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Le miroir de Claude – Chapitre 5




Lors de l’équinoxe d’automne, nous fîmes avec Alexandre·a le rituel Wiccan pour honorer le Dieu et la Déesse. Je ne suis pas porté·e sur les religions et Alexandre·a non plus. Les religions dites du Livre m’énervent beaucoup, car elles prétendent détenir la seule vérité, ont engendré nombre de guerres cruelles depuis deux mille ans, et ont massacré, terrorisé, et maltraité trop de personnes au fil des siècles – et cela continue. Je ne suis pas non plus adepte de la religion Wiccane pour autant, mais aime bien l’approche druidique et celtique et ai un grand respect pour l’égalité des genres portée par le concept de deux divinités égales, le Dieu et la Déesse.

Ayant terminé notre rituel et buvant ensuite une tisane dans le salon avant d’aller nous coucher, je sentis soudain une présence lumineuse irradiant l’intérieur du séjour. Une créature ailée diaphane et d’apparence féminine était là. Je pensais immédiatement à la visite de la fée que Claude avait reçue, c’était donc mon tour. La fée, car c’était bien une fée, s’adressa à nous :

bonsoir, Gwenaëlle et Alexandre (nous étions restées dans cette version après le rituel), je suis très heureuse de vous rencontrer enfin.

Nous la saluâmes à notre tour. Elle nous dit m’avoir beaucoup observé·e depuis mon arrivée et me félicita de ma grande réceptivité sur l’histoire de la lignée et de ma capacité d’innovation dans l’utilisation du miroir, notamment avec la transformation hermaphrodite (Cf. chapitre précédent). Alexandre·a avait lui·elle aussi testé cette fonctionnalité.

Nous étions sous le charme :

Madame la fée… commençai-je.

Appelez-moi Gentiane, de grâce…

Gentiane, je ne sais si vous pourrez répondre à mes questions, mais je ne pense pas qu’Alexandre me soit apparenté, comment se fait-il qu’il puisse utiliser le miroir ?

Le miroir a été créé il y a très longtemps par un maître artisan korrigan peu de temps après l’apparition des humains sur terre. Il n’est donc en fait pas réservé d’utilisation à ta seule lignée, mais a été donné à ta famille pour services rendus en protégeant notre communauté (elle voulait dire fées et korrigans) comme je l’ai raconté à Claude il y a quatre générations.

Et ?

J’y viens : son utilisation est en fait réservée aux humains descendant d’un changelin*. Il y a un changelin à l’origine de ta lignée, je le sais et m’en souviens très bien, il était le fils de ma sur. Alexandre aussi a un lointain ancêtre changelin, mais d’une autre famille de fées.

Ça alors !

Nous ne connaissons pas toutes les possibilités offertes par le miroir. Seules quelques fonctionnalités ont franchi les générations. C’est un objet a priori 100% bénéfique et nous ne connaissons pas d’utilisation maléfique à son sujet depuis son apparition. Je suis en tout cas très heureuse de voir comment vous l’utilisez et de vous voir également lié·es par un amour sincère et si beau. Vous êtes dans l’esprit du Dieu et de la Déesse et je vous en remercie.

Merci Gentiane, dis-je en retour.

Cela m’amène au véritable sujet de ma visite, désolée d’être un peu cash (Si les fées se mettent aussi à parler comme ça…) : Gwenaëlle, il est temps que tu enfantes et que tu propages la lignée de ta famille. Les générations suivantes doivent absolument pouvoir continuer à utiliser le miroir, car le lien ne doit pas se perdre.

Oui Gentiane, (je comprenais très bien pour avoir étudié les carnets de Claude !)

Tu connais les modes opératoires pour être enceinte et je te laisse juge de la méthode à utiliser. Je vais maintenant prendre congé. Je serai toujours là pour vous, vous êtes des personnes clés pour Brocéliande et les Bretagne. (Cette dernière évocation DES Bretagne fit écho dans ma tête à celles de la fée Viviane dans les Celtiques de Corto Maltaise…) Ah, j’oubliais : les carnets de Claude sont les seules traces écrites qui ont permis que le miroir soit de nouveau utilisé et bien utilisé. J’aimerais que tu reprennes le flambeau de cette transmission, en l’enrichissant naturellement de vos propres expériences. Evite de publier cela sur Internet (humour de fée !)

Il en sera fait selon votre désir Gentiane, répondis-je.

Elle nous embrassa tendrement puis disparut en un claquement de doigts.

Je crois que j’attendais en fait cette visite depuis longtemps. J’étais prêt·e pour perpétuer la lignée. Le protocole de parthénogenèse suivi par Claude était certes envisageable, mais j’avais envie d’autres choses et me tournai naturellement vers Alexandre :

Alexandre, veux-tu être le père de mon enfant ?

Oh oui, Gwenaëlle, mais seulement si tu es le père du mien !

Tu sais que nous devrons rester femmes le temps de nos grossesses ?

Oui, cela me va très bien.

Techniquement, il fallait faire vite pour nos actes de procréation et que nous ayons des rapports inversés très rapprochés. L’autre solution était de nous inséminer mutuellement, mais nous préférâmes la conception amoureuse active. L’un·e après l’autre, nous nous fîmes l’amour, l’homme dans la femme.

Quelques jours après nos ébats, une femme korrigan vint à la porte de la maison nous offrir ses services jusqu’aux naissances. Elle nous dit bien avoir connue Claude et Armel·le et que la maison lui avait manqué. Je n’avais jamais rencontré de korrigans en vrai. En discutant au fil des semaines avec elle, je découvris que les légendes véhiculées par les humains à leur égard étaient très inexactes et souvent d’une grande méchanceté. Alexandra apprécia aussi cette présence.

Nous donnâmes naissance le même jour, au solstice d’été, à une fille et à un garçon que nous prénommâmes Morgane et Vivian. Avec de tels prénoms, ils auraient l’espérions-nous leurs pendants féminins dans une vingtaine d’années, et puis cela les rapprochaient aussi de leur filiation de la famille des fées !

Après nos accouchements, la femme korrigan rentra chez elle, elle nous invita à venir rencontrer son peuple dans la forêt les nuits de pleine lune, ce que nous fîmes régulièrement avec les enfants pendant toutes les années qui nous restaient à vivre. Ces rencontres furent passionnantes et seraient dignes d’être racontées.

Fin

changelin : nom donné aux enfants de fées placés auprès des humains dans une famille. Léchange a lieu selon la légende après l’accouchement. On leur prête un certain nombre de pouvoirs.

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