-Que dis-tu? Veux-tu répéter? Ai-je bien entendu? Non, attends. Je te demande pardon davoir dérapé. Ces menottes devaient te faire connaître lennui ressenti par un être seul dans une foule, attendant en vain, assis à une table, devant un sac dont la propriétaire lui a confié la garde. Je voulais te relâcher après lexpérience. Pourquoi sommes-nous enchaînés sur cette aire de danse?

-Je te lai suggéré, je ne men plains pas. Je te connais enfin.

-Peut-être, mais tu dis des choses parce que tu nes pas libre. Tu ne les penses pas, tu veux trouver un moyen de briser ce lien et tu me dis nimporte quoi.

-Il ne sagit pas de ça. Je suis sincère. Regarde-moi dans les yeux, ça se voit. Tu crois au coup de foudre?

— Je tai regardée dans les yeux, jy ai lu des promesses et tu es partie. Cest simple à vérifier. Viens près dAlfred.

Jai la clé. Jouvre le bracelet, la cage est ouverte. Loiseau ne senvole pas. Ah!

-Voilà, tu peux aller. Tu me feras signe pour le retour.

-Mais je suis bien dans tes bras. Je te le redis, je suis amoureuse de toi. Garde-moi, danse avec moi. Ne refuse pas de mieux me connaître.

-Cette déclaration est moins hard. Tu constates que lanneau au bras exagérait tes sentiments ou faussait lexpression de ta pensée. Dansons ensemble si tu le veux, ce nest pas désagréable.

-Tu rougis! Je tai choqué? Jai été maladroite. Mais je te trouve si mignon, si différent des autres garçons, de René par exemple. Je sais, jai fait des choses maintenant je men rends compte, jétais à la recherche dun garçon comme toi. Tous les autres je veux les oublier.

-Il y a quinze jours, ta déclaration maurait ravi. Depuis, jai rencontré Jeanne et mes projets ont changé.

Restons amis.

-Ne tembarrasse pas de cette poupée. Cest une lycéenne sans expérience. Elle senflamme à la première occasion, mais des occasions elle en aura dautres. Le premier garçon pour une fille est celui qui précède le deuxième. Vous formez un couple touchant, à mon avis sans avenir. Tu es un homme, raisonnable, tu travailles. Elle est trop jeune pour se lier définitivement. Pour le moment elle rentre à minuit chez papa et maman. Étudiante, elle apprendra la liberté, fréquentera une population différente et toubliera.

-Jenna, quen sais-tu? Ton pessimisme ne me découragera pas. Si tu avais raison, je serais bien malheureux, mais je ne serais pas le premier homme délaissé. Jai déjà donné. Je veux tenter ma chance.

-Si tu échoues, je tattendrai. Tu te méfies de moi. Je regrette de tavoir froissé. Ta vengeance ma rendu furieuse au début. Dautres auraient été plus brutaux. Finalement, tu as su me faire réfléchir à la stupidité de ma conduite, jaime ta façon de faire. Ne recommence pas! Rendez-vous dans deux mois. Je vais être sage comme une image, je vais tattendre, promets-moi juste de te souvenir que je taime. Je veux faire ma vie avec toi. Sur un signe de toi, je serai à toi. Et là, en bas, quelquun trahit tes émotions, tu ne peux pas me le cacher: un homme est un homme. Tu en es un, je le sens! Je suis heureuse de te sentir en forme.

-Souhaites-tu prendre une boisson? Bien, je te rejoins à notre table.

Verres en main je retrouve Jenna. Elle nest pas seule. Un homme est penché sur elle, lui a pris la main et tente de la faire lever. Je pose les boissons.

-René! Tu es revenu? Magnifique costume, tu en jettes. Ca va mieux, pas trop de bobos? Les genoux, les coudes? Ah! Le nez quand même. Dans huit jours on ne verra plus rien.

-Ah! Te voilà. Dis, tu permets que je temprunte Jenna?

-Ne compte pas sur moi pour la jeter dans tes bras de séducteur infidèle. Elle est majeure, vaccinée, a toutes ses dents et fait ce quelle veut, bien sûr! Elle na plus de menottes. Si elle veut te suivre, je ny vois pas dinconvénient.

Je vais voir immédiatement si ses déclarations étaient sincères. Elle tient à moi, elle reste. Elle a un impérieux besoin de soulager ses sens, René lemporte et va la satisfaire, culotte baissée devant la porte, contre un mur ou un arbre ou dans sa voiture sil pleut encore. Il nest pas revenu à la dernière minute pour lui réciter des poèmes. Il na pas lâché la main, tire sans trop user de sa force. Jenna me regarde. Je ne sais pas ce que je souhaite. Je serais vexé de rester seul. Je serais soulagé de ne plus avoir à me poser de questions. Je lui tends son verre, elle dégage sa main pour le saisir, me remercie:

-A ta santé, Nicolas.

Elle me sourit et envoie René au bar. Sans doute son costume est-il trop beau, il ne pense plus à sexpliquer entre hommes à lextérieur.

-Quen dis-tu? Il ne ma pas obligée à me soumettre. Je tai choisi, il ne maura plus. Devant toi il nosera plus me tordre le bras pour me faire obéir. Tu es vraiment lhomme rêvé, jai besoin de toi. Je ne veux pas te forcer, je vais vivre comme si jétais ta femme.

-Cest quoi ces histoires? Tu moublies, je compte pour du beurre? On va voir.

René de retour a entendu la dernière phrase. Il pose un verre devant Jenna, lève le sien et me toise. On ne perd pas facilement ses habitudes de domination.

Jenna se lève, vient à moi:

-Allons danser.

Elle va près de lorchestre. Les musiciens engagent: « Jattendrai, le jour et la nuit », extrait de la nuit des temps!

-Tu entends, cest pour toi. Je taime.

A René le plaisir doccuper seul une table. Pourquoi les dernières filles non accompagnées refusent-elles son invitation? Il retourne bredouille vers notre table, sarrête: Alfred et sa dulcinée y sont assis. Dégoûté il se dirige vers la porte. Le bal se termine, nous sortons. Plus de coupé sport sur le parking. Je sens la main de Jenna dans la mienne, elle y est depuis notre dernière danse, je ny prêtais pas attention. Me voilà dans un sacré pétrin: Jenna et Jeanne.

La première est femme, célibataire, libre, possède un appartement, jure quelle maime, vient de me donner une preuve de son attachement. Elle est charmante. Hélas René est passé par là. Dautres peut-être aussi. Elle se dit prête à mattendre. Serait-elle une épouse fidèle ou son tempérament le poussera-t-il à ladultère? Certaines images seffacent difficilement.

Jeanne, tendre jeune fille, idéaliste, romantique, rêveuse la tête dans les étoiles. Si vite amoureuse, sait-elle vraiment ce quest lamour? Jeune, si fraîche, si jeune, trop jeune peut-être? Elle na pas la présence physique des femmes plus mûres. Un minois frais, des années de patience, trop dattente, pour quel résultat?

-Tu es bien silencieux. A quoi penses-tu? A moi? Tu veux venir prendre un dernier verre chez moi? Ca me ferait plaisir. Ne crains rien, je ne te violerai pas, sauf si tu lexiges. Je sais être correcte et pour toi je

vais changer ma vie. Je men veux de tavoir scandalisé avec René. Que celui qui na jamais péché me jette la première pierre. Tu nas jamais eu de copine?

-Si, jen ai eu deux. On me les a « empruntées » et on a oublié de me les rendre. Je les aimais bien. Au départ de la deuxième jai été très malheureux. Elle était insouciante, inconsciente de ma douleur.

-Tu as fait lamour avec elles?

-Tu veux tout savoir. Eh! Bien oui, plusieurs fois avec la seconde. Nous étions timides tous les deux. Elle mavait juré quelle épouserait son premier. Jétais trop doux, pas assez hardi, je ne sais pas. Un jour je lai vue en train dembrasser un autre garçon, si fort, si longtemps. Jai pleuré. Elle avait voulu comparer, ce nétait rien, pas grave:

-On nachète pas un chat dans un sac, sexcusait-elle.

-Elle a pris goût à faire des comparaisons, je lai constaté avec désespoir et colère. Nous avons rompu. Depuis je nai plus fréquenté de fille. Tu as été la première à me troubler et à me rendre de lespoir lorsque tu mas invité à ce bal.

-Dans ce cas, où est le problème? Ah! Cest vrai, mon problème sappelle René. Mais tu as vu, cest fini.

Tu entres?

Je me laisse tenter. Lappartement est petit mais coquet et bien entretenu. Lhôtesse me sert un alcool, me prend les mains, me fixe dans les yeux. Dun mot, je le sens, je pourrais décider de notre avenir. Une étincelle peut mettre le feu. Elle attend, jhésite trop longtemps, parce que ce serait déloyal. Je me lève pour men aller. Un bisou chaste sur la joue, le deuxième se perd en route. Cest très rapide, mais cest sur la bouche. Qui la voulu? Qui accusera lautre? Un dernier sourire un peu gêné: je me sauve. Je tremble, je bous. Le salut est dans la fuite. Elle en brûlait denvie; et moi donc. Ca maurait décongestionné. Mais Jeanne?

Au détour des couloirs de lusine, chaque jour je rencontre Jenna. Elle est partout. A droite, à gauche, devant, derrière, elle surgit quand je ne lattends pas. Chaque fois elle me salue et en profite pour une accolade. Chaque fois le contact de ses bras, de ses seins jette en moi le même trouble. Chaque fois ses yeux appuient ses « Je taime » glissés à loreille et chaque fois elle disparaît mutine et heureuse. Je redoute le prochain samedi. La confrontation risque dêtre houleuse. Je suis toujours irrésolu.

Jai rendu visite aux parents de Jeanne. Elle a obtenu gain de cause. Si je mengage à veiller sur elles, les trois jeunes filles pourront rentrer à deux heures du matin, exceptionnellement. Chaque semaine, au retour je devrai rendre compte.

Jenna et moi arrivons sur le parking. Parmi les voitures je repère vite un coupé sport. Jenna se mord la lèvre inférieure. René accourt, jovial.

-Ah! Vous voilà. Toujours ensemble? Dis ma poule, jai travaillé pour toi. Jeudi, à la sortie du lycée, jai rencontré, tout à fait par hasard une certaine Jeanne. Une gamine sensationnelle. Je lai prise en voiture pour la ramener chez elle. Elle a voulu faire une pointe de vitesse sur lautoroute. Elle a aimé. Nous avons fait une halte sur une aire de repos déserte. Elle a aimé. Elle ma remercié dun bisou et, de fil en aiguille, ma tricoté ce petit souvenir. Elle a aimé ça aussi. La coquine nest pas née de la dernière pluie! Elle va te déniaiser, Nicolas, si jai bien compris. Naie pas peur, tu nauras pas à la dépuceler. La où René passe, lhymen trépasse. Elle est jeune, mais aux âmes bien nées, la valeuret cetera. Je te souhaite bien du bonheur. Je vois que tu apprécies mes restes.

Il sort de sa poche un chiffon, le déploie: cest une petite culotte de femme!

Je vais lécraser. Jenna intervient, serre ma main et riposte:

-Mais tu es fou. Je ne tai rien demandé. Des petites culottes on en trouve partout dailleurs. Tu frimes. Tu as volé celle-là sur une corde à linge. La gamine se perdrait dans ce sac trop large.

-Ah! Oui. Dis, Nicolas, hume ça! Tu ne connais pas ce parfum? Si elle vient, tu lui rendras son étui. Elle en aura besoin, elle ma promis de ne rien porter sous sa robe ce soir. Tchao, amusez-vous bien.

Il monte dans son coupé et fait un démarrage sur les chapeaux de roues. Jenna essaie de me rassurer:

-Ne le crois pas. Il veut se venger et a inventé cette histoire de toute pièce. Il bluffe. De nos jours les filles sont averties et ne montent pas avec nimporte quel conducteur.

-Dautant plus que je les ai mises en garde contre ce René. Ce nest pas possible. Mais cest tout à fait son parfum

Le fond est bon. Jenna protège la réputation de sa rivale. Jen suis agréablement surpris. Je minquiète:

-Que vas-tu faire, tu sais que Jeanne est possessive? Je ne pourrai pas te faire danser.

-Je vais masseoir, attendre, attendre et attendre. Si on minvite à danser, jirai, mais ne crains rien, je taime. Mais qui sait, mon attente sera écourtée.

Nouveauté, Françoise me fait la bise et me présente son ami Roland, Denise est avec son ami Charles, en dernier, souriante et espiègle Jeanne tient dans ses bras un grand carton et me présente mon sosie, Nico, dessiné par elle. Ce nest pas vraiment à mon avantage. Une caricature. Elle met en évidence mon trop grand sérieux. Est-ce intentionnel? Tout le monde rit, la soirée sera gaie.

Comment croire la fable de René? Cette fille enjouée et tendre na pas pu me trahir. Ses yeux ne pourraient pas aujourdhui avoir cet éclat de franchise si elle avait laissé à René le loisir de lui enlever sa culotte, de fouiller son intimité pour vérifier sa virginité avant de la traiter comme Margot ou Jenna, de lui ravir sa virginité sur cette prétendue aire dautoroute. Lui poser la question serait une injure. Lui donner la culotte parfumée à la sueur me ferait passer pour un satyre. Je ne passerai pas pour un obsédé sexuel, ni pour un type maladivement jaloux. Tous les rires, toutes les plaisanteries sont les bienvenus. Dansons, réjouissons-nous, la vie est belle. Je ris, je ris un peu jaune.

Jenna fait pénitence. Elle danse, je lobserve. Jamais deux fois avec le même. Du coup elle est souvent assise. Du bar, je lui ai fait servir à boire. Roland et Charles mont emprunté ma douce rieuse. Jai fait une danse avec chaque cousine. Elles ne sont pas bavardes aujourdhui. Je sens un malaise latent. Depuis son bisou dentrée Jeanne ma embrassé très peu. Je la sens absente, des baisers distraits. En dansant jai laissé errer ma main sur ses hanches, lélastique marque le haut dun sous-vêtement! Tiens, ce baiser est plus appliqué, bouche ouverte, langue provocatrice. En huit jours elle a fait dincroyables progrès. Mais elle papote, me demande si jai bien regardé létoile polaire, sauf jeudi à cause dun gros nuage. Étrange, jeudi le ciel était clair à 22 heures

-Ah! Tu crois, je me trompe de jour? Non, jeudi jétais fatiguée, je me suis couchée plus tôt.

Jeudi, un coupé sport, une aire dautoroute, un sagouin qui tire sur tout ce qui bouge, une petite culotte, une fille trop fatiguée pour le rendez-vous dans les étoiles. Samedi, une gamine qui embrasse comme une femme accomplie, à bouche que veux-tu. Dans ma tête le discours de René rencontre des échos troublants.

Minuit une minute. René réapparaît, fait le tour de la salle, sincline devant Jenna, essuie un refus, mais en rit. Il tourne, sincline devant Jeanne. Le pauvre va essuyer un refus cinglant Jeanne se lève

-Tu permets que je lemprunte?

Les cousines affichent un air plus affligé que surpris, me regardent par-dessous et se réfugient sur le parquet avec leur petit ami. Il a choisi le slow. Le spectacle me révulse. Jeanne est-elle folle? Cest quoi ces fous-rires.? Mais, elle le bécote. Il répond, donne la leçon, les nez en duel se penchent pour un long baiser damoureux. Me provoque-t-elle ou oublie-t-elle qui est son partenaire? Je ne suis pas myope. Quoi, Jeanne va prendre place avec René? Cen est trop. Je vais la chercher

-Allez, je suis assez grande pour danser avec qui je veux. Lâche-moi un peu. René est charmant. Tu nes pas le seul homme sur terre. Tu es trop gentil, mais nul.

-Je te prie de maccorder une dernière danse. Après tu feras ce que tu voudras, promis. René, permets que je te lemprunte.

René hausse les épaules et la pousse vers moi! Il a gagné et se montre magnanime. Elle lui reviendra.

Nous dansons. Elle fait grise mine, comme si je la privais de dessert.

-Je te rappelle que jai promis à ton père de veiller sur toi. Sans mon intervention tu serais à la maison. . Conduis-toi honnêtement, danse avec qui tu veux. Ne tavise pas de quitter la salle sinon je te ramènerai illico chez toi. Au retour, tu présenteras René à ton père et René pourra sengager à me remplacer. Ton père décidera. Tu peux retourner près de lui.

Je nattends pas de réponse, je la laisse au milieu des danseurs et vais masseoir.

-Mais, Nico, ne te fâche pas. Je ne pensais pas ce que je tai dit. Je voulais te rendre jaloux, jai réussi. Je suis bonne comédienne. Montre un peu dhumour. Tu paraissais absent, je voulais texciter. Allez, reviens danser.

-Plus jamais avec toi. Je tai vue en train dembrasser René. Continuez, mais sans moi. Préviens-le du rôle que tu lui réserves à lavenir. Après deux heures du matin, quand tu auras embarqué avec tes cousines, je ne te connaîtrai plus.

-Tête de mule. Gros nul. Tant pis pour toi. Tu lauras voulu.

Mon dilemme est résolu. Jeanne écartée, reste Jenna pour le bal. Jenna a suivi de loin nos mouvements. Elle a constaté le retour de Jeanne près de René. Quand je lui tends la main pour la faire danser, je lis son plaisir dans un sourire à peine esquissé.

-Rends-moi service: observe ce quelle fait. Il ne faut pas lui laisser la possibilité de quitter la salle, surtout pas avec René. Après son départ, je serai libéré.

-Laisse-la tomber. Là, nes-tu pas mieux avec moi? Jamais, si tu me gardes, je ne te ferai un pareil affront. Elle est jeune, un peu folle. Elle découvrira vite son erreur, cest comme cela quon se construit. Je suis heureuse.

Sur combien de filles ou de femmes René a-t-il laissé ses empreintes? Je vois arriver avec joie lheure du retour, mon seul regret est de ne pas continuer à tenir Jenna plus longtemps dans mes bras. Françoise et Denise ont encadré Jeanne. Dans le sillage de leur voiture suit le coupé de René. Jaurai accompli mon travail quand les filles seront à labri. De loin je suis les feux rouges.

-Tu nas pas lintention de la récupérer? Je saurai à quel point tu prends les choses à cur. Ce trait de caractère te rend encore plus désirable. Dis, tu maimes un peu?

-Cest une mineure. Elle a abusé de ma crédulité. Je suis déçu, mais je refuse de la laisser tomber dans les pattes de René alors que ses parents mont confié sa garde. Dans quelques minutes, René ira endosser cette responsabilité, si elle le souhaite et si les parents lapprouvent. Je men laverai les mains.

Jenna a posé sa tête contre mon épaule. La belle brune mobserve dans la lueur des phares. Jadorerais lui faire confiance. Cest une belle plante, de mon âge à peu près. Elle a un passé, cest normal. Jen ai un aussi. Son attitude confiante me rassure. La légèreté de Jeanne contraste avec la résolution de Jenna. Les deux voitures stationnent devant la maison des parents de Jeanne. Je marrête, baisse mes vitres avant.

-Allez, viens donc, il le faut. Tu me las promis. Moi je ferai ce que je tai dit.

Tiré par les trois filles, intéressées par la perspective de rentrées tardives, René savance vers lentrée. Il ny va pas la fleur au fusil. Devenu parrain de la troupe, il devra renoncer à ses avantages de célibataire chasseur. Il aura à rendre compte au papa. Jai subi un interrogatoire pointu pour convaincre Silvio, René ny échappera pas! Le père, dans la lumière blafarde de la lampe de lauvent, examine le nouvel arrivant. Tout à coup, dans la nuit résonnent des cris de colère, nous voyons René courir à sa voiture et démarrer en faisant crisser ses pneus.

Du doigt Jeanne désigne ma voiture. Jobéis à linvitation du père. Jenna maccompagne, main dans la main. Nous entrons. Le séjour réunit trois filles, Silvio et notre couple.

Les mains du père tremblent, il me prend à partie

-Je vous confie ma fille: comment pouvez-vous la laisser revenir en compagnie de cet odieux individu? Je vous prenais pour un gars bien. Non, mais, vous vous rendez compte.

. Jeanne ma trouvé un remplaçant, je tenais à vous en informer. Je nai pas relâché ma surveillance.

Mais, monsieur, je renonce à accompagner votre fille, elle préfère ce René, je ne vois aucun intérêt à insister pour veiller sur elle.

Jeanne retrouve son aplomb:

-Bien sûr, tu es trop occupé avec cette vieille fille qui te court après. Et moi tu me laisses tomber.

Lattaque inattendue me révolte.

-Petite Jeanne, René ma demandé de te remettre un objet que tu lui aurais donné en gage damitié, jeudi soir sur lautoroute. Qui a laissé tomber lautre?

Pourquoi. Qua-t-elle encore fait? Quel est cet objet?

-Non, ne fais pas cela.

Sa protestation est un aveu. René a cueilli sa fleur, le jour de sa fatigue. Je nai pas de regret. Je feins davoir perdu la chose

-Excuse-moi, jai oublié ton dessin dans la salle. Tu pourras le réclamer la prochaine fois.

-Sans vous, il ny aura pas de prochaine fois.

En chur, Denise, Françoise interrogent:

-Mais pourquoi, tonton?

Prenez place, vous le saurez. Voilà. Il y a deux ans, un orage a interrompu ma partie de pêche. A mon retour, devant la maison stationnait une voiture de sport. A mon arrivée dans le séjour jai entendu ma femme soupirer, comme blessée. Jai cru à un accident, je me suis précipité et là jai vu.

-Quoi?

Un type, pantalon sur les chevilles secouait ses fesses et les lançait avec force, entre les cuisses grandes ouvertes de ta mère, ma fille. Ce type qui lavait culbutée, dos sur la table, était trop occupé et ne mavait pas entendu arriver. Il pilonnait, lui arrachait des plaintes et des cris de plaisir. Et elle lui disait:

-Vas-y, René, plus fort, mon amour.

Jétais pétrifié. Et il y allait de plus belle, senfonçait au plus profond. Il a fallu son cri

-Ca y est, je viens, je pars

pour me sortir de ma stupeur. Je lai attrapé, jeté à terre sur le carrelage, je lai tabassé et foutu à la porte. Ta mère pleurait. Le lendemain elle a disparu pendant que jétais au travail. Nous ne lavons pas revue de la semaine.

-Tu mas dit quelle était à lhôpital.

-Que pouvais-je te dire? Huit jours plus tard, la police la ramenée. Elle errait en ville dans un état lamentable. Lautre lavait foutue à la porte au bout de quelques jours. Elle faisait pitié à voir. Jamais elle na voulu me parler de cette aventure. Et depuis, elle ne se remet pas. Et toi, tu choisis cette crapule pour garde du corps. Je suis maudit.

Nicolas, vous êtes sûr quil na rien fait à ma fille?

-Pas ce soir, jai fait attention.

-Je ne savais pas. Quel malheur! Nicolas, je regrette, pardonne-moi. Tu veux? Je

-Non, merci. Trouve un autre ballot, jai compris ma douleur cette nuit. Et, comme tu las remarqué, jai une occupation plus plaisante désormais.

Jenna a de la poigne, elle approuve en mécrasant les doigts. Nous prenons congé.

-Et si on allait chez moi. Je nai pas attendu bien longtemps, mais chaque minute ma coûté. Si tu maimes un peu, oublie ta déception, je saurai te consoler.

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