Chapitre 5, et après
Que faire après ce qui venait de se passer, comment continuer à vivre ? Un moment aussi merveilleux ne devrait-il pas venir seulement avant de mourir ? Ne serait-ce que pour éviter le mortel ennui des jours vides qui suivent. Le lendemain donc, pour me remémorer ce shooting inoubliable, je décidai donc de visionner, classer, trier, signer et publier mes photos sur ma page urbex facebook.
Dans mon disque dur, une nouvelle catégorie était venue se rajouter aux autres, « invisibles ».
Je travaille la plupart du temps en monochrome, cest mon style de photo. Après deux bonnes heures de tri à signer une par une chaque photo (540 pour ce shooting), je décidai de prendre le train afin de me rendre dans un magasin de photos assez connu en Belgique. Je pris donc je train après avoir mangé un petit bout. Malheureusement, je nétais pas à lheure des trains rapides qui traversent notre pays à une vitesse très convenable. Et non, je devrais me contenter de ces petits omnibus qui sarrêtent dans toutes les gares à une vitesse qui frise lindécence. Je minstallai donc sur une horrible banquette verte kaki munie dune belle tablette orange fluo. Je mis mes écouteurs et, par les baffles, se diffusèrent inévitablement Damien Saez. « Ami prends ma lanterne car jai perdu ma flamme, mon amour est partie, elle a jeté mon âme à bouffer au néant » Je me laissais aller dans une triste rêverie quand soudain, à larrêt dune gare que ma mémoire na pas gardé, monte une fille qui va changer beaucoup de choses dans ma vie, en bien ou en mal, je naurais pas encore su le dire.
Elle nétait pas vraiment belle, mais elle était faite pour moi. « Elle avait les yeux noirs dans lesquels on voit du bleu, quon prend pour locéan, dans lesquels on voit dieu, qui font toucher du bout des doigts les horizons mais toujours à la fin on est seul au milieu ». Elle avait un style bien à elle, et, au-delà de la fille, cest ce qui me fit dire automatiquement dire que cette fille serait dans un de mes shootings. Elle sétait assise une banquette devant moi, côté opposé au mien et face à moi. Je ne pouvais mempêcher de la regarder, la dévorer du regard je dirais même. Elle regardait linfini, un je ne sais quoi de triste dans le regard. Soudain, par une indiscrétion de ma part, son regard croisa le mien. Automatiquement, je détournais la tête vers le paysage. Quelques minutes plus tard, je me sentis à mon tour observé. Je tournai la tête et vit quelle me regardait également. Que faire dans ces moments de quelques secondes qui semblent durer une éternité ? Josais esquisser un sourire quelle me rendit. Dans ce petit wagon domnibus belge, une promiscuité silencieuse était en train de naître.
Un dialogue silencieux se créait. Soudain, emporté par je ne sais quoi, je me levai et alla minstaller à côté delle. Signe positif, en arrivant, elle bougea ses pieds de la banquette den face en guise dacceptation. Je massis donc face à elle en lui disant bonjour, notre premier mot depuis de longues et angoissantes minutes. Elle me dit « salut » avec toujours ce sourire triste. Je me présentais alors, lui racontant que jétais photographe amateur, que je vivais seul, enfin tous des détails banals mais qui sont la base dune conversation. Elle se présenta à son tour, elle sappelait Julie, avait 22 ans et était lesbienne. Je me permis de lui faire remarquer son air triste. Elle mexpliqua que sa copine, avec qui elle était en couple depuis 4 ans, venait soudain de se découvrir hétéro et était partie avec un mec, la laissant seule et au bord du suicide me dit-elle. Je risquais alors de lui dire quune fille comme elle, quelle cherche un homme ou un femme, ne devrait pas avoir de problèmes. Elle me regarda en rigolant et me dit « avec ça cest sûr que jattire tout autour de moi » en désignant sa poitrine. Je lavais en effet remarqué comme toutes personnes normalement constituée.
Là ou la plupart des filles était munie dune poitrine appréciable, bombant leur T-shirts de manière… classique, Julie avait elle, une poitrine dépassant lentendement. Je lui dis en rigolant quen effet, je navais pas pu mempêcher de remarquer ce qui, pour elle, devait être une tare. A ces mots, son regard changea, elle me dit « premier mec qui comprend ça, dis donc, bravo ! » Il sétait mis à pleuvoir dehors, mais ni lun ni lautre ne sen était rendu compte, absorbés par la conversation sans doute.
