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Les Zaventuriers – Chapitre 15




Vient ensuite pour eux le moment de mettre leurs tenues, et Mella enfile sans hésiter sa nouvelle tunique transparente aux reflets turquoise qui ne cache aucun de ses charmes féminins, et qui est si légère que son corps magnifique n’en subit aucune contrainte. Seuls ses tétons agacés par le doux frottement du tissu sont devenus durs et saillants comme si elle avait froid, mais cela ne fait qu’ajouter à sa splendeur. La demi-elfe pour sa part hésite à faire comme son amie, mais le barbare à présent doué d’intelligence dont elle est tombée amoureuse, l’encourage d’un regard. Pour lui faire plaisir, elle se décide donc à passer par-dessus ses épaules sa propre tunique en soie de vers ifiables. Son fin vêtement a quant à lui des reflets sauges, et il retombe doucement pour couvrir ses courbes sans pour autant les dissimuler. Níniel ne peut pas à ce moment-là s’empêcher de rougir, bien que Colissimo lui ait affirmé que sa pudeur serait atténuée par l’augmentation de sa sagesse. Cependant, en voyant le visage de Krill sur lequel se mélangent la fierté la tendresse et le désir, elle reprend confiance en elle, tout en se disant que ce que peuvent bien en penser les autres n’a aucune importance à ses yeux.

Lorsqu’ils sont tous parés ils lèvent le camp, puis ils rejoignent la lande avant de se diriger vers le levant, dans le but de poursuivre leur quête. Leur cheminement se passe sans incident, et il est ponctué par une pause à la mi-journée pendant laquelle ils se restaurent. Lorsque la Chaude pointe une nouvelle fois en direction du couchant, les elfes se mettent comme chaque soir à la recherche d’une clairière, dans laquelle la compagnie pourra passer la nuit. Une fois qu’elles ont trouvé une trouée ils s’engagent tous dans la forêt, qui n’est plus aussi sombre sans doute parce qu’elle est composée d’arbres moins anciens. Ils arrivent dans un espace dégagé au milieu duquel coule un petit ruisseau, ce qui les satisfait tous, étant donné que certaines des soirées précédentes se sont passées pour eux sans pouvoir se décrasser. Bien entendu, même si aucun danger ne semble les menacer, Mella ne manque pas de lancer son charme de répulsion en jouant un air de flûte, tandis que Gardain et Níniel montent les deux tentes.

Ensuite ils se mettent tous nus dans le but d’être à l’aise, et pendant qu’ils se restaurent l’humaine dit à ses compagnons :

— Nous avons bien cheminé aujourd’hui, et à mon avis nous avons dû parcourir une dizaine de lieues. Par conséquent, je pense que demain nous devrions atteindre le bourg de Port-Seulet.

L’elfe lui répond :

— Oui, c’est super bien. Il s’y trouve certainement une auberge dans laquelle nous pourrons prendre un bon repas chaud. En plus, ces endroits sont généralement pourvus de baquets confortables, destinés à être rempli d’eau savonneuse et tiède.

Et le nain surenchérit :

— On pourra aussi négocier le matériel qu’on a en trop, puisqu’une voie part de ce bourg pour aller dans la partie la plus à l’est du royaume de Kazador. Et même si elle est une des moins fréquentées, il doit quand même y avoir quelques marchands dans cette communauté humaine.

Puis il ajoute après avoir poussé un soupir :

— Si seulement vous m’aviez laissé dépouiller les gobelins qu’on a occis, on aurait pu récolter encore plus de pièces d’or.

Cette remarque fait sourire ses compagnons, et la mage ajoute pour le consoler :

— Je gage que le Tertre Sanglant doit regorger d’objets de valeurs autant que de dangers, par conséquent tu pourras te rattraper lorsque nous en ressortirons.

— x-X-x-

Cela remonte immédiatement le moral de Gardain, qui demande à ses compagnons après avoir souri :

— À votre avis, à quels genres de monstres on doit s’attendre ?

C’est encore Hermine qui lui répond :

— Eh bien c’est une excellente question, et si j’ai bien compris Colissimo ne peut pas ou ne veut pas nous donner des renseignements à ce sujet. Par conséquent il nous faudra le découvrir par nous-mêmes. Mais si vous voulez mon avis, nous risquons d’y rencontrer des créatures telles qu’il y en a dans les souterrains. C’est-à-dire des orcs, des gobelins et des elfes noirs, et certainement des rats des araignées et des fourmis géantes. Mais aussi des morts-vivants comme des goules, des zombis, des liches, des revenants, des spectres. Et peut-être même des strigoys…

Níniel qui est déjà impressionnée par la liste de monstres énoncée, parle pour la première fois depuis qu’ils ont commencé de se restaurer :

— Qu’est-ce que c’est des strigoys ? Je n’en ai jamais entendu parler…

— Eh bien à la base ce sont des êtres comme toi et moi, c’est-à-dire des elfes des humains des nains des gnomes, et même des orcs ou des gobelins, sauf qu’ils sont devenus des vivants-morts.

— Tu veux dire des morts-vivants, comme les liches et les revenants que tu as déjà cités ?

— Non, ceux-là sont différents. On ne devient pas strigoy en mourant, mais en se faisant mordre par un autre strigoy, car ces derniers se nourrissent de sang.

Gardain s’exclame :

— Par Exemple !!! Tu veux dire qu’ils saignent leurs proies ?!

— Oui. Soient ils les vident entièrement, et dans ce cas leurs victimes deviennent des zombis privés d’intelligence, soit ils ne prennent que la moitié de leur sang, et elles deviennent à leur tour des strigoys assoiffés. Les nouveau-nés sont assez faciles à occire, mais plus ils sont vieux et plus ils sont rusés et puissants, parce que temps qu’ils arrivent à trouver de quoi se nourrir ils sont immortels. Et les meilleurs moyens de s’en débarrasser sont de leur couper la tête ou de les incinérer, ce qui n’est pas une tâche aisée puisqu’ils sont plus rapides et plus forts que de simples mortels.

Níniel frissonne en entendant cela, mais Krill place son bras sur les épaules de cette dernière dans le but de la réconforter, avant de s’exprimer à son tour :

— Fracasser des crânes je fais ça très bien. Et si un de ces monstres s’approche de mon Antilope Des Bois, il aura pas le temps de lui faire du mal.

— x-X-x-

Cette façon de s’exprimer est assez inhabituelle pour un barbare, mais comme cela lui est venu de façon progressive ses compagnons ont eu le temps de s’y habituer. De plus, son assurance a le don de détendre l’atmosphère qui était devenue pesante, à cause des problèmes que ses compagnons et lui risquent de rencontrer en pénétrant dans le Tertre Sanglant. Les Zaventuriers terminent donc leur repas de bonne humeur, convaincus que quels que soient les dangers qu’ils auront à affronter, ils sauront y faire face. Lorsqu’ils ont fini de se restaurer, c’est par conséquent sans surprise que les membres virils des deux mâles se dressent, et qu’ils vont tous d’un accord tacite accomplir une nouvelle quête secondaire. Cependant, bien qu’ils sachent que cela leur rapporterait plus de points, ils ne s’unissent pas tous les cinq puisqu’Hermine va s’allonger le dos sur la mousse de la clairière, et que Mella vient se mettre au-dessus d’elle tête bêche. Elles entreprennent alors à se faire un Double Broutage de Préry, en se léchant mutuellement le connin tout en se régalant du nectar qu’ils produisent.

Krill va également se coucher sur le sol, puis Níniel vient se mettre accroupie au-dessus de lui toujours équipée de ses cuissardes à talons de mithril, et d’un geste à la fois élégant et assuré elle introduit l’os de 6 pouces de son amoureux dans son antre de Cemenss. Une fois qu’elle s’est empalée elle se penche en avant, et Gardain comprenant l’invitation muette vient enfoncer sa saucisse dans l’antre de Galipett ainsi offerte. Tandis que les deux mâles font coulisser lentement leurs courtes épées dans les fourreaux soyeux de la jeune femelle, qui se retrouve ainsi comblée au sens propre comme au sens figuré du terme ; grâce à leur langue agile, leurs deux autres compagnes s’engagent plus lentement mais tout aussi sûrement vers le plaisir ultime. C’est ainsi qu’ils arrivent tous à la jouissance, en poussant des gémissements étouffés ou des grognements de satisfaction. Lorsqu’ils en ont terminé ils se lavent au ruisseau, puis ils vont dans la double tente dans le but d’y passer une bonne nuit de repos.

Comme les fois précédentes ils ne prennent pas la peine d’organiser des tours de garde, convaincus que le charme de Mella et son anneau de détection les mettront à l’abri de toute intrusion surprise.

— x-X-x-

C’est au milieu de la nuit qu’une vibration persistante secoue l’abri de toile, ainsi que tout ce qui se trouve à l’intérieur. Alors qu’ils s’éveillent affolés, ils se rendent compte que la nouvelle bague que l’elfe a mise à son doigt dès que Colissimo la lui a offerte, brille d’un éclat rouge vif. Krill réagit le premier, et il sort précipitamment en emportant avec lui son épée à deux mains à lame de mithril. Une fois qu’il est dehors un spectacle étonnant s’offre à ses yeux, puisque grâce à la faible lumière que diffuse la Petite Alanguie, il voit cinq orcs essayer désespérément de franchir la barrière invisible que son amie a mise en place à l’aide de sa flûte. Ces peaux-vertes donnent des coups de cimeterres et de haches dans le vide, dans le but de déchirer en vain la protection magique, et lorsqu’ils se rendent compte de la présence du barbare leur fureur redouble. Cela laisse à ce dernier le temps d’apprécier la situation avant d’attaquer, ce qui est nouveau pour lui étant donné qu’avant de devenir plus intelligent, il aurait chargé sans se poser de questions.

Les intrus ne semblent pas être plus grands que lui, mais cette apparence est trompeuse parce qu’ils sont voûtés, ce qui leur donne un air encore plus massif. Leur peau a l’air d’avoir la même teinte que les feuilles des arbres qui les entourent, mais c’est peut-être trompeur vu la faible clarté du moment, qui n’empêche pourtant pas leurs yeux rouges remplis de haine de briller. Ils sont larges et très musclés, contrairement aux gobelins qui pour leurs parts sont fluets. Autre différence, leurs corps sont poilus encore plus que ceux des humains, cependant pas assez pour que l’on puisse parler de fourrure. Leurs têtes sont plantées sur des cous larges et puissants. Ils ont des nez plats et retroussés, avec de grandes narines, et en dessous se trouvent leurs bouches avec une mâchoire tellement avancée, que leurs dents du bas pointues et plantées de façon irrégulière sont découvertes. Leurs longues canines qui font jusqu’à 4 pouces de long, ne sont pas sans rappeler les défenses des sangliers.

Leurs oreilles sont assez courtes mais pointues, et collés à leur tête. Leurs chevelures sombres et longues sont attachées en queue-de-cheval, certainement pour ne pas les gêner dans leurs mouvements. Ils sont torse nu, et ce manque de protection démontre qu’ils ignorent ce qu’est la peur, même si des espèces de kilts faits de peaux de bêtes crasseuses, couvrent leurs bassins et le haut de leurs cuisses.

Une fois qu’il a apprécié rapidement la situation, Krill fonce sur l’orc qui est le plus à droite et qui tient à la main un arc long avec une flèche encochée, contrairement aux autres qui sont équipés d’armes de poing. Le peau-verte tire sur lui et il lui érafle l’épaule, tandis que le jeune guerrier fonce dans sa direction. Heureusement et grâce au charme de répulsion qui a freiné le trait, cette blessure est sans gravité ; et il ne faut pas bien longtemps à notre ami pour décapiter celui qui l’a agressé. Il recule ensuite pour faire face aux quatre autres, satisfait de constater que la barrière magique ne fonctionne que dans un sens, ce qui lui donne un avantage certain. Tandis qu’il réfléchit à la façon de s’y prendre pour les affronter, une autre chose qui est nouvelle pour lui, il entend des sifflements venant de derrière lui, et il voit passer deux projectiles qui vont s’enfoncer dans le ventre de l’orc qui se trouve cette fois le plus à gauche. Krill n’a pas besoin de se retourner pour savoir que Gardain est venu lui prêter main-forte, puisque ce sont ses deux haches de jets offertes par le messager des Dieux, qui viennent de fuser avant d’atteindre leur cible.

Il ne reste donc plus que trois intrus, encore plus enragés qu’avant, et celui du milieu qui est le plus grand et le plus imposant de tous, s’adresse à eux en langage commun mais d’une voix rauque :

— Mauviettes !!! Vous fesez les malins avec vote magie, mais zêtes qu’des f’melles peureuses !!

Il doit probablement être leur chef, puisque chez ce peuple ce n’est pas la vivacité d’esprit qui prime, mais la force brute. Cependant Krill qui reste un barbare est piqué au vif, puisqu’il répond :

— Toi tu fais le malin parce que vous êtes trois, mais si les bêtes puantes qui t’accompagnent reculent, je vais te montrer si je suis une femelle. Tu feras moins le fier, lorsque j’aurai enfoncé mon os dans ton fion !

L’orc a un rictus mauvais, et il réplique :

— Toi seul contre moi seul, après je mange ton cur !

— x-X-x-

Il fait alors un signe à ses deux guerriers qui s’écartent d’une vingtaine de pas, et tandis que Krill s’avance vers lui l’épée levée prêt au combat, ce dernier entend une voix douce dans son dos :

— Mon amoureux, viens au moins mettre ton armure ! Cet affreux est dangereux !

Bien évidemment Mella Hermine et Níniel sont sorties elles aussi de la tente, et c’est la demi-elfe qui s’est adressé à celui dont elle s’est épris. Mais Krill hausse les épaules, et lui répond sans se retourner pour rester face à son ennemi :

— Pas le temps, mon Antilope Des Bois.

Le peau-verte, après avoir jeté un regard par-dessus l’épaule du barbare, lui dit :

— Maigrichonne, mais elle f’ra une bonne esclave quand j’laurai dressée.

Cette fois notre ami ne se laisse pas prendre à son jeu, et il réplique :

— Marrant, un gobelin nous a dit la même chose il y a deux journées de ça. Lui et les cinquante nabots qui l’accompagnaient ont fait le régal des charognards. Mais tu as peut-être participé à ce festin, parce que vu ton air stupide, je doute fort que tu sois capable d’abattre le moindre gibier.

La brute vient de se faire prendre à son propre piège, puisqu’il se rue sur son adversaire en hurlant :

— Vadorr !!!

Krill esquive sans problème la charge brutale en faisant un pas de côté tout en pivotant sur lui-même, et tandis que les deux autres orcs se précipitent vers lui, il décapite leur chef. Le premier des peaux-vertes est cueilli par une flèche qui vient se planter au niveau de son cur, et le second reçoit la lame du barbare dans le ventre, puisque ce dernier qui l’avait vu venir du coin de l’il, s’est retourné précipitamment pour lui faire face.

— x-X-x-

Le combat est à présent terminé, et lorsque les Zaventuriers entendent retentir deux fois le Gong-Bong, ils ne doutent pas un seul instant que c’est leur valeureux compagnon qui en est la cause. Cependant Colissimo n’apparaît pas, et après que Krill se soit lavé et ait avalé une potion de soins améliorés puis une autre de guérison des maladies bénignes, ils retournent tous se coucher. Bien entendu Gardain a profité du fait que son ami faisait ses ablutions pour aller fouiller les corps de ceux qui les ont attaqués, mais il a été déçu de constater que mis à part leurs armes en mauvais état et leurs kilts crasseux, ils ne possédaient rien qui puisse être revendu. À l’aube ils ont tous les traits tirés, étant donné que leur deuxième sommeil a été troublé par de mauvais songes résultants du combat qui a eu lieu. C’est une des raisons pour lesquelles ils n’envisagent pas un seul instant d’entreprendre une nouvelle quête de jouissance, la seconde étant la présence des cadavres des orcs, dont les charognards ont commencé de se régaler.

Par-contre, vu qu’ils sont convaincus que la fin de leur voyage est toute proche, ils se lavent à nouveau dans le ruisseau, en utilisant cette fois de la saponine. Ensuite, après s’être légèrement restaurés ils lèvent le camp, et ils reprennent le cours de leur quête.

C’est à la fin d’une matinée passée à cheminer sans incidents, que les Zaventuriers aperçoivent enfin le bourg de Port-Seulet. En s’en approchant ils dépassent deux tours de garde, qui doivent contrôler la frontière d’avec le Royaume de Kazador, mais celle qui se trouve de l’autre côté d’une rivière qu’ils savent s’appeler La Bandonnée semble être en ruine, tout comme le pont qui traverse le cours d’eau. Cependant nos cinq amis ne s’en inquiètent pas, et ils poursuivent leur cheminement jusqu’à arriver aux habitations, qui sont comme toutes celles qu’ils ont vues jusqu’à présent entourées de fortifications. Lorsqu’ils sont sur la place principale du bourg, Mella constate avec satisfaction que bien qu’il soit modeste s’y trouve une auberge, et c’est sans doute dû au fait que la voie qui part vers le nord-ouest mène dans la contrée des nains, et que des voyageurs doivent faire une halte ici avant de s’y engager. Gardain quant à lui avise une boutique appartenant à un marchand d’armes, et une autre vendant des articles plus variés.

Il se frotte déjà les mains en pensant à leurs affaires qu’il va pouvoir négocier, lorsqu’arrivent cinq Gens D’armes tous humains, reconnaissables à leurs armures de cuir bouilli identiques.

— x-X-x-

Celui qui est en tête, et qui est leur commandeur puisqu’il a sur le bras de son uniforme un insigne indiquant son grade, s’adresse à eux tout en regardant d’un air gourmand les trois femelles du groupe, dont les vêtements transparents ne cachent aucun des charmes :

— Bien le bonjour Aventuriers. Nous vous avons vu arriver et vous veniez de l’ouest. Ce qui est plutôt surprenant puisqu’il n’y a ni cité ni bourg de ce côté-là…

Gardain demande aussitôt :

— C’est interdit ?

— Pas du tout. Seulement à ce qu’il paraît, l’endroit est infesté de peaux-vertes.

Mella intervient :

— Vous faites bien d’en parler ! Il se trouve que nous avons été attaqués par cinq orcs la nuit dernière, mais heureusement notre ami Krill en a tué trois à lui tout seul, et nous nous sommes Gardain et moi débarrassés des deux autres.

Elle n’a pas besoin de préciser qui est qui, étant donné qu’un barbare même s’il s’est civilisé est parfaitement identifiable à sa stature, mais aussi à son épée à deux mains dont il ne se sépare jamais. Cela impressionne visiblement les Gens D’armes, qui ne les regardent plus de la même façon. Mais la jeune elfe ne semble pas le remarquer, et elle continue :

— N’est-ce pas votre rôle à vous les braves soldats, de zigouiller ces affreux afin d’éviter qu’ils ne s’en prennent à de paisibles voyageurs ?

Le commandeur se défend :

— Ils étaient en dehors du territoire que j’ai en charge de protéger, donc c’est pas à nous de les affronter. Nous on doit juste défendre ce bourg et ses environs.

Le nain intervient :

Mais c’est le rôle de qui alors ? Parce que le fait que la Terre De Mille Lieues soit infestée de brigands, passe encore, mais des peaux-vertes ! Au royaume de Kazador, on n’attendrait pas le retour de la Vagabonde pour leur régler leur compte !

L’humain qui ne se sent pas du tout à l’aise dans cette discussion préfère changer de sujet, et il demande aux Zaventuriers :

— Je suppose que vous voulez vous rendre au Tertre Sanglant ?

Les compagnons sont très surpris par le fait qu’il connaisse leur destination, et Hermine répond par une autre question :

— Comment le savez-vous ?

— Parce que vous êtes pas les premiers à vouloir le faire. Mais vu qu’il se trouve dans une zone interdite, vous devez vous acquitter d’un droit de passage. Sinon, aucun bateau vous fera traverser la rivière.

Gardain devient aussitôt méfiant, comme à chaque fois qu’il est question d’argent, et il demande :

— Et il se monte à combien, ce droit de passage ?

— 20 pièces de platine par tête, ou si vous préférez 400 pièces d’or.

Notre ami de 4 pieds 6 pouces manque s’étouffer d’indignation, car même s’il sait que ses compagnons et lui sont en mesure de débourser cette somme, il n’a pas l’intention de le faire. Par conséquent il se retient de sortir sa hache, parce qu’il a conscience du fait qu’il n’a pas le droit de s’en prendre à des soi-disant gentils. Mais Mella qui a gardé la tête plus froide que lui bien qu’elle soit elle aussi très surprise, demande à son tour :

— C’est une somme conséquente. Est-il possible de s’acquitter de ce droit de passage par un autre moyen ?

Le commandeur sourit tout en caressant sa courte barbe bien entretenue, puis il réplique en détaillant son superbe corps avec envie, étant donné que ce dernier est parfaitement visible à travers sa tunique transparente aux reflets lavande :

— Eh bien, on pourrait trouver un arrangement. Par exemple vous et vos deux compagnes pourriez venir dans notre fort pendant toute la nuit prochaine, et vous nous payeriez en écartant les cuisses, pour moi et mes vingt-cinq hommes.

En entendant cela, Níniel qui était déjà gênée de se retrouver dans une tenue très légère devant des étrangers devient écarlate, et Krill sort son épée à deux mains de son fourreau avant de s’exclamer :

— Par Atonère(1)!!! Le premier qui touche à mon Antilope des Bois, je lui fracasse le crâne !!!

Sans doute à cause de leur instinct de conservation les Gens D’armes reculent de quelques pas, et leur commandeur qui se retrouve seul face aux compagnons, et qui ne s’attendait pas à un tel revirement de situation, dit d’une voix hésitante :

— Je suis à Port-Seulet le représentant du Duc… donc, si vous nous attaquez vous deviendrez des hors-la-loi…

— x-X-x-

Il est temps je pense d’ouvrir une nouvelle parenthèse, pour parler de la façon dont est gouvernée la Terre De Mille Lieues. Nous sommes comme partout sur La Ronde dans un régime féodal. Par conséquent, chaque territoire à l’exception de ceux peuplés majoritairement par les gnomes et les halfelins, est dirigé par un commandant suprême, et ce qu’il soit roi prince ou tout simplement chef de guerre. Dans le cas présent il s’agit d’un Duc, ce titre est reconduit de père en fils, et ce depuis des générations. Ainsi, celui qui règne s’appelle le Grand Duc, et son héritier qui est en général son fils aîné, prend le titre de Petit Duc. L’homme qui est en place actuellement est le Grand Duc Ass, et malgré son arrogance propre à tous les Pariciens, puisque la capitale de la Terre De Mille Lieues est en toute logique son lieu de résidence, il est assez bien vu du peuple. Cela est dû au fait que « La Taille » qui est l’impôt qu’il perçoit, reste raisonnable. Elle lui est cependant nécessaire pour payer les soldats qui protègent la contrée, mais aussi pour organiser de grandes fêtes dédiées à Galipett, au cours desquelles il s’accouple avec ses concubines ou des courtisanes.

Bien entendu il ne néglige pas pour autant les épousées ni les filles des gens du petit peuple, puisqu’il bénéficie d’un droit de cuissage illimité, qui lui permet d’entreprendre avec elles des quêtes de jouissances aussi souvent qu’il en a l’envie. Dans ce but, les prévôts qui sillonnent la Terre De Mille Lieues afin de prélever la taille, en profitent pour sélectionner les plus belles d’entre elles, ce qui n’est pas considéré comme étant un abus de pouvoir mais plutôt comme un honneur. Rares sont celles qui s’y soustraient, et elles ne peuvent le faire qu’en s’acquittant d’une taxe qui s’appelle « l’insoumise ». Naturellement seules les plus riches d’entre elles en sont capables, ce qui prouve que sur la ronde comme partout ailleurs, la vie est souvent injuste.

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Mais revenons à notre histoire : Tandis que Níniel essaye de calmer son amoureux en s’interposant entre les soldats et lui, Hermine qui est la plus intelligente des compagnons, demande à leur chef :

— Et le Duc Ass, il est au courant que d’autres que lui exercent un droit de cuissage dans la contrée ? Parce que si je me rappelle bien, la sentence pour avoir commis un viol est l’émasculation, et même les Gens D’armes ne peuvent pas y échapper.

Le commandeur qui a repris un peu de son assurance, réplique :

— Si vous n’êtes pas consentantes, il vous suffit de payer.

— Et bien entendu, la somme perçue sera envoyée à Parici dans son intégralité ? Parce que si elle tombe dans vos poches, il s’agit alors de vol. Et dans ce cas la peine est d’avoir un doigt coupé, puis un deuxième en cas de récidive, et ainsi de suite jusqu’à ce que le détrousseur ne puisse plus rien prendre dans les poches des honnêtes gens.

Cette fois le chef des soldats répond légèrement énervé par cette résistance, à laquelle il ne s’attendait pas :

— Vous avez qu’à aller demander au Duc ! Les autres ont payé, et vous devez le faire aussi !

— Quels autres ? Il y en a beaucoup qui sont allés au Tertre Sanglant avant nous ?

— Oui, des groupes comme le vôtre. Et les femelles qui en faisaient partie étaient toutes contentes d’écarter les cuisses, parce qu’elles disaient que ça les ferait augmenter de niveau.

Gardain demande alors :

— Et combien d’entre eux sont revenus ?

— Pour l’instant aucun, mais je suppose qu’une fois sur place ils ont trouvé un autre moyen de rentrer chez eux. Comme la téléportation par exemple.

La mage prend à nouveau la parole :

— Effectivement, c’est une excellente façon de voyager.

Elle sort alors de son sac à dos elfique un des anneaux que lui a offert Colissimo, avant de continuer :

— Je vais donc me rendre à Parici dans le but de me renseigner au sujet de ce droit de passage, et au besoin je reviendrai avec un bailli(2) ducal, qui j’en suis convaincue fera appliquer la loi comme il se doit.

En l’entendant dire cela le commandeur pâlit à vue d’il, et il lui dit en hésitant :

— Euh… a… attendez. Il s’agit… d’un malentendu. Je… je me suis trompé… et… vous ne devez rien payer… Enfin… sauf la location d’un bateau pour traverser, bien entendu…

Gardain qui a compris grâce à son amie qu’ils ont affaire à quelqu’un de malhonnête, essaie d’en profiter :

— Moi j’ai très envie d’aller dans la capitale de la Terre De Mille Lieues. Et puis, on pourrait en profiter pour rendre visite à ce Duc Ass, qui à ce qu’on en dit organise des fêtes assez populaires.

Le chef des soldats est de plus en plus mal à l’aise, tout comme ses hommes d’ailleurs qui regardent d’un air inquiet Krill qui les foudroie du regard, bien que ce dernier ait rangé sa grande épée à lame de mithril dans son fourreau.

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Mella a saisi où veut en venir son ami le nain, mais elle n’a pas envie de le laisser faire. Par conséquent elle conclut cette conversation :

— Si certains ont été assez niais pour se laisser embobiner par vous, c’est bien dommage pour eux. Pour notre part nous en resterons là, si vous nous dites ce qui nous attend un fois que nous serons de l’autre côté de ce cours d’eau. Parce que je vous ferai dire qu’un pont démoli et une tour de garde en ruines, c’est quand même super bizarre en temps de paix. En plus, avec tout l’argent que vous avez soutiré à ceux qui sont venus avant nous, vous devriez avoir assez de platine pour entreprendre leurs reconstructions.

— C’est que… il y a un monstre de l’autre côté… Et c’est pour l’empêcher de venir jusqu’au bourg que le pont a été détruit.

Hermine demande alors :

— Quel genre de monstre ?

— Personne le sait vu qu’il sort que la nuit. Celui qui commandait le fort avant moi est allé là-bas avec quinze de ses hommes pour le traquer, mais ils sont jamais revenus.

— Et vous pensez que les aventuriers qui ont traversé eux aussi, se sont ensuite tranquillement téléportés afin de rentrer chez eux ?!

— Non, pas vraiment. Mais ils prétendaient tous accomplir une quête qui leur avait été assignée par les Dieux eux-mêmes. Et comme les premiers qui y sont allés sont pas revenus, nous, on s’est dit qu’ils avaient trépassé. Et comme les suivants ont gagné comme eux pas mal de pièces en vendant des objets de valeur dans les boutiques, et qu’une fois qu’ils seraient eux aussi occis ils en auraient plus besoin, on a eu l’idée de leur prendre avant qu’ils traversent. Et comme le troisième groupe avait pas la somme qu’on lui demandait, c’est une de ses femelles une humaine assez gironde, qui nous a proposé de payer en écartant les cuisses…

Ces révélations ont des effets variés sur les compagnons, puisque Níniel frissonne à l’évocation de l’affreux qui bien qu’étant seul a réussi à faire périr tous ceux qui ont traversé la rivière, et que c’est précisément ce que les Zaventuriers ont l’intention de faire. Krill est toujours en colère même s’il a réussi à se maîtriser, pourtant il a très envie de ressortir son épée à deux mains et d’abreuver sa lame avec le sang de ceux qui sont en face de lui, et qu’il considère comme étant des brigands. Mella pour sa part est dégoûtée par ces humains, qui sont censés faire régner l’ordre mais qui profitent de leur autorité pour rançonner les autres. Gardain lui, est déçu puisqu’il se voyait déjà rendre la monnaie de leur pièce à ces soldats sans scrupule, et récupérer une partie de l’argent qu’ils ont acquis malhonnêtement. Hermine quant à elle est la plus pragmatique, puisqu’elle se demande comment ils vont faire pour rester en vie lorsqu’ils auront traversé La Bandonnée, étant donné qu’ils seront obligés de le faire pour poursuivre leur quête.

Comme il lui semble évident que ces Gens D’armes n’en savent à présent pas plus qu’eux, elle dit à ses compagnons :

— Le mieux que nous ayons à faire pour l’instant, c’est de nous rendre à l’auberge pour prendre le repas de la mi-journée. Lorsque nous aurons terminé de nous restaurer nous trouverons un bateau pour traverser, ce qui ne devrait pas poser de problème puisque ce bourg est un port. Cependant, nous ne continuerons notre quête que demain en début de journée. Cela nous laissera le temps d’essayer de nous renseigner un peu plus sur ce qui nous attend, et d’y réfléchir.

Ils sont tous d’accord avec elle, et Gardain ajoute :

— Oui, je pourrai ainsi négocier les objets qu’on a en trop. Après on se sentira plus légers.

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Ils laissent donc les soldats qui ont l’air à la fois dépités et soulagés de les voir partir, pour se rendre à l’hostellerie. Une fois que le patron de l’établissement est venu les accueillir, et qu’il les a installés dans un salon pour qu’ils soient tranquilles, Mella en profite pour s’enquérir de leur hébergement de la nuit prochaine. Comme les Zaventuriers veulent éviter d’être séparés, elle demande s’il y a une chambre assez grande pour qu’ils puissent y dormir tous, et l’homme lui répond :

— Ça s’ra pas un problème si ça vous dérange pas d’rester dans la mansarde, nobles voyageurs. L’est équipée de six grands lits, et l’est moins douillette qu’les aut’es chambres mais bin plus grande.

Puis il ajoute après leur avoir fait un sourire chaleureux :

— Quand zavez t’nu tête au commandeur Opéhin sula grand-place, c’est pas passé inaperçu. Il est pas aimé par les gens du bourg pasque c’est un vil individu, contrair’ment à çui qu’était là avant lui et qu’était un brave homme. Malheureusement il a tristement disparu sans qu’on sache trop comment. Moi j’peux pas vous offrir le manger, pasqu’y faut bien que j’gagne d’quoi ach’ter ç’qui m’faut pour cuisiner, mais l’coucher j’vous l’offre d’bon cur.

Hermine en profite pour demander à ce sympathique personnage :

— Vraiment personne ne peut nous dire ce qui nous attend de l’autre côté de la rivière ?

— Ben… Tout ç’qu’on sait c’est qu’la journée c’est sans danger, et qu’on a pas r’trouvé les dépouilles d’ceux qu’ont disparus. C’est pour ça qu’on pense qu’y sont tous allés dans l’Tertre Sanglant, qu’personne déjà osait y aller avant pasqu’on disait qu’y avait des goules. Mais si quelqu’un peut tuer c’qui s’y cache c’est bien vous, pasque ceux qui sont venus avant zétaient bien moins costauds.

— Et qu’est-ce que d’après vous nous aurions de plus qu’eux ?

— Ça s’voit à la façon qu’vous avez d’vous déplacer, les dames au milieu et les guerriers d’chaque côté. Pis y a aussi vos yeux, qui sont toujours en train d’chercher si ya du danger autour. On voit tout d’suite qu’vous êtes des chasseurs et pas du gibier. Les autres y z’étaient pas comme vous, on avait l’impression qu’y s’prenaient pour les r’jetons des Dieux, mais à mon avis c’était juste des péteux. C’est pour ça qu’on les a jamais r’vus.

À suivre…

Notes :

1) Atonère : Dieux des orages.

2) Bailli : Haut-personnage chargé de faire appliquer la loi au nom du Duc.

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