J’habitais dans un petit patelin, à une centaine de kilomètres de Dublin, fille unique d’une mère écossaise et d’un père qui était Irlandais pur jus. Je dis « était » car il est décédé il y a quelques années de ça, peu avant que je ne parte pour la France. Il aimait d’ailleurs beaucoup ce pays, sa culture, son histoire, sa gastronomie, etc. Il a toujours insisté pour que j’apprenne le français et si, au départ, je n’étais pas très emballée, je me suis rapidement prise au jeu. Au final, ça m’a bien aidé d’avoir de bonnes bases quand je suis allée y vivre.
Nous étions une famille très modeste, ma mère était aide à domicile et mon père travaillait dans les fermes autour de chez nous pour aider les agriculteurs. Quand il n’y avait pas de travail pour lui, on devait composer avec le modeste salaire de ma mère, ce qui pouvait être assez compliqué certains mois.
Ma prime jeunesse a été assez monotone, pas beaucoup de loisirs, principalement par manque d’argent, du coup, je devais me contenter de ce que j’avais autour de chez moi, c’est-à-dire pas grand-chose, si ce n’est des vaches, des moutons et du vert à perte de vue.
Quand j’ai commencé le secondaire, dans les premiers temps de mon adolescence, c’est devenu plus intéressant. L’établissement où j’étudiais se trouvait dans une ville plus grande et il accueillait beaucoup de jeunes comme moi qui venaient de pas mal de coins différents. De voir plein de nouvelles têtes, d’un côté, me faisait un peu peur je n’étais presque jamais sorti de ma campagne, jusque-là et de l’autre, m’enthousiasmait beaucoup.
Avec les garçons, les bisous du bout des lèvres constituaient mon seul vécu, puis j’ai commencé à les regarder d’un autre il, même si eux m’ignoraient superbement. Il faut dire qu’à l’époque, entre ma dégaine de garçon manqué et une forte propension à m’habiller comme un sac, je ne partais pas gagnante ! Du coup, j’attirais surtout les seconds couteaux et c’était loin d’être les mieux affûtés du tiroir
J’avais visualisé mille et une façons dont pourraient se passer mes premières expériences, mais aucune ne prenait en compte le stress et le blocage qui l’accompagnait. Au final, la réalité a été bien moins reluisante et tous mes essais se sont soldées par des échecs retentissants, mettant à mal la vision romancée que je m’en étais forgée. Je suis donc restée sage toute ma scolarité dans le secondaire quand, dans le même temps, mes copines prenaient une belle avance sur moi. Je ne le vivais pas forcément mal, même si c’est vrai que de les entendre en parler me donnait très envie de sauter le pas, mais je n’osais pas.
C’est quand je suis allée à l’université que tout s’est décanté.
Je ne savais pas trop ce que je voulais faire plus tard, la seule certitude que j’avais, c’est que j’étais plutôt bonne en math et que je me débrouillais pas mal lors des ateliers informatiques. Du coup, c’est assez naturellement que je me suis dirigée vers ce domaine, même s’il ne m’excitait pas plus que ça. Mais comme c’était une filière en plein développement, c’est dans cette voie que j’avais le plus de chance d’être acceptée et surtout, d’avoir une bourse, condition sine qua none pour que je puisse continuer mes études, mes parents ne pouvant pas se permettre de me payer quoi que ce soit.
C’était hors de question pour moi que je reste dans mon bled paumé à devoir me trouver un job merdique qui ne me permettrait que de vivoter. Je voulais à tout prix changer d’air, partir, découvrir d’autres horizons, et l’université de Dublin était une étape nécessaire à cette émancipation que j’appelai de tous mes vux.
Même si j’avais une bourse, elle n’était pas assez importante pour que je puisse me prendre un logement seule, j’ai donc cherché une coloc’ et j’en ai trouvé une composée exclusivement de femmes. Au départ, j’avais un peu peur de ce que ça allait donner car plusieurs nanas qui cohabitent ensemble, ça peut vite tourner au pugilat ! Contre toute attente, tout s’est bien passé, et même mieux que ça. Je m’entendais avec toutes, mais il y en avait une, Kathleen, avec qui j’avais un super feeling et comme par hasard, c’était la plus grosse coquine du groupe ! D’ailleurs, on la surnommait « succube » vu qu’elle ramenait sans cesse des mecs dans sa chambre. Kathleen était superbe avec ses cheveux longs d’un noir profond, comme ses yeux. Elle dégageait un je ne sais quoi de mystérieux qui m’a toujours troublé. Si on rajoute à ça ses courbes somptueuses et sa tendance à séduire tout ce qui bouge, homme comme femme, on comprend mieux pourquoi elle n’avait qu’à claquer des doigts pour remplir son lit ! Malgré tout, elle ne se la pétait pas et ne se prenait pas pour la Reine-Mère. Vu ma façon de réagir lorsqu’on parlait de sexe, elle a vite compris que je n’avais pas une grande expérience en la matière. Elle m’a donc proposé de me présenter des gars, mais j’ai refusé en lui avouant que j’étais encore vierge.
Je revois son beau regard noir se mettre à briller lorsque je lui ai dit ça. Elle aimait tout particulièrement dépuceler des mecs, ça l’excitait beaucoup, et elle a toujours voulu faire de même avec une nana, sauf que jusque-là, elle n’en avait jamais rencontré. Même si de se faire déflorer à coups de gode n’est pas forcément très glamour, de sauter le pas avec elle me permettait de m’affranchir du stress que je pouvais avoir avec un homme et surtout, surtout, j’allais enfin pouvoir profiter de la plastique de mon amie !
Je n’avais jamais été attiré par les femmes, mais Kathleen m’avait toujours émoustillé. Je prenais souvent beaucoup de plaisir à m’imaginer son corps nu à la peau de craie d’une douceur à faire passer de la soie pour du papier de verre gros grains. Je voyais son pubis, soigneusement calé au creux du V formé par ses cuisses et recouvert de poils aussi noir que sa chevelure, qui formait une tache sombre tranchant avec la pâleur prononcée de son épiderme. Ce tapis, étendu mais parfaitement entretenu, mettaient entièrement sa vulve à l’abri des regards. Ce n’est qu’un soir, alors qu’elle sortait de sa chambre juste après s’être envoyé en l’air, que j’ai pu, pour la première fois, admirer ses nymphes rosées qui dépassaient légèrement de ses poils. Le balancement délicieux de ses hanches plutôt larges faisait danser son cul rond à chacun de ses pas, constat encore plus flagrant et excitant lorsqu’elle se dandinait en sous-vêtement ou en tenue d’Eve.
Ses seins, en forme de cloches, se finissaient par des aréoles et des tétons brun foncé. Elle aimait porter des hauts sans soutien-gorge, histoire de rajouter une couche à son pouvoir de séduction. Elle savait qu’elle n’avait pas besoin de ça, mais quand elle parlait aux mecs, ça l’excitait de les voir lutter pour regarder ses yeux et non pas ses tétons qui pointaient généreusement.
Je ne saurais dire combien de fois je me suis masturbée sur son compte, surtout en l’entendant couiner lorsqu’elle baisait, d’autant que sa chambre était à côté de la mienne. L’oreille collée au mur pour capter le moindre bruit, je finissais systématiquement en sueur, le sexe dégoulinant de cyprine.
Elle m’a consacré une nuit entière et a été très douce, bien plus que ne l’ont été tous les gars qui avaient pu m’avoir sous la main avant elle. Je me souviens n’avoir ressenti qu’un léger pincement quand elle a enfoncé un de ses jouets profondément en moi. Mais le plus important, c’est qu’elle m’a donné un plaisir immense en me titillant à des endroits où je n’aurais jamais pensé aller pour me donner du plaisir. Pour moi, mon bouton de rose était le seul instrument apte à me faire décoller, mais Kathleen m’a prouvé qu’il y avait bien d’autres moyens pour ça. En quelque sorte, elle m’a offert le mode d’emploi de mon corps sur un plateau !
Elle a ensuite voulu me relooker pour me donner une allure plus « féline », comme elle se plaisait à me le dire. Elle disposait d’assez de fringues et de lingerie pour pouvoir ouvrir une boutique et comme on avait, à peu de choses près, les mêmes mensurations, elle a pioché, pour moi, dans sa garde-robe. C’est d’ailleurs grâce à elle qu’a débuté cette grande passion pour la lingerie fine qui me suit toujours.
D’une nana banale sur laquelle aucun mec ne daignait tourner la tête ne serait-ce que d’un demi degré, elle m’avait transformé en ce qu’elle était elle, version rousse. À partir du moment où j’ai constaté que j’avais un potentiel de séduction bien plus important que je ne le pensais, il y a eu un déclic dans ma tête et ça a été open bar. Mes jambes s’écartaient plus vite que celles d’une gymnaste aux Jeux Olympiques et j’enchaînais les mecs comme un pilier de bar enchaîne les comptoirs. Je prenais un plaisir immense à séduire, à mener du bout des doigts ou de la bite tous les hommes que je voulais, et même ceux que je ne voulais pas, d’ailleurs. J’étais devenue allumeuse et manipulatrice, à tel point que « la garce » était devenue un des surnoms qu’on me donnait.
Mais après une longue période à m’amuser, j’ai fini par en avoir un peu marre. De baiser pour baiser était devenu lassant et d’un, voir deux partenaires par jour en moyenne, j’ai commencé à espacer mes relations sexuelles. Non pas que le sexe ne me plaisait plus, loin de là, mais je voulais privilégier la qualité à la quantité. Et même si j’étais devenu lubrique au possible, j’avais toujours, au fond de moi, cette envie de me trouver un homme que je ne verrais pas que comme un sextoy humain à usage unique. Je voulais rencontrer le prince charmant, probablement un héritage des nombreuses histoires de conte de fée que me lisait ma mère quand j’étais gamine. Et puis mes parents étaient ensemble depuis près de trois décennies et ils s’aimaient toujours autant, ils constituaient donc un exemple que je voulais suivre.
Mon université accueillait régulièrement des étudiants venant d’autres pays, le plus souvent européens. Je me souviens qu’avec Kathleen, nous nous étions lancées un challenge : à chaque fois qu’on se tapait un mec venant d’un pays étranger, on devait mettre une marque noire pour elle, orange pour moi sur une carte du monde accrochée à un mur de l’appart’, le but étant d’être celle qui arriverait à punaiser le plus de pays différents. On se menait une petite guérilla toutes les deux toujours dans la bonne humeur pour arriver à être celle qui mettra, la première, un nouveau dans son lit, sachant qu’à partir du moment où un mec était passé entre une de nos paires de jambes, il ne comptait plus pour le challenge. Elle a gagné haut la main vu que sur la fin, je n’étais plus très encline à jouer.
Un jour, Kathleen et moi guettions l’arrivée d’une nouvelle fournée de ces étudiants. Par la force de l’habitude, je matais chacun des gars, et ce même si je n’y voyais plus des masses d’intérêt. C’est alors que j’ai croisé le regard d’un beau brun assez grand avec un charme fou. Je ne pouvais me retenir de le fixer, comme si je contemplais un trésor. Mon estomac s’est noué et des frissons ont déferlé à la surface de mon épiderme.
Ah, on dirait que tu vas te remettre à jouer avec moi ! me lança Kathleen en me voyant dévorer ma cible des yeux.
Non, celui-là, je le veux ! Laisse-le-moi, s’il te plaît Kath’ ! la suppliai-je.
Hum ça dépend. S’il vient d’un pays que je n’ai jamais fait, il est pour moi ! répondit-elle avec un sourire narquois.
C’était un frenchie, et comme nombre de français s’était déjà échoué dans nos lits respectifs, elle me laissa le champ libre. Les étudiants extra-européens étant une denrée rare, elle avait jeté son dévolu sur un Bolivien, ce qui allait lui permettre d’asseoir encore plus sa victoire. Je n’avais d’yeux que pour cet homme qui provoquait chez moi des sensations que je n’avais encore jamais ressentis, et je ne parle pas là que d’excitation sexuelle. Il m’attirait, m’obsédait même, et je ne voulais qu’une seule chose, c’est être avec lui.
Mon père adorait un chanteur français dont les premières paroles d’une des chansons étaient :
Il arrive, elle le voit, elle le veut
Je venais d’expérimenter ce qu’on appelle plus communément un coup de foudre, malgré le fait que je pensais que cela relevait de l’utopie. Ce mec, qui venait d’entrer dans ma vie alors que je ne m’y attendais pas, s’appelait Frédéric Dutellier.
Alors que jusqu’à présent, quand je voulais un homme, je n’avais aucune gêne à aller le voir directement, avec Fred, je n’osais pas. D’un côté, je crevais d’envie de faire sa connaissance et de l’autre, j’avais la trouille, le genre qui te paralyse sur place et t’empêche de réfléchir.
Encore une fois, c’est Kathleen qui est venue à ma rescousse, car elle a vite compris que ce mec-là représentait plus qu’un simple plan cul pour moi. Du coup, lors d’une soirée, nous sommes sortis ensemble. Elle était au bras de son bolivien qu’elle n’avait eu aucun mal à capturer dans ses filets et c’est elle qui a engagé la conversation avec le groupe où se trouvait Fred. Nous avons fini par nous installer à leur table et je me suis débrouillée pour me mettre à côté de ma cible. Je pensais que le plus dur était fait, mais c’était sans compter cette foutue retenue qui m’empêchait de lui adresser la parole. Fred, quant à lui, ne s’occupait pas de moi et continuait de parler et de rigoler avec ses amis. Faute de mieux, je me contentais de l’observer du coin de l’il. Le son de sa voix, sa délicieuse fragrance, son rire, les différentes expressions de son visage, tout ça suffisait à me faire bouillir, quand bien même aucunes de ces attentions ne m’étaient destinées.
Kathleen essayait discrètement de me convaincre de lui parler, mais les mots n’arrivaient à franchir la barrière de mes lèvres. Encore une fois, mon amie a pris le taureau par les cornes et a entamé une discussion avec lui avant de m’y inviter. Je m’efforçais d’éviter de passer pour une ado pré-pubère en face de son chanteur préféré en gloussant à chaque fois qu’il me lançait un de ses sourires ou qu’il s’adressait à moi. Pour m’aider, j’enquillais les cocktails et au fur et à mesure, j’ai fini par être plus à l’aise. Je buvais autant ses paroles que les verres qu’on mettait devant moi et si au départ, je ne semblais pas l’intéresser plus que ça, il a sans doute remarqué que lui, était loin de me laisser indifférente. On s’est rapproché, petit à petit, tant et si bien qu’au bout d’un moment, on s’est aperçu que mal de nos amis avaient quitté les lieux. Il m’a gentiment et galamment raccompagné chez moi et je ne voulais qu’une chose, c’est finir dans ses bras.
Malheureusement, malgré la quantité phénoménale d’alcool dans laquelle baignait mon cerveau, je n’ai pas osé l’inviter à venir dans ma chambre et j’ai dû me contenter d’une simple bise qui a suffi à me faire frissonner de la pointe des cheveux jusqu’au bout des pieds.
Les jours qui ont suivi, on s’est revu et, l’étape de la prise de contact enfin passée, j’étais bien plus sereine avec lui. Plus on discutait et plus il m’attirait ; il me parlait de sa vie, de ses projets, ses ambitions sa vision des choses était plus ou moins similaire à la mienne et ça a encore plus renforcé la fascination que j’avais pour lui. Un bel homme issu d’une famille aisée, que demander de plus ? Ce dernier point n’était certes pas un pré-requis pour qu’il me plaise il aurait pu m’annoncer qu’il était fauché comme les blés que ça ne m’aurait pas empêchée d’être folle de lui , malgré tout, ça constituait la cerise sur le gâteau. J’étais toujours plus persuadée que c’était l’homme de ma vie, celui avec qui je voulais fonder une famille. Je sentais que je lui plaisais aussi, mais malgré tout, il ne cherchait pas à m’embrasser et évitait soigneusement des contacts trop rapprochés avec moi alors que je ne cessais de lui envoyer des signaux pour l’inciter à sortir le grand jeu.
J’aurais dû le faire, mais je conservais une pointe de retenue qui m’empêchait de lui voler ce premier baiser qui, j’en étais certaine, débloquerait tout le reste. Je savais que ça finirait par arriver, car ses lèvres avaient l’air si appétissantes que c’était hors de question pour moi de ne pas y goûter. Ce n’est que lors de la dernière soirée avant son départ qu’enfin, j’ai touché au but. Il m’a embrassé avec une forme de timidité que j’ai trouvé adorable. Il m’a avoué que c’était quelque chose dont il avait envie depuis le premier jour, mais qu’il n’osait pas, car j’étais « différente » pour lui, il voulait prendre son temps pour ne pas risquer de tout gâcher. Je me suis délitée dans ses bras, trop heureuse que nos sentiments soient réciproques. Il a ensuite accepté de passer la nuit avec moi. Depuis que je l’avais vu le premier jour, une excitation latente ne m’avait pas quitté et je me suis imaginée mille et une fois ce moment où il m’embrasserait et me prendrait dans ses bras ; et je ne parle même pas de sexe Ah j’en ai trempé des petites culottes !
Quand enfin, je me suis retrouvée nue face à lui et qu’il a posé ses mains sur moi, ça a été une véritable explosion de sensations. J’étais d’une sensibilité exacerbée et chacun de ses contacts avec ma peau envoyait des décharges de plaisir aux quatre coins de mon corps. On aurait dit une putain de junkie à qui on filait une dose après des jours de sevrage !
On a fait l’amour et, en y repensant de manière tout à fait objective, c’était vraiment nul à chier. Une seule position : le missionnaire, point barre. Mais au travers du filtre des sentiments intenses que j’avais pour lui, ça m’a paru être la plus magique des relations sexuelles que j’avais jamais eus !
Je suis restée calée dans ses bras toute la nuit et j’étais malheureuse comme les pierres quand il est parti le lendemain matin. Il m’a promis qu’il penserait à moi et qu’on se reverrait rapidement, le tout accompagné d’un « je t’aime » que l’on s’est échangé et qui a achevé de me faire fondre en larmes.
Après son départ, il n’y avait pas un seul jour où nous ne communiquions pas, que ce soit par message ou au téléphone. On pouvait passer des heures et des heures à discuter et chaque jour qui passait renforçait cette intuition que c’était le bon.
Un peu plus tard, il m’a invité à passer quelques jours en France. C’était la première fois de ma vie que je quittais mon île et si j’étais un peu stressée, j’ai très rapidement été à l’aise une fois sur place. Il m’a présenté ses parents qui étaient ravis de me rencontrer. Quand je suis arrivée dans leur immense propriété, j’étais bouche-bée. Moi qui avais toujours habité dans des logements très modestes, de baigner dans une telle profusion de luxe était fascinant.
Tout était si parfait : sa famille, sa vie, sa beauté, notre amour Et que dire quand, lors d’une soirée pleine de romantisme, il s’est agenouillé devant moi pour me demander en mariage. À cet instant précis, aucune femme dans le monde entier ne pouvait être plus heureuse. Enfin, j’avais rencontré le prince charmant dont rêvent toutes les petites filles et celui-ci voulait faire de moi sa princesse !
Je suis ensuite retournée en Irlande pour finir mes études. Ces quelques mois qui me séparaient de ma nouvelle vie m’ont paru durer une éternité. Malgré tout, j’en ai profité pour me mettre tranquillement en condition, car mine de rien, c’était un changement très important. Quitter un pays où l’on a toujours vécu pour un autre qu’on ne connaît pas a quelque chose de stressant, même si la raison pour laquelle je le faisais me rendait heureuse.
Quand j’ai annoncé à mes proches que j’allais me marier, tout le monde était content pour moi, à part peut-être Kathleen pour qui ça allait un peu trop vite. Elle m’a aussi avoué que quelque chose la dérangeait chez Fred, mais elle n’a pas vraiment su me dire quoi. Elle ne le sentait pas, tout simplement. Elle n’a pas vraiment insisté, car elle a bien compris que je l’aimais et que quoi qu’elle puisse me dire, je ne reculerais pas. Elle s’est donc contentée de me souhaiter le meilleur et m’a recommandé de prendre soin de moi.
J’ai obtenu mon diplôme haut la main et, comme un signe du destin, un de mes professeurs m’a mis en relation avec un ami qui avait un poste haut placé dans une boite spécialisée dans la sécurité informatique, située non loin de là où j’habiterai. Après quelques entretiens, j’ai été rapidement embauché, et cela avant même que je ne sois sur place ; ça m’enlevait donc le poids d’une fastidieuse recherche d’emploi. Tout se goupillait parfaitement, les planètes étaient parfaitement alignées et ne semblaient pas vouloir se désaxer.
La seule très grosse ombre au tableau a été le décès brutal de mon père, d’une maladie foudroyante, peu avant mon départ. C’est véritablement le seul moment où j’ai hésité à partir. Je me sentais mal de quitter ma mère et de la laisser seule après une si terrible épreuve, mais elle m’a poussé à ne pas y renoncer. Même s’il était triste que je parte, mon père était le plus heureux des hommes quand il a appris que sa petite fille chérie allait se marier et habiter dans un pays qu’il aimait tant. Il se réjouissait déjà des voyages qu’il ferait pour venir me rendre visite. Malheureusement, il n’aura pu en profiter et cette injustice de la vie, qui était pour moi comme un autre signe du destin j’en voyais partout à cette époque-là ! , me poussait à me dire que réellement, j’avais pris la bonne décision. Aller vivre en France était une forme d’hommage que je rendais à la mémoire de mon père.
J’ai donc quitté mon Irlande natale et une fois dans mon nouveau pays d’adoption, tout est allé très vite. J’ai eu droit à un magnifique mariage et dans la foulée, on a emménagé dans une belle demeure. Les parents de Fred ont très généreusement participé à ce qu’on puisse se l’offrir.
Enfin, j’avais MA maison, à moi, une de celle dont j’avais toujours rêvé, avec un beau jardin où je pourrais passer du temps à me prélasser au bord de la future piscine que Fred avait promis que l’on ferait creuser plus tard.
La seule chose pour laquelle nous avions préféré temporiser, c’est le bébé. Nous étions à un tournant important professionnellement parlant, il fallait que je prenne mes marques dans ma nouvelle boite et Fred, de son côté, était en train de fonder sa société avec sa sur. La période n’était pas vraiment idéale pour accueillir un nouveau-né dans les meilleures conditions et nous préférions attendre d’être bien en place dans nos métiers respectifs avant d’agrandir notre famille.
C’est à partir de ce moment-là où la situation a lentement commencé à évoluer et que je me suis rendu compte de certaines choses que je n’avais pas remarqué avant ça. Oh, rien de bien transcendant, des petits détails auxquels je n’avais pas prêté une attention particulière à cause, sans doute, de l’euphorie dans laquelle je baignais. Mais cette euphorie était en train de laisser place à une réalité bien plus terne que ce à quoi je m’étais imaginée.
Les premiers temps ont été assez difficiles, la charge de travail, que ce soit pour Fred comme pour moi, ne nous laissait pas beaucoup de moment pour nous retrouver. Il rentrait souvent très tard et était épuisé, ce que je pouvais tout à fait comprendre et du coup, notre vie intime était réduite à sa portion congrue. J’avais dit que je voulais privilégier la qualité à la quantité, sauf que là, je n’avais ni l’un, ni l’autre. Je me disais que ce n’était qu’une mauvaise période et que lorsque tout se serait un peu tassé, ça allait s’arranger. Sauf que non, rien n’a changé, bien au contraire.
D’un homme romantique et attentionné, Fred était devenu froid et distant. Je m’efforçais d’être la plus séduisante et désirable possible, mais c’était comme s’il ne me voyait pas. Dès que j’abordais le sujet avec lui, il me disait qu’il avait beaucoup de travail, et si j’avais le malheur d’insister, il s’énervait et j’en étais quitte pour quelques jours de mutisme. Les rares fois où j’ai réussi à lui arracher un semblant de relation sexuelle, la frustration prenait amplement le pas sur le plaisir.
Le vernis qui magnifiait notre couple à ses débuts était en train s’écailler et je commençais à me demander où se trouvait l’homme dont j’étais tombée amoureuse dès le premier regard. Me sont alors revenu en mémoire les doutes de Kathleen à l’encontre de mon mari. Sans vraiment savoir pourquoi, elle n’avait pas confiance en lui, et ce qui me paraissait ridicule à l’époque, m’interpellait soudainement beaucoup plus.
À partir de là, tout un tas de théorie fusèrent dans mon esprit, tel des spams qui apparaissent quand on navigue sur un site pas très catholique. Me trompait-il ? S’était-il rendu compte qu’il avait fait une erreur en m’épousant ? Se disait-il qu’au final, la vie de couple, c’était pas pour lui ?
Toutes ces interrogations m’obsédaient, tout comme le manque de sexe qui se rappelait très souvent à mon bon souvenir en faisant grossir le boulet de frustration que je me traînais. Si je ne savais pas s’il me trompait, c’était hors de question pour moi de fauter, peu importe que l’abstinence me pesait sérieusement. Ce n’était pas ma vision du couple, sinon, à quoi bon vouloir passer sa vie avec le même homme ? Mes doigts et quelques jouets que je me suis procuré suffisaient, pour un temps du moins, à faire illusion.
Si ma vie privée ne me donnait pas satisfaction, il en était tout autre professionnellement parlant. À force de me plonger dans mon travail pour oublier mon quotidien morose, j’ai fini par aimer ce que je faisais malgré le fait que le domaine informatique, à la base, ne m’attirait pas forcément.
Je bossais dans la division « sécurité réseau » d’une grosse société où nous étions une bonne trentaine de personnes. L’ambiance de travail était bonne et j’avais d’excellentes relations avec tous mes collègues. La majeure partie de l’effectif étant masculine, lorsque j’ai débarqué, tous ces messieurs ont été aux petits soins avec moi. J’avoue avoir pris beaucoup de plaisir à sentir ces attentions sur ma personne et si je n’ai pas pensé une seule seconde à faire d’un de mes collègues mon quatre heures, de me sentir désirée me prouvait au moins que les problèmes de mon couple ne venaient pas de mon manque de sex-appeal.
Mais s’il y avait de beaux mecs, ce n’était rien à côté de mon responsable qui était d’une beauté époustouflante. Il s’appelait Grégori et ses origines, à la fois latine et slave, lui donnaient un charme fou, sans compter son physique d’Apollon. Son regard, d’un noir intense et profond, magnifiait un visage carré qui dégageait un mélange parfait de douceur et de force, à l’instar de son corps qui semblait taillé dans un chêne.
Les femmes du service le regardaient avec gourmandise, tout comme moi, je dois bien l’avouer. C’est le genre d’homme à même de réveiller les instincts les plus primaires chez n’importe quelle femme. Il transpirait d’une forme d’animalité à laquelle je me suis plus d’une fois imaginée m’abandonner, et si je n’avais jamais désiré d’autres hommes que Fred, avec Grégori, je ne pouvais m’empêcher d’être excitée comme une puce.
Cependant, il s’avère que ce beau mâle avait une particularité qui le rendait quasiment inaccessible, au grand dam de toutes les femmes qui bavaient pour lui : il était parfaitement gay. Enfin, pas tout à fait dans le sens où il a débuté sa vie sexuelle en goûtant aux charmes féminins. S’il n’avait aucun mal à combler de plaisir toutes ses partenaires, de son côté, il lui manquait quelque chose pour être totalement épanoui. Ce quelque chose, il l’a trouvé dans des bras masculins, au hasard d’une soirée arrosée, et depuis ce jour, seuls les hommes ont l’insigne honneur de pouvoir profiter de ses charmes.
J’avais un très bon feeling avec lui et outre le plaisir non négligeable de bosser aux côtés d’un si beau spécimen, son expertise et la manière bien particulière qu’il avait d’expliquer les choses rendaient les séances de travail qu’on avait ensemble passionnantes. C’est lui qui m’a tout appris et si j’en crois ce qu’il me disait, il me trouvait particulièrement douée. Qu’il soit gay m’affranchissait aussi du doute que ses flatteries ne servent qu’à obtenir mes faveurs.
D’avoir à composer avec un chef qui m’émoustillait sans même le vouloir n’arrangeait pas cette frustration qui prenait de plus en plus de place. Il n’y avait strictement aucune raison pour que Fred ne me désire pas et je voulais à tout prix connaître la raison de son changement de comportement. La désespérance a laissé place à de la colère tant je trouvais cette situation injuste. J’ai alors arrêté de me morfondre pour commencer à l’observer plus attentivement afin d’essayer de découvrir l’origine du problème.
Quand il était à la maison, il restait très souvent enfermé dans sa pièce de travail à pianoter sur son ordinateur et ça lui arrivait aussi régulièrement d’être en déplacement. L’infidélité tenait alors la corde, car ses absences répétées, parfois de plusieurs jours, facilitaient les galipettes interdites. J’avais réussi, à plusieurs reprises, à mettre la main sur son téléphone, mais je n’ai jamais rien trouvé. En même temps, je n’avais pas beaucoup de temps pour fouiller en profondeur, car il n’était jamais bien loin. Peut-être en avait-il un second, mais si tel était le cas, je ne l’ai jamais découvert. Il fallait aussi que j’arrive à mettre la main sur son pc portable, mais il le prenait systématiquement avec lui.
Sauf une fois.
Il était parti en quatrième vitesse pour un rendez-vous imprévu en laissant son ordinateur à la maison et j’ai sauté sur l’occasion pour fouiner dedans. Je n’étais pas vraiment fière de le fliquer, de le traquer, mais il fallait que j’obtienne des réponses, et comme il ne voulait pas m’en donner, je n’avais d’autres choix que de ruser. J’ai donc utilisé mes compétences professionnelles fraîchement acquises et je n’ai eu aucun mal à déverrouiller le pc, ni à avoir accès à sa boite mail. Mais je n’ai rien trouvé, tout comme dans l’historique de son navigateur, qui était parfaitement vide. Ce point-là m’a d’ailleurs mis la puce à l’oreille, car il avait beau être parti rapidement, il avait quand même pris le temps de l’effacer. Sauf que l’on peut facilement retrouver la trace des sites visités, même en ayant tout effacé ou été en navigation privée.
J’ai réussi à mettre la main dessus et tous mes doutes se sont avérés justifiés. J’ai trouvé tout un tas de logs de connexion à un site de rencontres qui avait une particularité à laquelle je ne m’attendais clairement pas : c’était un site de rencontres gay. Je suis restée au moins cinq bonnes minutes immobile, à fixer l’écran. Non seulement mon mari me trompait, mais il le faisait avec d’autres hommes. Après un bon moment à surnager dans un océan d’incompréhension, je me suis rendue sur ce site. Fred avait fait l’erreur d’enregistrer ses identifiants de connexion et je me suis alors retrouvée sur son compte. Même s’il n’y avait pas de photos nettes de son visage, je savais que c’était lui ; je connaissais son corps, quand bien même il ne me l’offrait pas souvent. Et des fois que quelques doutes persistent, la nature particulièrement suggestive de certaines de ses photos ne laissait aucun doute sur ce qu’il recherchait.
J’étais abasourdie. Que mon mari me trompe était déjà difficile à avaler, mais qu’il le fasse avec des hommes
C’est alors que pas mal des pièces du puzzle commencèrent à s’assembler : les doutes que pouvaient avoir Kathleen à son encontre, tout comme les piètres prestations sexuelles qu’il semblait se forcer à m’offrir. Tout avait un sens, maintenant.
Si certaines interrogations avaient trouvé une réponse, elles furent bien vite balayées par d’autres. Était-il gay depuis toujours ? L’était-il devenu à cause de moi ? Cette dernière question était débile, mais cette situation paraissait tellement surréaliste que j’en venais à penser tout et n’importe quoi. J’ai gardé le résultat de mes découvertes pour moi et fait en sorte de ne pas changer de comportement avec lui, quand bien même l’envie de le confronter à la vérité me démangeait. Mais je savais pertinemment que si je lui en parlais, il trouverait un moyen pour me baratiner. Après tout, il me mentait depuis des mois, pourquoi, tout d’un coup, me dirait-il la vérité ? Je n’avais plus confiance du tout.
Grégori, mon responsable, n’a pas mis longtemps à remarquer que je n’allais pas bien et il a fini par me questionner. Sans doute parce que j’avais besoin de partager cet énorme secret, et peut-être aussi parce qu’il était gay, je lui ai tout raconté. J’ai été rassuré de voir qu’il était tout aussi choqué que moi, au point qu’il m’a même proposé son aide pour en savoir plus. Des hommes qui n’assumaient pas leur homosexualité, il en avait déjà croisé, mais au point de pousser si loin la comédie, c’était inédit pour lui, et il voulait découvrir ce qui se cachait derrière tout ça. Avec mon consentement, il s’est donc inscrit sur le site où était Fred et l’a contacté. Il faut croire que mon mari a été tout aussi sensible que moi à la beauté de mon responsable vu qu’ils se sont rapidement rencontrés. Au moins avions-nous le même goût en matière d’homme Afin de ne pas paraître suspect, il ne l’a pas bombardé de suite de questions pour ne pas paraître suspect. En attendant, ils se sont vus plusieurs fois et Grégori m’a confirmé que sexuellement, Fred s’en sortait très bien, ce qui voulait donc dire que coucher avec une femme ne l’intéressait pas du tout.
Enfin, après des semaines qui m’ont paru durer des années, Fred a fini par se confier à mon complice, sur l’oreiller. J’avais fait promettre à Grégori de ne rien me cacher et de ne surtout pas chercher à enjoliver la réalité ; je voulais la vérité, aussi crue soit-elle, et il a exaucé mon souhait.
Fred n’assume pas son homosexualité, car il pense qu’il sera moins pris au sérieux dans sa vie sociale et professionnelle. Mais surtout, il a peur de décevoir ses parents, surtout son père, très à cheval sur la morale. Il a été éduqué avec un schéma de vie bien précis : un homme doit se marier avec une femme et fonder une famille, c’est tout.
Il a donc toujours caché sa véritable nature au point de se forcer à vivre selon les désirs de ses parents. Son but était de trouver une femme, mais il en voulait une qui serait assez amoureuse pour ne pas remarquer son petit manège et c’est moi qui ai décroché la timbale. Quand il a vu que j’étais folle de lui, il s’est dit qu’il avait sous la main la femme parfaite pour ce qu’il voulait, d’autant plus que j’étais étrangère et que je serais donc plus malléable une fois dans un autre pays que le mien. Il avait visé juste, je n’ai rien compris, rien vu, et j’ai correspondu à la perfection à ce qu’il attendait de moi.
Tout mon monde s’est alors écroulé et j’ai eu l’impression d’avoir été violé. J’ai tout donné à Fred, mon cur, ma vie, ainsi que mes rêves de gamine et mes désirs de femme. Il a tout brûlé et s’est servi des cendres pour nourrir ses ambitions personnelles.
Je me souviendrai toujours des mots qu’il a donnés à Grégori pour me décrire :
Elle n’est pas trop cruche et c’est une belle femme. Elle me donnera de beaux enfants, c’est tout ce que j’attends d’elle.