Un capitaine en grand uniforme m’attendait au pied de la passerelle.
– Nous allons faire un tour en bateau ?
– Certainement, mademoiselle Valmont.
Ce navire n’a même été affrété que pour vous être agréable.
Mr Niarchos m’a chargé de m’occuper de vous personnellement.
N’hésitez pas à me demander ce qu’il vous plaira ! Je suis là pour exaucer le moindre de vos désirs !
Le gradé me dévorait du regard et contemplait ma poitrine avec les yeux dun loup affamé apercevant un troupeau de jeunes brebis.
Le personnel très stylé fut effectivement aux petits soins avec moi durant les six heures de traversée qui me séparaient encore de mon Eric adoré.
Le soleil déclinait déjà quand nous aperçûmes les premiers promontoires rocheux de lîle mystérieuse.
Nous louvoyâmes le long de la côte pour ne perdre aucun détail des sites pittoresques de cette côte sublime.
Dans l’eau tiède d’une baie, des voiliers incroyables et quelques hors-bords dansaient sur leurs amarres.
Dès que notre vaisseau eut contourné la jetée qui abritait le port privé de Niarchos, je ne pus résister à l’envie de me baigner et plongeai dans leau azurée de la crique.
Semblant masquer le coucher du soleil, dans un décor de roches noires, fruit de diverses éruptions volcaniques qui avaient parsemé le premier millénaire de notre ère, se profilait le paradis architectural que Niarchos avait élevé au sommet dune colline dévorée de végétation.
Eric vint à ma rencontre avec, dans la main, une petite boîte à bijou en guise de bienvenue.
Sans vouloir le mettre sur un piédestal, il est beau, intelligent, futé, génial et si intentionné, mon amant.
*
Elle s’était installée à l’extrême pointe du navire, à califourchon sur le sommet arrondi et poncé de l’étrave.
Son corps félin avait plus que jamais de quoi rendre fou la plupart des hommes normalement constitués.
Unique et irremplaçable, inondée de lumière, Shana respirait le vent du large.
Elle avait le visage émouvant et vulnérable d’une Madone florentine.
La grande beauté est-elle un signe de divinité terrestre ?
Elle avait retiré sa robe comme pour narguer la sirène nue qui ornait la proue d son vaisseau.
A quelques encablures du rivage, elle plongea dans les eaux cristallines et nagea vers le littoral dans un crawl souple et coulé.
Nue sur la plage comme si elle attendait que Neptune surgisse et l’emporte, elle irradiait sa sensualité.
On entendait, tout près, le bruit des vaguelettes se brisant doucement sur la rive qui se mêlait à ses rires d’une spontanéité désarmante.
Lorsqu’elle enfila sa courte robe en lamé argenté fendue très haut sur sa hanche droite, elle devint absolument irrésistible avec ses jambes étourdissantes, parfaite harmonie de muscles et de peau cuivrée, d’une fermeté impeccable.
Sa robe ténue laissait percer délicatement les pointes en érection de ses seins.
Je connais certaines personnes qui paieraient très cher pour posséder, quelques heures seulement, le corps céleste de ma naïade entre leurs mains.
Avec son allure de panthère, elle s’engagea à ma rencontre sur l’allée fleurie qui menait à la propriété du grec, avec l’élégance tranquille que lui conférait la perfection de ses formes.
Le soleil irisait ses yeux pervenche et chacun de ses sourires me donnaient l’irrésistible envie de l’embrasser.
Je finissais par douter de ma vue tant sa beauté paraissait irréelle.
– Tu es superbe avec tes seins libres sous ta robe. Un monstre de provocation !
Le seul soutien-gorge que j’accepterai désormais sera la paume de mes mains.
*
En arrivant sur cette île, j’eus l’impression bizarre de poser le pied sur une mine et encore, je ne me doutais pas que j’allais être happée dans une spirale qui m’engloutirait toute entière.
Dès quil meut aperçu, Eric se rua sur moi, les yeux exorbités, comme sil avait attrapé la myxomatose.
– Inutile de me sauter au cou !
Pour linstant, la curiosité est plus forte que la passion.
J’attends un geste d’amour depuis trois mois, je tiendrai bien une minute de plus.
Explique-moi d’abord ce que je fais ici ! Je veux tout savoir, tout comprendre…
– Tu es aussi curieuse que coquine, toi !
Je vais essayer d’être le plus clair et le plus concis possible.
Ce morceau d’archipel sur lequel tu viens d’aborder appartient en totalité à Monsieur Niarchos que tu vas rencontrer tout à lheure.
Cet alerte sexagénaire, exilé de sa villa de Bel-Air à Los Angeles, sera en fait ton nouveau patron.
Pendant que je te parle, il doit nous surveiller du haut des marches qui mènent à sa villa et je peux te dire quil t’attend impatiemment.
Ne men veux pas mais j’ai brossé de toi un portrait tellement élogieux quil ne sera même pas surpris si tu portes lécharpe de Miss Univers !
Cest un homme très, très important et il faudra lui faire bonne impression demblée.
Notre hôte, quoique préretraité, est toujours à la tête d’un imposant groupe financier qui par le jeu de sociétés fantômes règne sur la haute finance mondiale licite et illicite sans doute.
Cest un partenaire que je qualifierais dinévitable dans les affaires. Il est essentiel de lui faire bonne impression car nous sommes en passe de signer un gros marché dans cette partie de la Méditerranée.
Au fil des années, il sest tissé une formidable sphère d’influence.
Il ne se préoccupe que de la développer et ce qu’il a fait notamment en achetant cette île où vit depuis vingt ans une communauté de milliardaires plus ou moins dépravés et plus ou moins retirés des affaires mais avec des comptes en banques qui ne cessent de grossir comme leurs abdomens dailleurs.
De plus, il possède de nombreux soutiens dans la police et l’administration sur le continent.
Il est certes peu recommandable mais incontournable dans mes projets immobiliers.
Tu ne peux pas imaginer ce que j’ai dû user de diplomatie et de promesses pour lui arracher ce lopin de terre pour y installer mon paradis pour vacanciers.
Tu te doutes bien que l’argent ne l’intéresse plus particulièrement.
La seule monnaie d’échange qui fut susceptible de retenir son attention était la promesse de construire une piste d’atterrissage pour permettre l’approvisionnement rapide de Xhios.
Je ne suis pas dupe quil compte aussi se servir de ma piste pour faciliter surtout ses trafics sous le couvert d’un banal transfert de touristes entre le continent et son île.
En échange de l’usage discret de la piste, il a finalement consenti à me céder une parcelle caillouteuse pour mon implantation.
Une fois le précontrat signé, en une semaine, j’ai pu réunir toute une équipe pour démarrer le projet.
Les géomètres finissaient à peine l’arpentage du terrain que les pelleteuses démarraient déjà l’abrasion de la surface.
Cest là que les complications ont commencées.
L’arrachage d’une souche d’olivier révéla une ancienne construction enfouie.
Il s’agissait d’une tombe qui apparemment semblait toujours inviolée.
Pas de quoi stopper l’élan d’un promoteur bien décidé à mener à bien sa mission, me diras-tu !
Aussi, devant le risque de voir les travaux s’enliser, la décision fut prise d’appliquer le black out total sur cette découverte fortuite.
Après avoir déterré les premiers objets, nous avons très vite compris l’appellation de ce lieu nommé « Mont Royal » que la légende désignait comme l’endroit où Minos avait établit un campement en fin de vie lors de sa dernière croisière dans les îles.
Une bague royale, ramassée par un ouvrier, et quelques bracelets ne laissaient plus de doute sur l’importance de ce tombeau.
Malgré tous nos efforts pour taire cette découverte, force fut de constater que lon est toujours trahi par son personnel.
Un bon vent apporta aux oreilles de Niarchos qu’un ouvrier turc du chantier essayait de négocier des bijoux de grande valeur.
Nos relations cordiales se sont arrêtées là.
Il a vite fait de remonter la filière et me voilà aux prises avec un gros paquet de problèmes.
De toute évidence, cette fabuleuse découverte ne le réjouissait pas plus que moi.
Le patriarche grec ne tenait pas à faire de son île un pôle d’attraction mondial.
Du coup, il manifesta son opposition ferme à la poursuite des travaux et revendiqua son titre de propriété sur le sous-sol du site.
C’est alors que j’ai eu l’idée de faire appel à tes talents.
Il ne me restait plus que la solution de pactiser avec le diable en lui proposant de poursuivre les fouilles sous sa surveillance et surtout en toute discrétion avec lapport dune sommité de la civilisation crétoise…toi.
Il n’est pas encore tout à fait amadoué mais je suis sur la bonne voie.
Je compte sur toi pour banaliser au maximum tes trouvailles éventuelles et apaiser ses craintes quant à l’éventuel rayonnement de cette tombe.
