Musique écoutée pendant lécriture (donc que je conseille pendant la lecture) : « What came before », de Lorne Balfe.
Jai rencontré Hildegarde pendant ma deuxième année à luniversité. Jétais entré à la fac de psychologie en pensant que je rencontrerai là-bas dautres gens qui, comme moi, sintéressaient à lesprit humain et avaient un certain gout pour lintrospection. Jai fini par comprendre en grandissant quau lieu de chercher à faire des rencontres, il était plus logique de devenir quelquun, de se consacrer à quelque chose qui nous tient à cur, ainsi on côtoierait naturellement des gens qui partagent nos passions et nos aspirations.
Mon introversion naturelle naidant pas, jai été déçu en arrivant à la fac. La proportion des gens que la société arrive à combler avec du pain et des jeux (et le tout nouvel iPhone) est à peu près la même quau lycée, et tout aussi rare sont les gens avec qui on peut avoir de vraies conversations, de celles ou les deux interlocuteurs ressortent grandis.
Les choses ont changé en arrivant en deuxième année, dans ce fameux cours de mythologie grecque. Cest là que jai fait sa connaissance. Notre relation a très vite évolué. Nous avions tout de suite pris lhabitude de sécher les cours du jeudi après-midi pour se retrouver dans un salon de thé, notre salon de thé, ou nous échangions passionnément pendant des heures dans un coin de la salle isolée au sous-sol.
Elle me demandait parfois, lair de rien, de lui prendre une main, ou les deux à la fois. Ce contact simple et innocent la rassurait.
Lui ayant annoncé que jétais en couple et que, bien quétant favorable à la polygamie et la démystification de la sexualité, je navais aucune envie davoir une relation extra-conjugale par souci dhonnêteté envers ma copine -pour qui une aventure de la sorte aurait été une trahison- à qui je disais tout. Elle a vite tourné en dérision mes valeurs morales jugées irrationnelles, considérant que « le monde est beau dans la mesure où la nature nest ni bonne ni mauvaise », et que si ma copine nest pas au courant de ce que lon partage, elle na aucune raison den souffrir, que ma droiture rigide traduit un fonctionnement de névrosé obsessionnel plus que de la grandeur dâme.
Même sil y avait une certaine pertinence dans ses propos, elle ne ma pas fait changer davis pour autant, et nous en sommes restés là, partageant une amitié que je voulais sans ambiguïté.
Cest ainsi quun beau jour je me suis finalement retrouvé dans son petit appartement. Après avoir passé plusieurs heures à discuter, elle ma finalement révélé dans un souffle ce quelle avait en tête : « jai envie de toi ». Embarrassé devant son désir, mais surtout par son absence totale de réciprocité, une situation de malaise sest alors installée. Connaissant à présent bien mon fonctionnement et bien décidée à arriver à ses fins, elle ma reproché de ne pas me soucier de sa souffrance, donc faire preuve dindifférence, sachant pertinemment quun tel reproche ferait mouche. Ne pouvant me résoudre à tromper ma petite amie, jai néanmoins accepté ce jour-là de lembrasser avant de partir, une sorte de compromis destiné à lui prouver que si, j’accordais de l’importance à son bien être, mais que je ne pouvais pas avoir un comportement entraînant la souffrance d’une personne auprès de qui j’étais socialement engagé, c’est pourquoi je refusais d’aller plus loin.
Elle ma alors avoué que bien quétant mon ainée de plusieurs années, elle navait jamais embrassé un garçon de sa vie et navait aucune idée de la manière de sy prendre. Même si cela me paraissais curieux, jétais loin de soupçonner la vérité, et pensais juste quelle était de ces « vieilles filles » qui découvrent lunion charnelle un peu tard.
Effectivement, ce baiser fut un désastre, et je nen ai retiré strictement aucun plaisir. Je ne lui ai pas caché le lendemain que je navais aucune intention de réitérer lexpérience, me sentant coupable vis-à-vis de ma petite amie, ce qui fit naître en elle un profond chagrin, car elle savait pertinemment combien je tenais à elle, et combien on aurait pu être heureux ensemble, si, disait-elle, javais daigné me montrer moins rigide.
Néanmoins, un jour, je suis retourné chez elle et, puisque son appartement est assez étroit, nous nous sommes assez naturellement retrouvés allongés sur son lit pour discuter. Elle en plaisantait, disant que je me mettais à lépreuve, pour voir si jallais résister à la tentation.
Quand je lui ai expliqué que je commençais à pratiquer une sorte de philosophie du détachement, en ne me sentant plus personnellement responsable des autres pour ne plus souffrir de leurs actes autodestructeurs, ce qui selon moi est essentiel pour ne pas craquer une fois quon serait diplômés, elle la pris comme une sorte de défi personnel.
« Tu es détachée de tout hein ? Alors je suppose que ce nest pas grave si je fais ça ? »
Cest alors quelle bascula sur moi et rapprocha sa tête de la mienne pour membrasser. Je détournais automatiquement la tête pour len empêcher.
« Tu sais très bien quon ne peut pas faire ça.», dis-je calmement pour ne pas la vexer, sachant pertinemment combien elle était susceptible et combien elle avait peur que je la vois comme une « vile catin » (pour reprendre lexpression avec laquelle elle jugeait elle-même si facilement ses pulsions libidinales). Elle naccorda aucune attention à ma remarque, se contant de frotter doucement sa tête contre la mienne pour étudier mes réactions, et essayer datteindre mes lèvres.
« On sait très bien que tu vas regretter ce que tu es en train de faire, et quau final ce sera pour toi un mauvais souvenir de plus », dis-je, pour me donner une contenance et lillusion que jétais tout à fait maître de la situation. « En plus jai dit que jétais détaché des autres, pas des réactions physiologiques de mon organisme ». En réalité, elle comme moi sachions très bien que les mots sont du vent, et que le langage du corps, lui, ne mens jamais. Or, je ne la repoussais pas comme je laurais dû, ce quelle comprit comme un encouragement. Je ne cache pas que son désir était flatteur pour moi, qui pensais réellement à ce moment que la situation nirait pas plus loin.
« Tu veux parler dun afflux sanguin à un endroit précis de ton corps ? » plaisanta-elle. Nayant cure de ce que jessayais de lui dire, elle continua à chercher avec ses lèvres le contact des miennes. Quand je commençais à la repousser avec plus de vigueur, elle consentit enfin à me répondre. « Je ne fais que mamuser », dit-elle avec un air soudain sérieux.
Puis, plus doucement, « Je fais avec toi ce que jaurais dû faire quand javais 14 ou 15 ans, lâge ou on commence vraiment à embrasser les garçons. Je nai pas eu droit à une adolescence, que j’ai passé à m’occuper de mes parents dépressifs et suicidaires. Ce dont jai eu droit pour toute sexualité dans ma vie, cest un connard de pion qui a profité de lobscurité dun couloir au collège pour me plaquer contre un mur et fouiller brutalement entre mes jambes. Être proche de toi cest comme rattraper un peu le temps perdu. Sil te plait. »
Profondément touché par cette confession soudaine, je ne parvins plus à dissimuler mes lèvres et, même si je ne réagissais pas à ses caresses, je ne la repoussais pas pour autant.
Elle a alors commencé à membrasser doucement. Dabord sur la joue, puis en remontant progressivement vers les lèvres. La tenant de mes deux mains jointes en bas de son dos, je la laissais faire, nayant pas le cur de lui faire de la peine : elle avait déjà bien assez souffert dans sa vie pour que jy ajoute en plus la frustration de navoir aucun pouvoir de séduction sur moi. Cest du moins la raison que je me donnais pour préserver lillusion que je contrôlais mes réactions. La vérité, cest que la situation commencerait à méchapper mais je nosais encore me lavouer.
Elle se concentra donc sur mes lèvres, dabord avec une douceur presque timide, puis, voyant que je me laissais faire, avec plus dardeur. Elle commença à utiliser sa langue, testant mes réactions tout en gémissant doucement de plaisir. Au fur et à mesure, mes mains se sont delle-même mises à bouger. Dune position relativement neutre, mes bras sont remontés au niveau de ses omoplates comme pour la plaquer plus fort contre moi, sentir la chaleur de son corps contre le mien, ce qui la fit réagir en membrassant de plus belle. Sa langue humide cherchait une ouverture, un moyen de pénétrer entre mes lèvres mais aussi de briser les derniers remparts psychiques que je métais fixé.
Imperceptiblement, mes lèvres ont malgré moi commencé à réagir à ses baisers. Espérant quelle ne sen rendrait pas compte, j’étais toutefois un peu naïf, car elle a tout de suite redoublé dintensité dans ses mouvements. Sa main tiède commençant à caresser mon visage, sa langue forçant lentrée de mes lèvres, aspirant les miennes en gémissant dun plaisir non feint, j’ai finalement craqué.
Jai commencé à répondre à ses baisers, à lembrasser à mon tour, à accueillir sa langue entre mes lèvres, à jouer avec.
Heureuse de ma réaction, ses mouvements devinrent plus passionnés. Alors que je la serrais franchement contre moi en suivant ses formes de mes deux mains, sa douceur initiale devient un désir plus violent, plus brutal.
Nos langues jouaient ensemble comme deux amies heureuses de se retrouver après une si longue séparation, chacun guettant les réactions de lautre pour dénicher ses points sensibles et en tirer le meilleur, tout en étant attentifs à nos propres sensations pour graver ce moment dans nos mémoires.
Puis au bout de quelques minutes, nos lèvres se séparèrent et je la serrais dans mes bras pour un moment de répit. Je réfléchissais alors à ce quon venait de faire, partagé entre le fait que cétait objectivement « con », et que je naurais pas dû la laisser faire, ne pas lui donner de faux espoirs pour quelle en souffre ensuite, et le fait que cétait probablement le baiser le plus passionné et le plus agréable que javais jamais connu
Elle se redressa alors pour membrasser à nouveau, mais jentrepris plutôt de la retourner sur le dos pour, cette fois, pouvoir diriger léchange -foutu pour foutu, autant que ce soit un moment agréable et assumé pour tous les deux. Nos lèvres se retrouvèrent donc avec dautant plus de fougue que leur balai avait été interrompu, et cette fois sans pudeur. Dun désir violent, il devint ardent. Une douce chaleur se répandit dans tout mon corps pendant que mes mains parcouraient le sien. Partant du visage, longeant le bras, la taille, descendant jusquau genou, remontant par lintérieur de sa cuisse, puis jusquà la poitrine. Jhésitais à lui caresser les seins à travers le tissu, chose qui nous amènerait directement au stade supérieur, ce dont elle navait peut-être pas envie, et me contentais donc pour le moment de passer ma main entre ces deux sphères qui mattiraient irrémédiablement, me concentrant sur nos lèvres et le plaisir que lon partageait en cet instant.
Enfin, après quelques minutes, nos visages se séparèrent et, pour la première fois depuis de longues minutes, je plongeais mon regard dans le sien. A ce stade, les mots nétaient plus daucune utilité.