À midi pile, Timothé pousse la porte du bureau.

 Allez, grosse salope, c’est l’heure de te prendre une bonne cartouche ! s’exclame-t-il.

Voilà que Shama, qui avait à peu près réussi à lisser ses nerfs, se retrouve de nouveau à deux doigts d’exploser.

 Écoute-moi bien, sombre merde, ne t’avise plus jamais de me traiter de quoi que ce soit, sinon, je te jure sur ma tête qu’il faudra te ramasser à la pince à épiler quand j’en aurais fini avec toi ! C’est pigé ?

Elle sait ce que ce genre de réflexion pourrait lui valoir, mais elle s’en fout. Si elle n’avait pas ouvert cette soupape de décompression, cette scène aurait pu être interdite au moins de 18 ans, et pas à cause de son côté sexuel.

Timothé affiche une mine renfrognée, mais les deux blocs de lave en fusion que l’Indienne arbore à la place des yeux ainsi que le ton particulièrement décidé mis dans son avertissement, semble l’avoir convaincu de ne pas chercher à avoir le dernier mot. Et puis il ne se voit pas tout gâcher à peine quelques minutes avant de pouvoir enfin réaliser son fantasme numéro un.

 Euuuuh ouais bon allez, on y va ! se contente-t-il de répondre.

Shama prend ses affaires et ils sortent du bâtiment.

 On prend ma voiture ? propose-t-il.

 Non.

 La tienne alors ?

 Non plus. Tu prends ta caisse et je prends la mienne.

 C’est complètement con d’y aller à deux voitures, pas très eco-friendly tout ça !

 Rien à branler, je préfère ça que de t’avoir à côté de moi.

 Dans moins d’une demi-heure, t’auras ma bite dans le cul et ça te gêne d’être avec moi dans une bagnole ?

 T’as tout compris ! Laisse-moi profiter du quart d’heure pendant lequel j’aurai le bonheur de ne pas voir ta sale gueule.

Sur cet adorable échange d’amabilité, chacun grimpe dans sa voiture. Shama compte aller au milieu de la colline, au pied d’une citerne, là où elle avait emmené Florian il y a quelque temps de ça.

Après un gros quart d’heure de trajet pendant lequel Shama en a profité pour faire une séance éclair de yoga, ils arrivent à destination. Ils garent les voitures autour de l’imposante citerne pour former une sorte de nasse et se cacher aux yeux de potentiels randonneurs qui débarqueraient sans crier gare. Vu le ciel noir et menaçant n’incitant guère à la promenade, elle espère qu’ils seront tranquilles et qu’ils ne vont pas non plus se prendre une rincée sur le coin de la tête.

Dès l’instant où il met un pied hors de sa voiture, Timothé se malaxe déjà le sexe au travers de son pantalon. Shama est toujours habillée, mais il la mate déjà comme si elle était complètement nue.

 Allez ma belle, déballe la marchandise ! exige-t-il en s’adossant à sa voiture.

Elle garde son regard délibérément à l’écart de son collègue et déboutonne nonchalamment son chemisier.

 Tu veux pas essayer d’être plus sensuelle ? réclame-t-il.

 C’est pas prévu dans les conditions générales, se contente-t-elle de répondre.

Son haut enlevé, elle le met dans sa voiture avant de retirer son pantalon. Elle s’apprête à virer ses sous-vêtements quand son collègue l’arrête.

 Non, garde ta lingerie et remets tes talons.

Elle s’exécute et la voilà debout, en petite tenue, devant un Timothé dont la chaleur corporelle a bondi de plusieurs degrés.

Shama porte un petit ensemble noir composé d’un soutif’, qu’il a déjà pu admirer plus tôt dans la matinée, et d’un string assez minimaliste. Il s’approche d’elle et caresse son corps. Il détaille ses hanches larges avant de prendre la direction de ses fesses qu’il se met à palper. Enfin, il sent sous ses doigts ce cul majestueux dont il rêve depuis la période où sa collègue a commencé à afficher ostensiblement ses courbes.

Il se souviendra sans cesse, avec émotion, de ce jour où elle a débarqué au bureau en jupe et sans culotte, et qu’il l’a surprise en train de se baisser plus que de raison, dévoilant à son regard ébahi son auguste fessier ainsi que sa vulve, soigneusement calée au creux de ses cuisses. Elle a semblé s’en apercevoir, mais a eu l’air de s’en accommoder. Depuis cet instant, elle est devenue son plus grand fantasme. Il aime les femmes plantureuses, avec ce qu’il faut, là où il faut, et Shama possède, à ce titre, le corps parfait.

 Vire ton soutif’ ! ordonne-t-il, le souffle court.

Elle le retire et sa poitrine se déploie sous le regard conquis de Timothé. Il passe ses mains sous les deux mamelles brunes pour les soupeser ; cette paire de seins est, de loin, la plus belle qu’il lui a été donné d’avoir entre les mains. Il se penche et, de sa langue brillante de salive, lèche les tétons épais et noirs comme du charbon.

Alors qu’il se repaît de cette entrée de choix, Shama regarde ailleurs, les yeux fermés. Elle tente de penser à autre chose, mais bien malgré elle, elle sent un frémissement parcourir son épiderme. Dans sa tête, elle préférerait piquer une tête dans une fosse septique plutôt que d’être là, mais il s’avère que son corps ne l’entend pas de cette oreille. Il faut dire qu’entre la fatigue causée par les journées de dingues qu’elle se frappe en ce moment et l’apathie de son mec, voilà assez longtemps qu’elle n’a pas eu de relations sexuelles, bien trop longtemps à son goût. Sans compter qu’elle manque aussi de temps pour voir ses plans culs. De sentir la langue de Timothé jouer avec ses tétons déclenche un début de bouillonnement au creux de son ventre. Elle s’efforce de le contenir, car elle ne veut surtout pas lui donner la satisfaction de constater qu’elle prend réellement du plaisir grâce à ses caresses.

Après sa dégustation, il continue de malaxer les nichons quelques instants avant de descendre une de ses mains vers l’entrejambe de sa proie. Sans attendre, il passe sous la pièce de lingerie pour glisser ses doigts entre les lèvres intimes. Timothé accentue encore plus le sourire vissé à son visage depuis tout à l’heure quand il sent une épaisse cyprine enrober ses phalanges.

 Je vois que tu mouilles déjà ! Ça t’a excité que je te bouffe les seins, pas vrai ?

Ce matin, elle avait réussi à garder le contrôle de ses émotions, mais à présent, les caresses poussées dont elle est victime commence à déclencher une réaction en chaîne. C’est à présent un combat intérieur qu’elle est en train de mener : sa tête contre son corps, sa raison contre ses envies, sa colère contre son excitation.

Les doigts de Timothé s’insinue entre ses nymphes et elle se mord la langue pour retenir un gémissement, mais sa respiration, de plus en plus intense, ne trompe personne, surtout pas l’informaticien, persuadé de donner du plaisir à sa partenaire.

 Allez, enlève ton string !

Shama retire tranquillement son sous-vêtement et en profite pour se calmer. Sauf que lorsqu’elle voit l’état de son string, maculée de sécrétions, elle se doute bien qu’elles ne sont pas arrivées là par l’opération du Saint-Esprit. Les quelques gouttes de liquide qui coule le long ses cuisses, en provenance directe de sa vulve détrempée, ne font que confirmer son excitation. Néanmoins, elle feint de ne pas l’avoir remarqué et se contente de garder les yeux plongés dans la garrigue.

Elle est maintenant complètement nue, seuls ses pieds sont encore cachés par des talons mi-haut que Timothé lui a expressément demandé de garder. Il s’approche d’elle en baissant la fermeture éclair de son jean pour en sortir une queue bandée qu’il se met à masturber sans lâcher des yeux l’entrejambe dégoulinant de Shama.

 T’as pas envie d’y goûter à nouveau ? lui propose-t-il en relevant son regard vers le visage froncé de l’Indienne.

 C’est pas dans notre accord, siffle-t-elle sèchement.

 On s’en fout de ça. Comme t’as eu l’air d’aimer me sucer tout à l’heure, peut-être que t’as envie de recommencer.

 Je préférerais encore sucer un tuberculeux plutôt que de mettre une nouvelle fois ta bite dans ma bouche !

Shama se retourne et appuie ses mains sur le capot de sa voiture.

 Allez, on n’a pas toute l’après-midi ! tente-t-elle de le presser.

 Hop hop hop, pas si vite, beauté ! Il n’est même pas treize heures, j’ai encore une bonne heure pour profiter de toi !

Shama soupire de déception. Au moins, elle aura essayé

 Assieds-toi plutôt sur le capot et ouvre bien tes cuissots, j’ai envie de voir si ta chatte a aussi bon goût qu’elle en a l’air !

Voilà ce qu’elle redoutait le plus. Se faire bouffer la chatte, et surtout le clito, est le moyen le plus sûr de la faire jouir. S’il s’avère qu’il sait s’y prendre, il ne va pas manquer de la faire décoller, ce qu’elle veut éviter coûte que coûte.

 Que je puisse te bouffer la chatte est dans notre accord, tu te souviens ?

Bon gré, mal gré, Shama se retourne et s’assoit sur le capot avant d’écarter ses compas. Le triangle de poils parfaitement taillé qui surplombe son sexe est humide de sécrétions, tout comme ses lèvres, délicieusement ourlées et déjà entrouvertes. Shama ferme les yeux et essaie d’être la plus détachée possible. Elle pense à des choses qui la débectent, comme les cafards, les épinards ou son taux d’imposition qui a explosé cette année.

Mais à l’instant précis où elle sent une langue passer entre ses lèvres intimes et tournoyer à l’entrée de son vagin, tous ses efforts sont balayés par le brasier qui prend de plus en plus d’ampleur dans son bas ventre. Plusieurs vagues de frissons lui parcourent l’échine et elle retient tant bien que mal une longue complainte en soudant ses lèvres entre elles aussi fort que possible.

Au dernier moment, elle retient sa main qui, dans un sursaut presque instinctif, s’apprêtait à crocheter la tête entre ses jambes pour accentuer la pression des caresses buccales. À la place, elle s’accroche au capot de sa voiture et prie pour que la tôle tienne bon.

Heureusement pour elle, Timothé ne semble pas connaître l’existence du clitoris et il se contente de lui lécher les lèvres et de la doigter. Elle arrive à contenir ses effusions vocales, ce qui n’est pas le cas pour sa cyprine qu’elle laisse couler sans pouvoir en visser le robinet. S’il lui vient l’idée de toucher à son bouton de rose dans l’état d’excitation passable dans lequel elle se trouve, elle ne pourra contenir sa jouissance.

 Putain, ta chatte est trop bonne ! s’exclame Timothé.

Elle est soulagée quand, enfin, il se relève en se léchant les babines et en s’astiquant la verge de sa main trempée de cyprine.

 J’ai trop envie de glisser ma queue là-dedans, dit-il avec les yeux fixés sur la vulve dont il peut apercevoir l’entrée palpitante.

 Oublie à tout jamais !

 Je te propose un échange : une pénétration vaginale à la place de l’éjaculation interne, qu’est-ce t’en pense ?

 J’en pense que tu peux te gratter ! répond-elle de façon lapidaire en allant poser sa main sur son intimité.

Elle appuie sans le vouloir sur son berlingot et elle sursaute. Elle retire immédiatement sa main en contenant la vague de jouissance qui s’apprêtait à déferler en elle. Trop obnubilé par l’entrejambe de l’Indienne, Timothé n’a rien remarqué du soubresaut de sa partenaire, autre preuve bien visible de son plaisir.

 Allez, sois sympa ! insiste-t-il.

 Non, c’est mon cul, et rien d’autre ! Et si t’es pas content, je me rhabille et je me casse !

 OK OK, dommage Tourne-toi alors !

Allez, c’est la dernière ligne droite, se dit-elle.

Elle pose ses coudes sur le capot et offre son derrière à Timothé. Elle lui a laissé entendre qu’elle n’avait pas trop l’habitude de la sodomie, donc elle contracte bien son sphincter. Il écarte les fesses pour admirer l’anus inondé de la mouille du trou voisin. Il approche un doigt et l’enfonce en elle.

 La vache, t’es bien serrée !

 Je t’ai dit que j’étais pas habituée donc vas-y doucement.

 T’inquiète bébé, je vais bien te détendre, tu vas voir !

Il continue à la doigter en faisant de lents va et vient, puis il rajoute un deuxième doigt. Shama gémit légèrement, histoire de donner le change. Après tout, si elle veut qu’il soit excité et qu’il jouisse rapidement, il faut bien en passer par là, sauf qu’elle va devoir prendre garde à ne pas se laisser déborder par la jouissance qui couve en elle.

Quand il estime qu’elle est prête, il retire ses doigts. Il va ensuite passer sa main sur la chatte trempée afin de récupérer une belle dose de lubrifiant naturel pour en recouvrir son sexe et la rondelle qu’il est sur le point de distendre.

 Allez, détends-toi, chérie !

Il place son gland à l’orée de l’anus et avance lentement. La peau brune du sphincter se déploie et l’enserre fermement.

 Han han doucement, couine Shama en maintenant ses fesses légèrement écartées.

Il pourrait y aller d’un trait sans que ça ne lui fasse ni chaud ni froid, mais Timothé est à ce point ravi de sentir sa queue aussi à l’étroit qu’elle compte bien utiliser ça pour le faire cracher rapidement.

 Ho putain, c’est trop bon ! lâche-t-il alors que sa bite prend place entièrement dans le fondement bouillant.

Il entame des mouvements, d’abord lents, puis plus rapides à mesure que Shama relâche un peu de la pression autour de la verge. Tel un métronome, elle se met à gémir de manière parfaitement régulière, un peu à l’image d’un lit qui grincerait. Elle s’occupe de moduler la pression de ses muscles anaux pour accentuer l’excitation de Timothé. Sauf que ce dernier paraît imperturbable et il lui ramone le cul sans discontinuer et de plus en plus vite, à tel point que si ça continue comme ça, elle risque très vite de se retrouver dans la position de l’arroseur arrosé. De serrer les fesses ne manque pas de l’exciter, et encore plus quand Timothé s’amuse à retirer puis remettre entièrement sa queue en elle, plusieurs fois d’affilée.

Ses gémissements se font de moins en moins réguliers et discrets, ils deviennent liés aux ruades de son partenaire. Galvanisé de l’entendre glapir toujours plus, Timothé agrippe les hanches généreuses de sa partenaire et accentue encore sa saillie anale. Shama serre les dents en priant pour qu’il jouisse rapidement, mais au lieu de ça, il attrape ses épaules et la relève en l’attirant tout contre lui. Il enroule un de ses bras sur sa poitrine et son autre main plonge vers son entrejambe.

Elle se crispe à ce contact et se fait violence pour ne pas crier, mais quand il va enfourner quatre de ses doigts au fin fond de sa chatte en allant coller la paume de sa main sur son clito, elle ne peut plus rien retenir.

 HAN, PUTAIN ! OUI ! OUI ! OUI ! ne peut-elle s’empêcher de hurler en se cambrant spontanément.

Tout en la doigtant, Timothé amplifie ses ruades. Sa main collée au pubis, il ne cesse pas ses va-et-vient digitaux et, sans doute sans le vouloir, de stimuler son clitoris. Shama tente retirer la main, mais elle est fermement encastrée dans son intimité. Son partenaire resserre un peu plus son étreinte autour d’elle, les mamelles de l’Indienne enrobant son avant-bras, il pilonne sans arrêt la croupe qui tremble sous ses assauts.

Puis, dans un râle profond, pile au moment où Shama ne peut faire autrement que de libérer sa jouissance en braillant encore plus, il s’immobilise, sa queue palpitante inondant le cul de sperme. Cette sensation la pousse à se lécher les lèvres de contentement sans pouvoir s’en empêcher alors que, bon sang, c’est bel et bien quelque chose dont elle n’avait strictement pas envie à la base !

Timothé relâche Shama, haletante et encore en train de gémir ; elle s’écroule sur le capot de la voiture. Son assaillant reste en elle pour bien se vider les bourses, puis il se retire en poussant un long gémissement de satisfaction.

Appuyée sur sa poitrine, Shama ne bouge pas d’un pouce pour reprendre sa respiration, mais elle est surtout honteuse d’avoir joui dans les bras d’un homme qu’elle déteste plus que tout.

 Allez, fais-moi sortir tout ça, demande-t-il en lui écartant les fesses.

Elle pousse pour libérer la semence, offrant au passage, à Timothé, sa rosette amplement dilatée.

 Putain de merde, t’as le cul qui baille ! Je t’ai bien déboîté ! s’enthousiasme-t-il.

La purée s’échappe sous les gloussements de joie de l’informaticien.

 J’t’ai fait le plein, dis donc, t’as des réserves pour la semaine !

Il prend un pied monumental à voir son sperme, son propre sperme, couler entre les cuisses de sa collègue.

 Alors, t’as aimé ? demande-t-il à Shama alors qu’elle s’appuie de ses mains sur son capot, mais oui, bien sûr que t’as aimé ! répond-il à sa place.

Il range sa queue poisseuse dans son caleçon et remonte son pantalon.

 Je t’avais dit que je te ferais couiner, ben j’ai fait mieux que ça, j’t’ai fait jouir ! dit-il fièrement.

Il s’approche de son visage.

 J’t’ai fait jouir en te ramonant le cul avec ma grosse bite, et me dis pas que t’as simulé, je te croirai pas. Tout ton corps tremblait et ça, c’était pas du fake ! Mais ne me remercie pas surtout, c’est cadeau.

Elle est forcée de reconnaître qu’il a raison et ça la mine à un point inimaginable

 Dégage, finit-elle par chuchoter.

 Tu sais, je suis dispo quand tu veux si t’as envie qu’on recommence, continue-t-il en ignorant l’avertissement de sa collègue et en lui effleurant le bras.

Shama se retourne en un éclair et repousse violemment Timothé.

 DÉGAGE ! hurle-t-elle, les yeux remplis de larmes de colère.

 Oh oh, calme-toi, ma grande !

Il recule sans se départir de son sourire goguenard alors que Shama n’est qu’à un cheveu de fondre sur lui. S’il a le malheur d’insister, ça sera comme pour sa jouissance, elle ne pourra pas s’en empêcher. Mais Timothé n’en rajoute pas et après lui avoir lancé un clin d’il moqueur, il grimpe dans sa voiture et démarre, laissant sa collègue seule.

Elle se rassoit sur le capot. Ses mains, posées sur la carrosserie froide, tremblent sous l’impulsion de la haine et du dégoût qui l’animent. Elle tente de se calmer, aidé en cela par le silence reposant qui l’entoure. Enfin, elle n’entend plus de grognements, plus de gémissements, plus de peaux qui claquent ni la voix insupportable de son assaillant, simplement le bruit d’un petit vent. Elle frissonne, mais ne bouge pas, elle veut profiter de ce calme le plus longtemps possible, peu importe l’heure qu’il est. Là, à ce moment précis, son seul souhait, c’est que cet instant de sérénité dure le plus possible. Soudain, un grondement descend des nuages puis, quelques secondes après, de grosses gouttes de pluie s’écrasent au sol. Le ciel siffle la fin de la récréation, et alors que l’averse prend rapidement de l’ampleur, Shama monte dans sa voiture pour se mettre à l’abri.

Elle entreprend de se rhabiller, mais l’exiguïté de l’habitacle ne facilite pas vraiment la tâche. Hors de question d’ouvrir la portière pour se donner un peu plus d’aise vu les trombes d’eau qui s’abattent dehors. Contrairement à ce matin, elle ne prend pas la peine de nettoyer les sécrétions restantes sur sa peau ; elle se sent si sale que ce ne sont pas quelques mouchoirs qui changeront grand-chose. Une fois la séance de contorsion terminée, elle prend la route en mettant la climatisation à fond pour enlever la buée qui recouvre le pare-brise et ventiler un peu l’odeur désagréable qui l’entoure.

Son état d’esprit est au diapason de la météo, elle se sent mal et surtout en colère. Pas seulement contre Timothé, mais aussi contre elle. Elle comprend que ce qu’il s’est passé aujourd’hui est la conséquence plus ou moins directe de certains choix fait par le passé. Ce sentiment, elle le ressent depuis quelque temps déjà, plus précisément depuis que sa relation avec David bat de l’aile. Jusqu’à maintenant, elle flottait dans une sorte de déni, mais à présent, elle se retrouve face à ses responsabilités.

Arrivée au boulot, elle entre dans le bâtiment en même temps qu’une collègue. Durant tout le temps qu’elles passent ensemble à attendre l’ascenseur et à monter à l’étage, elle ne cesse de parler, sauf que Shama n’écoute strictement rien. À peine réagit-elle quand elle entend son nom.

  qu’est-ce que tu en penses toi, Shama ?

 Hum euh ouais, j’espère aussi, c’est cool ! répond-elle.

 Cool ?!? Mais je viens de te dire qu’avec tout ce qu’il se passe en ce moment, ça ne m’étonnerait pas que la boite ferme, et toi tu me dis que c’est cool ?

Elle tourne la tête vers sa collègue.

 T’es sûre que ça va, Shama ?

 Oui oui, tout va bien ! affirme-t-elle en souriant.

Les portes de l’ascenseur s’ouvrent et Shama en sort rapidement. La tête basse, elle prie pour ne pas croiser Timothé, puis elle s’engouffre dans son bureau et pousse un grand soupir de soulagement, adossée à la porte. Elle va s’asseoir tout en se promettant de ne pas sortir d’ici avant l’heure du prochain départ.

Sauf que l’après-midi risque d’être longue, très longue ; avec la paralysie du système informatique, impossible de travailler. Elle entend quelques éclats de voix et les rires de ses collègues désuvrés. Elle croise les doigts pour que Timothé respecte sa part du contrat et ne dise rien à personne sur ce qu’il s’est passé, car elle ne pourrait supporter la moindre brimade.

Mais, elle se dit qu’il semble acquis qu’aujourd’hui, personne ne lui foutra la paix quand son téléphone se met à sonner. C’est Fred qui lui demande de venir le voir. Son projet de ne pas bouger une oreille de son bureau jusqu’à la fin de l’après-midi se trouve réduit à néant. Elle doit en sortir avec, pour principal risque, de croiser celui qu’elle n’a que trop vu depuis ce matin. Elle prend une grande inspiration et affiche sa plus belle poker face. Sur le chemin, elle croise plusieurs personnes qui ne la regardent pas d’une manière inhabituelle. Elle est soulagée de constater que l’informaticien semble avoir tenu sa langue, du moins pour le moment.

Elle tape à la porte de Fred puis entre dans le bureau. Comme depuis le début de la journée, son patron affiche une mine dépitée, mais teintée d’une couche de colère dû, sans doute, à la contrariété de ce soi-disant bug informatique.

 Dites, Shama, dans le garage, on stocke bien quelques archives, n’est-ce pas ? demande-t-il.

 Oui, je crois. Il y a plusieurs armoires pleines, c’est sûr, après, je ne pourrais pas vous dire ce qu’elles contiennent exactement.

 Oui, mais c’est ça, ce sont des archives. À l’époque où on avait décidé de tout mettre sur support numérique, on en avait gardé pas mal.

 Pourquoi vous me demandez ça ?

 Eh bien vu qu’on ne peut pas accéder à ces foutus serveurs, je me disais qu’on pourrait peut-être utiliser les archives papiers. Sauf que je ne trouve pas les clés du garage, j’étais pourtant sûr que Jenny les gardait dans un de ses tiroirs, mais pas moyen de mettre la main dessus ! Vous ne sauriez pas où elles sont, par hasard ?

Elle avait complètement zappé les archives ! Par contre, ce qu’elle n’a pas oublié, c’est où se trouvent les clés du garage. C’est bien simple, elles sont dans son bureau ! À l’époque où elle allait parfois s’amuser avec Florian dans le box, elle avait pris l’habitude de garder les clés avec elle, histoire d’éviter d’avoir à les réclamer à Jenny en cas d’envie soudaine. Au moment où elle a stoppé ce petit jeu, elle a omis, bien involontairement, de les rendre à son amie. Du coup, elles doivent traîner au milieu du bordel d’un de ses tiroirs.

 Non, désolé Fred. Je me souviens y être descendu une ou deux fois, il y a longtemps de ça, mais j’ai toujours rendu les clés à Jenny.

 Putain, fais chier quand une journée est merdique, on dirait qu’elle doit le rester jusqu’au bout ! peste-t-il.

Shama confirme silencieusement.

 De toute façon, vous ne comptiez pas envoyer les archives par la Poste, quand même ?

 Non, bien entendu, mais nous aurions pu les scanner.

 Les scanner ? Mais il y a des milliers de documents, il faudrait des semaines ! C’est d’ailleurs à peu près le temps que ça avait pris quand Jenny et vous aviez décidé de tout transférer sur disque dur.

 Oui, en effet, c’est pas faux. Comme un gros con, je n’avais même pas pensé à ça

 Et puis franchement, si cet avocat doit venir dans quelques jours, il récupérera tout à ce moment-là, je ne vois pas pourquoi il en a besoin maintenant !

 C’est aussi ce que je me suis dit, mais j’ai pas envie qu’il croit que j’y mets de la mauvaise volonté, histoire d’éviter de lui donner une raison de baisser encore le prix dérisoire qu’il propose.

À cette simple idée, il pousse un long soupir d’exaspération et se prend la tête entre les mains. Si Shama trouvait qu’il n’avait pas l’air trop affecté par la crise qui secouait son entreprise, à présent, ce n’est plus le cas.

Fred relève soudainement la tête.

 Timothé a intérêt de se bouger le cul pour régler ce foutu problème ! Si seulement ma femme était là, elle s’en serait déjà occupée.

 Où est-elle ?

 Elle assiste à un congrès d’informatique, en Californie.

Shama esquisse un sourire.

 Laissez un peu de temps à Timothé, il est compétent et il finira par régler ce bug, préconise-t-elle.

Elle a l’impression de se tremper les cordes vocales dans l’acide tant elle souffre de dire du bien de son collègue.

 Ouais, ben je lui laisse jusqu’à demain, sinon, je fais appel à une société spécialisée ! Et puis je le vire !

Fred continue de soupirer.

 De toute façon, ajoute-t-il, tel que c’est parti, je sens que tout le monde va perdre son travail. Désolé si je vous fais peur, Shama, mais j’ai bien l’impression que l’enfoiré qui est sur le point de racheter la boite n’a pas que de bonnes intentions.

 Je pense aussi, acquiesce Shama. Vous allez peut-être trouver ça bizarre, mais j’ai la sensation que tout va finir par s’arranger. Votre sur va se réveiller, vous garderez votre entreprise et tout rentrera dans l’ordre !

Une moue dubitative remplace son air déprimé.

 Votre vision du futur est très ambitieuse, peut-être trop, même, répond-il.

 Eh bien moi, je suis certaine que le temps me donnera raison !

Shama arrache un petit sourire à son patron. Vu l’état de dépression avancé de ce dernier, cela constitue une belle performance.

                                                                              ***********

Le jour qui le sépare de la perte définitive de sa société se rapprochant inexorablement, Fred est anéanti, et seul qui plus est, vu que son père est aux abonnés absents. Sans doute doit-il être en train de chercher des investissements pour essayer de se renflouer des pertes qu’il va subir.

Il repense alors à ce que lui a dit Shama, ce matin. Cette société est à lui, et à sa sur, même si effectivement, son père a mis la main au porte-feuille pour les aider, mais il n’empêche, une décision de cette importance devrait lui appartenir. Il faudrait qu’il se batte, qu’il montre les crocs, qu’il frappe du poing sur la table, mais il n’a jamais été comme ça, il n’aime pas vraiment les conflits et les évite autant que possible. Ce rôle-là, c’est sa sur qui est censée le tenir.

Depuis que Jenny est dans le coma, il se sent perdu, probablement bien plus qu’elle ne le serait si c’est lui qui était absent. Ils sont très complémentaires, tous les deux, ils ont chacun un caractère qui ne serait certainement pas compatible dans le cadre d’une relation de couple, mais professionnellement parlant, ça colle très bien. Il n’a jamais su prendre des décisions fortes, même dans sa vie privée, et il s’arrange toujours pour refiler la patate chaude à quelqu’un d’autre ou bien trouver une solution pour enterrer les difficultés, quitte à en créer de nouvelles dans le futur. Sauf que là, il est tout seul face à un problème qui le dépasse complètement.

Après être resté immobile un très long moment, il prend son téléphone portable.

« Oui bébé, c’est moi ça pourrait aller mieux, mais bon oui dis, tu viens chez moi ce soir ? non, ma femme n’est pas là, elle est en voyage d’affaires et la petite est chez mes parents, donc tu pourras dormir à la maison d’accord moi aussi je t’embrasse fort, à ce soir. »

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