Je ny arrivais pas. Je me mettais à trembler, je narrivais plus à respirer.

Cest rien, chérie, on a tout le temps, cest pas grave. Je voudrais tellement que ça soit bien pour toi !

Je ne supportais ni ses yeux ni ses mains sur moi, sur ma peau nue. La nuit, dans le noir, elle soulevait ma chemise de nuit et posait sa main sur ma culotte. Mais dès quelle bougeait trop ou quelle voulait glisser ses doigts dessous, je me débattais, je la repoussais. Cétait plus fort que moi. Je lai même frappée une fois.

***

Coincée ? Un peu ? Euphémisme ! Un peu beaucoup. C’est bête, mais c’est comme ça depuis … depuis toujours.

Me déshabiller devant quelquun, même en restant en sous-vêtement je coince !

Déjà au lycée, les rares fois où jallais en EPS, je me mettais le matin en survêtement, pour ne pas avoir à me changer.

Alors me mettre nue ? Devant des inconnues ? Faut même pas y penser !

Même aller chez mon médecin, cest une torture qui me rend malade, vraiment malade, des jours à lavance. Ma gynéco ? Une fois ! Et jamais plus après cette fois-là !

Des petits amis ? Quelle blague ! Il aurait fallu … non. Pas de petit ami. Des flirts ? Quelques-uns … et puis … rien, la fuite.

Pourquoi je vous raconte ça ? Parce qu’à 20 ans, je venais d’être embauchée dans une grande compagnie dassurances, et que notre patron organisait un après-midi par mois des rencontres sportives entre les membres du personnel.

Quelle idée ! A ce quil paraît que ça renforce le dynamisme et la cohésion ! Une galère ! Badminton et volley-ball au programme

Je me retrouvais donc très embarrassée dans le vestiaire d’un gymnase en compagnie d’une dizaine de collègues en train de se changer !

Assise sur le long banc de bois sous les porte-manteaux fixés au mur, les yeux baissés sur le sac en plastique posé entre mes pieds où j’avais glissé mes chaussures de sport, un t-shirt et des leggings-corsaire, je me refusais à croiser les regards des autres filles.

Je baissais les yeux, je fouillais mon sac, je sortais lentement mes affaires, je faisais traîner, j’attendais qu’elles soient prêtes et qu’elles sortent du vestiaire.

Ne rien montrer de moi.

Ne rien voir ? Euh … si. Je regardais …

Le vestiaire sest vidé petit à petit, et nous nétions plus que deux, toujours en tenue de ville. La jeune-femme, petite trentaine, assise sur le banc en face de moi ma regardée en souriant et en claquant ses cuisses des deux mains avant de se lever. Elle riait :

— Bon ! Nous voilà tranquilles ! Je préférais attendre, trop de pipelettes parmi elles, elles peuvent pas sempêcher de causer à tort et à travers ! Tes nouvelle, non ? Je ne me souviens pas de tavoir croisée

— depuis le début du mois

Elle avait déjà enlevé son chemisier et sa jupe quand elle sest approchée de moi en me tendant la main :

— Aurélie, je travaille au second, à la compta.

Elle souriait et a froncé les sourcils en me voyant rougir :

— Et toi ?

— Au contentieux, moi cest Caroline …

Elle est retournée vers son banc en dégrafant son soutien-gorge et jai tourné le dos en la voyant glisser les mains sur ses fesses pour enlever son slip.

il était vert pâle, tout fin mousseux comment ne pas voir quand elle sétait approchée pour me serrer la main il il laissait tout voir de son ventre tout dessiné dessous en reliefs explicites très explicites comme si elle avait été nue pire que si elle avait été nue elle était jolie, bien faite toute bronzée et puis elle sest retournée et cétait pareil dans son dos une maille fine qui collait à ses formes son petit slip avait bougé et mordait à moitié sur une fesse elle aussi toute bronzée et il se creusait au milieu

Oui, mes premiers souvenirs delle sont remarquablement précis

Je me suis dépêchée de me changer. Jai enfilé mon t-shirt avant denlever mon pantalon et jai vite enfilé mon legging-corsaire.

Aurélie mettait ses chaussures quand je me suis retournée. Elle riait :

— Les filles sont pires que les mecs ! Cest pour ça que jai attendu. Comme jai bronzé intégral cet été, je te dis pas les réflexions que ça aurait fait ! Autant éviter. Tes discrète, jespère ?

— Oh oui ! Pas de problème.

Elle ma pris par le bras en sortant du vestiaire. Dans le couloir qui mène au gymnase, elle me bousculait de lépaule en riant et chuchotait à mon oreille :

— Un peu transparents tes leggings ! On voit ta culotte ! Cest mignon !

Jen revenais pas ! Elle mavait passé la main sur les fesses ! Elle ma lâché le bras en arrivant dans la salle où les autres étaient en train dinstaller des filets de badminton.

Les hommes, les femmes, je sentais leurs regards, je me sentais vraiment mal, persuadée quils me détaillaient et je tirais sans arrêt sur mon t-shirt pour létirer sur mes fesses. Jai croisé les yeux dAurélie. Elle a haussé les épaules en madressant une petite mimique, lèvres pincées, comme pour dire « je te lavais bien dit ».

En partant en fin daprès-midi, jai vite enfilé mon pantalon par-dessus le corsaire. Pas question de me déshabiller devant tout le monde, ni dattendre que toutes sen aillent !

Jai bien vu quAurélie levait les sourcils en me regardant faire. Elle, a enfilé sa jupe avant denlever le petit short en lycra quelle portait. Elle ma adressé un clin dil en souriant quand jai croisé son regard. Elle souriait, complice.

Je lai vue souvent les semaines qui ont suivi. Elle venait à la machine à café aux heures de pause, de temps en temps elle passait et me faisait un signe de la main en arrivant le matin.

Un jour elle ma invitée à laccompagner pour déjeuner et parfois le soir elle faisait un bout de chemin avec moi jusquà mon arrêt de bus, on sest retrouvées un samedi pour faire des courses ensemble.

Etonnée ? Non elle était sympa, et comme je suis assez réservée, nouvel euphémisme, je navais lié aucune relation autre que strictement professionnelle avec mes collègues. Bizarrement, notre première rencontre dans les vestiaires mavait laissé comme un sentiment dintimité.

Et dun intérêt plus particulier ? Cest vrai que je me souvenais très bien de son petit slip vert et delle dedans mais je nassociais rien de précis à ces images, sinon quelles me faisaient sourire, rougir parfois, seule en y pensant ou quand jétais avec elle.

Elle avait souvent de petits gestes, me tenait le bras, sexcusait dune bise sur ma joue quand elle se moquait un peu, quand la discussion prenait un tour trop personnel et que je me braquais.

Elle bousculait ma solitude et jaimais ça et son petit slip vert que javais en tête si souvent

Peut-être quà vous, ça paraît évident ? Moi jai rien vu. Rien de rien au début.

Je vous ai dit : coincée ? Naïve aussi. Ou … un peu conne.

C’était pour moi une amie ? Une copine ? Une grande soeur ? Un modèle ? Un mélange de tout ça, et dès le début, sans que je m’en rende compte, ou sans que je n’ai de mot pour ça, autre chose, peut-être, sans que j’ose réfléchir à ce que je ressentais, autre chose… quand j’étais avec elle, souvent … son petit slip vert pâle … c’est bête, mais j’en avais acheté un tout pareil un soir en rentrant du travail, je l’avais essayé devant le miroir en pied dans le couloir de mon studio … c’était trouble, je sais …

Et les choses ont changé. Une bise un soir en nous quittant. Juste au bord de mes lèvres. Comme un accident, quand on tourne le visage en même temps du même côté. J’avais ri et rougi, gênée, et je n’y avais plus pensé jusqu’à ce que ça se reproduise le lendemain.

S’il n’y avait eu que ça ?

Ce contact de ses lèvres au bord des miennes, répété, était déjà énorme pour moi, me paralysait, me plongeait dans des affres de questions dérangeantes, parce qu’il y avait plus, il y avait son regard après, fixe et voilé, ses lèvres qui tremblaient et se pinçaient, le pli à son front et sa tête baissée.

Avec elle jusque-là, je me sentais … gamine ! celle dont on s’occupe, qui a besoin qu’on lui tienne la main. C’était confortable. Je me complaisais dans cette infériorité. Etre "la petite" excusait jusqu’aux pensées idiotes et un peu troubles qui me passaient par la tête, cette image d’elle dénudée de son petit slip vert, celle à qui on pardonne ces bêtises à peine dignes d’une ado.

Sauf que je n’étais plus une ado, que j’avais 20 ans, que j’étais censée être adulte.

Ce qui me perturbait le plus était de l’avoir tout d’un coup découverte fragile. Ce constat me déstabilisait son regard inquiet détourné après cette bise glissée au bord de mes lèvres

Coincée, naïve, un peu conne mais quand même ! Je savais que ces choses-là existaient ! Des femmes qui préfèrent les femmes aux hommes, jen avais entendu parler et ça marrivait à moi ?

Des garçons ? Deux. Au lycée. Avec le premier quelques baisers timides, et le second, celui qui essayait de me peloter les seins, je men étais très vite éloignée, pas envie.

Ces filles à filles, franchement, je ny avais jamais vraiment pensé, sinon comme à une chose un peu bizarre.

Une lesbienne ? Aurélie ? Qui sintéressait à moi ? Dans le bus en rentrant, en arrivant chez moi, je ne pensais plus quà ça, en pensées désordonnées, des images un petit slip vert qui la dénudait

Jétais vexée, fâchée, autant après elle quaprès moi, sentiments diffus. Vexée de navoir rien vu et incertitude à avoir compris, fâchée contre elle, comme si elle mavait menti ou trompée ou trahie incertitude aussi à ce que jen pensais son petit slip vert qui la faisait si nue le premier jour dans le vestiaire celui tout pareil que javais acheté et que plusieurs fois javais mis pour me regarder dans le miroir de lentrée qui provoquait une lesbienne ! une perverse ? parce que cest pas vraiment normal une amie quasiment la seule véritable amie que jaie jamais eue.

Javais passé une mauvaise nuit, trop de pensées qui partaient dans tous les sens, trop de questions. Au matin, je ne savais plus si javais rêvé, si je me faisais des idées, si je navais pas tout inventé. Je me traitais de folle quand jen venais à regretter davoir mal compris. Jen voulais à Aurélie, dêtre ce que je croyais, et linstant suivant de ne pas lêtre.

Comme elle en avait pris lhabitude, elle est passée par mon bureau le matin pour me dire bonjour. Elle portait le pantalon à pince en drap bleu marine que jaimais bien avec un chemisier blanc qui blousait, ses cheveux noués dans son cou dun lacet de cuir avec deux petits poissons de bois verni au bout, celui quon avait acheté ensemble. Elle était jolie et je lui en voulais dêtre jolie. Jétais en colère.

Quand elle sest approchée tout sourire pour me faire la bise, cest moi qui ai tourné la tête et planté un bise sur ses lèvres avant de me reculer. Pour voir. Cétait pas prémédité, juste une impulsion, leffet de ma mauvaise nuit. Elle ouvrait de grands yeux étonnés et puis a eu un grand sourire et sest approchée pour prendre mes mains dans les siennes. Je lai repoussée :

— Tu mas rien dit ! Tu mas menti ! Tu

Jen bafouillais, de colère et de honte, je me sentais tellement bête ! Elle ma tourné le dos et elle repartait vers la porte. Je me suis mise à pleurer. Je me sentais stupide, rejetée, abandonnée, toute la fatigue de ma nuit dinsomnie mécrasait.

Mais elle ne partait pas. Elle a fermé la porte du bureau avant de revenir vers moi.

Elle a posé une main sur ma joue, a effacé du pouce une larme qui roulait.

Elle ma attirée contre son épaule, mon visage noyé dans son cou, mes mains doigts noués entre nous, serrées contre mon cou :

— Je comprends rien je suis conne

Elle murmurait des « chhhutt » à mon oreille, un bras autour de ma taille, une main sur ma joue, tournait la tête pour des bises tout près de mon oreille.

Je me suis redressée, elle peignait mes cheveux de ses doigts, sa lèvre mordue. Je tremblais :

— Pourquoi tu mas embrassée ?

— Cest toi qui viens de membrasser, Caroline.

— Hier jai pas dormi Je comprends pas je vais pas bien

— Daccord, Caroline, daccord on se voit à midi, tu veux ? On ira manger à lextérieur.

Elle me caressait la joue, très vite elle a posé une bise légère sur mes lèvres en partant.

Une bise ? Une bise ça fait copine. Toute la matinée en y pensant je me disais un baiser, cest un baiser quelle avait posé sur ma bouche. Ridicule de sattacher ainsi à un mot ? Sans doute Les joues me piquaient chaque fois que jy pensais, et ce matin-là jy pensais sans arrêt. Une fille membrassait et et jaimais ça.

Pour ce que je ressentais, je navais pas de mot. Jamais avant je navais rien ressenti de pareil. Jamais. Jamais ces frissons, cette chaleur, mes mains moites et les yeux qui me piquaient, envie de rire et le ventre serré dangoisse. Jamais. Et tout ça pour un petit baiser sur mes lèvres !

Ma nuit dinsomnie ? Je narrivais pas à dormir, trop de questions, je métais relevée en pleine nuit, dans ma tête le souvenir dun petit slip vert qui dessinait la nudité Aurélie. Depuis un mois sans arrêt cette image delle maccompagnait. Jétais qui ? Jétais quoi ? Jétais perdue et je me sentais bête, si bête !

Normalement, ce sont des sentiments, des émois, des envies, des questions, qui viennent à ladolescence. Moi jétais passée au travers. Etrangère aux autres comme ils métaient étrangers. Repliée sur moi-même.

Ma mère déménageait souvent, je navais pas le temps de me faire des amis. Pas lenvie non plus. Souvent jarrivais dans une école et ensuite un lycée en cours dannée, je ne me liais pas, je restais à lécart.

Ce que je suis, comment je suis, ma pudeur maladive, mes phobies je sais aujourdhui. Ma mère. Ma mère qui ne me prenait jamais dans ses bras, dont je nai pas le souvenir dune bise ses jupes longues et ses leçons de morale, ses grandes chemises de nuit. La gifle magistrale un jour où jétais entrée dans la salle de bains pendant quelle se lavait. Les miroirs quelle enlevait partout dès le premier jour où on sinstallait dans un nouvel appartement. Les dispenses de sport quelle écrivait pour moi, et ma stupéfaction, en première au lycée, un proviseur avait refusé cette dispense, de voir les filles de ma classe en sous-vêtements.

Ma curiosité delles alors que je ne savais pas très bien à quoi je ressemblais, à un âge où le corps prend de limportance et simpose, que je contraignais en niant les besoins, les désirs et les questions dune ado.

Aurélie ? Jétais seule, si seule.

Son sourire, sa gentillesse, linconnu et son petit slip vert.

Le midi elle ma emmenée dans le petit resto où on allait de temps en temps. Elle parlait, jécoutais. Elle ma parlé delle en serrant très fort ma main sous la table. Sa préférence, exclusive, pour les femmes, depuis toujours. Son attirance pour moi. Ses amours avant. Ses déceptions.

De moi, je nai rien dit. Jécoutais. Je questionnais.

— Mais cest pas normal

— Ah bon ? Regarde ! Regarde la salle. Tu vois tout ce monde ?

Elle sest tournée vers moi et ma embrassée sur la bouche. Un long baiser ces lèvres appuyées fort sur mes lèvres et elle riait en se reculant :

— Regarde encore, regarde les gens ! Quest-ce que tu vois ?

— rien. Ils font pas attention et puis eux à côté ils sourient.

— Ils sourient parce que tes mignonne, et moi ? Tu me trouves comment ? Ils sourient parce quon va bien ensemble. Tu trouves pas quon va bien ensemble ? Ils sourient parce que tu es toute rouge, et ça les amuse. Tu vois ? Ils ne se moquent pas, ils ne sont ni surpris ni choqués. Ils mont vu tembrasser, et ils mangent, ils parlent, ils rient. Ils ne font pas attention à nous ah si ! le couple, là-bas, ils nous regardent et ils sourient ! Tu sais pourquoi ? Regarde, ils se tiennent la main, ils saiment, et ils se disent que nous aussi Tu rougis encore ! Eh ! Cest pas un gros mot ! Je suis prête à taimer, moi Tu veux bien me laisser ma chance ?

Jai dit oui ? Sans doute puisquon sest retrouvées le soir, que pour la première fois elle ma raccompagnée jusque chez moi. Mais si jai dit oui, une chose est certaine, cest que je ne savais absolument pas où jallais.

Dans la rue, elle avait passé son bras sous le mien, et elle se moquait un peu en me voyant jeter des coups dil inquiets autour de moi. En descendant du bus elle a croisé ses doigts aux miens quelle a serrés plus fort pour mempêcher de lui retirer ma main en arrivant dans ma rue.

Jaurais pu, jaurais dû, avoir honte du désordre dans lequel javais laissé mon studio en le quittant le matin, mais javais lesprit entièrement accaparé par la présence dAurélie qui me suivait pas à pas dans mon dos pendant que je rangeais dans lévier les couverts et lassiette du repas du soir, le bol du petit déjeuner, se tenait encore dans mon dos pendant que je tirais les draps froissés repoussés en boule au pied du canapé-lit sur lequel je dormais et sur lequel elle ma bousculée à peine remis en ordre.

Je ny arrivais pas. Je me mettais à trembler, je narrivais plus à respirer.

Cest rien, chérie, on a tout le temps, cest pas grave. Je voudrais tellement que ça soit bien pour toi !

Je ne supportais ni ses yeux ni ses mains sur moi, sur ma peau nue. La nuit, dans le noir, elle soulevait ma chemise de nuit et posait sa main sur ma culotte. Mais dès quelle bougeait trop ou quelle voulait glisser ses doigts dessous, je me débattais, je la repoussais. Cétait plus fort que moi. Je lai même frappée une fois.

***

Coincée ? Un peu ? Euphémisme ! Un peu beaucoup. C’est bête, mais c’est comme ça depuis … depuis toujours.

Me déshabiller devant quelquun, même en restant en sous-vêtement je coince !

Déjà au lycée, les rares fois où jallais en EPS, je me mettais le matin en survêtement, pour ne pas avoir à me changer.

Alors me mettre nue ? Devant des inconnues ? Faut même pas y penser !

Même aller chez mon médecin, cest une torture qui me rend malade, vraiment malade, des jours à lavance. Ma gynéco ? Une fois ! Et jamais plus après cette fois-là !

Des petits amis ? Quelle blague ! Il aurait fallu … non. Pas de petit ami. Des flirts ? Quelques-uns … et puis … rien, la fuite.

Pourquoi je vous raconte ça ? Parce qu’à 20 ans, je venais d’être embauchée dans une grande compagnie dassurances, et que notre patron organisait un après-midi par mois des rencontres sportives entre les membres du personnel.

Quelle idée ! A ce quil paraît que ça renforce le dynamisme et la cohésion ! Une galère ! Badminton et volley-ball au programme

Je me retrouvais donc très embarrassée dans le vestiaire d’un gymnase en compagnie d’une dizaine de collègues en train de se changer !

Assise sur le long banc de bois sous les porte-manteaux fixés au mur, les yeux baissés sur le sac en plastique posé entre mes pieds où j’avais glissé mes chaussures de sport, un t-shirt et des leggings-corsaire, je me refusais à croiser les regards des autres filles.

Je baissais les yeux, je fouillais mon sac, je sortais lentement mes affaires, je faisais traîner, j’attendais qu’elles soient prêtes et qu’elles sortent du vestiaire.

Ne rien montrer de moi.

Ne rien voir ? Euh … si. Je regardais …

Le vestiaire sest vidé petit à petit, et nous nétions plus que deux, toujours en tenue de ville. La jeune-femme, petite trentaine, assise sur le banc en face de moi ma regardée en souriant et en claquant ses cuisses des deux mains avant de se lever. Elle riait :

— Bon ! Nous voilà tranquilles ! Je préférais attendre, trop de pipelettes parmi elles, elles peuvent pas sempêcher de causer à tort et à travers ! Tes nouvelle, non ? Je ne me souviens pas de tavoir croisée

— depuis le début du mois

Elle avait déjà enlevé son chemisier et sa jupe quand elle sest approchée de moi en me tendant la main :

— Aurélie, je travaille au second, à la compta.

Elle souriait et a froncé les sourcils en me voyant rougir :

— Et toi ?

— Au contentieux, moi cest Caroline …

Elle est retournée vers son banc en dégrafant son soutien-gorge et jai tourné le dos en la voyant glisser les mains sur ses fesses pour enlever son slip.

il était vert pâle, tout fin mousseux comment ne pas voir quand elle sétait approchée pour me serrer la main il il laissait tout voir de son ventre tout dessiné dessous en reliefs explicites très explicites comme si elle avait été nue pire que si elle avait été nue elle était jolie, bien faite toute bronzée et puis elle sest retournée et cétait pareil dans son dos une maille fine qui collait à ses formes son petit slip avait bougé et mordait à moitié sur une fesse elle aussi toute bronzée et il se creusait au milieu

Oui, mes premiers souvenirs delle sont remarquablement précis

Je me suis dépêchée de me changer. Jai enfilé mon t-shirt avant denlever mon pantalon et jai vite enfilé mon legging-corsaire.

Aurélie mettait ses chaussures quand je me suis retournée. Elle riait :

— Les filles sont pires que les mecs ! Cest pour ça que jai attendu. Comme jai bronzé intégral cet été, je te dis pas les réflexions que ça aurait fait ! Autant éviter. Tes discrète, jespère ?

— Oh oui ! Pas de problème.

Elle ma pris par le bras en sortant du vestiaire. Dans le couloir qui mène au gymnase, elle me bousculait de lépaule en riant et chuchotait à mon oreille :

— Un peu transparents tes leggings ! On voit ta culotte ! Cest mignon !

Jen revenais pas ! Elle mavait passé la main sur les fesses ! Elle ma lâché le bras en arrivant dans la salle où les autres étaient en train dinstaller des filets de badminton.

Les hommes, les femmes, je sentais leurs regards, je me sentais vraiment mal, persuadée quils me détaillaient et je tirais sans arrêt sur mon t-shirt pour létirer sur mes fesses. Jai croisé les yeux dAurélie. Elle a haussé les épaules en madressant une petite mimique, lèvres pincées, comme pour dire « je te lavais bien dit ».

En partant en fin daprès-midi, jai vite enfilé mon pantalon par-dessus le corsaire. Pas question de me déshabiller devant tout le monde, ni dattendre que toutes sen aillent !

Jai bien vu quAurélie levait les sourcils en me regardant faire. Elle, a enfilé sa jupe avant denlever le petit short en lycra quelle portait. Elle ma adressé un clin dil en souriant quand jai croisé son regard. Elle souriait, complice.

Je lai vue souvent les semaines qui ont suivi. Elle venait à la machine à café aux heures de pause, de temps en temps elle passait et me faisait un signe de la main en arrivant le matin.

Un jour elle ma invitée à laccompagner pour déjeuner et parfois le soir elle faisait un bout de chemin avec moi jusquà mon arrêt de bus, on sest retrouvées un samedi pour faire des courses ensemble.

Etonnée ? Non elle était sympa, et comme je suis assez réservée, nouvel euphémisme, je navais lié aucune relation autre que strictement professionnelle avec mes collègues. Bizarrement, notre première rencontre dans les vestiaires mavait laissé comme un sentiment dintimité.

Et dun intérêt plus particulier ? Cest vrai que je me souvenais très bien de son petit slip vert et delle dedans mais je nassociais rien de précis à ces images, sinon quelles me faisaient sourire, rougir parfois, seule en y pensant ou quand jétais avec elle.

Elle avait souvent de petits gestes, me tenait le bras, sexcusait dune bise sur ma joue quand elle se moquait un peu, quand la discussion prenait un tour trop personnel et que je me braquais.

Elle bousculait ma solitude et jaimais ça et son petit slip vert que javais en tête si souvent

Peut-être quà vous, ça paraît évident ? Moi jai rien vu. Rien de rien au début.

Je vous ai dit : coincée ? Naïve aussi. Ou … un peu conne.

C’était pour moi une amie ? Une copine ? Une grande soeur ? Un modèle ? Un mélange de tout ça, et dès le début, sans que je m’en rende compte, ou sans que je n’ai de mot pour ça, autre chose, peut-être, sans que j’ose réfléchir à ce que je ressentais, autre chose… quand j’étais avec elle, souvent … son petit slip vert pâle … c’est bête, mais j’en avais acheté un tout pareil un soir en rentrant du travail, je l’avais essayé devant le miroir en pied dans le couloir de mon studio … c’était trouble, je sais …

Et les choses ont changé. Une bise un soir en nous quittant. Juste au bord de mes lèvres. Comme un accident, quand on tourne le visage en même temps du même côté. J’avais ri et rougi, gênée, et je n’y avais plus pensé jusqu’à ce que ça se reproduise le lendemain.

S’il n’y avait eu que ça ?

Ce contact de ses lèvres au bord des miennes, répété, était déjà énorme pour moi, me paralysait, me plongeait dans des affres de questions dérangeantes, parce qu’il y avait plus, il y avait son regard après, fixe et voilé, ses lèvres qui tremblaient et se pinçaient, le pli à son front et sa tête baissée.

Avec elle jusque-là, je me sentais … gamine ! celle dont on s’occupe, qui a besoin qu’on lui tienne la main. C’était confortable. Je me complaisais dans cette infériorité. Etre "la petite" excusait jusqu’aux pensées idiotes et un peu troubles qui me passaient par la tête, cette image d’elle dénudée de son petit slip vert, celle à qui on pardonne ces bêtises à peine dignes d’une ado.

Sauf que je n’étais plus une ado, que j’avais 20 ans, que j’étais censée être adulte.

Ce qui me perturbait le plus était de l’avoir tout d’un coup découverte fragile. Ce constat me déstabilisait son regard inquiet détourné après cette bise glissée au bord de mes lèvres

Coincée, naïve, un peu conne mais quand même ! Je savais que ces choses-là existaient ! Des femmes qui préfèrent les femmes aux hommes, jen avais entendu parler et ça marrivait à moi ?

Des garçons ? Deux. Au lycée. Avec le premier quelques baisers timides, et le second, celui qui essayait de me peloter les seins, je men étais très vite éloignée, pas envie.

Ces filles à filles, franchement, je ny avais jamais vraiment pensé, sinon comme à une chose un peu bizarre.

Une lesbienne ? Aurélie ? Qui sintéressait à moi ? Dans le bus en rentrant, en arrivant chez moi, je ne pensais plus quà ça, en pensées désordonnées, des images un petit slip vert qui la dénudait

Jétais vexée, fâchée, autant après elle quaprès moi, sentiments diffus. Vexée de navoir rien vu et incertitude à avoir compris, fâchée contre elle, comme si elle mavait menti ou trompée ou trahie incertitude aussi à ce que jen pensais son petit slip vert qui la faisait si nue le premier jour dans le vestiaire celui tout pareil que javais acheté et que plusieurs fois javais mis pour me regarder dans le miroir de lentrée qui provoquait une lesbienne ! une perverse ? parce que cest pas vraiment normal une amie quasiment la seule véritable amie que jaie jamais eue.

Javais passé une mauvaise nuit, trop de pensées qui partaient dans tous les sens, trop de questions. Au matin, je ne savais plus si javais rêvé, si je me faisais des idées, si je navais pas tout inventé. Je me traitais de folle quand jen venais à regretter davoir mal compris. Jen voulais à Aurélie, dêtre ce que je croyais, et linstant suivant de ne pas lêtre.

Comme elle en avait pris lhabitude, elle est passée par mon bureau le matin pour me dire bonjour. Elle portait le pantalon à pince en drap bleu marine que jaimais bien avec un chemisier blanc qui blousait, ses cheveux noués dans son cou dun lacet de cuir avec deux petits poissons de bois verni au bout, celui quon avait acheté ensemble. Elle était jolie et je lui en voulais dêtre jolie. Jétais en colère.

Quand elle sest approchée tout sourire pour me faire la bise, cest moi qui ai tourné la tête et planté un bise sur ses lèvres avant de me reculer. Pour voir. Cétait pas prémédité, juste une impulsion, leffet de ma mauvaise nuit. Elle ouvrait de grands yeux étonnés et puis a eu un grand sourire et sest approchée pour prendre mes mains dans les siennes. Je lai repoussée :

— Tu mas rien dit ! Tu mas menti ! Tu

Jen bafouillais, de colère et de honte, je me sentais tellement bête ! Elle ma tourné le dos et elle repartait vers la porte. Je me suis mise à pleurer. Je me sentais stupide, rejetée, abandonnée, toute la fatigue de ma nuit dinsomnie mécrasait.

Mais elle ne partait pas. Elle a fermé la porte du bureau avant de revenir vers moi.

Elle a posé une main sur ma joue, a effacé du pouce une larme qui roulait.

Elle ma attirée contre son épaule, mon visage noyé dans son cou, mes mains doigts noués entre nous, serrées contre mon cou :

— Je comprends rien je suis conne

Elle murmurait des « chhhutt » à mon oreille, un bras autour de ma taille, une main sur ma joue, tournait la tête pour des bises tout près de mon oreille.

Je me suis redressée, elle peignait mes cheveux de ses doigts, sa lèvre mordue. Je tremblais :

— Pourquoi tu mas embrassée ?

— Cest toi qui viens de membrasser, Caroline.

— Hier jai pas dormi Je comprends pas je vais pas bien

— Daccord, Caroline, daccord on se voit à midi, tu veux ? On ira manger à lextérieur.

Elle me caressait la joue, très vite elle a posé une bise légère sur mes lèvres en partant.

Une bise ? Une bise ça fait copine. Toute la matinée en y pensant je me disais un baiser, cest un baiser quelle avait posé sur ma bouche. Ridicule de sattacher ainsi à un mot ? Sans doute Les joues me piquaient chaque fois que jy pensais, et ce matin-là jy pensais sans arrêt. Une fille membrassait et et jaimais ça.

Pour ce que je ressentais, je navais pas de mot. Jamais avant je navais rien ressenti de pareil. Jamais. Jamais ces frissons, cette chaleur, mes mains moites et les yeux qui me piquaient, envie de rire et le ventre serré dangoisse. Jamais. Et tout ça pour un petit baiser sur mes lèvres !

Ma nuit dinsomnie ? Je narrivais pas à dormir, trop de questions, je métais relevée en pleine nuit, dans ma tête le souvenir dun petit slip vert qui dessinait la nudité Aurélie. Depuis un mois sans arrêt cette image delle maccompagnait. Jétais qui ? Jétais quoi ? Jétais perdue et je me sentais bête, si bête !

Normalement, ce sont des sentiments, des émois, des envies, des questions, qui viennent à ladolescence. Moi jétais passée au travers. Etrangère aux autres comme ils métaient étrangers. Repliée sur moi-même.

Ma mère déménageait souvent, je navais pas le temps de me faire des amis. Pas lenvie non plus. Souvent jarrivais dans une école et ensuite un lycée en cours dannée, je ne me liais pas, je restais à lécart.

Ce que je suis, comment je suis, ma pudeur maladive, mes phobies je sais aujourdhui. Ma mère. Ma mère qui ne me prenait jamais dans ses bras, dont je nai pas le souvenir dune bise ses jupes longues et ses leçons de morale, ses grandes chemises de nuit. La gifle magistrale un jour où jétais entrée dans la salle de bains pendant quelle se lavait. Les miroirs quelle enlevait partout dès le premier jour où on sinstallait dans un nouvel appartement. Les dispenses de sport quelle écrivait pour moi, et ma stupéfaction, en première au lycée, un proviseur avait refusé cette dispense, de voir les filles de ma classe en sous-vêtements.

Ma curiosité delles alors que je ne savais pas très bien à quoi je ressemblais, à un âge où le corps prend de limportance et simpose, que je contraignais en niant les besoins, les désirs et les questions dune ado.

Aurélie ? Jétais seule, si seule.

Son sourire, sa gentillesse, linconnu et son petit slip vert.

Le midi elle ma emmenée dans le petit resto où on allait de temps en temps. Elle parlait, jécoutais. Elle ma parlé delle en serrant très fort ma main sous la table. Sa préférence, exclusive, pour les femmes, depuis toujours. Son attirance pour moi. Ses amours avant. Ses déceptions.

De moi, je nai rien dit. Jécoutais. Je questionnais.

— Mais cest pas normal

— Ah bon ? Regarde ! Regarde la salle. Tu vois tout ce monde ?

Elle sest tournée vers moi et ma embrassée sur la bouche. Un long baiser ces lèvres appuyées fort sur mes lèvres et elle riait en se reculant :

— Regarde encore, regarde les gens ! Quest-ce que tu vois ?

— rien. Ils font pas attention et puis eux à côté ils sourient.

— Ils sourient parce que tes mignonne, et moi ? Tu me trouves comment ? Ils sourient parce quon va bien ensemble. Tu trouves pas quon va bien ensemble ? Ils sourient parce que tu es toute rouge, et ça les amuse. Tu vois ? Ils ne se moquent pas, ils ne sont ni surpris ni choqués. Ils mont vu tembrasser, et ils mangent, ils parlent, ils rient. Ils ne font pas attention à nous ah si ! le couple, là-bas, ils nous regardent et ils sourient ! Tu sais pourquoi ? Regarde, ils se tiennent la main, ils saiment, et ils se disent que nous aussi Tu rougis encore ! Eh ! Cest pas un gros mot ! Je suis prête à taimer, moi Tu veux bien me laisser ma chance ?

Jai dit oui ? Sans doute puisquon sest retrouvées le soir, que pour la première fois elle ma raccompagnée jusque chez moi. Mais si jai dit oui, une chose est certaine, cest que je ne savais absolument pas où jallais.

Dans la rue, elle avait passé son bras sous le mien, et elle se moquait un peu en me voyant jeter des coups dil inquiets autour de moi. En descendant du bus elle a croisé ses doigts aux miens quelle a serrés plus fort pour mempêcher de lui retirer ma main en arrivant dans ma rue.

Jaurais pu, jaurais dû, avoir honte du désordre dans lequel javais laissé mon studio en le quittant le matin, mais javais lesprit entièrement accaparé par la présence dAurélie qui me suivait pas à pas dans mon dos pendant que je rangeais dans lévier les couverts et lassiette du repas du soir, le bol du petit déjeuner, se tenait encore dans mon dos pendant que je tirais les draps froissés repoussés en boule au pied du canapé-lit sur lequel je dormais et sur lequel elle ma bousculée à peine remis en ordre.

Elle sest agenouillée au-dessus de moi en mencadrant de ses jambes et ma empêchée de me redresser, ses mains à plat sur le drap de chaque côté de ma tête le tout premier vrai baiser de toute ma vie, le seul qui compte vraiment après deux brouillons ratés avec des garçons au Lycée, bien sûr que je men souviens ! Ses lèvres humides qui pinçaient mes lèvres, la pointe de sa langue qui en suivaient les contours, les frissons, mes mains serrées sur les draps qui nosaient pas la toucher, sa main dans mes cheveux sous mon cou et sa main qui se glissait sous mon dos, le bout de sa langue qui effleurait la mienne, provoquait, les tremblements de tout mon corps et la chatouille de son souffle sur ma bouche un baiser.

Elle sest allongée près de moi, sa main sur mon ventre sous mes seins, un doigt sur ma peau glissé entre deux boutons du chemiser. Je retenais sa main de ma main libre, empêchant son jeu sur les boutons.

Longtemps je nai voulu delle que ses baisers, longtemps je refusais ses gestes, jamais moi je ne posais mes mains sur elle. Longtemps ? Ce soir-là et le lendemain, et les jours suivants encore.

Elle ne ma jamais brusquée, na jamais montré dimpatience.

Un jour, pressée de questions, je lui ai parlé de ma mère, qui avait fait de moi ce que jétais, ma curiosité des autres, le trouble et la honte qui laccompagnait, tout à la fin aussi je lui ai dit ma curiosité delle depuis ce premier jour dans le gymnase son petit slip vert tout mousseux qui la faisait si nue, auquel je pensais souvent.

Elle riait en embrassant mes yeux mouillés de tous ces mots qui disaient ce que jétais.

— Jai pas fait exprès, tu sais ! Cest vrai que tu pensais à moi, alors ? A moi ? Ou à moi en petite culotte ?

— à cette première fois, tétais belle

— Alors cétait un jour spécial ! et cest un jour spécial aujourdhui

— Pourquoi ?

— Parce que jattendais que le vestiaire soit vide, je voulais être seule, mais tu restais là, et tétais bien jolie, et puis parce que ce petit slip qui ta plu, je ne le mets pas souvent tu es gênée de ton corps, mais pas de celui des autres ne rougis pas, chérie, cest pas un péché, tu sais ?

Elle sest levée, se tenait debout devant moi.

Elle sest déshabillée.

Cétait son tour davoir les joues toutes rouges. Elle se mordait les lèvres pour les empêcher de trembler.

Jécarquillais les yeux, mes mains plaquées sur ma bouche :

— Aurélie, non

— Pour toi, chérie pour nous regarde-moi

son chemisier en premier, quelle déboutonnait menton baissé sur les petits boutons, dévoilant son soutien-gorge dessous, vert, en maille mousseuse et fine.

des picotements sur mes bras à le découvrir, le même, celui quelle portait le premier jour, assorti au petit slip, un frisson et le duvet dressé sur mes bras, mes joues brûlantes entre mes mains, brûlantes de son effeuillage pour moi, brûlantes du souvenir, des images si souvent évoquées qui toujours me laissaient tremblante de tension et de honte à si bien me souvenir, à la chaleur refoulée qui menvahissait toute entière.

Je baissais les yeux, nosant croiser son regard, je me cachais sous mes mains comme une gamine, toujours je relevais les yeux sur la peau dorée lentement dévoilée par le chemisier ouvert qui glissait des épaules sur les bras.

ses doigts fins aux ongles peints bleu brillant de paillettes lissant les pinces du pantalon de drap bleu marine, et venant pincer le gros bouton qui fermait sur le ventre creusé et baisser la fermeture éclair en un crissement continu, son souffle et le mien relâchés à la fin, et retenu à nouveau en attente, nos regards croisés, furtifs, son regard clair et ses pommettes rouges, sa lèvre mordue de blanc.

les deux pans ouverts, au milieu, aperçu, un petit triangle vert pâle caché dune main, dabord là dans louverture du pantalon et sur les hanches après doigts glissés sous la toile pour lentraîner en glissant sur les cuisses jusquau genou qui sest levé pour lenjamber.

Une seconde, deux, jai fermé les yeux, pour retarder, par plaisir dattendre et freiner le désir trouble à la voir comme au premier jour, pendant quelle effaçait la deuxième jambe, corps ployé à la taille bras tendus qui bousculaient ses seins et creusaient entre eux un sillon sombre de douceur. Jai suivi des yeux le pantalon qui rejoignait son chemisier sur le lit à côté de moi et vite relevé la tête, cherchant cette fois son regard. Nos yeux liés, je devinais son corps tendu, crispé, ses bras le long des jambes, ses mains serrées en poings.

— tu vois, il fallait que ce soit aujourdhui, cest le même, celui dont tu te souviens.

des mots murmurés, sa retenue et sa gêne devinée, linquiétude et le trouble montrés du pli sur son front et de ses lèvres pincées.

Du corps dune femme dénudé, je ne savais que limage me renvoyant le miroir de lentrée de mon studio depuis que javais gagné mon indépendance et échappé aux lubies de ma mère, les corps dado dans le gymnase du lycée quelques années plus tôt, celles qui se déshabillaient à côté de moi le jour où javais rencontré Aurélie.

Elle moffrait en soffrant à moi ce dont je lui avais avoué que jen nourrissais mes rêves.

Elle avait cru à quelque fantasme érotique, attachant à la nudité suggérée par des dessous indiscrets une autre valeur et une autre intention que moi. Bien sûr cette dimension existait, bien que je nen sois pas consciente, toute idée de besoin physique ou de satisfaction sexuelle métant jusque-là étrangers.

Comment aurait-elle deviné ?

Je navais jamais avant elle nommé, reconnu, les curiosités, les émois et les besoins de mon corps pour ce quils étaient.

En se dévêtant pour moi, elle brisait le tabou, linterdit du corps exposé, qui me faisait fuir toutes les situations de la vie où mon corps existait en tant que tel, visible, accessible à lautre, alors quil ne me létait pas à moi, elle me donnait à me connaître en la connaissant dans sa normalité.

Elle fermait les yeux, serrait les poings plaqués contre ses cuisses.

De son visage à son corps, je profitais de ses yeux clos pour la regarder. Sa peau dorée. Le petit arrondi de son ventre au-dessus de lélastique de son slip. Le pli marqué sous la mousse verte creusée qui se noyait entre ses cuisses serrées, cette ligne creusée que je navais pas retrouvée dans mon miroir, qui posait question, une différence entre nous.

Elle sest penchée pour membrasser et sest reculée, a enlevé le petit slip vert.

Jai ri. Comme une imbécile. Mes nerfs qui lâchaient. Je riais de son ventre nu, de sa nudité, de son sexe nu, du pli à son front, du pli creusé deviné sous son petit slip avant.

***

Je ny arrivais pas. Je me mettais à trembler, je narrivais plus à respirer.

Cest rien, chérie, on a tout le temps, cest pas grave. Je voudrais tellement que ça soit bien pour toi !

Je ne supportais ni ses yeux ni ses mains sur moi, ses mains sur ma peau nue. La nuit, dans le noir, elle soulevait ma chemise de nuit et posait sa main sur ma culotte. Mais dès quelle bougeait trop ou quelle voulait glisser ses doigts dessous, je me débattais, je la repoussais. Cétait plus fort que moi. Je lai même frappée une fois.

Au début, même moi la toucher, poser mes main sur elle, je ny arrivais pas. Même dans le noir de la nuit. Sa patience. Ma main sur la sienne pendant quelle caressait son sexe. Sa main sur la mienne après, qui me guidait.

Honnêtement ? Au début je trouvais ça un peu stupide, un peu dégoûtant aussi, de mettre mes doigts à lintérieur delle, et en même temps je me sentais bizarre, toute chaude. Maintenant maintenant jattends le soir avec impatience.

Tous les soirs.

Dès quon rentrait chez nous je la déshabillais. Complètement. Tous les soirs.

Jai appris les mots, jai appris les gestes, jai appris son corps.

Mes journées ne sont plus que lattente du soir où elle est nue pour moi.

Elle ma avoué, elle riait, que cette envie permanente lui faisait un peu peur.

Elle mappelait « mon tyran », sagaçait parfois, mais ce quelle mavait donné, cette faim dévorante, elle ne pouvait le reprendre.

Elle disait cest trop, elle soupirait et ouvrait grand ses jambes quand je la repoussais sur le lit pour plonger mon visage entre ses cuisses, que je retenais ses mains entre les miennes quand elle voulait méchapper au premier cri, que je voulais delle encore une plainte, encore les soubresauts de son ventre, son souffle hâché et ses cuisses tendues toutes raides à mes doigts qui lui arrachaient un autre cri.

Au début elle disait plaisir, elle disait orgasme, ces mots qui navaient dautre sens pour moi que ses cris et la tension de son corps, ses yeux noyés et ses baisers après.

Et puis elle a dit douleur, elle a dit jai peur, elle a dit jai besoin de temps, je pars une semaine.

Elle était partie depuis deux jours, jétais perdue.

son petit slip vert dans la commode, abandonné au milieu de ses autres sous-vêtements limage infidèle dans le miroir de lentrée jai rasé mon ventre elle , limage delle, il fallait que ce soit elle le miroir décroché du mur posé au sol au pied de mon lit elle dans le miroir, limage delle noyée de mes larmes pour la première fois les gestes pour moi que javais pour elle en étant limage delle le même mouillé onctueux, la même sensation sur mes doigts, la culpabilité refoulée puisque cétait elle et pas moi, la chaleur, la tension, la peur la honte et lenvie, le besoin impérieux le sang sur mes doigts profonds dans mon ventre et la vague qui montait en brûlure, memportait les contractions violentes

Plusieurs fois dans la nuit, jusquà la douleur et les sanglots.

***

Elle est revenue aujourdhui. Je ne lai pas laissée parler, je craignais ses mots, il fallait quelle sache avant.

Je lai prise par la main et je lai tirée jusquà la chambre, je lai poussée sur le lit. Elle a protesté, jai noyé ses mots dun baiser.

Je me suis écartée du lit et je me suis déshabillée pour elle en pleine lumière.

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