Chapitre 3 :
Le lendemain matin, je me réveille avec Alan, on se prépare et chacun part de son côté travailler. J’ai bien en tête les mots de Karl hier : Je t’appelle demain.
Je ne sais pas quand. Je ne sais pas quelle sera la finalité de ce coup de fil.
Je suis de nature curieuse et impatiente. Ce genre d’affirmation qui laisse place à tout un tas d’interrogation sont à la limite du supportable pour moi. Je crois que j’aime contrôler. Mais quand on m’empêche de le faire, ça m’excite et me tient en émoi. C’est là que la transformation s’opère. Mon côté dominant, caractériel, voire impulsif se tapis bien au fond dans l’obscurité. Je me sens nue, fragile, humaine. Ça me plaît, de temps en temps.
Peut-être que c’est ce que j’ai flairé chez lui. Une assurance certaine, qui me permettra d’être confrontée à un charisme suffisant pour me laisser dominer. Car c’est là que je prends un pied terrible. Vous me suivez ?
Bon. Je vais au taf, je ne prends pas la peine de laisser mon portable sur vibreur. On sait jamais, si je l’entends pas. Et si on me fait une remarque je dirai que c’était un appel important. Les heures passent. Midi arrive, je mange avec l’équipe et je sors fumer une cigarette. J’ai l’air pensive, me fait-on remarquer. A ce point ? Mais merde pourquoi ce mec me fait autant d’effet ? C’est pas dans mes habitudes de porter autant d’intérêt à quelqu’un après si peu de concret.
Ça doit être la curiosité qui me tient de la sorte. Ou ce que j’ai flairé chez lui. Ce qui manque à mon équilibre : des bonnes parties de baises bien intenses qui calmeront mes ardeurs. Voilà tout.
Je rejoins le groupe, on m’explique que cette après-midi c’est sérieux. Je dois rendre l’intégralité de mon dossier, signé par le personnel de mon lieu de stage aujourd’hui, puis Il y a une grande réunion qui va durer des plombes avec la DRH, tous les responsables et les formateurs. Génial.
Bien sur, j’ai complètement oublié la moitié du dossier. Encore de la paperasse à faire ?
Plutôt que de me mettre les nerfs en pelote, cette nouvelle me ravie. On dirait que je vais devoir à nouveau y retourner. Après l’épisode d’hier je ne pouvais qu’avoir envie. J’attends patiemment l’appel de Karl, et je compte bien faire concorder mon heure de passage avec les siennes.
Il est 14h, nous y sommes, tous réunis autour d’une table pour la réunion. Les discussions commencent, chacun fait sa petite synthèse, puis des débats se forment. Débat qui dérivent et deviennent houleux. Pour quelqu’un comme moi qui a du mal à la boucler, c’est tendu. J’ai envie d’exploser. Je me contiens tant bien que mal. On passe à d’autre sujet, la tension reste sensible mais gérable. 2H passent, toujours pas de nouvelles de Karl. Peut-être a t’il oublié, me dis-je. Je finis par me dire que c’est tant pis !
Et puis…
Mon téléphone sonne.
Je baisse la sonnerie aussitôt, son nom s’affiche sur mon écran. Je réfléchit un court instant, ça se fait vraiment de partir à ce moment là ? Oh et puis merde. Je ne sers plus à rien dans cette réunion et ça fait 3h qu’on a pas fait une pause.
Je sors, je quitte l’étage, et je loupe l’appel. Je rappelle aussitôt, il me répond.
On s’échange quelques banalités, il me raconte quelques éléments de sa vie, je fais de même.
Il pleut averse et je prends l’air sous un porche. Très concentrée sur notre discussion.
J’introduis ce qui m’intéresse :
« J’ai voulu t’écrire l’autre soir mais j’ai pas osé. Je me suis dit que peut-être le soir chez toi tu n’étais pas tout seul…
Oui, exact. Et puis c’est pas vraiment dans mes habitudes de faire ça, je préféré être très discret.
Je comprends, pour ma part je n’ai pas ce problème, j’ai choisit d’être honnête depuis le début avec Alan mon copain, je suis libre de mes envies. Mais je comprends que tout le monde ne puisse pas se le permettre.
Oui, voilà. C’est peut-être une question de génération. On a pas tout à fait le même âge.
Oui c’est vrai. Mais J’avoue que les garçons de mon âge ne m’intéresse pas et ne m’ont jamais intéressée. J’ai tendance à, que ce soit dans mes amitiés ou autres à fréquenter des personnes plus âgées. C’est comme ça. Et puis, j’y ai pris goût. Il faut dire que l’expérience cumulée par les années apporte quelque chose en plus.
Je veux bien te croire. Mais tu vois je ne pensais pas que tu aurais porté ton regard sur moi.
Et pourtant… Je pense que tout est une question de feeling. J’ai aimé travailler avec toi le premier jour, j’ai un peu regretté que ce soit si court. Et mon impression s’est précisée quand on s’est revus le dernier jour. J’avoue que j’ai tenté d’obtenir ton numéro auprès de Jean. Qui ne me la pas donné.
Vraiment ? Je pense que tu as raison a propos du feeling. D’ailleurs te donner mon numéro c’est fait de manière tout à fait naturelle. J’espérais que tu me rappelles vite. Ce que tu as fait.
Exactement.. J’ai eu vraiment l’impression d’avoir de la chance l’autre soir quand je suis revenue pour mes papiers. Tomber sur toi, par hasard, ton numéro sur le papier.. C’était parfait. J’espère te revoir vite.. J’ai envie d’être encore troublée par les yeux bleus.
Oh moi aussi je veux te voir.. Je vais faire en sorte de me libérer très vite. Tu pourras toi ?
Oui. Je le ferai de toute façon.
Même si je te préviens au dernier moment ?
Ça sera comme ça.
C’est ainsi que je l’entend.
D’ailleurs, je voulais voir avec toi, il me manque encore des papiers à remplir. Et j’ai même pas fait exprès. Quand est-ce que tu es sur le centre ? Disons que ça me plairait de passer un jour où tu es là.
Hum.. Demain ! Il me semble. Je vérifie mais je pense que c’est bon.
D’accord. Je passe demain dans ce cas.
Alors à demain. Je t’embrasse fort, et longtemps… Tu entends ? Je t’embrasse où tu veux.
Je prends avec plaisir sois-en sûr. Je te rends ton baiser et je te dis à demain.
Il a raccroché, je suis remontée dans ma salle, troublée par ce coup de téléphone qui promettait tant de concret et tant de fantasmes encore très vagues à la fois. Le ton qu’il prenait, autoritaire, l’intonation de sa voix, caverneuse, quand il s’égarait doucement vers les contrés obscures de la séduction, et du désir palpable qui en émanait. J’étais impatiente à l’idée de le retrouver.
Je n’y teins pas, je lui glisse un petit texto : « C’est pratique, tu me dis que tu m’embrasses, tu n’as fais que me le dire et déjà j’ai des frissons. C’est normal ? »
« C’est le fantasme du vrai qui t’attend ».
En effet je fantasme et ça commence à sérieusement me travailler le ventre.
Ce soir je suis seule chez moi.. Je vais avoir le temps d’y penser.
Je passe la soirée en orbite, partagée entre fatigue et adrénaline. Je lis, de l’érotisme mis en mot, bien sûr. Je pense, j’ai envie d’écrire mon état à ce moment là, à cause de lui. Je me dis que peut-être que je trouverai le courage d’ici peu. Peut-être même que j’en ferai quelque chose de bien. On verra.
Je songe à demain. On sera au milieu des autres, on se tiendra de toute façon de manière correcte. Mais avec là petite conviction de détenir un secret. Et ça, c’est intime ?
Ça rajoute à l’ambiguïté un côté sensible.
Je savais déjà que vivre ça me plairait. On ne s’est rien promis de concret, en terme d’étreinte. On a juste lassé filer dans les interlignes un désir soudain, partagé. Aucun mot n’a été mis dessus.
Mon corps criera « J’ai envie de toi ».
ça transpirera par delà les pores de ma peau. Il me répondra avec les yeux.
Et il ne se passera rien de plus demain.
On se sera vus, vraiment vus, on se regardera pour la première fois avec la certitude du désir derrière chaque globe oculaire.
Ce regard là sera ma victoire. Les ambiguïtés me font mouiller.
Les ambiguïtés avérées me font jouir.
Paroxysme de l’érotisme.
Je vais adorer ça.
Ce soir là je ne me caresse pas. Je veux me sentir au bord de l’orgasme toute la journée de demain. Mon corps est mis à rude épreuve, je tarde à m’endormir. Le désir à pris possession de mon petit corps. Et je connais si bien ses réactions. Ce sont des vagues qui gagnent petit à petit du terrain sur une plage de sable. Elles avancent, se retirent. Elles reviennent, grappillant un peu plus de terrain à chaque fois. Mon ventre désire s’ouvre, mais ne reçoit rien. Je connais cette sensation qui finira par se traduire en douleur si je tarde trop à me délivrer. Tant pis, je veux attendre encore. La jouissance n’en sera que meilleure.
Le lendemain matin, je me réveille et je réfléchis à ma tenue pour la journée. J’ai envie de le rendre fou. J’ai envie de mettre une robe avec des bas dessous. De prendre une photo avant de sortir, avec la ferme intention de lui envoyer par texto, au moment où nous serons dans la même pièce. Condamnés à se tenir bien, sans pouvoir s’approcher. Lui seul saura ce qu’il y a sous ma jupe à ce moment même, et il n’en fera rien.
Mais…
J’ai un peu de route en transport jusqu’à là bas. Et pas toujours bien fréquenté. Puis le public du centre à déjà poussé des cris l’autre jour en me voyant en robe. Pourtant, collant en laine. Alors.. Des bas ? Et puis je ne sais pas à quelle heure je vais rentrer. Pas envie de me sentir toute nue au milieu d’une foule agressive.
Je ne suis pas encore sortie de mon lit. Et j’ai bien fait.
Mon téléphone sonne, 1 nouveau message :
« Bonjour Lolita. Pour info après vérification je ne bosse pas aujourd’hui. Demain oui. Peut-être à demain. »
..Ok. Quel enfoiré. Ce n’est pas de sa faute, mais je me sens quand même un peu blessée dans mon ego. Il y a plusieurs jours déjà que je l’ai en tête, j’imagine que lui, il a dû y penser à peine. Je le trouve bien sûr de lui.
Pourtant, j’ai du mal à la jouer détachée.
Ça fait partie du jeu.
Je me connais maintenant, mes instincts de chasseresses me poussent à l’obsession et ne me lâcheront pas tant que je n’ai pas eu le coup de grâce. Tant que je ne l’ai pas vu faillir et s’abandonner. Tant qu’il ne m’a pas prise de toutes ses forces. C’est mon jeu favoris, mais ça me coûte pas mal d’énergie !
Là, je fais moins la maligne.
Je redescends sur terre direct, et je décide de le zapper pour la journée. Demain j’irai quand même, et je ne mettrai pas de bas. Ça c’est sûr.
Il ne sait pas ce qu’il loupe. Qu’importe, je me prends en photo en direct, nue, n’en laissant ni trop voir ni pas assez et je lui envoie. Accompagné d’un petit « Dommage ». En guise de réponse.
Ce ne sera pas encore pour aujourd’hui.