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L'envol des tourterelles – Chapitre 16




Alicia se tenait toujours debout au milieu de la pièce, retenant ses larmes. Sophie effectua quelques pas dans sa direction, s’immobilisa, leva les yeux vers Alicia puis se laissa tomber sur ses genoux.

 Deux curs saignaient d’amour et de tristesse.

 Pour Sophie, tout était terminé. Les accusations brutales qu’elle venait d’entendre constituaient pour elle une répudiation sans équivoque de la part de sa vieille amie de cur. Sa tristesse pour Alicia n’avait d’égale que la grandeur de l’amour qu’elle éprouvait toujours pour elle.

 Alicia, quant à elle, craignait une réaction démesurée de la part de Sophie, qu’elle savait très sensible. Certes elle devait lui faire savoir que les événements récents l’avaient durement affectée, mais au final, c’était pour qu’elle sache qu’elle lui accordait son plein pardon, justifié par son amour envers elle, un amour empreint d’abnégation et de sincérité.

 Sitôt sur ses genoux, tout le corps de Sophie fut pris de secousses induites par de nouveaux sanglots :

 « Oh, Ali! s’exprima-t-elle, presque sans voix, je suis tellement désolée. »

 Elle fit une courte pause.

 « Je regrette tellement que tout ça se termine ainsi. Je je vais ramasser mes affaires et retourner chez Maman.

 – Mais Sophie, s’étonna Alicia.

 – Je ne suis pas digne d’être ta compagne de vie. Je sais que je t’ai grandement déçue. Tu ne méritais pas ce que tu viens de subir.

 – Sophie, tenta d’intervenir de nouveau Alicia.

 – Tu pourras facilement trouver une compagne pour ta vie. J’ai vu Geneviève et Marie-Claude lorsqu’elles t’ont embrassée ce soir. Elles te regardaient d’une façon spéciale. Ces filles sont libres, on le sait. Elles seraient sûrement de bons partis pour toi.

 – Mais enfin, Sophie »

 La malheureuse se sentait totalement déprimée à l’idée de devoir renoncer à cette liaison qu’elle vivait depuis tant d’années, remplies de complicité et de plaisirs partagés. Mais elle savait que c’était pour elle l’unique chose à faire. Pour Alicia, constater à quel point Sophie était persuadée qu’elle ne l’aimait plus lui devenait de plus en plus insupportable.

 « Ça aura été un beau rêve, un rêve de jeunesse. J’en chérirai toujours le souvenir dans mon cur, ajouta-t-elle en reniflant. Je vais trouver ma consolation auprès de Maman. »

 N’ayant plus la force de prononcer un seul autre mot, elle retomba dans d’énormes sanglots, assise sur les talons, tête baissée.

 Ne pouvant plus elle-même retenir ses larmes, Alicia s’approcha silencieusement et s’assit par terre, à côté de sa bien-aimée. De son bras elle lui entoura l’épaule en la serrant contre elle.

 « Mon beau bébé d’amour, je regrette moi aussi, reprit Alicia. Je ne savais pas trop comment te faire connaître ma peine. Donc j’ai simplement laissé un personnage parler à ma place. Ni Geneviève, ni Marie-Claude ne m’intéresse. C’est toi que j’aime, Sophie, toi et personne d’autre. Que vais-je devenir si tu me quittes?

 – Tu ne veux plus que je parte? sembla s’étonner Sophie

 – Je ne t’ai jamais demandé de le faire. »

 Essuyant le visage de Sophie, Alicia poursuivit :

 « Il fallait qu’on se parle, qu’on se dise tout. Si on ne l’avait fait, nous serions restées chacune avec une crotte sur le cur. Je t’ai tout pardonné, ma Sosoph, crois-moi.

 – Tu me dis ça pour tenter de me consoler. C’est très gentil de ta part, mais j’ai peine à y croire, répondit une Sophie incrédule en reniflant de nouveau.

 – Je ne pourrais vivre sans toi, mon amour. Depuis des années nos esprits sont fusionnés. Et puis, qui vais-je défendre si tu n’es plus là? Je suis là pour toi et tu es là pour moi. »

 Devant le silence de Sophie, Alicia décida d’utiliser une de ses armes préférées, les anecdotes cocasses :

 « Tu te souviens, quand Bastien et ses comparses avaient tenté de te voler ta boîte à lunch?

 – Oh oui, sourit timidement Sophie. Ils me l’avaient chipée et tu t’étais mise à courir après eux. Bastien avait pris toute une baffe!

 – Et des coups dans les cannes! Il avait finalement laissé tomber ta boîte.

 – Et la sienne en plus, je me souviens! ajouta Sophie.

 – Nous avons festoyé ce jour-là : deux lunches pour le prix d’un. Ses sandwiches étaient tellement bons que j’ai pensé demander à sa mère sa recette de mayo.

 – Et tu l’as fait?

 – Et comment! Tout simplement en rapportant l’objet chez ses parents.

 – Et que t’a dit sa mère au sujet de cet événement?

 – Elle me dit alors : Ça lui apprendra à voler les affaires des petites filles sexy!’

 Sophie eut une petite exclamation de rire. Elle se sentait mieux mais restait encore à convaincre. Pour Alicia, il était maintenant temps de suturer et de panser la plaie. Elle aida sa compagne à se lever et l’amena doucement devant son miroir de commode.

 « Regarde-nous, chérie, lui dit-elle. Imagine que c’est moi qui ai gaffé. Me pardonneras-tu? »

 Cette question replongea Sophie dans la conversation de la veille avec Jasmine.

 « Sans hésiter, mon amour, mais c’est moi qui est fautive cette fois-ci, pas toi.

 – Dis-toi alors que l’amour qui est dans ton cur se trouve aussi dans le mien.

 – Oh, Ali! Je ferais n’importe quoi pour être pardonnée, je suis si désolée, dit-elle en baissant la voix. »

 Les deux tourterelles étaient à présent enlacées, se regardant toujours à travers la glace, faisant abstraction de la subtile odeur de vomi émanant toujours de la robe de Sophie.

 « Alors voici : pour te faire pardonner, je te demande une chose.

 – Oh oui! N’importe quoi, dis! supplia-t-elle.

 – C’est simple à demander, mais c’est à toi de travailler là-dessus, je ne pourrai le faire à ta place. »

 Sophie resta silencieuse, des points d’interrogation dans les yeux qu’elle avait à présent fixés sur ceux d’Alicia.

 « Accepte mon pardon, tout simplement, au nom de notre amour. »

 Dans l’esprit de l’experte en synergologie qu’était Sophie, tout venait de se confirmer. Ces dernières paroles prononcées par Alicia avaient trouvé écho dans son non-verbal. Le fait de s’asseoir à ses côtés et de se placer à son niveau avait manifesté la volonté de regarder dans une direction commune, alors que le face-à-face aurait, lui, été un signe de confrontation. Évoquer des souvenirs du passé avait cherché à démontrer la solidité et l’enracinement de leur relation de couple. Les mots, la voix, la gestuelle, l’attitude, tout dans le comportement de son amie rendait le même témoignage: son pardon et son amour à l’égard de Sophie étaient réellement sincères. Mais au-delà du rationnel, c’est le cur de Sophie qui lui avait révélé ce dernier fait.

 L’étreinte se resserra. Alicia dut retenir Sophie auprès d’elle, la sentant presque défaillir de joie et de reconnaissance.

 « Oh, ma Sophie, ma bibiche, pendant un court instant j’ai vraiment cru t’avoir perdue! fit Alicia dans un sanglot.

 – Et dans ma tête à moi, c’était terminé, tu ne m’aimais plus. J’étais si malheureuse. Je ne sais pas quoi dire. Je t’aime, gros minou. Je suis si heureuse dans tes bras, sourit tendrement Sophie, en se blottissant dans l’épaule de sa compagne. »

 Plus rien au monde n’allait désormais séparer les deux colombes, redevenues d’un même accord, d’un même esprit. La plaie était maintenant fermée. Allait-elle cependant laisser une cicatrice dans leurs prochains jeux amoureux?

(À venir: Premiers jeux amoureux)

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