Chapitre 1
Huit années de vie commune ont fait de Cécile et moi un couple presque modèle bien que nous ne soyons ni pacsés ni mariés. Elle avait vingt-deux ans, était belle et fraîche mais en révolte contre un petit peu tout. Deux années de plus, un vécu différent, une vue plus apaisée du monde m’avaient fait apparaître à ses yeux comme un pilier auquel accrocher son destin cahotique. Pourquoi ?Allez savoir. Curieusement elle avait osé m’aborder, avait réussi à me séduire et à me convaincre. Elle m’aimait, je me mis à l’aimer en retour. Depuis nous vivons ensemble en bon harmonie, sans ressentir un attrait fort pour ce qui officialiserait notre union. Il est entendu depuis le début de respecter la liberté de l’autre en tout. Si un jour des fissures apparaissent dans notre entente nous en parlerons, nous veillerons à trouver la solution la plus adaptée à la situation.
Nous ne sommes pas prisonniers de liens officiels et ainsi est garantie, pour elle ou pour moi, la liberté de rester par amour ou de quitter le partenaire qui ne répondrait plus à l’attente initiale. Ce contrat moral fonctionne donc depuis huit ans, parfois malgré des frictions, toujours surmontées. La première a eu lieu tout au début, lorsque nous avons signé notre bail de location. Cécile a insisté pour devenir la locataire de la maison et m’a imposé de partager à égalité le loyer. J’avais une conception plus classique du rôle de l’homme. Mais embauchée de fraîche date, elle tenait à affirmer l’égalité de chacun dans le couple. Simultanément elle voulut conserver un compte en banque séparé du mien et même dans une autre banque. Féministe jusqu’au bout des ongles, elle exigea un partage de tous les frais communs à 50%.
Nous avons des goûts différents, elle aime le footing, je préfère la lecture et la musique classique : il m’arrive de l’accompagner sur les chemins, elle n’écoute pas uniquement du rock and roll. A coups de compromis nous réussissons à partager nos loisirs, fréquentons les cinémas sur une règle simple : tantôt l’un , tantôt l’autre choisit le film. En raison de la différence de salaire je dispose de plus de possibilités de lui offrir des cadeaux en chaussures, robes, bijoux etc…. Mais elle sait choisir un livre ou un dvd pour moi.
Le ciment le plus solide de notre foyer, c’est ,après ces petites attentions réciproques, l’amour tendresse et l’amour physique. Cécile est belle, elle sait se montrer désirable. Depuis huit ans elle se montre une amoureuse formidable. Elle se donne sans compter, entretient son corps pour conserver son charme. Au lit rien n’est interdit, tout est permis : nous avons fait ensemble les expériences les plus diverses à deux, les plus chaudes, sauf ce qu’elle considère depuis toujours comme dégradant. Par exemple taquiner son anus du bout d’un doigt est une limite extrême; toute tentative de pénétration plus profonde entre ses fesses, d’une phalange ou d’une verge est vigoureusement repoussée et condamnée. Pour l’instant nous ne souhaitons pas avoir d’enfant. A trente ans Cécile pense avoir le temps de devenir mère. Nous avons essayé les préservatifs, la pilule et Cécile a récemment choisi la pose d’un stérilet. Cela date d’environ trois mois.
Etrangement ce stérilet n’est pas la panacée. Depuis sa pose, le rythme de nos rapports sexuels a tendance à baisser. L’objet est-il douloureux ou mal supporté. Avant ce moyen contraceptif, la demande de relation après un câlin venait pour moitié de moi ou de Cécile. Les câlins de Cécile se raréfient, elle me laisse le soin de la solliciter. Dernièrement je lui ai demandé si elle m’aimait moins, si mes performances au lit ne la satisfaisaient plus, si elle se lassait de faire l’amour avec moi. A quoi elle a répondu par des serments d’amour accompagnés de démonstrations renouvelées en force et en nombre. Cela a duré quinze jours. Actuellement nous observons un rythme de croisière moyen, satisfaisant sans être épuisant.
Selon les semaines nous nous unissons deux ou trois fois. Cécile, un peu moins empressée au début d’une rencontre, jouit régulièrement lors de chaque coït. Ses orgasmes me réconfortent et me rassurent. Mon organe d’environ quinze centimètres anime avec efficacité son vagin accueillant lorsque j’ai su prolonger en douceur des préliminaires appréciés. Son clitoris est de plus en plus sensible aux caresses linguales, mais la recherche de son point G avec mes doigts semble l’irriter. Avec un peu de patience, je laisserai à Cécile le temps de s’habituer à sa dernière protection, le vanté stérilet, à l’origine de mes petits regrets.
Exceptionnellement, parce qu’il se rend chez un client de mes voisins, mon patron me dépose devant ma porte à midi cinq. Une légère poudreuse commence à blanchir la chaussée et les allées du jardin. C’est la première chute de neige de cette fin d’automne. Ma clé se heurte à une autre dans la serrure. je sonne. Quand, après des minutes qui paraissent longues dans le froid, Cécile, ma chère petite femme de trente ans, m’ouvre la porte, elle est toute essoufflée, rouge de visage et elle semble étrange ou contrariée
-Ah ! C’est toi mon chéri. Excuse-moi de t’avoir fait patienter, je me préparais pour partir au travail et je ne t’attendais pas si tôt. Tu es en avance aujourd’hui. Elle s’efface pour me laisser passer.
-Tu peux monter, je vérifie la fermeture de la porte de la cave. Tu peux mettre ton repas au micro-onde.
Je monte l’escalier. J’entends tourner la clé. Cécile s’applaudit :
— J’ai bien fait d’y aller. J’avais ouvert ce matin pour étendre du linge sur le fil. Je t’embrasse, ne te donne pa la peine de descendre. A ce soir mon amour.
Nous nous rencontrons rarement à midi. Habituellement Cécile part avant mon retour. Elle fait les après-midi à la caisse d’ une grande surface. A quatorze heures je retournerai au bureau. Nous n’avons même pas échangé un bisou, elle m’a embrassé d’en bas. Ca n’est pas vraiment embrasser ainsi, à distance. Avait-elle vraiment peur d’être en retard à son poste ? En réalité je ne suis pas en avance, c’est Cécile qui s’est attardée à la maison. Voilà pourquoi elle était nerveuse et sans souffle. Au passage j’ai noté qu’elle avait omis de se parfumer et dégageait une assez forte odeur de transpiration. Elle a été distraite, a oublié l’heure et a dû se précipiter. Il neige encore, des flocons rares et légers flottent dans l’air, hésitent à se poser.
Le linge sur le fil d’étendage ne séchera plus. Je vais le pendre dans la chaufferie. Je sors par la porte de la cave. Sur le fil il n’y a rien, pas de linge. J’ai dû mal comprendre Cécile,elle a sans doute rentré le linge. Ah ! Du seui,l sur l’allée-terrasse large, partent vers le côté nord des traces de pas, c’est étonnant. Qui a pu sortir et laisser des empreintes de baskets dans la neige blanche ? Un homme qui chausse du 45 ou du 46 s’est éloigné de ma cave. Mais son arrivée n’a pas marqué la neige. Soit il est venu avant les premiers flocons, soit il se déplace au-dessus du sol en volant. Supposition idiote ! A-t-il aussin volé le linge pendu par Cécile ? Non la neige n’est pas marquée à proximité du fil. Je remonte intrigué par l’ensemble de ces incohérences.
J’expédie mon repas réchauffé, je règle la sonnerie du réveil et je veux m’accorder une petite sieste. Décidément Cécile a bâclé son travail ménager aujourd’hui. Que lui arrive-til ? Le lit a été ftiré à la hâte. Ce n’est pas la première fois que je le remarque depuis quelques semaines. Cécile négligerait son ménage depuis quelque temps ? Elle est si pointilleuse d’habitude. Le contraste avec le passé saute aux yeux. A-t-elle des ennuis au travail ? Serait-elle fatiguée? Cela devient inquiétant, il faudra en parler le plus rapidement possible. Quand j’y réfléchis, quand j’assemble certains signes comme ce baiser de loin, ce retard à l’heure d’aller au boulot, , l’état du lit mal tiré ou la vaisselle posée sur le lave-vaisselle au lieu d’être rangée à l’intérieur, j’ai des raisons de m’inquiéter soudainement.
Derrière le réveil traîne un tube de pommade. Je prends le tube en main pour le ranger. Qu’est-ce que je lis sur le tube ?
"Durex play"
Quel homme ne connaît pas durex en France ? Cette fois ma curiosité est excitée, je lis les autres inscriptions :
"lovely long" "3xplus longtemps" "gel lubrifiant longue durée, warming"
Le chapeau du tube a été ouvert, des traces de gel ont débordé, collent à mes doigts. On n’a pas pris soin de nettoyer l’embout de sortie. Le mystère s’épaissit . D’où provient ce tube ? Qui utilise son contenu ? Une chose est certaine, ce n’est pas moi. Je n’ai jamais eu recours à un lubrifiant non naturel, les sécrétions naturelles de Cécile et ma salive suffisent largement pour faciliter nos rapports sexuels et permettre la pénétration aisée de ma verge dans le vagin de mon épouse. Dans les premiers temps ce vagin était serré, mais après des années de fréquentation assidue des lieux mon pieu l’a élargi. Heureusement la pénétration est aisée désormais, mais ses parois s’adaptent parfaitement à mon volume.
Je n’ai jamais remarqué ce tube. Cécile en emploie-t-elle en cachette à cause du stérilet ou d’une gêne momentanée ? Elle ne m’en a pas parlé. Tout au plus a-t-elle évoqué une cystite attrapée lors d’un pipi dans les bois à contrevent lors d’un footing. Ce gel n’est pas le médicament approprié. Je lui demanderai des explications ce soir. Je suis un mari soucieux de sa santé, elle devra consulter notre médecin traitant : l’automédication est une imprudence à proscrire. Je repose le tube à sa place, et passe de mon côté de notre lit. On verra, ce soir .
Zut. Que m’arrive-t-il encore ? Ma chaussure vient de glisser, je suis tombé sur le bord du lit, sans mal. J’observe ma chaussure : un corps mou est resté collé à ma semelle et pendouille : je saisis l’objet puis de dégoût je le rejette à terre, en réalité dans une flaque liquide : je viens d’écraser une capote anglaise dont une partie du contenu s’est répandue sur le parquet. Je retire mes chaussures, je glisse sur le matelas pour éviter la cochonnerie au sol. Je ramène une pince et une cuvette en plastique dans laquelle je laisse tomber le préservatif baveux. Il faudra un coup de serpillière pour nettoyer la tache par terre. Cette fois, il n’y a plus de mystère. Sans être Colombo ou Sherlock Holmes, une évidence s’impose : JE SUIS COCU ! La foudre vient de me frapper. Tant d’indices réunis ne permettent pas le doute.
Mon retour a interrompu l’accouplement en cours d’une femme et d’un homme dans cette chambre. Ils se sont affolés, ont peut-être pensé à tirer sommairement drap et couverture. Elle a rabattu sa robe ou l’a enfilée en vitesse puis un pull ou une veste, lui d’énervement a fait tomber le préservatif mais a remonté son pantalon, peut-être remis ses chaussures et une veste. Le gel a éte oublié sur la table de nuit, derrière le réveil, En peu de temps ils sont descendus au rez-de-chaussée, au niveau de la cave et de la porte principale. On ne pouvait pas me laisser dans le froid plus longtemps que nécessaire sans avoir à répondre à des questions gênantes. Le scénario est facile à reconstituer.
. L’homme s’est faufilé par la porte de communication et s’en est allé par la cave. La femme m’a ouvert la porte d’entrée, rouge, essouflée et en sueur puis est allée fermer la porte arrière de la cave. Elle, c’est nécessairement Cécile, seule femme présente dans notre demeure; voilà pourquoi elle s’est sauvée aussi vite, afin d’échapper à un examen plus approfondi de son apparence de femelle chaude mais frustrée d’un possible orgasme. Lui, c’est l’amant utilisateur de gel et de préservatif, coupé dans son élan en pleine éjaculation. Qui est-il ? Un homme, il chausse du 45 ou du 46.. Il n’y a pas eu crime ou dépôt de plainte, donc la gendarmerie ne fera pas procéder à une analyse d’A.D.N. Cécile a couvert le départ de son amant, n’ira certainement pas porter plainte. Son attitude n’annonce pas d’aveux spontanés. Un ressort est cassé.
Que puis-je savoir de plus pour asseoir ma certitude? Je me permets un geste dont j’aurais eu honte en d’autres circonstances. Je n’ai jamais fouillé dans les affaires de ma compagne. Je ne peux pas l’accuser d’infidélité en assemblant à ma sauce les ingrédients dont je dispose. Il me faut des preuves irréfutables.
Il me reste à terminer mes observations. J’ai honte, mais je fouille.