THOMAS

— C’est bon, je m’occupe des sacs. Sarah est partie chercher nos clés, va mettre la voiture à recharger, on se rejoint dans le hall.

Matthieu acquiesce en silence et se dirige à l’autre bout du parking. Je me débats un instant avec nos sacs et trottine difficilement jusque dans le hall de l’hôtel. Sarah attend devant le guichet d’accueil que la réceptionniste ait terminé sa conversation téléphonique. Je laisse tomber les sacs sur le sol et m’assoie sur le premier fauteuil que je trouve. Je suis vidé.

Cela fait un peu plus d’une heure que nous sommes sortis de l’Escape. Quand nos salles se sont rouvertes pour nous signifier que nous avions gagné, Sarah, Matthieu et moi nous étions retrouvés dans le sas où le Game Master nous attendait. Aucun de nous trois n’avait l’air complètement satisfait d’avoir gagné. Nous sommes restés particulièrement silencieux pendant que le GM nous félicitait et nous indiquer le chemin de la sortie. Après aussi, d’ailleurs. Le trajet en voiture jusqu’à l’hôtel avait quelque chose d’étouffant. Nous n’avons échangé que quelques mots. Pas un seul sur ce que nous venions de faire. Je crois que Matthieu et Sarah ont été beaucoup plus secoués que ceux à quoi ils s’attendaient.

Je ne peux pas leur en vouloir, je suis dans le même état. Je ne sais pas ce que je dois penser de ce qu’il s’est passé dans cette salle. Quand je ferme les yeux, je me revois me jeter sur cette inconnue pour lui donner ce qu’elle m’avait demandé. La sorte de transe dans laquelle j’étais rentré, agenouillé ainsi face à elle, m’affairant consciencieusement sur son entrejambe.

Je crois que j’ai besoin d’un peu de temps pour digérer les informations et savoir quoi en faire. Quoi qu’on en dise, quoi qu’on en pense, cet Escape était loin d’être aussi banal que tous ceux que j’ai pu faire. Et ses répercussions vont bien plus loin que celles d’un simple jeu.

— Tout est OK ! Me lance Sarah en me rejoignant tandis que Matt’ entre à son tour dans le hall. On a une chambre capsule, mais je ne sais pas trop ce que ça veut dire. Je sais juste que c’est la seule chose à laquelle on a droit pour le prix qu’on a mis.

Matthieu hausse les épaules et attrape son sac pendant que je prends celui de Sarah en même temps que le mien. Après un rapide coup d’il sur un écriteau, elle nous entraîne dans une succession de couloirs et d’ascenseurs jusqu’à la porte numéro 713. Elle approche sa montre de la poignée qui se déverrouille en cliquetant et nous entrons dans une pièce un peu sombre, complètement circulaire.

L’espace se divise en trois sous-espaces rigoureusement identiques ; composé d’un lit, d’une fenêtre carrée, d’une table de chevet et d’une petite armoire ; agencés autour d’un cylindre central renfermant la salle de bain.

— C’est pas un palace mais ce sera bien assez pour y passer la nuit ! Je m’exclame en m’accaparant le premier lit sur ma droite. Quelqu’un sait comment marchent les séparations ?

Pour toute réponse, Matt’ attrape une télécommande posée sur une table de chevet et pianote sur les boutons au hasard. Deux sortes de murs opaques et insonorisés finissent par se matérialiser dans la pièce, entre le cylindre central et le mur extérieur, réduisant d’un tiers la taille de la chambre et offrant à Matthieu une intimité similaire à une chambre individuelle.

— Plutôt cool, comme système ! Lâche-t-il en rouvrant les cloisons. On n’arrête pas le progrès… Et vu les boutons qu’il y a là-dessus, j’ai l’impression qu’on a chacun une télé, qui doit sortir de je ne sais trop où.

— Si ça ne vous dérange pas, je prends le premier tour pour la salle de bains ! S’exclame Sarah qui ne semble porter qu’un intérêt tout limité à notre conversation. J’aimerais bien faire une sieste avant que ce soit l’heure de dîner, je suis exténuée.

Elle se saisit de sa propre télécommande et ferme ses cloisons sans même un regard. Si je ne la connaissais pas encore suffisamment pour voir que l’expérience l’avait bien secoué, j’en ai désormais la preuve. Matt’ doit en arriver à la même conclusion que moi, parce qu’il regarde les cloisons opaques avec un regard mêlé d’incompréhension et de tristesse.

Je me laisse tomber sur mon lit, les bras en croix, pendant que ce dernier s’affaire à déballer les affaires de son sac. Une sieste ne semble pas une mauvaise idée…

**

Quand je rouvre les yeux, je sais instantanément que ma sieste a été beaucoup plus longue que prévu : le morceau de ciel que je vois par la fenêtre est couleur d’encre. Ma montre indique 2H31. J’ai dormi quasiment l’équivalent d’une nuit…

Je n’ai plus du tout sommeil et je me connais assez pour savoir que je ne me rendormirais pas, mais je reste un peu comme je suis, les yeux fermés, les bras en croix.

Je me sens… bizarre, comme scindé en deux. Une partie de moi préférant que le Réveil d’Eros ne soit rien d’autre qu’un rêve que j’aurais fait dans cette chambre d’hôtel, l’autre clairement émoustillée par le souvenir de cette femme sublime qui m’a offert comme un cadeau son entrejambe délicieux.

Je crois que la première partie a honte de la deuxième. La facette la plus intime de moi-même ; celle qui regroupe mes désirs, mes besoins, ma sexualité de manière générale, s’est retrouvée exposée au grand jour, et je n’en ai pas l’habitude…

Je finis par rouvrir les yeux en levant la tête. Les cloisons de la capsule de Sarah sont closes. Je ne peux pas m’empêcher d’essayer de m’imaginer ce qui a pu se passer pour elle dans sa salle. Je suis presque certain que cela n’a pas été simple pour elle, mais ma deuxième partie est curieuse de savoir si elle aussi a dû s’adonner à un acte purement sexuel, et si oui, comment elle l’a vécu.

J’imagine que nous finirons bien par en parler… Une nouvelle salle nous attend dès demain après-midi, et commune cette fois. Il va bien falloir qu’on se débarrasse de nos dernières barrières d’ici là.

Je tourne la tête vers la capsule de Matt’. Elle est restée ouverte, celle-ci. Mieux, je perçois des mouvements dans la pénombre. Apparemment, je ne suis pas le seul à ne plus trouver le sommeil… Je me tourne sur le côté sans faire trop de bruit, je n’ai pas très envie qu’il sache que je suis réveillé. Il va très certainement vouloir parler de nos expériences, et si je n’arrive moi-même pas à savoir ce que je dois en penser, je ne vois pas trop comment je pourrais en parler.

Presque malgré moi, mes yeux restent ouverts et fixent le lit de Matt’. Quelque chose m’interpelle, sans que je puisse dire quoi.

Peu à peu, ma vue s’habitue à l’obscurité et devient plus nette. C’est alors que je comprends ce qu’il se passe. Il est en train de se masturber !

***

MATTHIEU

Ma main remplace les lèvres de mon prisonnier hétéro. Le doigt qui caresse mon gland gonflé remplace sa langue qui goûte un chibre pour la première fois. Les deux doigts qui s’enfoncent avec force et conviction dans mon anus humide remplacent sa queue si monstrueuse qu’elle m’arracherait des cris de délicieuse douleur…

L’envie a été plus forte que moi. Les quelques minutes durant lesquels j’ai réussi à fermer l’il ont été hantées par les images de ce minet tout maigre – pourtant loin du physique type de mon mec idéal – et de la bosse de son boxer. Même une fois réveillé, je ne pouvais pas m’empêcher de le voir se tripoter à travers le tissu ; de l’imaginer faire pivoter son siège de bureau pour enfin libérer la bête et me jeter un de ces regards qui ne souffrent aucun doute sur ces intentions.

Je bandais tellement fort et depuis tellement longtemps que ça en devenait presque douloureux, je ne pouvais pas rester comme ça.

Mais malgré toute la vigueur et la fougue avec laquelle je m’affaire à me faire du bien depuis dix bonnes minutes maintenant, je ne sens toujours pas arriver la délivrance de l’éjaculation. Comme si la frustration ressentie dans cette salle m’avait poursuivi jusqu’ici et maintenant, occultant une partie de mon plaisir et m’empêchant d’atteindre le nirvana.

Je tente d’insérer un troisième doigt dans mon trou désespérément insatisfait quand j’entends quelque chose remuer dans la pièce. Je tourne la tête.

Quel con ! Je nai même pas pris la peine de fermer mes cloisons !

J’attrape la couverture par un coin pour me couvrir et reste immobile. Thomas se lève de son lit pour aller dans la salle de bain.

Est-ce qu’il a vu quelque chose ?

Même si l’idée en elle-même ne me dérange pas – je ne suis pas pudique du tout et absolument tous les mecs de la terre se branlent donc il sait bien ce que c’est – j’espère ne pas l’avoir rendu témoin d’une scène qui le mettrait mal à l’aise.

Quand il ressort de la salle de bain, je décide d’en avoir le cur net.

— Bien dormi, la marmotte ?

Il se retourne vers moi. J’allume ma lampe de chevet pour qu’on puisse se voir.

— M’en parle pas… Je voulais juste me reposer un peu, j’ai fini par faire ma nuit.

— J’ai failli te réveiller pour manger un truc mais t’avais l’air tellement loin dans tes rêves que j’ai pas eu le cur de t’en sortir. J’ai ramené des gâteaux, si t’as faim.

Il attrape le paquet que je lui lance et s’assied sur le bord de son lit. S’il m’a vu me masturber, il n’a pas l’air de m’en tenir rigueur…

— T’es sûr que c’est une bonne idée, ce qu’on fait ? Lâche-t-il après avoir englouti au moins quatre biscuits.

— De ?

— Le road-trip. Les escapes, et tout ça. Tu crois que c’est une bonne idée ?

Je me redresse sur mon lit en prenant soin de garder ma nudité cachée sous la couverture.

— Pourquoi tu dis ça ? Ca s’est mal passé, dans ta salle ?

— Non ! Non, je crois pas… Non, ça c’est pas mal passé.

— Qu’est-ce qui te fait dire que c’était pas une bonne idée, alors ?

— Je sais pas. C’était… spécial.

Je le sens vraiment déboussolé, et ça m’inquiète. Il est hors de question qu’on n’aille pas au bout de ce road-trip, et même si je savais que je devrais remotiver les troupes de temps en temps, je ne pensais pas que ce serait Thomas qui le remettrait en doute le premier.

— C’était surtout nouveau, non ? La première fois qu’on fait quelque chose, c’est jamais franchement l’éclate… Tu te souviens du premier escape que t’as fait ? Et de ta première expérience sexuelle ?

— Ouais je m’en souviens… C’est vrai que j’en garde pas un super souvenir, ni pour l’un ni pour l’autre.

— Tu vois ! C’est sûr que c’est particulier comme concept, mais eh ! Si y en a autant dans tout le pays, c’est que ça marche bien. Imagine-toi dans deux mois, quand tu repenseras à ce truc de dingue que tu as fait cet été… Tu seras pas heureux de l’avoir fait ?

Il ne répond pas tout de suite, il semble peser le pour et le contre. Il en profite pour grignoter encore quelques gâteaux.

— Si… Si, j’imagine que si. C’est sûr que c’est pas tous les jours qu’une belle inconnue complètement nue te regarde dans les yeux et te demande de lui ’’bouffer la chatte’’…

— Hein !? Sérieux, t’as eu droit à ça, toi ? Ca devait être énorme !

Pour le coup, je suis clairement jaloux. Lui a eu droit à un fantasme sur patte qui lui réclame du sexe… Exactement ce que j’attendais de ma salle, en somme.

— Ouais, c’était terrible, continue Thomas, les yeux dans le vague comme s’il revivait la scène. Même si j’étais pas très à l’aise… Du sexe pour du sexe, comme ça, sans autre raison que le plaisir…

— C’est un truc qui est normalement réservé à tes parties de branlette en solo et tu n’as pas l’habitude de le vivre au grand jour, comme ça… Je complète en pensant comprendre ce qu’il ressent.

— Ouais. Je crois que c’est ça.

— Je pense que ça fait partie intégrante du concept… Après tout, un escape game n’est rien d’autre qu’un scénario qui te met dans des situations que tu ne peux pas vivre dans ta vie de tous les jours ! Désamorcer une bombe, t’échapper d’une prison… Là c’est la même chose, sauf que les situations en question sont pornos quoi…

Il hoche la tête et me relance le paquet de biscuits à moitié-vide. Son expression me rassure, il a l’air beaucoup plus à l’aise.

— Et toi alors, c’était comment ? Continue-t-il, apparemment bien décidé à rester sur le sujet. J’suis sûr que t’as adoré.

— Tu dis ça parce que tu m’as grillé en train de me taper une queue ?

Je n’aurais peut-être pas dû être aussi frontal, mais c’est sorti tout seul. J’ai l’impression qu’il rougit et il se met à rire, un peu gêné. Il m’a bel et bien grillé…

— Désolé pour ça, je m’excuse, sincère. J’aurais dû fermer mes cloisons, j’y ai pas pensé sur le coup.

— T’inquiète… c’est rien.

— Et si tu veux tout savoir, je reprends pour passer rapidement à autre chose, c’était une expérience incroyable, mais pas du tout dans le sens où je m’y attendais.

Il me lance un regard surpris et je lui raconte dans les grandes lignes ce qu’il s’est passé dans ma salle.

— La vache ! C’est comme si tu n’avais rien mangé depuis des jours et qu’on agitait un gros steak devant toi sans que tu puisses y toucher, quoi !

Je ris de la comparaison, je n’aurais pas trouvé mieux. Sa réaction me fait dire qu’il me connaît plus que ce que je ne pensais, aussi. Je pense que même s’il est loin d’avoir compris que le sexe était une addiction, il s’est bien rendu compte au fil des années que c’était quelque chose que j’adorais et qui prenait pas mal de place dans ma vie. Je me sens tout à coup encore plus proche de lui que je ne l’étais.

D’ailleurs je me sens tellement proche et confiant qu’une idée me vient en tête. Une idée qui, avec un peu de chance, réglerait deux problèmes à la fois.

— Alors du coup, prêt à attaquer le deuxième, demain ? Je demande en réfléchissant à la meilleure façon de l’amener là où je le veux.

— Ouais, je crois que ouais. Sarah, par contre, je sais pas comment ça se passe pour elle…

Merde, la conversation ne va pas dans le bon sens. Je dois revenir tout de suite dans le bon chemin.

— On a toute une matinée demain pour discuter avec elle. On essaiera de savoir comment elle le vit, et on l’aidera si y a besoin…

Je laisse passer quelques secondes avant de reprendre :

— Se retrouver tous les trois à poil et nous voir forniquer les uns les autres, tu le sens comment ?

Je le vois déglutir.

— Ca, ça risque de faire bizarre. J’arrive pas à me l’imaginer, en fait… On s’est jamais vu à poil tout court, alors en train de baiser, t’imagines ?

— Nous voir baiser c’est clair que ça va être un sacré cap à passer. Pour ce qui est de se voir à poil, on peut arranger ça tout de suite…

Je guette sa réaction. Il ne s’attendait visiblement pas à ça.

— Quoi, tu veux qu’on se foute à poil, là, comme ça ?

— Perso je le suis déjà, sous la couette ! Et puis eh ! Tu viens de me voir me branler, quand même !

— Ouais enfin je t’ai vu gigoter dans tous les sens et j’ai compris que tu te masturbais, je ne t’ai pas vu à proprement parler.

— C’est toi qui vois, mon pote, moi je veux juste qu’on soit le plus à l’aise possible demain, quand ça devra arriver. Je t’oblige à rien.

Il hésite encore un peu. Puis il finit par hocher la tête. Je saisis l’occasion pour retirer d’un geste ma couverture. Ma main passe machinalement sur ma verge qui ne bande plus mais qui n’est pas totalement revenue à son état de repos absolu.

— T’as déjà vu des mecs à poil de toute façon, non ?

— Ouais, à la salle de sport et tout ça. Mais pas comme ça, en face-à-face. Et puis t’es mon meilleur pote, ça fait bizarre.

Je vois son regard glisser entre mes jambes et remonter aussitôt de peur que je ne m’en rende compte.

— C’est justement parce que t’es mon meilleur pote que j’ai pas de problème à me montrer. On se connaît depuis tellement longtemps… Ca fait un sacré bout de temps qu’on a passé le cap des jugements et tout ça.

Il hoche une nouvelle fois la tête et se lève de son lit pour se débarrasser de son pull et de son jean. Ses gestes sont fébriles. Il est clairement tendu, et je peux le comprendre : ce nest pas une chose vraiment naturelle de se déshabiller comme ça devant quelqu’un, surtout pour lui. Mais faire ça à deux dans une chambre d’hôtel sera toujours moins compliqué que dans une salle d’Escape.

Il passe un doigt dans l’élastique de son boxer et je le vois hésiter.

— Attends, je n’avais pas pensé à un truc, dis-je en l’interrompant. C’est le fait que je sois gay qui te bloque ? Si c’est ça crois-moi je…

— Non ! Non non, pas du tout, t’inquiète. Je sais faire la part des choses…

— Tant mieux. Et si tu veux tout savoir, je tiens beaucoup trop à toi pour te baiser. Et c’est un compliment.

Il lâche un rire franc mais se met à jouer avec ses mains.

— Je me répète, si tu veux pas, y a pas de galère. Je…

Je n’ai pas le temps de terminer ma phrase qu’il baisse ton boxer d’un coup sec et l’envoie sur le lit.

Il reste planté de longues secondes, droit comme la justice, nu comme un ver au milieu de la pièce, sans trop savoir quoi faire, j’imagine, et j’en profite pour le détailler un peu.

Le contraste de couleur est tellement saisissant entre la peau bronzée de ses jambes et celle d’un blanc laiteux de sa région pubienne qu’on a l’impression qu’il porte toujours un boxer. Quelques poils courent le long du haut de ses cuisses mais son sexe et ses testicules sont totalement imberbes. Sa bite a une taille plutôt standard, et il n’est pas circoncis. Ses couilles ne sont pas très pendantes mais sont de belles tailles.

J’avoue que c’est un peu particulier de le voir nu, là, comme ça, même pour moi qui suis habitué à la nudité et à toutes sortes de dépravations. Je décide de détendre l’atmosphère pour dédramatiser.

— Ah tu rases tout, toi ? Je te voyais plus du genre à laisser une barbe au cyclope…

Il baisse la tête vers son sexe en haussant les épaules.

— C’est Mélanie qui préférait comme ça… J’ai gardé l’habitude. Répond-il en se rasseyant sur le bord de son lit, cachant à moitié son intimité d’une main faussement désinvolte.

— Bon, bah ça c’est fait ! Je lance en m’asseyant moi aussi.

Je ne ressens ni sentiment amoureux envers Thomas ni le moindre désir de faire des choses avec lui, mais la situation réveille mon excitation en même temps que ma frustration. Je suis parvenu à le faire se déshabiller, maintenant je peux tenter la deuxième étape.

— C’est pas si terrible, si ?

Il hausse de nouveau les épaules.

— Non, j’en suis pas mort. J’imagine que ça sera de plus en plus facile avec l’habitude.

— Bon, maintenant surtout ne flippe pas, mais qu’est-ce que tu penses de profiter de la situation pour aller plus loin ?

Je le sens se recroqueviller sur lui-même. Sa main cache un peu plus son sexe et ses jambes se resserrent.

— Hein ? Qu’est-ce que tu veux qu’on…

— T’inquiète, je me répète j’essaierai jamais de faire quoi que ce soit avec toi. Je dis juste que comme on va finir par se voir en pleine action, on peut…

Je vois presque les rouages de son cerveau se mettre en marche pour comprendre où je veux en venir.

— Tu veux reprendre là où je t’ai interrompu, c’est ça ? Tu veux qu’on se branle ?

— Je vais être honnête, quoi qu’il arrive je me finirais avant demain matin. Soit tout seul dans mon lit avec les cloisons fermées, soit avec mon pote que je verrai fourrer une chatte dans les jours à venir quoiqu’il arrive. Encore une fois, c’est toi qui décides.

Je croise les doigts intérieurement pendant qu’il pèse une fois de plus le pour et le contre.

— OK mais on garde ça pour nous, d’accord ? Personne ne doit savoir, pas même Sarah.

— Ce qui se passe dans nos capsules reste dans nos capsules !

Il ne rajoute rien, comme s’il voulait en finir avant qu’il ne change d’avis. Il se laisse glisser jusqu’à son oreiller en laissant une de ses jambes pendre dans le vide. De mon côté je reste dans ma position, les pieds sur le sol, les jambes bien écartées, les fesses posées sur le bord du lit. Je m’abstiendrai de jouer avec ma rondelle, je pense que ce sera une image un peu trop violente pour lui.

— Par contre il va me falloir de la stimulation, dit-il en pianotant sur sa montre.

— Essaye de chercher : belle inconnue qui demande à ce qu’on lui bouffe la chatte, ça te rappellera des souvenirs.

Il hoche la tête en souriant tandis qu’il semble trouver son bonheur. Il passe sa montre en mode hologramme, projetant face à lui l’image d’un couple s’embrassant fougueusement sur un canapé. Puis son autre main descend sur son bas-ventre, comme s’il n’osait pas aller au vif du sujet. Pour l’encourager autant que par impatience, la mienne attrape sans ménagement mon chibre qui reprend déjà de la vigueur.

Je me laisse tomber sur le lit et fixe le plafond, retrouvant sans trop d’efforts les images de mon cher prisonnier. Je me retrouve en totale érection en moins de temps qu’il en faut pour le dire. Je forme un anneau avec le pouce et l’index de ma main droite pour faire de petits va-et-vient juste sous mon gland tandis que ma main gauche malaxe copieusement mes boules resserrées.

Après quelques minutes de ce doux supplice, je fais mine de vouloir changer de position pour me redresser et pouvoir observer Thomas. Il est trop concentré sur son porno pour y prêter attention. Lui aussi s’affaire avec vigueur sur sa tige raidie, que je trouve plutôt sympa ; pas follement longue mais assez épaisse, avec un gland volumineux qui n’est pas totalement sorti de sa gaine de chair.

Je souris intérieurement : J’ai réussi mon pari. Mon pote a réussi à faire abstraction de ma présence. Il est rentré dans ce que j’appelle le ’’Mode Sexe’’, cet état d’esprit durant lequel le sexe et le plaisir deviennent les seules choses qui comptent vraiment, occultant tout le reste.

Qui plus est, j’ai maintenant tout le loisir de tirer profit de cette situation. Je crache dans ma main et lubrifie ma queue sur toute sa longueur avant de reprendre les va-et-vient de plus belle. Je ne détourne plus le regard du lit voisin, mais ce n’est plus Thomas que je vois. Ce n’est plus le meilleur pote, le confident. Celui avec qui j’ai vécu mille choses et avec qui j’en vivrais mille autres.

Ce que je vois, c’est seulement cette bite dressée à quelques mètres de moi. C’est ce mâle dévoué tout entier à son plaisir personnel, l’esprit bousculé par des images toutes plus pornographiques les unes que les autres. Cet homme dans sa plus stricte intimité, seul avec lui-même, ses muscles se contractant sous les vagues de plaisir, sa respiration devenant de plus en plus saccadée.

Je ne sais pas trop combien de temps nous restons comme ça, chacun se laissant glisser toujours un peu plus dans l’euphorie de nos branlettes respectives, je perds un peu la notion du temps. Je le vois jeter de petits regards discrets dans ma direction de temps en temps et cela ne fait qu’ajouter un peu plus à mon plaisir.

Il n’y a plus que ça. Mon plaisir. Encore et toujours mon plaisir. Plus la moindre trace de frustration. Je retrouve ; d’une manière un peu détournée mais tout de même ; cette sexualité chargée de testostérone qui me met sens dessus dessous.

Je sens mon manche se contracter encore un peu plus. Il commence à être pris de soubresaut. Je vais lâcher la purée…

Je dirige mon gland vers moi pour éjaculer sur mon ventre quelques secondes seulement avant qu’un premier jet puissant vienne s’écraser juste sous mon téton. Je soupire d’extase pendant que le sperme continue de jaillir quand j’entends tout à coup un bruit feutré sur ma gauche et une lumière vive m’inonder le visage.

Je tourne la tête. Sarah est là, immobile, la bouche grande ouverte comme un poisson hors de l’eau. Son regard fait des allers-retours incessants entre mon lit et celui de Thomas, comme si son cerveau n’arrivait pas à comprendre ce que ses yeux voyaient.

A côté de moi, Thomas, tout aussi surpris, tente de se cacher en se retournant mais dans sa précipitation, il glisse de son lit et se retrouve face contre terre sur le sol.

Au bout d’une dizaine de secondes qui semblent une éternité, Sarah se retourne, se jette sur sa télécommande et écrase frénétiquement tous les boutons jusqu’à ce que ses cloisons se referment.

— Putain ! Merde, merde, merde !

Thomas se relève tant bien que mal, complètement perdu, et se lance à la recherche de son boxer. De mon côté je mets quelques instants à reprendre contact avec la réalité. Une éjaculation salvatrice et Sarah, debout devant moi sont deux choses que je n’arrive pas à faire cohabiter. C’est bien trop surréaliste et surtout bien trop inattendu. Je me lève direction la salle de bain pour essuyer le sperme sur mon torse. Moi qui adore le récupérer du bout des doigts pour les lécher ensuite, cette idée ne me traverse cette fois même pas l’esprit.

Quand je reviens dans la chambre, Thomas est déjà complètement rhabillé. Il fait les cent pas dans un état second.

— Putain, qu’est-ce qu’on a fait ? se lamente-t-il. Comment on va lui expliquer ça maintenant ?

Il semble attendre une réponse, mais je n’en ai aucune à lui fournir.

— Nom de Dieu, maintenant c’est sûr elle va…

Il n’a pas le temps de terminer sa phrase que le bruit feutré des cloisons qui s’ouvrent se fait de nouveau entendre. Sarah fait trois pas dans notre direction en regardant droit devant elle, les mains tremblantes.

Elle est complètement nue. Elle ne cache rien de son corps.

Elle prend une profonde inspiration avant d’ouvrir la bouche.

— Je ne veux plus jamais entendre qui que ce soit me dire que je suis coincée !

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