CHAPITRE I : Du virtuel à la réalité.
A la sortie de l’université, je me dirigeais vers la station de tramway la plus proche, comme je le faisais chaque jour. J’étais en compagnie d’un ami, la sacoche contenant mon ordinateur portable à la main. Je ne pensais qu’à une chose depuis ce matin : la rencontre avec Nushka, une fille qui, comme moi, était âgée de vingt-deux ans. Je savais peu de choses à son sujet, mais le mystère autour de cette demoiselle me plaisait beaucoup. Nushka pouvait être n’importe quelle fille que je croisais sur le campus ou en ville, ce qui pouvait être assez perturbant. Il est possible qu’elle m’ait déjà vu avec mon blouson en cuir et mon foulard bleu, gris et blanc autour du cou sans que j’ai pu la remarquer et l’identifier. J’étais bien content d’avoir utilisé un faux prénom et d’avoir menti quant à mes études, au cas où elle faisait partie de mon entourage. Mes précautions étaient peut-être inutiles, mais on n’était jamais trop prudent.
Un tramway bondé venant du Campus 2 était déjà passé. Tout comme mon ami, je n’avais pas pris la peine de monter à bord. Je préférais attendre le prochain, qui venait d’Hérouville Saint-Clair, afin de ne pas être écrasé par la masse d’individus qui rentrait du travail ou de l’école. Je regardais l’heure : il n’était que 16h10 et mon rendez-vous était à 16h30. Le tramway arrivait dans deux minutes, ce qui me permettrait d’arriver au centre commercial avec un petit peu d’avance. Avec William, nous échangions quelques mots pendant que nous attendions le tram, et lorsque celui-ci arriva, nous nous engouffrâmes à l’intérieur en poursuivant notre discussion à propos d’un professeur qui accusait tous les élèves de plagiat alors qu’il n’en connaissait vraisemblablement pas la définition exacte. Nous parlions également de football et des matchs qui avaient eu lieu le week-end précédent, si bien que le trajet jusqu’à l’arrêt Quai de juillet m’avait paru moins long que d’habitude même si nous n’étions qu’à huit minutes de la fac. Je saluais mon ami et descendis du tramway pour me rendre au centre commercial qui n’était qu’à quelques petites minutes d’ici. Le stress commençait à m’envahir. Je sentais une pression s’exercer sur moi au fur et à mesure que j’avançais, mais je parvins à me calmer en me disant qu’elle ne viendrait peut-être pas, comme une autre femme que j’aurais dû rencontrer il y a maintenant quelques mois.
La veille, Nushka m’avait demandé de l’attendre près de la boutique Orange, ce que je fis. Il n’y avait pas grand monde autour de moi : assis dans les fauteuils situés à quelques mètres de la boutique devant laquelle j’étais posté, il y avait des adolescents qui semblaient attendre leurs petites-amies. Il y avait également un couple qui se dirigeait vers la sortie du centre commercial et deux femmes qui sortaient de Monoprix avec leurs courses. Je ne vis aucune jeune femme, mais il n’était que 16h26. Je sortais mon téléphone portable de la poche intérieure de ma veste afin de donner l’impression de faire quelque chose, même si en réalité, je ne faisais que naviguer entre les divers applications de mon appareil. Les adolescents abandonnèrent les fauteuils et rejoignirent leurs petites-amies, si bien que j’allais m’asseoir à leurs places, les jambes croisées et les mains fourrées dans les poches de ma veste. Quelques minutes plus tard, un parfum féminin charma mes narines et une voix m’interpella :
— Raphaël ?
Lorsque je me retournais vers la source de la voix qui m’avait appelé par mon pseudonyme, je fus ensorcelé par la créature qui me faisait face. Nushka était une jeune femme d’origine arménienne, à en croire la carnation de sa peau, aux longs cheveux noirs rassemblés en une queue de cheval. Ses yeux noirs étaient légèrement maquillés et surmontés par de fins sourcils soigneusement épilés. Ses oreilles étaient pourvues de deux petites boucles d’oreilles ronde qui illuminaient son visage. Je me levais et lui dit bonjour, confirmant que c’était bien moi. J’étais sur la réserve, mais elle me plaisait beaucoup. Une boule se formait à nouveau dans le creux de mon ventre, mais les inquiétudes que j’avais pu avoir quant à l’identité de cette jeune femme s’estompèrent. Je ne la connaissais pas et je ne l’avais jamais vu jusqu’à maintenant. Je redoutais la suite des événements.
— On va prendre un verre ? me demanda-t-elle avec un sourire enjôleur.
— Bien sûr, lui répondis-je simplement.
Nous nous dirigions alors vers les cafés situés à l’extérieur du centre commercial qui était en fait composé de deux bâtiments rectangulaires, non sans échanger quelques mots :
— Je suis contente que tu sois venu, dit-elle. Ton annonce m’a beaucoup plu.
— Votre réponse m’a plu aussi. Je ne pensais pas trouver quelqu’un un jour
— Ton annonce était bien écrite, ce qui est plutôt rare pour un homme.
— Oui c’est vrai, on m’a déjà fait cette remarque.
Elle me souriait, et alors que nous étions à l’extérieur, l’attention de Nushka se focalisa sur les bars. Il y en avait trois de notre côté. Nous choisîmes le plus abordable des trois au niveau des prix.
— On reste en terrasse ou on va à l’intérieur ?
— Comme vous voulez, répondis-je, ça m’est égal.
— Terrasse, conclut Nushka.
Nushka s’assit à l’une des tables qui s’était présentée à nous et enleva son blouson matelassé dont elle m’avait parlé dans son deuxième mail lorsque je lui avais demandé si elle avait une doudoune en sa possession. Elle me sourit une nouvelle fois en remarquant que je l’avais fixé pendant quelques secondes.
— J’ai pensé à toi en la mettant tout à l’heure, me dit-elle.
— Ah oui ?
— Oui. J’espère que ça te plaît, car je ne l’aurais pas toujours durant nos séances. Tu es toujours partant pour être mon soumis, n’est-ce pas ? demanda-t-elle alors, après une petite seconde d’hésitation.
— Oui bien sûr, je le suis toujours.
Une serveuse vint prendre les commandes. Nushka demanda un verre d’eau. De mon côté, je commandais un jus d’orange. J’en profitais pour demander s’il était possible de payer les consommations par carte bancaire. La serveuse, une petite blonde à l’air jovial, m’indiqua que c’était possible avant de nous quitter. La discussion reprit :
— Tu es débutant
— Oui, c’est ça. Je n’ai pas encore eu d’expérience, c’est pour ça que je souhaite rester soft pour l’instant
— Sais-tu ce qu’implique être un soumis ? Tu as dis que tu as lu des histoires érotiques parlant de B.D.S.M, mais est-ce que tu t’es déjà renseigné à propos des règles ?
— Je sais qu’un soumis doit vouvoyer sa maîtresse et qu’il doit être épilé intégralement
— Oui, c’est la base. Tu t’es épilé ?
— Oui, c’est déjà fais.
Nushka s’apprêtait à me répondre, mais elle remarqua que la serveuse était de retour avec les boissons. Comme convenu avec la jeune femme, je payais et la serveuse nous abandonna définitivement, tandis que deux femmes prirent place à quelques mètres de nous.
— Tu devras également adopter certaines positions en ma présence et accepter la nudité. Un soumis doit toujours être disponible pour sa maîtresse, dit-elle sans baisser la voix. Si j’ai envie de m’occuper de tes fesses dans la seconde, je dois pouvoir le faire sans te demander quoi que ce soit.
— Oui, je comprend.
J’étais un peu gêné par le niveau sonore qu’empruntait Nushka. Les deux femmes et la serveuse qui revenait pouvaient entendre notre conversation, ce qui me terrifiait un peu.
— Les hommes dominateurs ne pensent généralement qu’au sexe, mais les femmes préfèrent les humiliations. J’espère que tu as conscience qu’il n’y aura pas que du sexe entre nous
— Oui, et de toute façon, comme je l’ai dis dans mon annonce, je ne veux pas de relation sexuelle classique, que ce soit imposé ou non. Je suis puceau et je tiens à le rester de ce côté là, fis-je d’une voix plus basse que mon interlocutrice.
— Et si je t’ordonne de me lécher, tu le feras ?
— Oui. Tant que je n’ai pas à vous pénétrer, ça me va.
— D’accord La fumée te gêne ? me demanda-t-elle alors, changeant complètement de sujet en me montrant un paquet de cigarettes.
— Non, du tout.
Elle me souriait légèrement avant de sortir une cigarette pour la mettre entre ses lèvres et l’allumer à l’aide d’un briquet. Nushka prit une bouffée avant de recracher la fumée dans ma direction.
— Tu me plais vraiment. Quand serais-tu disponible pour notre première séance ?
— Demain après-midi. Sinon, il faudra attendre mercredi ou jeudi prochain.
Nushka sortit son téléphone portable pour regarder son agenda tout en continuant de fumer. Ses doigts fins glissaient sur l’écran de son mobile, et quelques secondes plus tard, elle me dit :
— Je veux que l’on se voit demain après-midi à partir de 14 heures.
— Où ça ?
— Chez moi, à Hérouville. Tu connais ?
— Non, pas tellement
— Tu prends le tram ?
— Oui.
— Du coup, je t’attendrai au Terminus et on ira ensembles jusqu’à chez moi pour cette première fois. Après, tu devras te débrouiller tout seul pour venir.
— Ça marche.
— Prends une douche juste avant de venir et habilles toi comme aujourd’hui, mais ne met pas de boxer ni de slip.
— D’accord.
Je terminais mon verre d’un trait, tout comme Nushka, avant de me lever pour remettre ma veste. A ce moment là, la jeune femme me demanda si j’avais un numéro de téléphone pour le lendemain, au cas où il y aurait un problème. Je lui répondis par l’affirmatif et lui donna mon numéro. Elle me salua et me quitta, partant en direction de la station de tramway Quai de juillet. De mon côté, je rentrais chez moi, non sans une grosse érection dans mon pantalon. Les deux heures de littérature le lendemain matin s’annonçaient difficiles