préceptrice, savoure sa liqueur pendant que tu la baises.

Dans l’inconscience de l’ivresse, Lena se tendit. La bouche d’Essa se fit plus vorace sur les seins livrés à sa concupiscence. Le bassin pris de contractions involontaires se jeta en avant pour mieux happer les phalanges inquisitrices. Son amante, sidérée par la gourmandise particulière de sa victime, lui offrit un second doigt en pâture.

Anisia les laissa jouer un instant, émue par la sincérité de leur affection, puis dénicha le bouton de sa gangue de peau. Désireuse de goûter aussi la saveur particulière, elle le caressa de la pointe de la langue. Le corps pris de soubresauts s’arqua au-dessus de la couche, un violent coup de reins sonna l’hallali.

Han ! fit entendre Lena, abasourdie.

La bouche ouverte sur un air qui lui faisait défaut, elle suffoqua de plaisir jusqu’aux larmes. Ses amantes savourèrent ensemble sa jouissance, heureuses du présent qui leur était offert.

Le souffle court, Hermione entra dans la salle à manger sans avoir pris la peine de se faire annoncer. Lena se releva d’entre les cuisses tremblantes, elle essuya d’un revers de main ses lèvres moirées du plaisir de la jolie blonde.

Holà, mon amie ! Te voici bien pressée.

L’épée au fourreau de l’intruse rassura à peine la fille Tarel, sa complice était incapable de troubler un moment aussi intime pour une bagatelle.

J’ai surpris une discussion entre Alphan et son père dans leurs appartements, l’abus de bière pousse les hommes à hausser le ton.

La jeune femme se leva prestement de la banquette, attentive aux révélations à venir. Lysabelle, désappointée, admira les seins de son amante semblables à deux grosses gouttes d’eau estampillées d’une belle aréole brune, le ventre musculeux creusé en son centre d’un profond cratère, le triangle sombre de poils courts, un duvet protégeait la fente close qu’aucun homme n’avait visitée.

Curieux, la rumeur, dit le vieux Lorin, détaché des plaisirs depuis la disparition de son épouse bien-aimée. L’idée de mettre la main sur les Îles septentrionales lui donne peut-être un nouvel appétit.

Possible, coupa Hermione en tendant à sa protégée les vêtements ramassés au sol. Quoi qu’il en soit, père et fils sont tombés dans le même tonneau ce soir, au point de se laisser aller à des confidences.

Lena saurait en temps utile la manière dont sa complice avait obtenu l’information, l’important était ailleurs.

Je ne t’interromps plus, promit-elle.

Alphan a reçu l’ordre de son père de se conduire dignement avec toi les premiers temps de votre union, quitte à tolérer « ta dépravation » selon ses propres mots, ce que le fils a accepté non sans avoir bataillé. Au printemps, pas avant, afin de ne surtout pas éveiller les soupçons, ton père sera assassiné.

Horrifiée, Lena serra les dents dans l’attente d’autres révélations.

Une fois maître des Îles septentrionales, Alphan aura le loisir de t’écarter si l’envie le prend de changer d’épouse, mais son père lui conseille d’abord de te faire un enfant et de laisser la grossesse arriver à son terme. Dans tous les cas, il ne te sera jamais donné de revoir la terre de ton enfance.

Recevoir la virilité d’un homme dans sa chair était difficilement supportable à Lena ; néanmoins, elle aurait accepté ce sacrifice dans l’intérêt de son peuple. Maintenant, le mariage arrangé avec le fils de la maison Lorin condamnait son père à brève échéance, elle aussi peu de temps après.

Tu dois prévenir le roi Zenios, bafouilla Lysabelle, horrifiée.

Lena flatta la joue chaude de la jeune femme.

Pour lui dire quoi, ma douce amante ? Ce serait parole contre parole, celle d’une femme n’a que peu de valeur, la mienne encore moins. On m’accuserait de vouloir me soustraire au mariage.

Avec un peu de chance, le vaisseau Tarel pourrait appareiller de suite. La disparition de Lena ne serait pas signalée avant le lendemain, Alphan devrait attendre la prochaine marée pour se lancer à sa poursuite. Or, aucun navire des trois couronnes ne surpassait en rapidité ceux de la flotte septentrionale.

On doit rejoindre le port en toute discrétion, pourrais-tu nous fournir en vivres pour deux ou trois jours de mer ? demanda Lena d’une voix posée.

Lysabelle ouvrit de grands yeux admiratifs ; le caractère de cette femme ressemblait à la pierre de taille dont on bâtissait les forteresses, solide, débarrassée de toute impureté. La seule idée de ne plus la revoir déchira son cur.

Bien entendu, somma-t-elle la tête haute, tout ce qui est à moi t’appartient. Mais la manuvre ne passera pas inaperçue.

Lena soupira.

C’est un risque à courir.

Une pleine coupe de vin donna à Lysabelle le courage de se montrer à la hauteur de ses aspirations.

Le navire de mon père est ancré dans une crique à une lieue du port, personne ne le remarquera. Prends-le, ça te fera gagner plusieurs jours si le vaisseau de ta flotte reste au mouillage. On te croira encore à Dariane.

Les sourcils froncés malgré la confiance, Lena dévisagea la jolie blonde de son âge, une fille de tempérament, honnête, fière, l’esprit vif. Elle s’y serait sans doute attachée en d’autres circonstances.

Je te remercie. Tu veux quoi en échange ?

Emmène-moi avec toi, lança avec conviction la jeune femme, les joues roses d’une telle audace. Mon père doit me marier de force à son retour, plutôt mourir. J’apprendrai à manier l’épée pour me battre à tes côtés.

L’impudence laissa Hermione pantoise. Dans le fief de la maison Tarel, elle aurait donné sa chance à la jeunette.

Je présume que vous voulez aussi être du voyage, s’esclaffa Lena à l’intention des servantes originaires de Laristanis. Qu’attendez-vous ! Allez chercher vos affaires.

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