Elle avait quitté l’entreprise depuis quelques semaines. Un challenge plus intéressant l’avait attirée et elle avait démissionné. J’en avais été un peu déçu et mon collègue, qui savait que je la trouvais à mon goût, m’avait charrié sur le sujet durant plusieurs jours. Mais bon. Ça n’était qu’une collaboratrice qui s’en allait, juste un peu plus jolie que les autres.

Je dis "collaboratrice", car Valérie n’était pas une collègue. Alors que je travaille dans les bureaux, elle était sur le terrain. Brillante, on lui avait rapidement confié des responsabilités. Nous ne nous voyions jamais. En tout et pour tout, en trois ans, nous nous étions vus à quatre reprises.

La première fois fut la plus marquante car je l’avais reçue pour signer son contrat de travail. Blonde, en tenue, j’avais été charmé par sa douceur et sa timidité. Pourtant, son attitude ce jour-là n’était en adéquation ni avec le poste qu’elle avait occupé durant plusieurs années auparavant, ni avec les responsabilités qui allaient lui être confiées par la suite. C’est lors de nos seconde et troisième rencontres que j’ai compris que j’avais eu une influence dans son attitude ce jour-là. Je plaisais à Valérie, cela ne faisait aucun doute.

Ces deux rencontres avaient eu lieu dans le cadre de fêtes du personnel. Alors qu’il y avait là de nombreuses personnes qu’elle côtoyait au quotidien, Valérie était venue discuter avec moi à plusieurs reprises lors de ces soirées. Nous avions même dansé ensemble. Sa façon de se tenir, de me sourire, avaient fait plus que me mettre la puce à l’oreille. Elle était tellement différente lorsqu’elle discutait avec d’autres

Notre dernière rencontre eut lieu lors de son "pot de départ". J’avais été surpris de recevoir une invitation, j’étais d’ailleurs le seul de mon département dans ce cas. Je n’étais pas resté longtemps et cela n’était pas dû à la présence de son mari et de son fils. Cependant, j’avais senti que mon passage lui avait fait plaisir.

Pour autant, et malgré que je la trouvais également à mon goût, je n’avais aucune intention de recontacter cette femme de dix ans ma cadette.

Moins d’un mois.

C’est le temps qu’il lui a fallu pour m’écrire depuis sa nouvelle adresse professionnelle. Quelques lignes à propos d’un papier manquant suite à son départ, un papier dont elle savait pertinemment qu’il allait lui parvenir quelques jours plus tard. Ce mail, c’était sa façon de me transmettre cette information : "Si tu veux me revoir, tu sais comment me contacter.".

J’avais attendu quelques semaines, quelques mois. Nous nous étions réécris, nous promettant de manger ensemble, comme nous l’avions fait de vive voix lorsque j’avais quitté son pot de départ. Des paroles en l’air. Sauf que là, il s’agissait d’écrits. Nous avons ainsi mangé ensemble cinq mois après.

Nous étions en novembre, il faisait beau, frais mais pas froid. Nous avions acheté des salades et des fruits dans une grande surface et nous avions été les manger sur un banc à la campagne. Je l’avais trouvée très élégante, elle portait un tailleur-jupe noir, des bottes et un manteau marron. Tout s’était passé de manière très formelle, nous avions beaucoup parlé de son emploi puisqu’elle y rencontrait des difficultés. Je lui avais raconté ce qui se passait dans la boite, son ex-entreprise. J’étais ravi de la revoir et le plaisir était visiblement partagé.

Nous n’avions cependant pas été très à l’aise. Après tout, nous ne nous étions jamais retrouvés uniquement à deux, de cette manière. A vrai dire, la rencontre avait été sympa, mais superficielle, à la limite de la caricature. Je ne parvenais pas à savoir si Valérie avait d’autres intentions. Certes sa tenue était élégante et bien choisie, mais elle avait peut-être un rendez-vous professionnel ce jour-là. Dans son comportement, ses gestes, elle n’a rien laissé paraitre. Aussi, je n’ai pas osé tenter le diable. L’essentiel était de la voir et de reprendre contact.

A la suite de ce premier déjeuner, Valérie et moi nous écrivions tous les dix ou quinze jours pour prendre des nouvelles. Fin janvier, un évènement allait me troubler. Un mercredi matin, elle m’écrit qu’elle a rapidement besoin d’anciens documents liés à ses heures de travail. Comme j’ai du temps en fin de journée, je lui propose de les lui déposer en main propre sur son lieu de travail. Elle accepte. La Valérie que je rencontre est assez décevante : elle est mal coiffée, pas maquillée, cernée, elle porte une jupe en jeans quelconque sur un leggings et des bottes un peu larges. Je lui remets les documents, nous discutons un moment et convenons de manger ensemble dix jours plus tard, début février.

Et là, une métamorphose : élégante robe grise avec un petit blazer assorti, bottes parfaites, coiffée avec soin, bien maquillée (fond de teint, yeux, bouche), ce n’est pas la même femme. En observant subrepticement ses cuisses, je suis même persuadé qu’elle porte des bas autofixants. J’en suis si troublé que j’en oublie de la complimenter. Le repas au restaurant passe très vite, bien plus vite que le premier. Nous discutons sans nous soucier de l’heure qui tourne et nous pourrions y rester l’après-midi. Même si nos discussions tournent essentiellement autour du travail, être face à elle me permet de me noyer dans ses yeux

En sortant, nous faisons le même constat : trop bruyant. Et Valérie a eu trop chaud. Alors que de mon côté, un courant d’air m’a bloqué la nuque pour les deux jours suivants Là, le message est pour le moins clair : pas de témoins. Dans la voiture, devant son job, on évoque la fin du mois, soit à peine trois semaines, pour un prochain rendez-vous.

Nous échangeons quelques e-mails et constatons que nous devrons repousser quelque peu notre prochain déjeuner puisque nous serons en vacances l’un après l’autre.

Mars.

Je regarde la météo, il faut qu’il fasse beau et avec une température clémente pour la saison. Le meilleur jour de la semaine est le vendredi : ensoleillé, 12°C. J’envoie la proposition, elle accepte.

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