« Suzanne ! Cest bien toi ? »

Jai bien failli ne pas répondre. De mémoire de Sissy, personne ne ma jamais appelée Suzanne. Ou peut-être quelque professeur désireux dappuyer quelque reproche, ou quelque collègue de travail. Ah, si : mon mari a essayé une ou deux fois au début de notre mariage, quand il estimait devoir me marquer une forme de réprobation. Allez savoir pourquoi, il a vite renoncé

Jai délaissé le bac que je fouillais frénétiquement, comme tant dautres parisiennes en ce premier jour de soldes dans ce grand magasin, pour lever la tête en me demandant si cétait bien à moi que sadressait cette voix féminine vaguement familière. Je regardai la belle femme de mon âge, grande et svelte, aux beaux cheveux bruns marbrés de mèches dargent. La détaillant de bas en haut, je me fis la réflexion que je lui ferais volontiers un doigt de cour. En voyant les yeux bleus qui me fixaient, je réalisai que cétait fait depuis bon nombre dannées. Impossible à oublier

« Danou tu nas pas changé. Et pourtant, la dernière fois quon sest vues, cétait en fin de troisième, non ? »

À cette époque, je passais tout mon temps après le lycée, et tous mes jeudis, chez ma Danou, à refaire le monde, à parler des garçons dans des termes parfois assez crus non, je veux dire toujours très crus, à dire des bêtises enfin puis, plus tard, à en faire. Sans autre limites que celles de notre inexpérience dont nous nous acharnions à repousser les frontières. Moi, sans doute, à un rythme plus rapide que mon amie.

« Cest vrai, javais oublié Tu mappelais comme ça À part toi, tout le monde ma toujours appelée Danielle ! » Elle a souri.

Ouais. Nempêche que pour moi, elle avait toujours été ma Danou, ma Danouchka, ma Danette à consommer sans modération.

« On va boire un verre ? » Peu importe laquelle de nous deux la proposé ; nous étions à lévidence aussi heureuses lune que lautre de nous croiser ainsi.

Nous nous sommes assises dans le fond dune grande brasserie exceptionnellement vide. Elle, devant un thé-citron avec une sucrette, et moi devant un grand crème avec deux sucres. Chacun son truc. Jai pris une part de tarte aux pommes.

Danou me raconta son mariage ; je lui ai raconté le mien. Elle ma dit ses enfants, je lui ai parlé des miens. Elle ma exposé ses goûts, je lui ai susurré les miens. Là, jai ressenti comme une gêne Plus je me confiai à mon amie, plus elle semblait distante.

Jai essayé dévoquer lépoque où, dans cette cabine à la piscine, elle avait dun doigt pénétré mon jeune sexe en me disant, sans me regarder dans les yeux, « Bouge pas ; cest juste pour voir. » Elle lavait quand même remué de plus en plus profond et de plus en plus vite, à tel point que javais eu limpression quune mayonnaise montait dans mon ventre. Mes jambes se dérobant environ toutes les quatre secondes, menaçant, me semblait-il, de lâcher sous moi. Tout mon corps avait alors été envahi dun délicieux malaise, et mon bassin sétait tout le temps que dura la caresse tendu à la rencontre de sa main, dans le désir informulé de labsorber toute. « Merci » mavait-elle alors dit dun ton rogue et faussement détaché. Elle sétait alors infligée à elle-même le même traitement.

Le soir, dans mon lit, javais reproduit le geste. Cétait délicieux, mais déjà insuffisant. Jai joint un deuxième doigt au premier pour appeler le deuxième orgasme de ma journée et de ma vie.

Nous nous étions revues constamment. Javais étendu à son ventre la pratique de mes deux doigts, et lui avais demandé après quelques mois de men enfiler trois, ce quelle avait fait avec bonne volonté après une dizaine de secondes de minauderies, histoire sans doute de sauver la face. Javais tout juste quatorze ans, elle quinze. Je lavais remerciée en lui rendant la pareille, mon pouce ouvert et mon auriculaire écarté bloquant lintromission. Elle avait tant joui, que quand elle sétait effondrée pantelante, je métais finie moi-même de la main gauche pendant que je tétais ma main droite, poisseuse de ses sucs.

Un après-midi, fin juin de la même année, je suis arrivée à la convaincre de nous allonger tête-bêche afin de nous caresser mutuellement en profitant de la vue et des parfums intimes. Jaime à croire quelle navait rien vu venir. Toujours est-il quà un moment, javais plongé mon museau entre ses cuisses, lui interdisant de les refermer. Sa bonne éducation la sans doute incitée à me rendre la pareille. Nous nous étions mutuellement dégustées, et quand javais senti venir sa jouissance et la mienne, je lui avais enfoncé en entier mon index entre les fesses après lavoir gangué de ma salive.

Danou a fait de moi la Sissy que je suis.

Il y eut un silence interminable après que jaie, avec tact, évoqué ces souvenirs communs. Je lui ai parlé de mon anniversaire de mariage que nous allions fêter dans un peu plus de trois mois, et lui ai fait part de mon souhait de ly voir. Nous avions à peine échangé nos numéros de portable quelle sétait levée et était partie sur une bise un peu formelle, comme un songe, un souvenir, un fantasme tardif.

Encore émue, jai demandé au barman le chemin des toilettes. Arrivée au sous-sol, je suis entrée dans la cabine, me suis troussée, ai baissé ma culotte sur mes chevilles, et me suis branlée vigoureusement, les yeux fermés, en évoquant mes souvenirs.

Jai été ramenée à la réalité par le regard insistant que portait sur ma croupe dénudée le plongeur maghrébin attiré par les rauquements qui séchappaient par la porte que javais oubliée de fermer.

Jai regardé par dessus mon épaule lérection que moulait son jeans ; lui ai souri, et lui ai dit dune voix voilée :

« Soyez gentil, voulez vous ? Finissez-moi »

Ce quil a courtoisement fait après avoir baissé son pantalon.

Après mêtre épongée avec du papier toilette, je lui ai laissé un bon pourboire et ai quitté létablissement.

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