Et après ?
Quarante-cinq minutes de voiture sous le soleil. Jarrête la Mini Cooper. Chaleur épaisse qui enveloppe mon corps et cuit ma peau à petit feu. Il est déconseillé, ou peut-être même interdit de conduire avec ça et pourtant Baladeur numérique dans les oreilles et Vertigo de U2 crachant ses décibels au cur de mes tympans, je remonte lallée de graviers rouges dun pas décidé. En lunettes de soleil, short blanc et débardeur noir, en ordre de marche je suis. Je déverrouille la porte verte qui mène dans larrière-cuisine ensoleillée, lance mon sac en velours sur le carrelage et virevolte autour de la table à la recherche de boisson fraîche. Ouverture du réfrigérateur et fermeture de la porte dun coup de talon, je mabreuve de jus doranges au goulot. Moitié dans la bouche, moitié sur le menton et sur le débardeur. Façon exquise et sale dentamer la fin daprès-midi. Pour cette première semaine des congés dété, tandis quautorité parentale et personnel de maison restent végéter à Paname, ma sur et moi-même, en téméraires jeunes filles, profitons de notre première semaine de vacances dans le sud de la Corse dans la seconde demeure familiale.
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Chers habitués, je mexcuse du désagrément encouru, mais je me dois de me présenter, pour les nouveaux arrivants, les anciens sans mémoire et les retardataires
Jai seize ans et quelques mois, je suis intermittente des études dans la catégorie « architecture intérieure » et je mappelle Ludivine. Jai la malchance dhabiter à loccasion à Paris, dans un des quartiers huppés de la capitale, chez des parents trop stricts. Mon père, voyageur au-dessus des flots et des comptes bancaires est directeur dune société dexportation de carburants. Il sappelle Pierre-Alain, mais est connu dans le milieu sous le nom de « Du fric, du fric et encore du fric ». Ma mère est directrice dun centre de loisirs aquatiques en plein Paris. Ma mère ? Ah oui ! Tiens, cest elle ! Des fois je suis obligée de regarder des photos pour me souvenir de son visage. Absence parentale oblige.
Jai une sur en terminale (redoublante chronique). Une sur jumelle. Même jour, même année, même endroit. Elle est sortie du ventre de ma mère trois minutes avant moi. Elle est laînée. Cest cool. Elle sappelle Annabelle. Nous sommes proches. Cest mon rayon de soleil dans la famille. Elle mamuse, me ravit, mencourage dans mon peu de travail. On rigole, on danse, on craque le fric de papa toutes les deux. Cest ma petite sur chérie que jadore. Nous sommes complices, elle sait presque tout de mon intimité, mes relations conflictuelles et chaotiques avec les mecs. Je sais presque tout de la sienne.
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Voilà pour les présentations, jaurais pu entrer dans un remake dune famille formidable, mais avec les mains collantes de jus de fruits je men retourne à une tâche plus matérielle : ouvrir mon sac et en extraire les achats. Deux heures sur des routes étroites pour revenir de Porto-Vecchio, tout ça pour une malheureuse fringue ! Quel gâchis ! Glissant le tee-shirt bleu (modique somme de 14 euros) par-dessus mes cheveux noirs, je mobserve dans le miroir du couloir : un mètre soixante-neuf pour soixante kilos. Cheveux brillants, noir corbeau et très lisses qui descendent un peu au-dessus de mes épaules. Jai les yeux très bleus, un petit nez retroussé légèrement épais au niveau des narines et un grain de beauté sur la lèvre inférieure. Ma sur, ben ma sur cest la même. Sans le grain de beauté sur la lèvre et avec une cicatrice excitante sur le sein gauche. Oui, oui. Je lai vue. Je pose de face, de profil et de dos devant le miroir, en rentrant le ventre, en rehaussant mes seins et en posant dune façon aguicheuse les mains sur mes hanches. Soudain ma sur jaillit de sous la voûte qui mène du couloir au salon. En short en jean décousu, mini tee-shirt gris foncé effet mouillé par endroits et débauche de peau pour le reste, elle saffale sur le carrelage frais et me regarde en contre-plongée :
Ben ma Lud (à prononcer comme le jambon anglais et non comme lâme) cest pour acheter ça (air dédaigneux) que tas abandonné ta surette si longtemps ?
Taimes pas ? Ça fait été chaud, chaud, chaud. Jaime bien, en plus le bleu va avec mes sandalettes !
Toujours à vouloir assortir tes machins, on est à la plage ici, relaxe baby ! A propos de plage, je men vais faire un tour dans la piscine, tu maccompagnes, je suis sûre que tu veux jouer au ballon !
Annabelle a cette façon de changer de sujet et de faire glisser la conversation vers tout à fait autre chose. Jenlève mon tee-shirt bleu, agrippe la main de ma sur pour laider à se lever et nous voilà bras dessus bras dessous marchant vers la piscine du jardin. Elle descend les marches qui mènent au bassin et se jette à leau sans prendre la peine denlever ses vêtements. Après tout, cest Noël, je plonge aussi. Je mallonge sur un matelas pneumatique pendant que ma sur se prélasse adossée au bord du bassin. Ballottée par le clapotis de leau, mon esprit sapaise. Le lent mouvement des flots et la chaleur ambiante me transportent vers de calmes pensées.
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Samedi de notre dernière soirée parisienne avant fermeture pour congés annuels. Il est près de sept heures du matin. Nous sommes allées en fête quelque part dans un endroit bruyant et bondé. Les corps se collaient, les lumières blessaient les yeux et lalcool enivrait les esprits. Je regarde Annabelle, seize ans et toutes ses dents. Majeure et vaccinée. À lorigine aussi brune quun trou noir, mais agrémentée dun vertigineux rouge safran. Aussi yeux bleus que la mer des Caraïbes. Elle les a gonflés, auréolés de traces noires, vestiges dun monument de maquillage érigé pour loccasion. Ses lèvres sont redevenues roses pâles. Il me semble quelles étaient blanches au début de la soirée dhier. Des images bizarres me reviennent, mélange de clichés flous et de scènes monstrueusement nettes. Annabelle, le bruit, les verres, la foule, la chaleur, les basses, les cris. Comment suis-je rentrée à la maison ? Le rideau noir rechigne à se soulever sur lhistorique de ce soir-là. Une drôle de musique saccadée et inquiétante résonne dans ma tête. Mélange de flash-back enchaînés et dinstants saisis au vif. La porte rouge qui souvre, mon corps qui heurte le mur. La soirée devenue folle ma entraînée une nouvelle fois sur le chemin hasardeux qui mène à désirer le corps de Garance. Pas besoin de me rappeler les premières fois pour comprendre que jai dû encore avoir envie delle ce soir-là. Pourtant, je me remémore sa façon abjecte de se déshabiller dans ma chambre il y a de ça quelques semaines.
Eh oui pour les néophytes je me suis tapée ma sur ! Pas besoin de faire un effort pour que reviennent les souvenirs de cette matinée tragique où elle membrassa dans le couloir et où le lit devint champ de bataille pour filles consentantes.
Ce matin nous sommes avachies dans le canapé, « entre le sommeil et dormir ». Je la scrute, curieuse et un rien inquiète. Elle reste silencieuse, me dévisageant les yeux à demi clos. Les lèvres collées dans un mélange cruel de composition approximative.
Nouvelle image aveuglante qui frappe mon esprit. Mes mains sur une chemise à rayures. Une valse virevoltante et le corps qui porte ce tissu de venir séchouer sur un mur de carrelage. Jintensifie mes efforts, cherchant parmi les souvenirs éparpillés en mosaïques pour tenter de retrouver les pièces du puzzle. Piocher une photo punaisée au mur, parmi la centaine dautres, hautes en couleurs et criardes. Annabelle dans sa chemise blanche rayée de noir. Son jean serré, son blanc à lèvres collant. Une débauche de lumières. Les verres qui sentrechoquent dans le dancing. Et là, dans ce réduit nommé toilettes, jattrape à pleines mains la chemise de Annabelle et lattire à moi. Entraînée par mon élan, elle manque de trébucher et sécrase contre moi. Sensation défendue, sa poitrine qui se colle contre mes seins sous sa chemise tendue, cachant un paradis voluptueux quil me tarde de dévorer. Les corps ondulent, oscillent dans la moiteur de lendroit et alors que jamorce un baiser, un ami qui passe dans le réduit lemporte vers la piste de danse. Poignardée dans le dos que je suis !
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Mon matelas chavire et je tombe à leau. Electrisée par le contact du liquide tiède sur ma peau brûlante, jen ai momentanément le souffle coupé. Annabelle, rieuse et contente davoir sabordé mon embarcation sesclaffe, debout à mes côtés avec de leau jusquaux seins. Son tee-shirt gris colle à sa peau et fait apparaître sa poitrine tendue. Sa peau mouillée luit, zébrée des reflets du soleil sur la surface de la piscine. Il pourrait y avoir en moi à cet instant, comme les prémisses dune excitation naissante. Ma jumelle et moi-même, seules au milieu de nulle part. avec le poids du passé incestueux qui nous hante. En fait, je me demande si chacune ne considère pas sa sur comme un jouet potentiel. Attendre que le temps passe en sachant que si loccasion se présentait linondation dadrénaline serait à portée de mains. Et loccasion se présentait plutôt bien, noyées dans la piscine. Envahir la bouche de ma sur avec ma langue.
Elle questionne tout en triturant mon avant-bras du bout des doigts.
Est-ce que parfois tu y repenses ?
Immédiatement je sais à quoi elle fait allusion. À ce matin de mai, il y a trois mois de ça. Ce fameux matin où elle est entrée dans ma chambre quand je me livrais à une petite activité en solitaire. Javais interrompu mon aventure et nous avions parlé, parlé, parlé (le ventre en feu javais cru que ça ne finirait jamais) avant que dun tacite accord commun nous nous lançâmes dans une séance de sexe stupide. Chacune, en égoïste orgueilleuse, sétant déchaînée sur sa ravie petite personne sans se frotter à lautre. Bon daccord, environ deux heures après cet événement, dun nouvel accord sous-entendu et dans un élan de péché de chair, tant désiré depuis cent vingt minutes, chacune sétait finalement abandonnée à lautre sous les draps. Les images rejaillissent, elles tanguent et se stabilisent. Jacquiesce :
Oui jy repense. Mais si tu veux tout savoir, miss, avant que tu me mettes à leau, je repensais plutôt à notre dernière soirée commune à Paris !
En boîte ?
Ouais. Là-bas même !
Et quest-ce quil y a eu de si extraordinaire pour que tu y repenses ?
La musique ! fis-je feignant limbécillité parfaite.
Ah ouais ? Et dailleurs à propos je peux savoir pourquoi tu mas accompagnée dans les toilettes ? Si la musique te plaisait tant, taurais pu rester en piste !
La musique ! Trop, trop bien, marmonnais-je à demi-voix.
Fais pas linnocente avec moi Ludi !
Ben jaimais bien ton maquillage.
Elle tapote leau juste sous mon menton pour menvoyer une vaguelette en plein visage.
Et ma chemise ? Tu laimais bien ?
Jai arraché des boutons en tirant dssus. Je laime mieux ouverte.
Si Jonathan nétait pas arrivé quand on était dans les toilettes, tu maurais violée ?
Possible
Elle sesclaffe. Jadore son rire. Il démarre en première, fait exploser le compte-tours et sarrête en sixième (voiture de luxe. Papa a fait sa deuxième fille comme sa Jaguar). Elle cale toujours. Jaime aussi la façon quelle a demployer des mots des tribunaux pour parler de ce que je lui fais, lui ai fais, lui ferais ou aurais pu lui faire. « Reprise de justesse, délit de sale gueule, viol, vol à main armée, viol à main armée ». Quoique ce dernier na jamais eu lieu. À main tremblante, à main mouillée, à bouche que veux-tu ou même à cur qui cogne, mais jamais, Ô grand jamais à main armée ! Jenchaîne :
Enfin bon, les toilettes faisaient à vu dil trois mètres carrés, ça aurait été difficile. On prend de la place.
Dis que je suis grosse !
Je dis que tu prends de la place !
Debout ?
En fait, je ne taurais pas violée. Javais le corps qui vibrait, les yeux explosés et environ quatre grammes. Jaurais tremblé. Jétais impuissante. Incapable de bander. Je tai agrippée et attirée à moi pour sentir un peu de chaleur humaine, je crois que javais peur au milieu dautant de monde.
Je ricane. Elle sindigne :
Et ta tentative de memballer ? Cétait pour la chaleur humaine ?
Cétait parce que tavais vidé mon verre, je voulais reprendre ce que javais payé. Jai passé lâge de me faire arnaquer. Et crois-moi jaurais été le chercher loin, le contenu du verre !
Loin comment ?
Loin comme aussi loin que peut descendre ma langue et plus encore !
Tes crade !
Je sais que taimes ça.
Nouvelle vague en pleine face. Javale de leau par le nez, toussote et éternue.
Je navais pas vu les choses comme ça.
Par contre, le lendemain matin, quand on était assise dans le canapé en train de comater là jaurais pu te violer.
Ça fait plaisir, dit-elle sur un ton très déçu. Je me fais belle, trois tonnes de maquillage, superbe chemise et tout, douche, shampooing, après-shampooing et tu me veux dégueulasse, gluante et décousue le lendemain matin !
Je taime pas quand tes esthétique ! Je te préfère naturelle le matin au réveil ou après incendie. Ou pourquoi pas après noyade, avec les cheveux mouillés, le maquillage détrempé et la peau fripée. Mais bon, de toute façon, le samedi matin tétais incendie et noyade réunis.
Cétait le blanc à lèvres qui texcitait ?
Comment tas deviné ?
Je te voyais. Javais beau être fortement alcoolisée, endormie, je te voyais me lorgner du coin de lil.
Pourquoi tu continuais à faire canapé commun si ça tennuyait tant que ça ?
La flemme de monter. Et toi ? Pourquoi tu dégageais pas si tu pouvais pas résister ?
Je pouvais pas me passer du mascara collé sur tes joues et de ton haleine de lendemain de fête !
Elle rit. Raz-de-marée sur le visage. Je remplis ma bouche deau et lui souffle à la figure.
On a dormi jusquà quinze heures, non ? Quand on sest réveillées, tavais encore envie ?
Je tai pas regardée. Jai couru dans la douche pour me rafraîchir, javais encore deux grammes. Tu ne mintéressais pas.
Sur indigne.
Bon, fis-je dun ton bourru, si, tu mintéressais encore, mais pas de cette façon-là !
Hum, hum, intéressant. De quelle façon alors ?
Un nuage passa devant le soleil. Seul moutonnement gris dans le ciel bleu azur.
Ben moins violemment, je taurais juste fait des câlins
Sinon tu maurais pas fait de câlins ?! Taurais fait quoi ?
Je taurais déchiquetée, fis-je avec un clin dil.
Tu nas pas répondu à la question ?
Mais si ! Je te dis que je taurais déchiquetée, tu magaces !
Pas cette question-là, lautre !
Je refis lhistorique de la conversation, parcourant les dialogues en sens inverse. Mais je ne voyais pas.
Laquelle ?
Celle du début. Tu y penses encore au jeudi matin ?
Je tai dit oui ! Et puis avec tout ce que tu poses comme questions sur notre soirée à la boîte et tout ça, tu peux être sûre que jy repense !
Et ça te fait quoi ?
Elle regardait le fond du jardin qui descendait en pente douce jusquà une forêt de pins qui donnait sur une crique rocheuse. Le regard dans le vide je réponds :
Ça mexcite.
Voilà, cétait dit. Trois mois de silence absolu sur le sujet tragi-comique, le sujet de société tabou où il est question de surs incestueuses. Je répondrai aux amateurs de scandales et aux détracteurs du plaisir physique que ma sur est la même que moi et je ne vois pas où est le mal de faire lamour avec soi-même ! Puff, les détracteurs critiquent sûrement la masturbation. Bien sûr, le seul but du sexe est la procréation. En chemise de nuit en dentelle, madame doit se donner le soir venu avec la lumière éteinte. À coup sûr en janvier pour espérer que naisse le petit ange en septembre. Pas de sexe avant le mariage (maman si tu mentends). Ma fille tu épouseras un homme, mon fils tu trouveras une jolie femme. Bien sûr, les détracteurs du sexe pensent chambre de la maison familiale (Neuilly à côté de chez les voisins Familles de France dont les six enfants sont scouts) avant de penser toile de tente. Pensent cheveux attachés et douche prénuptiale avant de penser corps en sueur et chocolat sur les doigts. Pensent ovules et spermatozoïdes, oui Madame vous avez le droit de faire du sexe en chambre, mais pas de sexe en pantalon, vous avez le droit de murmurer le prénom de votre époux pendant le coït, mais lorgasme est interdit. Sexe biologique. Sexe mécanique. Ne criez pas tout ira bien !
Bon, trois mois sans un seul flash-back. Et maintenant je lui avoue que ça mexcite. Elle regarde toujours le fond du jardin. Ses cheveux bruns collent sur ses tempes mouillées. Son ventre nu dispute à sa poitrine le droit dêtre couvert par le tee-shirt. Elle revient triturer mon bras. Elle fait bien attention à ne pas planter ses ongles blancs dans ma chair moelleuse. Je donnerais tout ce que je possède pour savoir le fond de sa pensée. Ma voiture, mon tee-shirt, la somme dargent nécessaire sil le faut ! Je demanderai lappoint à papa « cest pour Annabelle, je veux savoir si je lexcite aussi ». Je lui demande :
Et toi ty repenses ?
Ouais, râle-t-elle en mâchonnant un chewing-gum imaginaire.
Et ça te fait quoi ?
À la vue de son expression concentrée et de son visage crispé, jattends une réponse élaborée dans le genre philosophie Annabelienne. Elle lève les yeux au ciel (puff, banalité !).
Je kif à donf.
Ah.
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Bon, y a pas à dire, la piscine cest cool. Ça évite dexploser nos précieux pieds sur le chemin qui mène à la plage. Ça évite davoir du sable entre les orteils et den mettre plein la baignoire. Ça évite de faire copine-copine avec une méduse.
Mais la piscine assagit les âmes. On traîne jusquà vingt heures dans leau tiède en parlant art, culture, éducation. Linfluence du gouvernement sur les spécificités régionales et lutilisation du pigment pourpre dans les uvres de Monsieur Untel. Bien entendu. On se ferait bien apporter un rafraîchissement par sa surette. Mais la surette en question veut que les rôles soient inversés et on meurt de soif. Elle meurt en premier parce quelle a encore plus soif que moi et je vais la chercher au fond.
La piscine excite les foules. On bataille, on se blesse avec le matelas pneumatique (avez-vous remarqué comme les soudures entre les parties supérieure et inférieure piquent ?) on sagrippe les cheveux, on se lance le ballon jaune en plein visage pour que nos joues soient rouges. Les cuisses se heurtent, les mains semmêlent et le brasier naît au creux du ventre.
La piscine enflamme les ventres. Le sang est bouillant, il fait un tour, une main se pose sur le ventre nu, il se glace et refait un tour plus doucement. La paroi abdominale palpite, les cuisses se tendent. Lesprit divague sur mille et une façons de copuler avec sa sur mais la piscine affame et fatigue.
Et il est vingt heures et beaucoup de minutes quand on décide den sortir. Le ciel sest couvert. Latmosphère pèse plus lourd. La lumière aveuglante devient ombre pesante. Lorage est aux portes de la Corse. Les corps sèchent. Et les nanas rentrent dans la salle à manger / cuisine. Un mélange dattraction venue dailleurs et de banals besoins bestiaux attirent, mais aussitôt repoussent les jumelles.
Bon Jovi. Its my life.
Annabelle a dû pousser lamplificateur de la chaîne hi-fi dans ses derniers retranchements. Penchée au-dessus du plan de travail, je débite rapidement un concombre et quelques tomates en tranches fines. Ma sur sur la musique, virevolte en rythme autour de moi, mapportant lhuile dolive et le poivre. Le saladier se colore de rouge et de vert, jadjoins la touche de jaune avec un poivron tranché en lamelles. Mes mains tremblotent et mon ventre cogne. Je manque dentailler mes doigts à chaque posé de couteau. Ma sur sort deux verres du placard et court dans le salon pour nous ramener une bouteille de whisky. La meilleure marque de mon père. Sacrilège dirait-il de le boire dans des verres de cuisine et non issus du buffet des grandes occasions. Annabelle en verse deux larges portions en continuant de danser comme une folle. Pour chasser les démons ? Pour mexorciser à distance ? Je remue la salade de légumes et pose en son sein des tranches de mozzarella de façon à ce quelles baignent dans lhuile. Alors que ma brunette de sur sapproche pour me tendre le verre, elle ne peut sempêcher de coller son bas-ventre contre mes fesses. Jai parfois envie dans ces instants-là de me retourner et de lui asséner une méchante gifle pour quelle évite à tout prix de me lancer sur cette piste-là. Lexcitation latente cette fois me fait tressaillir et je me retourne, les mains pleines dhuile, bien décidée à lui assener le coup de grâce. Je plaque mes mains sur ses deux joues et la fixe dans les yeux, elle soutient mon regard, amusée, et je bougonne sur un ton badin :
On fait à bouffer espèce de petite garce, on est pas au saloon. Laisse-moi travailler tranquille. Va-ten jouer dans le jardin sinon on ne mangera jamais !
Elle tire la langue et se dégage de ma prise.
Tu viens de me graisser les joues avec ta foutue huile !
Va prendre une douche, ça te calmera.
Je suis très calme, répète-t-elle trois fois sur un air dopérette.
Et de sen aller le verre à la main. Javale la moitié du mien dun trait. Mes yeux semplissent de larmes, ma gorge me brûle. Je sens lalcool enflammer mon sophage. Du fond de la gorge au haut de lestomac. La tête va me tourner. Pourquoi lexcitation apparaît aujourdhui ? Nous étions seules hier soir aussi, nous avons mangé dans la même maison, nous avons batifolé dans la même piscine sans une once de désir. Jai simplement pensé à notre soirée en boîte de nuit, jai évoqué cette dernière à ma sur. On a vaguement parlé de notre jeudi. Et à lunisson, le désir sen est suivi. Enfin, je suppose quil sen est suivi chez ma sur. Chez moi il est là. Immense, dressé, tendu et trop abandonné. Chez elle ? À voir ses gestes nerveux et son empressement Immense, dressé, tendu À croire que notre unité chromosomique fait notre unité sexuelle. Pourtant, je nai pas eu dorgasme quand ma sur se faisait sauter par Ludovic dans sa chambre universitaire. Merde ! Peut-être quelle nen a pas eu ?! Panique à bord. Je crie :
Anna, viens voir par ici ?
Elle accourt ventre à terre, les yeux embués par le whisky.
Dis donc, quand tu as fait lamour avec Ludo, tas eu un orgasme ?
Elle me fixe, les yeux ronds. La bouche entrouverte. Incrédule.
Pourquoi ? (avec une voix qui traîne).
Je me demandais ?
Cest la salade de tomates qui te fait ça ? Cétait il y a cinq mois. Tu crois que je men souviens !
Oui.
Non.
Si. Tu y repenses chaque soir et chaque matin. Ne dis pas le contraire !
Non.
Si.
Bon daccord. Oui je men souviens. Putain. Son petit lit là son ventre ses
Ga ! Je te demande pas lhistorique ! Juste si tas eu un orgasme !
Oh, bon ça va ! Non ! Pas la première fois, jai eu mal !
Et la deuxième ? Si je me souviens bien de ton récit haletant et troublé, la nuit a été longue
Tappelles ça longue toi ? Deux fois ?! Oui la deuxième fois jai eu un semblant dorgasme ouais. Bon, tu te décides à me dire pourquoi ?
Je pensais que notre gémellité faisait que quand tu jouissais, je jouissais aussi ! fis-je avec un sourire.
Ben à toi de voir si tu jouis le soir, le matin quand tu ne fais rien de spécial. Hé hé !
Madame orgasme souvent à ce que je vois. Tout du moins, plus souvent toute seule quaccompagnée.
Accompagnée jai orgasmé avec toi et avec Ludo la deuxième fois je crois. Et sinon je suis bien obligée dorgasmer toute seule !
Tss
À toi de voir si quand on était sur mon lit on a rendu les armes en même temps ! Et quand on était dans ta chambre, était-ce simultané ?
Elle sourit. Et je déclare tristement :
Non, malheureusement je ne crois pas.
Pourquoi malheureusement ?
Ben tu sais bien que mon rêve le plus doux est celui datteindre le septième ciel en même temps que toi !
Le ton était celui de la plaisanterie, mais cétait la vérité. Quoi de plus attrayant que de savoir que lautre ressent à peu près la même chose en direct et en simultanée ? Nouveau plongeon dans la conversation glissante. Jachève la salade et emporte le saladier dune main et le verre dalcool de lautre. Une fois assise devant la table javale le fond de Scotch. Babelle se jette sur la bouteille pour me resservir. Je pose ma main à plat sur le verre pour modérer le geste. À croire quelle veut saouler sa sur. Soudain ça me tenterait bien. Jôte ma main. Il fait presque noir. Le ciel sest tapissé dombres gigantesques qui roulent, menaçantes et gorgées deau. Ma sur à peur de lorage. Elle me regarde anxieuse :
Ça va craquer ?
Probablement. Cest un joli accueil pour notre deuxième nuit.
Jte préviens Ludi, sil y a du tonnerre je viens dormir avec toi !
Et sil ny a pas de tonnerre ? pensais-je.
Japproche son assiette et dépose tomates, poivrons et fromage italien au fond. Jobserve son profil, en contre-jour parfait devant la baie vitrée. Son nez droit avec ses ailes dilatées, ses sourcils durs. Sa bouche, petite proéminence rosée et vallonnée sur peau légèrement bronzée. Voilà quelle entrouvre ses lèvres. Elles se décollent lune de lautre avec ce petit mouvement de peau qui colle dabord tout en se tendant, se détache et qui finit par revenir à sa place. Bruissement imperceptible de moins dune seconde, mais horriblement excitant. Elle porte sa fourchette à sa bouche et le poivron jaune disparaît. La fourchette séloigne, luisant dinfimes traces de salive et ses joues saffairent. Elle mange ! Voilà quelle mange ! Je laisse échapper un « aah » dextase. Elle me regarde et abandonne toute tentative de me comprendre. La chaîne stéréo joue Indochine : lAventurier. Garance valse des épaules et mon pied bat le tempo. Je mange. Elle mange. Nous regardons lécran plat, une série américaine. Une fille en robe rouge courte samourache dun garçon blond qui traîne les pieds. Je reluque Annabelle du coin de lil. La salade sen va vers dautres horizons et je file vers la cuisine. Il faut quelle mange des cerises. Lépisode dengloutissement du poivron me portait vers de telles hauteurs que je nose imaginer la sensation que me procurerait lavalement dune cerise. Annabelle regarde le saladier. Boules rouges, queues vertes. Elle samuse, se délecte de cette phrase. Dans un élan sublime, elle porte un fruit à sa bouche. Ses incisives fendent laliment qui répand son mortel venin sur les collines roses pentues que forment ses lèvres. Ses doigts (index et pouce) se mêlent au jeu dans un délicat mélange de lèvres, de dents, de jus de cerise, de bouillie de fruit et de doigts humides. Mon ventre explose. Une ligne de tir en profondeur qui partirait du pubis pour remonter au nombril.
Tu mexcites.
La phrase claque dans lair. Les doigts de Annabelle sen allant larguer une cerise en bouche suspendent leur vol. Battement de cils. Halètements. Ils reprennent leur voyage et la cerise tombe. Parole humide :
Toi aussi. Depuis la piscine.
Ma chaise crisse sur le carrelage quand je la recule. Indochine se tait. Le Cd est fini. Jenchaîne :
Lève-toi !
Elle met pied à terre et se dresse entre la chaise et la table. Jattaque. Elle se retourne pour poser ses fesses sur lextrême bord de la table. Je plane. Je saute. Mes mains saisissent ses flancs. Là où le tee-shirt sarrête. Mes doigts électrisent sa peau. Ma poitrine se colle contre la sienne. Elle sent le chlore, le parfum, la cerise, la sueur et dautres choses plus dramatiques encore. Elle sent lenvie, lextase, le désir brûlant. Sa peau est braises portées au blanc. Nos poitrines sunissent. Nos visages se font face. Et je la pousse. Ses fesses glissent vers larrière et elle tombe à demi plat dos sur la table. Les assiettes sentrechoquent, les verres chutent. Mes cuisses entourent ses cuisses, jabats mon bas-ventre contre le sien. Annabelle sous Ludi. Position du Kama-Sutra. Je pèse de tout mon poids pour la renverser définitivement contre la table. Elle saffaisse à plat dos sur le bois. Ses pieds quittent le sol. Je mallonge comme je peux sur sa poitrine. Mes mains lâchent ses flancs. Je pose mes paumes sur le plat de la table et glisse en avant. Le saladier vide chute et se brise. Celui qui contient les cerises chavire et elles se répandent sous mes doigts. Tout ceci en lespace de quatre secondes sublimes. Mes lèvres se collent à celles qui mangeaient si sensuellement. Je retrouve leur goût, leur putain de chaleur. Cest atroce. Je mordille. Jagonise. Cerise et salive. Je me régale, je mabreuve, je menivre. Une épée ou plutôt un sabre laser avec les batteries chargées à bloc senfonce dans ma chair. Annabelle membrasse. Jembrasse Garance. Nos lèvres se serrent, se refusent et se donnent, sabandonnent et fusent les unes vers les autres. Nos langues fourmillent. Je la visite, je la travaille, je la fourbis, je lastique, je la racle. Trois mois. Et ce souvenir si lointain dun baiser. Mes mains se glissent sous le tee-shirt. Sa poitrine est nue en dessous. Mes doigts agrippent, malaxent, travaillent, creusent, caressent, anéantissent. Jexcite ses tétons durcis, je pince, je vrille, je blesse. Elle frétille sous moi. Et jappuie de tout mon être. Je voudrais peser plus lourd encore pour létouffer. La capturer. La tuer là. Tout de suite. Mes mains redescendent, quittent le tee-shirt et glissent entre le haut du pantalon et le tissu de la culotte. Je tire, jarrache. Je pousse Annabelle du bas-ventre pour la faire sallonger encore plus à plat sur la table. La bouteille de whisky sarrête au bord du gouffre. Je lattrape, je dévisse le bouchon et je libère la bouche de ma sur. On boit. De larges lampées. Et la bouteille tombe sans se casser. Garance occupe toute la table et je me hisse sur elle. À califourchon sur ce corps brûlant. Mes mains passent entre le tissu de la culotte et ses fesses. Je cherche la ligne creuse qui sépare ses deux petites vallées de chair. Mes doigts frétillent. Mes doigts collent, accrochent et avancent encore. Mes doigts visitent doucement et légèrement un petit puits étrange. Et mes mains changent de côté pour travailler ma sur de face. Ses poils durs. Ses poils mouillés. Un flot denvie me fait glisser en elle sans un effort. Elle mengloutit passivement. Mon index et mon majeur sen vont. Cest étrange le chemin quils parcourent. Cest étroit et soudain totalement offert. Cest doux et liquide. Cest dur et puis plus dur encore. Annabelle je veux te visiter. Les corps reprennent leurs souffles. Volent le souffle de lautre tellement les bouches sont proches. Les yeux de Annabelle sont fermés lorsque jouvre les miens. Et ils apparaissent soudain, bleus, totalement bleus. Et nos langues semmêlent encore alors quils sont toujours ouverts. On cherche une trace de plaisir dans lautre, on cherche un peu de réalité dans un regard déjà lointain. Et on referme les paupières. Mes cuisses me brûlent, mélange de mauvaise posture et dexcitation à son paroxysme. Je veux jouir. Mais à une condition. Quelle me serre à se glisser en moi et que je puisse hurler son prénom pour quon mentende jusquà la lune. Trop difficile à obtenir cette condition ! Alors je ne jouis pas. Je souffre en silence. Sa langue rend les armes et jattaque son palais. Je voudrais me glisser dans sa gorge et descendre au plus profond de ses entrailles. La connaître de lintérieur. Manger sa chair palpitante. Mes paupières se soulèvent sous le poids des larmes qui coulent. Ma pensée jouit des souvenirs de nos corps sous la couette de ma sur. Je veux retrouver cette chaleur avant de laisser mon corps mourir. Je soulève ce corps de jeune fille et chute à terre. Annabelle sassoit au bord de la table. Jai le cur qui cavalcade à six cents à lheure. Elle panique, tend ses mains vers mon visage. Je les prends et embrasse ses doigts.
Ça va ma puce, mais la table mest inconfortable, lui dis-je.
Tavais quà te reposer sur moi. Je men foutais. Je veux encore !
Et le téléphone sonne. Nos regards se croisent. Je lâche ses mains. Je marche jusquau fauteuil du salon. Il est posé là. « Maison Paris ».
Voilà que le vaisseau-mère sinquiète du vaisseau-deux filles en manque. Je décroche le souffle court. Bonjour maman ! Ça va ? Oui ? Le temps ? Beau. On va avoir de lorage. Oui ma sur va avoir peur ! Tu te souviens quelle a peur ! Cest bien maman. Pas trop ennuyées ? Non jai fait du shopping et on a fait de la piscine ? Bien mangé ? Oui une salade ? Le régime ? Non maman, ce sont les vacances ! Ce soir ? Faire quoi ?! Du sexe bien sûr, dailleurs jai une forte envie de menvoyer balader au ciel là. Ma sur va maider elle sait bien sy prendre. Jai le ventre qui pétille. Et puis putain, sa bouche est trop classe. Un vrai luxe. Jy suis si bien. Faire quoi ce soir ? Ben rien de spécial, on va mater la télé ! Mater ? À pardon ! On va regarder la télé ! Me laisser ? Non, non tu me dérangeais pas ! Mais je vais débarrasser la table alors oui, à plus tard maman ! Merci davoir appelé ! Tut tut tut
Et ma sur de revenir à la charge. Cavalerie dans le salon, elle mexplose à la figure et sépanche de mille larmes :
Je taime Ludi. Je taime Ludi. Je taime ma chérie damour. Je taime.
Le cur battait moins fort depuis maman, mais là il recommence.
Oui moi aussi je taime ma Babelle.
Bisou ! Fais-moi des bisous !
Jembrasse son front, ses oreilles. Je glisse la pointe de ma langue à lintérieur. Jembrasse la terminaison de ses cheveux sur ses tempes humides. Et je mordille son nez. Un ange passe, mais la raison sélève contre la passion. Elle décrète :
On ne peut pas faire ça ! On a fait ça une fois, mais cétait un accident, ou un test, ou je ne sais pas quoi ! On ne doit pas prendre goût à ça !
Mais cest trop bon Babelle !
Mais oui, mais on ne doit pas ! Cest ignoble !
La dernière fois, cétait toi qui voulais et moi qui hésitais et là
Mais oui, mais la dernière fois cétait un gros trip. Maintenant on en veut encore, cest mal !
Mais personne nen sait rien ! Et puis ça nous plaît !
Mais oui ça nous plaît, mais on est surs bordel !
Elle se retourne et déclare :
Je vais nettoyer le boxon et ensuite je vais me coucher. Je suis vannée.
Tes pas excitée ? Rien du tout ? Moi jai le ventre en feu, dis-je dun ton déçu et suppliant.
Tu nauras quà te toucher !
Je reste coite. Incrédule. Elle mabandonne. Elle me dit il y a cinq minutes que « moi aussi je lexcite » et Madame abandonne sans rien obtenir. Tout dun coup, je suis prise dun doute. Et si elle avait orgasmé ? Jose :
Tes rassasiée en fait ? Tas eu un orgasme pendant quon jouait ?
Non. Mais je ne peux pas en avoir un avec les doigts de ma sur. Cest tout.
Et de partir dans la salle à manger nettoyer les restes de notre bataille. Je reste sur le fauteuil avec des vestiges de larmes qui finissent de sécher au milieu des joues. Mes cuisses et mon ventre sont hantés par un fantôme insatisfait qui lacère lespace quil occupe de ses griffes. Je me lève hagarde, morte-vivante en salon, je passe dans le couloir et farfouille dans mon sac à main pour y trouver mon paquet de clopes. Réservé aux cas durgence ! Je sors sur la terrasse et comble mon corps à présent inutile de la fumée divine de la cigarette. Je la maudis. Je la haïs. Je revois son visage collant barré dune mèche de cheveux noirs. Mon ventre se tait progressivement, à croire que la cigarette calme lardeur. Je tire la baie vitrée et rentre dans la maison. La table est débarrassée. Les assiettes sont dans lévier. Le sol est à nouveau propre. Je gravis lescalier en pleurant.
—oooOooo—
Jai honte. Je narrive pas à expliquer pourquoi. Certainement, car je sais au fond de moi que ça ne peut mener à rien. On baise, mais cest tout. On ne sera jamais que des surs. Cest lange qui parle ainsi. Le démon mexplique différemment : « quand tu sors avec un mec, tu ne penses pas forcément au mariage ni à ce que sera la vie dans deux semaines ! Tu prends ton pied ! Avec elle, cest pareil ! »
Sauf quavec elle on remet ça au goût du jour souvent. Le jeudi matin, le soir en boîte et ce soir-ci. Je nai pas pris de douche. Je me couche nue. Je sens le chlore de la piscine. Je ne me lave même pas les dents. Jai le moral trop faible. Il fait une chaleur collante dans ma chambre au premier étage. Les volets en bois blanc sont tirés. Dehors la nuit est presque complètement tombée. Et la pluie fait son apparition. Dabord des grosses gouttes qui pleuvent de façon disparate. Puis le flot devient continu. Un éclair zèbre le ciel et lambiance de la chambre devient violette psychédélique quelques instants. Je repasse le film de la soirée. Un film en trois dimensions avec les odeurs, les textures et les sensations. Sa bouche, son cou. Son ventre doux et dur. Déplacement des troupes au cur du mien. Jallume une cigarette au lit. La règle morale veut que je fume dehors. Passons. Ma main gauche court à ma perte. Je titille mon sexe. Quelques effleurements. Le drap léger, blanc cassé, mentoure et chatouille ma peau délicieusement. Jenfonce la première phalange de mon index. Jévite le clitoris. Je simule une griffure et ma gorge se noue. Jai envie de me faire mal. Après tout, Annabelle navait quà mêtre tendre et elle ma été garce. Ma main cherche la poignée du meuble bas qui borde mon lit. Jouvre le premier tiroir à laveugle à la recherche dun objet qui me ferait mal. Il ny a rien à portée de main. Mes larmes rejaillissent. Tout soppose à moi ce soir. Jhésite à me lever pour dénicher quelque chose, mais abandonne très vite. Sil faut que je me fasse mal, je le ferais toute seule. Jimmisce trois doigts dans mon sexe palpitant. Et je me viole encore. Ça fait mal, cest minable. Jai lair de quoi. Sil ny avait pas la pluie et les explosions de tonnerre, jentendrais un bruit humide en provenance de mes cuisses. Jétire les jambes, je joins les talons et exerce une pression lun contre lautre pour tendre encore plus les muscles de mes jambes. Annabelle me disait « Tu nauras quà te toucher ! » et bien cest fait !! Tes contente espèce de petite salope. Des vaguelettes de plaisir affluent sur le rivage brûlant de mon bas-ventre, Garance en images à lantenne. Je limagine manger, je limagine jouissant sous un garçon inconnu. Je limagine dans la douche arrosant son sexe avec le jet deau tiède.
Tourmentée à en connaître lextase psychologique, je massois finalement au bord du lit. La fenêtre derrière les volets en bois clos semble vibrer à sen rompre à chaque nouveau fracas du tonnerre. Je suis une petite fille dégoulinante qui voudrait bien se sentir partir. Et ma sur frappe à la porte. Mon cur éclate. Je mallonge, ajuste le drap et fais mine de somnoler. Dune voix pâteuse :
Entre
La porte souvre et elle apparaît dans la lumière dun éclair. Un vent de panique souffle dans ma direction. Jallume la lampe de la table de chevet. Elle est en chemise de nuit violette. Elle sapproche et demande à mi-voix :
Jai peur de lorage. Tu veux me renvoyer dans ma chambre ? On sest fâché cest nul.
Imparable sa phrase « tu veux me renvoyer ». Non bien entendu.
Viens là ma Babelle !
Elle esquisse un sourire, je crois, et approche à petits pas. Elle sallonge à plat dos au-dessus du drap juste près de moi et soupire avec émotion :
Trop chiant lorage. On dirait quil ne va pas sarrêter. Je flippe comme une folle.
Maintenant avec moi, tu nauras plus peur.
Je pose ma main sur son bras. Lorage détonne encore.
Tu viens de fumer ?
Tas gardé un bon odorat malgré le whisky toi, dis donc !
Elle se tourne vers moi, nos visages se font face. Elle rétorque :
Le whisky me fait dérailler.
Son bras gauche senroule autour de moi par-dessus le drap. Je lui murmure :
Viens sous le drap avec moi.
Elle sagite et senfonce sous le tissu. Ses cuisses nues heurtent les miennes. Elle tire létoffe par-dessus nos corps et nos têtes. Jinterviens :
Tu veux quon crève de chaud ma puce ? Laisse-nous respirer ! Tu sens bon. Tu tes douchée ?
Quand tu faisais ta crise dadolescence en terrasse.
Je ne
Chut ! Tu crisais, ne dis pas le contraire !
Javais envie de
Elle enroule ses bras autour de mon corps et mattire. Ses lèvres happent ma bouche et elle membrasse quelques instants.
De ça ?
De ça.
Un nouveau baiser marrive. Il sattarde, séternise. Je mhabitue à la présence de sa langue. Je cohabite. On respire comme on peut. On séchange sûrement quelques litres de salive, des kilos de germes, des zestes de cerises en provenance de ma bouche. Et cest bon. Mes larmes jaillissent encore. Je caresse son visage lorsquelle cesse son baiser. Une caresse tendre et aimante. Je parle delle, de son absence depuis lépisode du fauteuil. Je lui explique mon ventre qui grogne. Je lui raconte comme jai envie de mextasier delle. Je lui explique le dard brûlant et la violence de mes doigts. Je lui explique ce que ça fait de se toucher lorsquon veut que ce soit elle qui le fasse. Et elle me fait taire en membrassant. Petits coups de langue sur mes lèvres. Elle occupe mes narines et mes joues. Elle lape mes paupières. Je respire ses cheveux noirs. Cest bon et délicat. Cest difficile et tragique. Je me dégage de son emprise et me hisse sur elle. Mon ventre se pose sur le sien. Nos seins se parlent. Je mordille son cou et emprisonne sa carotide battante. Lempreinte de mes incisives simprime sur sa peau.
Cest officiel. Jai atteint le stade de non-retour. Jai envie de maccoupler avec elle. Je glisse à son oreille :
On peut se reproduire toutes les deux ?
On peut essayer pour voir si ça marche.
Ouchh.
Jentame le déshabillage. Sa chemise de nuit passe le cap des épaules et sen va. Je dévore à la bouche sa poitrine lourde. Je lèche son ventre et son nombril. Jagace sa cicatrice. Nos cuisses glissent lune sur lautre. On étudie la physique des corps, la dynamique des fluides. Comment occuper lespace dun autre être. Je pose mon genou sur son sexe. Elle halète. On inverse la posture dans un mouvement harmonieux. Elle sallonge au-dessus de moi. Ses cheveux pendent devant son visage. Nos bouches collent lune à lautre, des traces humides se forment sur nos joues et nos mentons. Et ma main de grimper dans labîme.
Descends ! lui murmuré-je.
Elle se laisse tomber complètement sur moi et sempale sur trois doigts inclinés à la perfection. Je glisse en elle et entame une banale chorégraphie de doigts. Petites lèvres, clitoris. Autres endroits. Partout où coule quelque chose de chaud et de visqueux. Elle membrasse éperdument. Jai le cur qui perd le rythme. Je pose mes jambes par-dessus les siennes. Nos mollets se touchent. Je lenserre dans cet arc de cercle. Nos bas-ventres se touchent, seulement séparés par ma main qui sagite en elle. La sienne galope vers mon entre-jambes. Son index sinsère en moi. Un râle de plaisir séchappe de ma gorge. Ma langue senfonce plus profondément encore dans sa bouche. Je voudrais pénétrer sa gorge. Jai honte de navoir que ma main à lui offrir. Je lui explique la situation et elle anticipe. On se retourne encore et je viens dévorer son sexe avec les dents. Ma langue tâte et caresse son clitoris. Mon nez hume son odeur et mon visage simbibe de ses fluides. Mes mains saisissent ses fesses. Je lattire plus fort contre ma bouche. Mes lèvres fusionnent avec sa chair muqueuse. Mon index prélève un impeccable fluide de glissement et force lentrée de sa petite vallée fessière. Je triture cet endroit intime. Jassaille Garance partout où cest possible. Mon majeur rejoint mon index au creux de son anus. Elle tressaute, prise de convulsions. Et elle émet des petits jappements inédits. Jabandonne le travail de ma bouche et la remplace par ma main.
Jai limpression de jouir en même temps quelle cette fois. Par la force de ses doigts, par la texture veloutée et ardente de sa peau, par le goût de son corps liquide, par les sons de sa gorge et par limmensité de lattraction quelle exerce je moffre un orgasme première classe. Il déchire et se tarit, puis renaît plus fort encore et ondule en moi. Comme un serpent à lagonie qui se fraye un dernier chemin. Je crie. Oui ! je crie. Un « ahh » rauque et long. La seule chose que jai pu émettre. Et lorgasme sapaise, mais les doigts Garanciens continuent leur torture humiliante. Et je magrippe à elle, perdue et affolée, elle ne sarrête pas. Et lorgasme imminent revient en fanfare. Il me brise et mabandonne et il revient encore lorsquelle mord ma lèvre inférieure jusquau sang. Et je men fous de ce quelle ressent. Jai peut-être même arrêté de la masturber. Alors, je me concentre et je la triture avec tout ce quil me reste dénergie. Elle se tord, semble senrouler autour de mes trois doigts plantés à la verticale dans son ventre. Je la défonce. Mon bras libre lentoure par les épaules, sa tête se cale au creux de mon cou et elle expulse lair de ses poumons contre la chair qui recouvre ma clavicule. Un air brûlant et humide. Elle hoquète et des spasmes la font se cabrer. On explose avec le tonnerre. On se décolle du matelas en un seul corps. Elle saffaisse sur moi encore vibrante. Et je continue mollement de la tripoter. Ses cuisses se serrent. Et nos ventres se calment. Et elle reste échouée sur moi, le menton contre mon épaule. Elle pleure dans loreiller. Ses doigts restent en moi et les miens restent en elle. Son poignet ne bouge plus. Alors, jagite le bassin et ils caressent encore mon clitoris trop douloureux. Jajuste la position et mexcite encore un peu sur ses doigts figés en moi. Et tout est terminé. Nos mains sortent. Elle se glisse sur le flanc et on se fait face. Nos respirations sont rapides, syncopées. La sueur perle sur son front et elle est belle dans lextase. Elle me complimente avec tout le désespoir quelle peut mettre dans sa voix :
Tes bonne !
Jai dû lui caresser le dos pendant quelques minutes. Le temps quon reprenne possession de nos moyens, que le vertige séloigne, que le tangage satténue. Sa main a entouré mes doigts et sest calée contre ma paume. Ludivine humide de Annabelle et Annabelle humide de Ludivine se sont endormies lovées lune en lautre.
—oooOooo—
Laube allait