9- Ultimatum

Le moment fatidique des adieux était arrivé. Des larmes perlaient dans les yeux dHélène.

Arnaud prit Hélène par la taille et la regarda dans les yeux.

— jai deux choses à te demander, dit-il.

— tout ce que tu veux mon amour, répondit-elle en épongeant les larmes avec son doigt

— attend avant de temporter.

— alors la première chose ?

Arnaud prit une grande inspiration.

— tu connais maintenant tous mes amis. Ou presque. Et un petit bout de ma famille. A mon tour, jaimerai connaitre tes parents et tes amis.

Hélène le regarda avec de grands yeux. Ce premier souhait était à double tranchant. Le bon coté, cest que dune façon, il officialisait leur relation, mais le mauvais, cétait quHélène, ou plutôt Thierry allait devoir faire ce quil avait toujours repoussé : avouer quil était amoureux dun homme et que cet amour passait obligatoirement par vivre en fille.

— pourquoi tu veux connaitre mes parents ? On nest pas bien comme ça tous les deux ?

— oui mais ça me suffit pas. La famille est quelque chose dimportant pour moi. De sacré. Je ne pourrai vivre avec toi que si tes parents macceptent et acceptent notre couple.

— tu es sérieux ?

— je nai jamais été aussi sérieux. Et jen viens à ma deuxième demande : est-ce que tu veux venir vivre avec moi ?

Hélène nhésita pas longtemps.

— oui, cent fois oui ! Rien ne me pourrait plus faire plus plaisir.

— très bien ma chérie. Mais cela ne pourra se faire que si ma première demande est satisfaite.

Le marché était horrible. Hélène ne pourrait vivre avec Arnaud que si ses parents acceptaient lhomosexualité de leur fils, son état de travesti et son petit ami, métis qui plus est. Trois raisons largement suffisantes pour réduire sa vie et son bonheur à néant.

— il faut que je te laisse ma chérie, dit Arnaud. Jai mon voyage à préparer.

Ça aussi, Hélène lavait enfoui. Arnaud partait à la fin de la semaine pour la Martinique retrouver sa famille. Six semaines de séparation douloureuse.

— et toi tu me présenteras ta famille ? demanda Hélène avec amertume.

— oui bien sur. Ça fait aussi partie de mes projets. De leur dire que je suis tombé amoureux dun homme. Et encore plus amoureux de la fille quil est devenu.

Hélène nen revenait pas. Arnaud était amoureux delle. Certes, il aimait bien Thierry mais il était amoureux dHélène.

— tu maimes vraiment ?

— oui Hélène, je taime. Jaime la fille, mais pas lhomme. Cest con, je sais, mais cest comme ça. On a six semaines pour faire le point, mettre au courant nos familles respectives. Et si ce ne sera pas facile pour toi, ce ne sera pas une partie de plaisir pour moi non plus.

Hélène lembrassa, ponctuant leur baiser de « Je taime ».

— tu me fais lamour avant de partir ? demanda-t-elle

— non ma chérie, je ne peux pas, je dois y aller. Vendredi soir, tu viendras chez moi et je te donnerai tout le plaisir que tu voudras.

Ils se quittèrent dans un dernier baiser. Hélène ferma la porte et se jeta dans le canapé pour éclater en sanglot. Pleurs de joie parce quArnaud laimait, pleurs de tristesse parce quil était parti, pleurs de tristesse parce quil ne serait pas là pendant une éternité, pleurs de joie parce que si tout se passait bien, elle vivrait avec lui tout le temps, pleurs de tristesse parce tout se passerait mal.

Il sembla à Thierry que le temps sétait arrêté. Les journées semblaient durer des semaines et le vendredi narrivait pas.

Pourtant, celui-ci finit tout de même par arriver. En milieu daprès-midi, Arnaud ferma son PC, donna les dernières consignes à son adjoint et tous les deux quittèrent le bureau.

Ils mirent un temps fou à arriver dans le dix-septième. Cétait le premier jour des vacances scolaires et beaucoup partait.

En arrivant, Thierry se précipita à la salle de bain pour redevenir Hélène.

Ils dînèrent en tête à tête dans un restaurant chic puis rentrèrent pour faire lamour jusquà tard dans la nuit.

Hélène insista pour laccompagner à laéroport. Ils prirent les transports en commun bondés. Hélène resta jusquau dernier moment et quitta Roissy les yeux embués.

Arnaud lui avait laissé la clé de son appartement pour quelle soccupe des plantes et relever régulièrement le courrier.

Elle y resta tout le week-end, dormant à la place dArnaud pour sentir son odeur.

Elle rentra dimanche soir et redevint Thierry pour la semaine. La routine sinstalla entre boulot, salle de sport, souvenir des ces derniers mois et des bouleversements qui étaient survenus dans sa vie. Surtout son coté féminin quil avait sur-développé.

Il pensait à lultimatum dArnaud : avouer à se parents son homosexualité et son travestissement.

Ça occupait ses soirée, parfois ses journées. Comment le leur annoncer ? Sans être homophobe, raciste ou xénophobes, ses parents conservaient des idées traditionnelles. Ils navaient rien contre les homos, mais ils ne voulaient pas de ça chez eux, surtout par crainte du quen-dira-t-on et dune mauvaise réputation vis-à-vis de la famille, des amis, du voisinage.

Il avait beau tourner le problème dans tous les sens, rien nen sortait.

Thierry guettait les messages dArnaud avec une impatience non feinte et consultait sa boite mail toutes les cinq minutes.

Hélène passa deux week-ends chez Marysa. Séance shopping, dîner au restaurant, et avec la bénédiction dArnaud, les deux femmes firent lamour. Si Hélène adorait être sodomisée, pénétrer une femme nétait pas désagréable non plus et cest avec un certain plaisir quelle donna du plaisir à Marysa avec sexe pourtant de taille très moyenne.

Thierry attendit le retour de ses parents, Jacques et Sylvie, pour prendre son courage à deux mains et tout leur avouer le week-end suivant.

Ses parents habitaient en province, à cinq cent kilomètres. Nayant pas de voiture, Thierry en loua une pour leur rendre visite le temps du week-end. Dhabitude il sy rendait en train et utilisait leur véhicule pour ses déplacements sur place. Cette fois, si les discutions tournaient mal, il pourrait repartir aussitôt.

Cela faisait plus de six mois quils ne sétaient pas vus, la dernière visite remontant aux fête de fin dannées. Sa mère nota aussitôt les changements dans le look de son fils : la coiffure, les sourcils et les jambes épilés. Thierry éluda la question en disant que son collègue avec qui il faisait du sport lui avait que cétait mieux. « Nimporte quoi ! » lui avait répondu sa mère.

Cest lors du repas de famille du dimanche auquel participait son frère ainé et sa belle-sur quil décida de tout déballer.

— jai une mauvaise nouvelle et une mauvaise nouvelle à vous annoncer, dit-il en reposant sa tasse de café.

— je crains le pire, plaisanta Fabrice, son frère.

— tu peux. Voila, je suis amoureux.

— mais cest très bien ça dit sa mère. En quoi cest une mauvaise nouvelle ?

— cest un homme.

— comment ça ? demanda Sylvie.

Malgré la chaleur du mois dAoût, lambiance devint subitement glaciale.

— je suis amoureux dun homme.

Sylvie porta ses mains à sa bouche. On lui aurait annoncé un décès que ça naurait pas été pire. Son père quitta la pièce.

— bon et lautre mauvaise nouvelle ? demanda-t-elle.

— il ne maime que si je suis habillé en femme.

Personne de dit rien.

— tu es homo alors ? demanda sa mère.

— depuis que jai rencontré Arnaud, on peut dire que oui. Je ne suis amoureux que de lui. Les autres hommes ne mattirent pas.

— et lui il taime ?

Sylvie avait fait un effort surhumain pour prononcer ces derniers mots.

— oui il maime. Mais il me préfère en fille. En fait, il ma proposé de vivre avec lui, en fille donc, à condition que vous acceptiez de le rencontrer.

— hors de question, cracha son père qui était revenu dans le salon.

Dire que lambiance avait été plombée par cette révélation était un euphémisme. Fabrice et Carole prirent congé.

— eh bien, frangin, je ne voudrai pas être à ta place, lui dit Fabrice avec une tape sur lépaule.

Sa belle-sur avait été plus rassurante :

— laisse le temps au temps. Tout va sarranger, jen suis sure.

Carole fut la seule à lembrasser.

Thierry quitta la demeure familiale en espérant que ce nétait pas la dernière fois quil y venait.

Le retour fut pénible. Bien sûr il sétait attendu à la réaction de ses parents. Réaction logique. Mais il avait espéré quils accepteraient ses choix de vie. « Laisse le temps au temps » lui avait dit Carole. Oui, mais combien de temps justement. Faudrait-il attendre que ses parents disparaissent pour vivre pleinement son amour avec Arnaud ?

Lidée lui était insupportable. Plutôt mourir que de passer à coté du bonheur.

Il arriva enfin sur Paris. Les bouchons du dimanche soir ne calmèrent pas sa mauvaise humeur et par deux fois, il faillit avoir un accrochage.

La semaine reprit son cours. Thierry se rendit chez son esthéticienne pour son épilation. Cest en se déshabillant quil se rendit compte quil avait oublié denlever son vernis sur les orteils.

— tant pis, se dit-il au point où jen suis.

Joëlle arriva et remarqua tout de suite le détail incongru chez un homme.

— désolé, il fallait bien que ça arrive un jour où lautre.

— vous êtes travesti, cest pour ça que vous vous faites épiler ?

— oui, travesti par amour pour un homme, avoua-t-il, surpris que lesthéticienne ne le juge pas.

— comment ça ?

— il se trouve que je suis tombé amoureux dun homme, mon chef en fait. Pourtant je ne suis pas homo. Mais lui, cest différent. Cest la personne qui ma plu. Pas le fait que ce soit un homme. Petit à petit, et voyant que plus te temps passait et plus jétais amoureux, Arnaud a fini par maimer. Enfin juste assez pour passer du temps avec moi. Mais pas question de sortir ensemble en public, sauf si je mhabillais en fille. Ce que jai fait aussi.

— joli sacrifice et belle preuve damour, dit Joëlle. Vous aimez vous habiller en femme ?

— je le fais par amour, pas vraiment parce que je me sens femme.

— jaimerai bien vous voir en jupe, dit-elle en souriant. Si vous voulez venir en fille, vous pouvez.

— cest gentil. Mais je ne voudrais pas donner une mauvaise réputation à votre salon.

— ne vous en faites pas pour ça. Comme ça, je pourrai vous donner quelques conseils.

— merci.

Joëlle termina son travail. Mais cette fois, elle lui fit la bise lorsque Thierry quitta le salon.

Thierry, en tant quHélène avait déjà tous les amis dArnaud acquis à sa cause. Sa belle-sur le soutenait. Et maintenant son esthéticienne sajoutait à cette liste. Il ne manquait plus que ses parents pour que le tableau soit complet.

Arnaud atterrit la semaine suivante. Mais épuisé par le décalage horaire, il refusa de revoir Thierry/Hélène.

Pour Thierry, ce fut une véritable torture que dattendre le lundi matin pour revoir son homme qui lavait laissé six semaines plus tôt et qui ne lui avait envoyé quune petite dizaine à peine de message.

Il se demandait de plus en plus si Arnaud laimait encore et sil avait toujours besoin de faire tout ces efforts pour un homme qui ne sintéressait plus à lui. A cause de lui, il en était venu à shabiller en fille, à cause de lui, il venait dêtre rejeté par ses parents. Tout ça pour quoi ? Pour rien au final. Pendant un instant il fut tenter de tout jeter par la fenêtre, ses robes, ses chaussures, ses dessous et lui avec. Un instant. Un SMS dArnaud lempêcha de commettre lirréparable.

« Désolé ma chérie, mais je suis mort. Je te raconterai. Bisous. Je taime. »

Ce message lui redonna du baume au cur et il décida de passer le dimanche en fille, histoire de se réhabituer à son coté féminin.

Le lundi arriva enfin. Thierry avait gardé un string en dentelle, la première fois quil portait un dessous féminin pour aller au travail, gardé ses pieds verni en rouge, et mis un vernis transparents sur ses mains aux ongles beaucoup trop long pour un homme. Une touche très légère de mascara habillait ses cils. Une folie. Mais Thierry ne pensait quà Arnaud.

Arnaud arriva en milieu de matinée. Il ferma la porte et vint embrasse Thierry. Bien que bref, le baiser fit un bien fou à Thierry qui avait besoin de ça pour être rassuré.

Ils passèrent la fin de la matinée à parler des vacances dArnaud. Thierry eut un pincement au cur quand il lui avoua avoir couché avec quelques filles. Malgré tout, Arnaud remarqua les touches de féminité de Thierry et apprécia lintention même si la désapprouvait vis-à-vis de limage de la société.

— as-tu parlé à tes parents ? demanda Arnaud

Thierry se rembrunit.

— oui. Et ça sest très mal passé.

— je suis désolé.

— ne le sois pas. De toute façon, tôt ou tard, jaurai du y venir. Mais ce qui me rend triste, cest quon ne pourra pas vivre ensemble.

— il reste les week-ends.

— oui, mais ça ne me suffit pas. Je veux vire avec toi tout le temps.

— mais ça suppose de vivre en fille tout le temps alors. Comment tu vas faire pour travailler ?

— je viendrai travailler en fille alors.

La détermination de Thierry ébranla Arnaud. Toutes ses tentatives pour détourner Thierry, non seulement étaient vaines mais décuplaient son amour pour lui. Il aimait bien Thierry et encore plus Hélène, mais cet amour absolu le dérangeait un peu. Il fallait quil trouve une solution avant que Thierry ne le mette dans lembarras sur le plan professionnel.

La vie repris son cours. Arnaud samusa de voir que Thierry gardait son vernis sur les pieds. Le vendredi arriva enfin. Thierry quitta le bureau bien plus tôt que lhoraire légal et rentra se changer et attendre Arnaud qui venait le chercher.

Hélène se lâcha à peine la porte de lappartement fermée. Elle se jeta sur Arnaud et lembrassa fougueusement.

— tu ne veux pas sortir dabord, réussit à dire Arnaud entre deux baisers.

— non, ça fait trop longtemps que je tattends.

Hélène lentraina sur le canapé et le déshabilla rapidement. Elle prit le sexe dArnaud dans ses mains et le caressa doucement. Et le mit en bouche.

— humm comme cest bon, dit-elle. Tu mas manqué mon amour.

Elle le suça comme elle savait si bien le faire.

— fais-moi lamour, prends-moi, dit-elle après quelques minutes, en se mettant à genou dans le canapé.

Arnaud ne se fit pas prier. Voyant le désir de son amoureuse, il prit moins de précaution que les fois suivantes et la pénétra, forçant le passage.

Malgré la lubrification, Hélène laissa échapper un cri de douleur où se mélangeait du plaisir.

— plus ça va et plus tu aimes ça, coquine, dit Arnaud en claquant les fesses du travesti.

— oui, jadore. Prends-moi fort.

— ok ma chérie. Puisque tu le demandes

Arnaud lui fit lamour brutalement et Hélène en redemandait encore. Il se retira, la retourna et plia ses jambes sur son buste. Il revint dans son trou dun coup, jusquà la garde. Hélène cria mais de plaisir seulement. Elle pleurait mais de joie.

Arnaud sactiva puis se laissa tomber sur Hélène. Il éjacula dans le préservatif tout en lembrassant.

— eh bien dis-moi, il était temps !

— oui mon chéri. Tu mas manqué.

— toi aussi tu sais.

— cest vrai ? Pourtant ça ne ta pas empêché de voir ailleurs.

— vrai de vrai. Mais si jaime faire lamour avec toi, jaime bien aussi les minous des femmes.

Hélène lembrassa. Le sexe dArnaud, toujours dans le fondement dHélène revenait à sa taille normale.

— jai un creux, dit Hélène.

— où tu veux aller ?

Ils se rendirent dans le restaurant antillais où Hélène avait fait la connaissance des amis dArnaud. Cette fois ils étaient seuls.

Ils se baladèrent un peu dans Paris, bras dessus bras dessous ou se tenant par la taille. Les parisiens étaient encore en congés et seuls les touristes envahissaient la ville-lumière. Ils rentrèrent vers minuit et refirent lamour encore une fois.

— jai quelque chose à te demander, dit Arnaud pendant le petit déjeuner.

— tout ce que tu veux mon chéri.

— à part ton boulot dinformaticien, quest-ce que tu sais faire ?

La question surprit Hélène. Et cétait rien de le dire.

— comment ça ?

— voila. Jai un truc à te proposer : tu sais que Marysa est décoratrice dintérieur. Est-ce que ça te dirai de tassocier à elle ? Tu suivrais une formation et elle tapprendra le métier sur le tas. Lavantage, cest que tu pourras vivre en femme tout le temps. Et vivre avec moi.

— euh oui, non, je ne sais pas. Mais tu mas dit quon vivrait ensemble que lorsque je taurais présenté à mes parents.

— ben disons, quon ne va pas attendre indéfiniment.

— tu es sérieux ?

— tout ce quil y a de plus sérieux. Je crois que, quoique je fasse, tu ne me lâcheras pas. Et plus jessaye de téloigner de moi et plus tu es amoureuse. Alors autant vivre ensemble. Ce sera plus simple. Mais la contrainte est que tu vives en femme tout le temps.

— oh moi mon amour. Oh oui. Quand est-ce que jemménage ?

— quand je taurais trouvé un remplaçant ou une remplaçante au bureau. Après tu démissionnes, puis tu poses ton préavis pour ton appartement et tu tinscris à une formation de décoratrice. Et ensuite, tu viendras habiter ici.

Hélène nen croyait pas ses oreilles. Elle allait avoir ce quelle désirait : vivre pleinement son amour pour Arnaud avec Arnaud.

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