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Chroniques immortelles – Chapitre 23




J’ai envie de baiser ! La parenthèse avec la tueuse ne m’a pas suffi. Je rêve de redevenir Christine et de m’envoyer en l’air avec tout ce qui bouge. Il me tarde de retrouver mes vêtements féminins, la rondeur de mes hanches, l’arrondi de mes seins, l’humidité de ma grotte intime, les bras d’Antinea, la saveur de sa chatte, la vigueur masculine d’Alex et sa bite dans mon cul !

Mais je ne le peux pas. J’ai une mission à remplir, et quoi qu’il m’en coûte, je dois en passer par là, en savoir plus sur cette femme, cette meurtrière implacable. Dire que cette fille m’intrigue est un euphémisme Elle a une fausse identité comme moi, beaucoup de caractère idem si j’en crois mon entourage. Elle se fait appeler Christelle alors que j’ai choisi Christine, presque identique Et elle utilise le même vocabulaire ! Elle pourrait être ma jumelle. Troublant.

Nous l’avons relâchée et elle est partie sans un regard accompagnée de sa « fille ». Aucune surveillance. Nous savons ou la trouver . En attendant, Philippe et moi faisons notre compte rendu à Henri au SIA de Paris. Et c’est de là que va venir l’information la plus étonnante

— Cette histoire est plus compliquée qu’il n’y paraît, résume Henri. Suite à votre découverte d’hier soir, nos services ici ont passé au crible la « boite aux lettres » de notre tueuse. Et on a fait plusieurs découvertes surprenantes. Primo, quelques propositions de contrat émanent de gens ordinaires, assez idiots pour opérer depuis leur adresse mail courante. Des amateurs On a diffusé leur identité aux différents services pour simplement les surveiller pour l’instant. Sinon, la majorité des contrats viennent de machines anonymes : cybercafés ou smartphones pré-payés, pour lesquels il sera difficile de remonter aux auteurs. On a constaté que beaucoup de contrats avaient été refusés par la tueuse. Elle sélectionne. Mais certaines demandes ont reçu un traitement étrange.

— Comment cela ?

— Eh bien rappelez vous la procédure : un nom, une somme proposée par le demandeur. Oui, non, ou une autre somme demandée par la ou les tueurs. Et c’est là que çà cloche, parce que certains contrats, après acceptation, ont reçu un autre message du type « Untel – C ». Rien de plus. Et ces contrats ont été annulés.

— Juste un « C » en commentaire ? Qu’est-ce que çà veut dire ?

— Eh bien on a compris en découvrant l’origine de ce type de message. Ils sont émis depuis les États Unis, plus précisément depuis la Virginie. Langley, çà vous dit quelque chose ?

— Nom de Dieu ! s’exclame Philippe.

— Je ne comprend pas ? Dis-je.

— Langley est le siège d’une grande agence de renseignement américaine Le « C » veut dire deux choses. Tout d’abord « Canceled » autrement dit « annulé » mais aussi…

— CIA. Termine Philippe.

— Oh putain ! Qu’est-ce que çà veut dire ???

— Ça veut dire que la CIA a accès à cette boite aux lettres depuis X temps et qu’elle signale à la tueuse de refuser un contrat portant sur certaines personnes, reprend Henri. Et cette dernière obéit scrupuleusement. Suite à quoi on a élargi nos recherches et découvert que certaines « exécutions » correspondant au mode opératoire de notre tueuse ont été perpétrés un peu partout dans le monde, sans la moindre demande sur sa boite aux lettres. Et donc d’une autre source. Et il n’y a qu’une seule explication possible

— Bordel de merde, notre tueuses « travaille » aussi pour la CIA. Conclut Philippe.

Mairie de (censuré), section des « affaires sociales », bureau du directeur, celui j’ai eu au bout du fil peu de temps avant.

— Eh bien messieurs, que puis-je pour vous ?

Roland N. est un homme d’environ trente cinq ans, souriant et aimable, les traits fins,  plutôt joli garçon  le genre pour lequel une fille craquerait immédiatement, et ce qui me surprend, il a une voix claire et il est  totalement imberbe. Quelque chose aussi dans son énergie attire mon attention, que je n’ai jamais rencontré, une fois de plus. A croire que c’est un trans FTM ! Philippe semble l’avoir ressenti également, car il m’envoie un bref clin d’il interrogateur. Très rapidement, je me rend compte qu’il est presque totalement dénué d’émotions, au point qu’un tremblement de terre lui ferait à peine perdre son calme.

 Pendant quelques secondes, j’ai la tentation de pénétrer son esprit et de fouiller sa mémoire. J’y renonce. S’il n’a rien à voir avec notre affaire, ce serait contraire au code des immortels. Mais je décide de le « fasciner » de manière à ce qu’il réponde sans détour à toutes nos questions.

— Comment avez vous fait la connaissance de Christelle D. et depuis combien de temps ?

— Christelle est une amie, répond-il sans ambages. Je la connais depuis un peu plus de sept ans. Je lui dois beaucoup. En fait, elle m’a quasiment sauvé la vie

— Comment cela ? Dis-je.

— C’était un soir, en sortant de mon travail, j’ai été agressé par quatre hommes, d’anciens camarades de classe. C’était des gens plus ou moins alcoolisés qui avaient décidé de s’amuser sur ma personne. Ils ont commencé à me tabasser.

— Pourquoi vous ont-ils agressé ?

— J’ai toujours été un peu un soufre-douleur pendant ma scolarité. Il faut vous dire que je souffre d’une infirmité physique qui est à la base de moqueries et de vexations Pourquoi, je vous raconte çà, moi ?

— Quelle infirmité ?

— Eh bien je suis asexué. Génétiquement, j’aurai du être un homme, mais mes organes ne se sont pas développés à la conception dans le ventre de ma mère. Je n’ai pas de pénis, juste un petit bouton insensible ressemblant plus à un clitoris qu’autre chose, pas de testicules, je ne produit pas de testostérone et je n’ai aucune des caractéristiques masculines liées à cette hormone.

J’en reste bouche bée. Sa voix, son aspect, son énergie, tout s’explique. Et j’imagine sans peine le calvaire qu’il a du endurer de la part de ses petits camarades, puis plus tard de la part de ceux-ci une fois à l’age adulte. Et son agression s’explique alors. Les brutes ont du vouloir se donner l’impression d’être supérieur à lui Il a du en entendre des mots comme « pédé, petite pute, lopette, p’tite bite, etc… ».

— Je devine ce que vous pensez, reprend-il, mais en réalité, je ne suis pas malheureux. La libido, le désir sexuel, j’ignore complètement de quoi il s’agit. Je n’éprouve que peu d’émotions et je dois dire que le comportement de mes concitoyens sous l’emprise de la passion me laisse assez perplexe

— Alors, vous ignorez tout du plaisir ? Demande Philippe.

— Vous voulez parler de la jouissance ? Si, je connais, je l’ai déjà éprouvé. J’aime assez, mais une fois de plus ma libido ne me pousse pas à la rechercher.

— Mais comment pouvez-vous, sans ?

— La sodomie J’espère ne pas vous choquer, mais mon physique assez peu masculin attire les personnes gays. De temps en temps, je me laisse faire. Et autant que je sache, ma sensibilité anale est la même que tout un chacun ce qui me permet d’arriver à l’orgasme. Or, j’ai des vésicules séminales actives et une prostate normale. Je produit juste un liquide sans spermatozoïdes, évidement.

En plus c’est vrai qu’il est joli garçon, et malgré moi je ne peux m’empêcher d’éprouver une intense érection. Je me secoue. On est en train de s’éloigner du sujet !

— Euh, revenons à votre agression Et Christelle dans cette affaire ?

— Elle passait par là par hasard Vous auriez du voir çà. Elle a littéralement sauté sur mes agresseurs et les a mis hors de combat en trente secondes ! L’un d’eux a eu le nez cassé, un autre l’épaule démise. Le troisième s’est retrouvé avec trois cotes fracturées. Quand au dernier, il a eu un genou brisé.

— Vous vous dites que cette femme a rétamé quatre mecs en trente secondes ? Vous n’exagérez pas ?

— Non inspecteur. Par la suite, elle m’a appris qu’elle pratiquait les arts martiaux depuis longtemps. Elle est ceinture noire de judo et de karaté, et elle pratique aussi le kung-fu à la perfection. Nous sommes restés très liés. Et puis il y a eu l’épisode Nicole S.

— Nicole ? Vous parlez de sa « fille » ?

— Oui. Ça s’est passé il y a trois ou quatre ans. Christelle a trouvé cette jeune fille alors à peine adolescente, en pleurs un soir dans une rue de Cannes. Je dois vous préciser que nous ne connaissons pas l’identité réelle de Nicole. Elle n’a jamais donné son vrai nom et Christelle n’a jamais voulu le savoir. C’était le jour de la saint Nicolas, et elle était recroquevillée devant une porte portant le nom de S. On ne l’a jamais appelé autrement que par ce nom. Mais elle a bien voulu raconter son histoire, assez triste si elle est vraie je vous préviens. Enfant battue, séquestrée par ses parents. Elle n’a jamais été à l’école. Elle décrit son père comme violent, sa mère soumise. Elle faisait la bonne dans la maison. Et puis alors qu’elle avait douze ans, son père a voulu la prostituer Alors elle s’est enfuie. Il y avait une gare à proximité. Elle a sauté dans le premier train qui passait et s’est retrouvée dans le midi de la France. Elle y a survécu quelques jours en volant de la nourriture à létalage. Mais même à Cannes, il fait froid début décembre. Elle était à bout, glacée, affamée Je vous signale qu’apparemment, ses parents n’ont jamais signalé la moindre disparition. Il n’y a rien. On ne sait pas qui elle est ni d’où elle vient. Dieu sait ce qui serait arrivé si Christelle n’était pas tombé sur elle ?

— Donc Christelle D l’a recueillie.

— Oui. Et personne n’en a rien su pendant plusieurs mois. Durant cette période, Christelle et Nicole ont développé une relation fusionnelle mère-fille très forte. Et cela aurait pu durer si Nicole ne s’était retrouvée au lycée

— Comment cela ?

— Nicole n’était pas idiote. Au contraire c’est une enfant très intelligente. Elle regardait la télé, lisait des livres, des magazines, mais bien évidemment elle avait des lacunes. Au bout de quelques mois, Christelle l’a convaincue d’aller au lycée pour suivre un scolarité normale. Sa première rentrée à treize ans ! Vous vous rendez compte ? Mais pour faire un dossier scolaire, il y a beaucoup de documents à donner Christelle a produit une masse de faux impressionnants très convaincants, mais un des services de l’école a fini par se rendre compte de certaines incohérences et alerté les services sociaux, c’est à dire moi même.

— Et donc, vous lui avez demandé des explications ?

— Oui, qu’elle m’a fourni sans restriction. J’ai remarqué immédiatement la force du lien qu’il y avait entre elles, mais je devais respecter les procédures. Je lui ai donc expliqué que je devais lui enlever Nicole pour la placer en foyer d’accueil. Ce fut un déchirement, je passe sur les détails. Mais rien ne s’est passé comme prévu. Quel que soit la famille d’accueil, la petite s’est enfuie et a rejoint Christelle à chaque fois. Jugez de mon embarras. Nicole et Christelle souffraient, et aucun placement ne fonctionnait. La situation était sans issue. Alors j’ai pris sur moi, et avec l’accord d’un juge de mes amis, nous avons fait de Christelle le tuteur légal de Nicole, établi des documents à son nom avec comme simple mention « nom d’emprunt », et comme unique obligation de me rencontrer périodiquement pour s’assurer que tout va bien. Et je n’ai qu’à me féliciter de cette décision. Tout est limite légal, mais çà fonctionne parfaitement dans l’intérêt de tous.

Malgré moi, je pense confusément que l’arrestation pure et simple de la tueuse va engendrer des drames. Ce n’est pas une solution. Il va falloir trouver autre chose. Comment peuvent cohabiter au sein d’une même personne ce qui semble être une femme affectueuse et maternelle avec une tueuse froide et impitoyable ?

— Au téléphone, vous m’avez dit qu’elle était responsable d’un centre d’accueil ? Dis-je.

— C’est exact. Oh, c’était un pur hasard. Il y a trois ans, je me suis retrouvé avec un cas difficile pour lequel je ne trouvais pas de famille d’accueil, une fugueuse récidiviste. En désespoir de cause, je lui ai demandé si elle pouvait héberger une jeune fille deux ou trois jours. A ma grande surprise, cette personne s’est parfaitement adaptée au point qu’elle m’a demandé d’y rester. Et ce fut une réussite, car elle y reprit ses marques et put ainsi se relancer dans la vie. Du coup, j’ai officialisé son statut. Vous savez, Christelle est une fille étonnante. Elle a du charisme. Toutes les filles que je lui ai envoyées se sont attachées à elle. Même une fois parties, elles gardent le contact. L’une d’elle est même passée de voleuse à la tire à aspirante pilote dans l’armée de l’air, vous imaginez ?

Je réfléchis à toute allure. Ce que vient de me dire Roland N. me donne idée. Philippe s’en est aperçu.

— Vous voulez dire qu’il vous arrive encore de lui proposer d’héberger des cas difficiles ? Dis-je.

— Mais naturellement ? Il y a un problème ?

— Tu as une idée Cyrille ?

Une fois de plus, je plonge mon esprit dans celui de Roland. Au diable le code des immortels ! J’ai carte blanche. Je vais lui imposer ma volonté.

— Oui. Monsieur N.  Vous allez contacter Christelle D. selon votre mode opératoire habituel pour lui demander d’héberger une jeune femme en grande difficulté. Puis dés que vous aurez obtenu son accord, nous vous amènerons celle-ci pour que vous puissiez la confier aux « filles perdues ». Vous allez OUBLIER notre visite. Vous vous rappellerez seulement ceci : le centre de désintoxication de xxx vous a demandé de prendre en charge une jeune femme en sortie de cure et vous avez accepté. Est-ce clair ?

— Oui, très clair répond-il comme un automate. Je m’en occupe immédiatement. Quel est le nom de cette jeune fille ?

— Christine Gautier…

Il fait nuit. Philippe et moi avons rejoint les bureaux du SIA et exposé notre plan « d’infiltration » du centre d’accueil à Henri, à Paris.

— C’est un excellent idée, déclare Henri. Mais je vous met une fois de plus en garde Cyrille. Plus nous enquêtons, et plus la personnalité de cette femme devient complexe.. . et inquiétante. Regardez dans votre boite mail les photos que je vous ai fait suivre

Je suis perplexe Les photos sont de qualité moyenne, mais on la reconnaît bien. Il y a deux séries. L’une la montre en treillis militaire, tète nue, avec ou sans armes, dans des ambiances de camp militaire en milieu montagnard et désertique au milieu de soldats enturbannés. L’autre la montre en kimono orange au milieu d’autres filles vêtues pareillement.

— D’où sortent ces photos ? Demande Philippe.

— De vieux amis qui travaillent au sein de la direction de la CIA. Eh oui, j’ai des relations La première série date de 2002 et a été prise dans les zones tribales du Pakistan, dans un camp d’entraînement d’Al-Qaïda

— Hein ?

— Oui. Et notez comme elle détonne dans ce milieu hyper-machiste. Voyez comment les autres personnes sur les photos se tiennent prudemment en retrait. Non seulement elle semble y avoir appris le maniement des armes, la confection de bombes et le close-combat, mais en plus elle a imposé le respect à tout son environnement masculin. Apparemment, elle y aurait passé prés de six mois, en faisant occasionnellement le coup de feu contre les forces américaines et britanniques qui ont attaqué l’Afghanistan à cette époque.

— Putain C’est un monstre cette fille. Et l’autre série ?

— Prises en Chine deux ans plus tard dans le monastère de Yongtai. Vous connaissez ?

— Pas du tout. C’est quoi ?

— C’est une école réservée aux femmes, juste à coté du célèbre monastère de Shaolin. On y enseigne le kung-fu…

— Putain C’est pas un monstre. C’est une bombe !

Je regarde mieux les photos. Quelque chose attire mon attention.

— Ces photos ont été prises en 2002 et 2004? Elle n’a pas pris une ride, elle est identique aujourd’hui Elle n’est pas une immortelle. Alors comment c’est possible ???

Épisode à suivre…

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