Dans les dix huit mois qui ont suivi, notre maison a été construite, nous avons déménagé en novembre. En août de lannée suivante est née notre fille Anne . Par des relations, nous avons appris que AL travaille désormais dans une entreprise de plomberie, sanitaire. Encore plus rassurant, il vient dépouser une fille unique qui lui apporte en dot une maison à plus de cent kilomètres de chez nous. Tout est bien qui finit bien. .
La suite, car il y a une suite, demande que je vous présente mon quartier et ma maison. Dessinez un ovale orienté nord-sud. A lest une rue de 200 mètres relie le quartier à la route principale en courbe, à hauteur de léglise . Au sud une autre voie de pénétration, et une troisième entre les deux . Deux transversales est-ouest complétées par quelque impasses permettent de circuler dans ce lotissement. En son centre on trouve les écoles, une pharmacie, une salle des fêtes, une église avec son parking. A lopposé de la première entrée, sur le périphérique intérieur, jai acheté un terrain de cinq ares, cest un carré légèrement déformé dun peu plus de vingt mètres de côté. La Maison est implantée au milieu ,
une allée en fait le tour. A louest, du côté rue, quand on fait face à la maison depuis la voie publique, la
façade comporte deux niveaux douvertures. En bas, de gauche à droite, la porte de garage en bois vernis et deux fenêtres éclairant une chaufferie et un bureau.
Au- dessus de lentrée du garage un balcon et une triple porte qui cache un salon-séjour profond de neuf mètres sur quatre de large. Deux autres grandes baies laissent entrer le soleil dans la chambre à coucher des parents puis à lextrémité la chambre de Daniel.
A lest en partant de gauche, la chambre de notre bébé Anne, la fenêtre dune étroite salle de bain avec lavabo , bidet et baignoire , la fenêtre dune cuisine de 2 m sur 3,5 m et enfin la fenêtre du séjour en face de la porte du balcon qui ouvre sur le salon. Sur la même face, dans le bas, toujours de gauche à droite, la fenêtre de la future salle de jeux, puis une porte arrière ouvrant de plain-pied sur une vaste buanderie, la fenêtre de la buanderie et enfin la fenêtre arrière du garage. La face nord ne comporte aucune ouverture. Au milieu de la face sud deux ouvertures : La porte principale à deux battants , elle aussi de plain-pied est protégée par un auvent lui-même surmonté de la fenêtre par où la lumière pénètre dans le couloir médian.
Poussons cette porte principale. En face, sur la gauche, un escalier droit denviron un mètre de large mène au rez-de-chaussée surélevé. A côté de lescalier, à droite, un peu en retrait, la porte ouvre sur la buanderie, puis sur la chaufferie située à gauche de la buanderie et sous la chambre des parents. Au fond une porte donne sur le garage double situé sous le salon et la salle à manger. Nous avons enfin de chaque côté de lentrée, à gauche le bureau et à droite la salle de jeux des enfants.
Gravissons les quatorze marches de lescalier.
Immédiatement à gauche du palier la porte de la chambre parentale, en face une double porte vitrée pour aller dans le salon-séjour. Une grille sépare le trou de lescalier du couloir le long duquel 4 portes
ferment dans lordre la cuisine, la salle de bain , un WC, la chambre de la fille qui fait face à la chambre du garçon .
Le jardin est fermé par un muret bordé de troènes comportant une entrée de garage assez profonde pour faire stationner une voiture quand on ne labrite pas dans le garage. Jy laisse habituellement la mienne à lheure du repas de mi-journée pendant les deux heures de repos qui séparent la matinée de laprès midi de travail. J ai remplacé la 2cv par une OPEL plus grande. Je préfère le repas en famille à la cantine: Cest le moments où les enfants sont éveillés. Une autre porte permet daller en droite ligne du trottoir à lentrée principale.
Sur les trois autres côtés du jardin limités par un muret surmonté dun grillage poussent des buissons des quatre saisons..Des fleurs et quelques légumes occupent mes temps libres.
Lété, sur la pelouse, entre maison et rue, à labri des troènes, nous disposons une piscine gonflable .Daniel y patauge les après -midi sous lil de sa mère.
A leau réchauffée par le soleil, il faut parfois ajouter leau fournie par le ballon deau chaude.
Nous attendons linstallation prochaine du téléphone. Pour linstant nous utilisons la cabine téléphonique située en coin de rue, à une trentaine de mètres de la maison, lorsquil faut appeler le pédiatre par exemple.
Nous coulons une vie paisible. Du moins est-ce mon sentiment.
Marie est toujours aussi amoureuse de moi. Nos sentiments se traduisent toujours en mots tendres et nos corps faits lun pour lautre se reconnaissent immédiatement. Depuis son deuxième accouchement le caractère de Marie est un peu moins joyeux. La charge de deux enfants rend plus mature. En réalité ce ne sont que des manifestations passagères et fugaces de fatigue. Mais dès que je minquiète du plus léger 2/2 trouble Marie me sourit et me dit que je me fais des idées.
-Mais non ,mon amour. Il ny a rien. Je ne peux pas être constamment dhumeur égale. Mais va, tu sais très bien que si javais un problème je ten avertirais. Rassure-toi. Viens embrasse-moi.
Et quand cela se passe le soir, cela annonce généralement une nuit torride. Au point que, lorsque je souhaite voir Marie senflammer, cest devenu un jeu pour moi, le soir, de lui demander si tout va bien ou si elle a un souci:
-Je te trouve un air triste, est comme une formule magique, dont jaurais parfois le sentiment dabuser pour parvenir à obtenir quelle prenne linitiative dune approche. Alors tout est bon, sans tabou, des caresses à la fellation, du cunnilingus réclamé à la pénétration dans toutes les positions, des plus classiques aux plus inventives. Après la naissance dAnne, les organes ayant repris leur place Marie a repris la pilule. Nous avons programmé une troisième naissance pour plus tard; pas avant deux ou trois ans. Par conséquent nos actes sont complets et je ne connais pas de plus grande jouissance que déjaculer au plus profond delle, retenu par ses jambes serrées sur mes cuisses, alors quelle sabandonne en plein orgasme avec des spasmes ponctués de plaintes essoufflées et de râles de plaisir saccadés. Le retour à un rythme cardiaque normal constitue aussi un délice rare durant lequel la
turgescence de lorgane décroît dans un vagin chaud qui se resserre. Quon est bien à goûter la volupté de linstant. Si bien quaprès un temps de récupération, souvent lun ou lautre sollicite une séance dans la foulée .Nous sommes jeunes, pleins dardeur amoureuse, nous nous répétons que nous nous aimons. Qui pourrait le répéter aussi souvent sans le penser? Cest chaque fois un renouvellement de notre engagement .
« Je taime » Toute petite phrase grosse de sens, un résumé de toutes nos émotions, de nos pensées, de nos sensations. « Je taime » cest je suis si bien avec toi, nous communiquons si bien ensemble, nous partageons à deux un même bonheur, rien ne peut nous séparer. « Je taime » ça veut dire que je suis content de notre entente, que je me réjouis de ton bonheur ou encore que je suis ton soutien si tu connais une difficulté. « Je taime » cela signifie que jai en toi une confiance absolue.
« Je taime » lunion de nos corps est quelque chose de magnifique, je suis entièrement à toi, corps et âme, je te suis fidèle, je taimerai toujours. Comme dans les chansons amour rime avec toujours .
Ainsi se déroule actuellement notre vie, parfois un baiser volé remplace la déclaration, plus souvent il laccompagne. Jéprouve avec Marie un sentiment de plénitude et tout en elle me dit quelle vit le même. Pourtant je sens parfois des réticences: Marie se dit encore fatiguée des suites de son second accouchement ou par lallaitement de notre fille Anne. Cest un moment à passer, avec le temps tout sarrangera et je prends patience. Je ne voudrais pas lui imposer des relations sexuelles non désirées ou cause dune plus grande lassitude. Je respecte donc son désir despacer actuellement les soirées trop animées. Ces derniers jours Marie sest fait poser un stérilet sur recommandation de sa gynécologue. Etonnamment sans en avoir discuté préalablement avec moi. Si je rencontre cette gynécologue intrusive je lui dirai deux mots.
Cétait bien trop beau pour durer.
Ce jeudi de début décembre, par un temps gris, je rentre pour la pause-déjeuner.
Je sors de ma KADETT et japerçois à la fenêtre de la maison voisine, de lautre côté de la rue, ma jeune voisine Léa. Cest une jeune dame sympathique. Parfois on lappelle « sur Anne » à cause de son habitude de passer beaucoup de temps à sa fenêtre, parfois on lappelle « la gazette ». Elle me fait signe dapprocher et me demande des nouvelles de notre petite fille. Cela fait quelques jours quen raison du froid Marie ne la pas sortie.
-Elle nest pas malade? Je la rassure.
-Vous avez encore des travaux dans la maison? demande-t-elle alors .
Je ne vois pas où elle veut en venir. Il est vrai que dans une maison neuve, il reste toujours quelques finitions, petits raccords de plâtre, peintures, tapisserie ou prises de courant à terminer. Je peux donc répondre en plaisantant, sans mengager vraiment:
— Oui, vous savez bien quon na jamais fini.
-Cest-ce que je pensais. Ca fait trois vendredis que je vois arriver un ouvrier. Il dépose sa coccinelle grise devant votre garage, ouvre son coffre, en tire une caisse à outils et entre par le garage, votre porte souvre sans quil utilise une clé. La première fois je me suis étonnée, mais la deuxième fois jai aperçu votre femme qui tirait la petite porte pour piéton. Il arrive peu après quatorze heures et quitte après seize heures trente.
Le coup a été rude, je me suis tourné vers la porte de mon garage, le temps davaler ma salive et de reprendre contenance. Quand je me retourne je dois être tout pâle, mais comme il fait froid ça peut se comprendre. Je force un peu ma voix pour quelle ne tremble pas et déclare:
3/2 -Cest un homme assez grand, châtain clair?
-Oui ! Un bel homme!
-Cest un cousin lointain de ma femme. Il sest proposé pour accomplir certains travaux à ma place, pour pas cher, en fin de semaine, avant de rentrer chez lui. Et comme la nuit tombe assez vite et quil lui reste un long chemin à parcourir, il ne sattarde pas. Il ne devrait plus lui rester longtemps à venir. Je pense que lessentiel sera fini à Noel. Sinon, avec la neige qui menace, il faudra attendre le printemps . Japprécie beaucoup le service quil me rend. De plus il raconte à ma femme toutes les histoires du village. Ca la distrait un peu et à mon retour jai droit à des anecdotes savoureuses.
Le service quil me rend, il accomplit des travaux à ma place, ça distrait ma femme: et comment! Lévocation de la coccinelle grise vient de faire tomber les écailles de mes yeux. Travaux de laprès-midi, à mon domicile, en mon absence, sans laisser de traces apparentes, avec apparition subite dun stérilet dans mon couple et fatigues en soirées pour ma femme: Al est revenu!
-Ah! Cest un cousin: je le trouvais familier. Evidemment si cest un cousin, ça change tout.
La curieuse vient dobtenir plus de renseignements quelle nen espérait. Sa curiosité va être satisfaite pour un temps. En une seconde jai inventé un mensonge énorme mais avec assez de vraisemblance. Labondance des détails lui laisse du grain à moudre avant quelle ne me demande des nouvelles de ma fille. Je la salue, repars vers la maison en mébrouant comme secoué de frissons. Le froid ny est pour rien. La porte latérale est ouverte: cest une gentille intention habituelle de Marie. Chaque jour elle vient ainsi, prévenante donner un tour de clé peu avant mon arrivée. Elle en profite pour relever le courrier. Aujourdhui elle ne ma pas attendu derrière la porte pour membrasser; comme je me suis attardé avec LEA, la voisine, elle est remontée pour surveiller sa cuisine, un plat est si vite brûlé. Jentre et élève la voix:
— Chérie, je suis là. Je monte dans un instant, jai un peu de rangement à faire au garage. Je me demande comment jai réussi à dire « chérie ». Je vais masseoir dans la chaufferie.
Lheure est grave. Il faut que je me calme, que mon visage reprenne un peu de couleur à côté de la chaudière qui ronronne, que je retrouve une respiration normale. Je heurte volontairement quelques outils pour faire croire que je suis occupé. Puisque dans cette maison, Marie me cache des choses, je me trouve subitement obligé de répondre par la ruse. Avant tout, il convient de réfléchir sans rien laisser paraître.
— Pascal, ton repas refroidit. Allez viens vite.
Il y a deux ans jai connu une situation comparable. Al et sa coccinelle grise avaient bouleversé notre vie. La coccinelle et son grand conducteur vont-ils nous gâcher la vie. Trois vendredis, Marie nen a rien dit. Heureusement Léa veille.
-Jarrive, mon amourrrrrr.
Je réponds ainsi, en appuyant sur le « mon amour » comme si jétais encore capable de plaisanter. Il y a dans le roulement de rrrr plus dironie et de détresse que daffection. De loin, ça peut tromper. Je mencourage à paraître le plus ordinaire possible, je tente de chantonner. Ma voix sétrangle, mais je suis sauvé par une interruption qui vient de la cuisine:
-Tu es bien joyeux, tu chantes, heureux homme qui retrouve sa petite femme adorée.
La voix est moins assurée pourtant. Un je ne sais quoi sonne faux.
-Alors, comme ça, Monsieur va discuter avec la voisine au lieu de venir embrasser son épouse qui lattend depuis le matin. Je ty prends à faire du gringue à une autre, et de plus sous mes yeux. As-tu lintention de continuer à lui donner laubade. Et après ça tu chantonnes de bonheur.
Quelle habileté pour me faire porter le chapeau tout en plaisantant. Elle est elle-même taquine de façon surprenante. Je saisis immédiatement la cause de ses réflexions caustiques. Comme disaient les latins « In cauda venenum » ( le venin est dans la queue)
-Dis-moi, quest-ce quelle te voulait LEA ?Vous avez discuté bien longtemps! Cétait surement intéressant pour que tu restes aussi longtemps dans le froid. Jai vu que vous fixiez la porte du garage. Pourquoi?
Quelle comédienne. Elle craindrait quelque révélation de la voisine, ça ne métonnerait pas.
— Mais madame mespionne ? Cest du beau! Je naurais plus le droit de madresser à une belle femme? Cest quoi ces indices de jalousie ? Madame douterait-elle de mon amour ?Aurait-elle des raisons de soupçonner que jentretiens une liaison? Cacherait-elle ses propres manquements en maccusant dinfidélité?
Le ton est badin, mais la flèche de la dernière question fait mouche. Elle se tourne vivement vers la gazinière, je ne peux rien lire sur son visage. Elle soulève un couvercle, remue le contenu dun pot, prend son temps avant de demander, dos toujours tourné vers moi:
-Tu nas pas répondu à ma question, de quoi avez-vous parlé toi et Léa?
Je mapproche delle, passe mes bras sous les siens, saisis chacun de ses seins gonflés de nourrice à
4/2 pleine main et me colle à son dos. Dans la nuque je dépose un chaud baiser en guise de réponse. Marie a un brusque sursaut et méloigne dun vigoureux saut de croupe :
-Fais donc attention, tu vois que je cuisine. Jai failli me brûler. Le moment est mal choisi pour me surprendre.
De la brusquerie sa voix revient à plus de douceur. Elle fait demi-tour, se retrouve contre moi et envoie ses bras autour de mon cou puis cache son visage dans ma poitrine. Jai à peine eu le temps de voir des larmes dans ses yeux. Nous restons un instant enlacés. Je me détache doucement, lève sa tête vers moi et descends mes lèvres vers les siennes pour un baiser auquel elle répond avec fougue comme toujours .
-Je vois des larmes, tu tes brûlée. Pardonne-moi.
-Oh! Ce nest pas grave, jai juste eu chaud au bout du pouce.
Je prends la main examine le pouce, sérieux comme un médecin, je ne vois pas la moindre rougeur. Je dépose un bisou sur la prétendue brûlure et déclare doctement, à la manière du Diafoirus de Molière
— Clysterium donnare et ensuite purgare .
— Parle donc français ,pédant, si tu veux que je te comprenne.
— Je traduis un peu librement:
-Ca veut dire que ce soir je vais te donner un lavement avec mon clystère et quensuite il faudra te nettoyer. Nous éclatons de rire. La bonne humeur semble lavoir déridée. Pas tellement parce que pendant le repas elle relance la conversation sur le sujet. Jai fait exprès de répondre à côté de la question et son insistance malerte. La voisine, ça la chagrine, pour une raison que jai devinée. Que Léa me révèle quelle reçoit un homme et Marie aura des ennuis. Cest ma traduction de sa question en boucle.
-Ca devait être important ou sale ce que Léa te disait pour que tu ne veuilles pas men parler. Tu as quelque chose à me cacher. Cest quoi cette façon de te défiler quand je te pose une question. Tu partages un secret avec cette nana. Si cest comme ça, je vais aller la voir, lui crever les yeux et lui arracher la langue.
Son sourire est grinçant. Est-elle sérieuse ou plaisante-t-elle ? Les yeux qui voient et la langue qui parle, maintenant jai la certitude que Marie se livre a des activités pas catholiques: cest un raccourci frappant pour signifier quelle aimerait réduire Léa au silence. Certes, elle nen fera rien mais en brûle denvie.
Je veux lui tendre une perche, pour lamener à se confier à moi. Quelle chance dy parvenir, aucune puisquelle est toute occupée à faire taire un éventuel témoin. Jessaie une explication:
-Que veux-tu que nous racontions. Tu sais que Léa sennuie, elle ne travaille pas, na pas denfant et nous avons déjà ri de voir quelle passe sa vie à regarder à la fenêtre. Cest une curieuse tu le sais. Si tu me cachais quelque chose, Léa sempresserait de men avertir. Dis-moi tu me caches quelque chose?
Jenfourne une bouchée, le temps de lobserver tranquillement. Je viens de retourner la situation. Je suis celui qui pose une question. Une question assez directe pour créer de lembarras si elle saisit bien ce que je dis. Je prie le ciel. Si seulement elle ouvrait son cur. Jattends une explication, je suis prêt à tout entendre, à tout pardonner sil le faut. Marie que jaime, épanche-toi, parle. Ma prière intérieure est sans effet. Je sais quelle ne ma pas tout dit. Que de fois nous sommes nous juré de tout partager. Le partage ne se fait pas. Imperturbable Marie me regarde droit dans les yeux. Son attitude mimpressionne.
— Mais, quest-ce que tu vas imaginer? Que voudrais-tu que je te cache? Cest le monde à lenvers, je te demande gentiment de quoi vous discutiez dehors, tu ne me réponds pas et tu insinues que cest moi qui ai quelque chose à cacher.
Si elle savait que je sais, ça changerait tout. Sa voix est prise dun faible tremblement, mais son niveau augmente. Est-elle en colère ou feint-elle la colère ? Elle me fixe encore droit dans les yeux, puis des larmes quelle ne cherche plus à cacher jaillissent, dévalent ses joues enflammées et elle gémit:
— Fais moi donc confiance. Une fois pour toutes. Regarde-moi, est-ce que tu crois que je te mens. A quoi servent tous nos serments. Non je ne te cache rien, mon amour.
Quel aplomb. Plus elle fait preuve dassurance, plus la situation me paraît critique, avancée, mauvaise pour moi. Si je révèle ce que je viens dapprendre, je risque de la braquer contre moi. Si elle a reçu au moins trois fois le fameux Al, cest quil sest déjà implanté, bien incrusté. Si je me tais, je la laisse senfoncer dans le mensonge. Et si elle ment, laffaire est importante. Elle ne tire laudace de son apparente tranquillité, son calme effronté que de linfluence du malfaisant.
Je devrais avoir honte de la faire pleurer à chaudes larmes. Bien que son mensonge soit comme un coup de glaive dans mon cur, bien que je reçoive « mon amour » comme le baiser de Judas, je veux vaincre déception et colère, je réussis à me dominer et au mensonge je réponds par un mensonge. Le mien ne me parait pas tromperie éhontée, je ne cache pas une trahison, je ne cherche pas à camoufler une trahison pour mengluer dans cette trahison. Mon intention est juste de savoir ce qui se passe. Oh je crois savoir, je veux des certitudes, je veux des explications. Parce que, si Marie depuis un mois au moins reçois AL, 5/2 il faut que je comprenne. Trois après-midis, cest beaucoup, cest trop. Elle est tout pour moi. Mon bonheur cest elle et nos deux enfants. Non il nest pas possible que tout cela fiche le camp. Je croyais avoir exorcisé le diable , lavoir définitivement éloigné et il reviendrait plus fort que lautre fois, mieux enraciné, plus influent et peut-être établi dans la place plus que je ne le crois. Les mêmes idées se bousculent sans logique. Javale lentement un verre deau. Il faut que je mesure létendue de la catastrophe. Je sais que je ne peux pas compter sur Marie pour méclairer. Elle a refusé la main tendue. Elle reçoit longuement Al, me le cache, sinquiète de savoir si jai appris quelque chose par Léa, sans doute en faisant des vux pour que je ne sache rien. Elle tient à protéger cette nouveauté; ce quelle souhaite, à lévidence cest de continuer à vivre avec un mari attentionné et qui garantit une vie confortable tout en jouissant dun amant assidu bon pour le plaisir mais marié par ailleurs, comme nous le savons. En un éclair toutes ces pensées mont foudroyé. Marie sest emparée dun torchon de vaisselle et essuie ses yeux. Des yeux qui mimplorent, des yeux miroirs du mensonge pour moi, des yeux qui veulent me persuader de son innocence. Je ne crois plus pouvoir y lire ni vérité ni amour. Espère-t-elle jouer ce double jeu longtemps?
A suivre…