13-
C’était notre dernier soir et alors qu’on regagnait nos chambrées, Fred s’approcha.
— Ça te dis d’aller boire un verre tout à l’heure ?
— Tous les deux ? Ou avec tout le monde ?
— Que tous les deux, répondit Frédéric avec un sourire qui en disait long.
— C’est très gentil, mais je ne suis pas sure que je sois la meilleure compagnie.
— Allez, s’il te plait ! Je n’ai que deux jours encore ici avant de partir au Mali.
— Alors juste boire un verre.
— Ok.
Je savais pertinemment qu’il n’en resterait pas là. Mais bon, une virée en ville ne me ferait pas de mal.
Je pris une douche et pour la première fois depuis deux semaines, je sortis ma trousse maquillage.
— Alors princesse, on se fait belle pour le prince charmant ? railla Nadia.
— Eh oui, répondis-je sans me démonter.
Je terminai de m’habiller et sortis dans la cours.
Fred arriva au volant d’une voiture de sport. Sur le coup, je me demandai comment il pouvait faire entrer sa carcasse dans cette boite de conserve.
On alla diner dans une pizzeria puis on entra dans un bar particulièrement animé. Je m’installai sur la banquette et Fred vint près de moi. On commanda une pinte de bière.
On avait presque fini le verre lorsque Fred commença à être plus entreprenant.
— Arrête, dis-je en posant ma main sur son torse. Je sais ce que tu veux et je ne suis pas contre. Mais il faut que tu saches que je ne suis pas tout à fait ce que je semble être.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
Je réfléchis un instant sur les mots que j’allais employer. Frédéric avait beau être gentil et adorable, il n’apprécierait sans doute pas l’idée qu’il flirtait avec un mec.
— Ce que je vais te dire est confidentiel secret défense. Si ça s’ébruite, ça ne pourra venir que de toi et cette fois, je ne me contenterai pas de t’écraser les couilles. Tu promets de ne rien dire ?
Il me regarda d’un air bizarre, comme si j’étais saoule.
— Promis, dit-il enfin.
— Il n’était pas prévu que je me dévoile et ce que je vais te dire ne va pas te plaire. Il y a encore quelques mois, j’étais un homme.
Frédéric ouvrit grand la bouche.
— Bah, tu déconnes ! dit-il en éclatant de rire. Si tu ne veux pas, dis-le simplement. Pas la peine de sortir un bobard pareil.
— Vanessa et moi avons été recrutées, formées et transformées pour accomplir des missions d’approche et d’infiltration auprès de personnes intéressants les RG et ayant une attirance pour les transsexuelles.
Le regard de Fred montrait qu’il me prenait enfin au sérieux.
— Je ne voulais pas te blesser, continué-je. D’ailleurs, je t’avais dit que je ne prendrais qu’un verre.
— Mais tu savais bien que j’en voudrais plus.
— Oui. Et moi aussi. Tu me plais beaucoup et j’ai très envie de toi. Mais je comprendrais que tu ne veuilles pas.
Frédéric s’adossa à la banquette, termina sa bière cul-sec et se mit à réfléchir.
Moi, j’étais gênée et désolée de l’avoir trahi et blessé.
Il appela la serveuse et commanda une autre pinte. Je me contentai d’un demi.
— Tu es sérieuse en disant que tu as envie de moi ?
— Oui.
— Tu es opérée ?
— Non.
Il s’adossa à nouveau à la banquette.
— J’ai jamais fait avec un trans.
— Je me doute.
Nous bûmes notre bière en silence.
— On y va ? demandé-je.
— Oui.
La soirée avait tourné au fiasco. Je m’étais fait un ami et je venais de le perdre. On sortit dans la rue. Je resserrai ma veste sur moi, surprise par l’écart de température.
Mais je fus encore plus surprise lorsqu’il me serra contre lui.
— Tu me plais aussi, tu sais. Depuis que qu’on s’est frité la première fois. Je sens que je fais une connerie, mais j’ai envie de toi, j’ai envie d’essayer. Mais surtout ne me demande pas d’être devant.
Je ne répondis pas et je me contentai de me coller encore plus contre lui.
— Où on va aller ? demandé-je un peu après
— Il y a un hôtel pas loin.
— J’ai comme l’impression que ce n’est pas la première fois que tu y vas, dis-je en souriant.
Effectivement, l’hôtel n’était pas loin. Fred demanda une chambre sous le regard goguenard du veilleur de nuit. On monta les escaliers jusqu’au deuxième et dernier étage. La chambre, comme l’hôtel en général, était un peu vieillotte et la déco d’un autre siècle. Mais c’était propre.
On s’assit sur le bord du lit, tels deux ados timides pour qui c’était la première fois. Et d’une certaine façon, c’était un peu le cas. Je fis le premier pas et je m’approchai de son visage. Il résista, encore réfractaire à l’idée d’embrasser cette chose qui tenait de l’homme au sens biologique du terme, et de la femme dans son apparence. J’insistai et, petit à petit, le dur à cuire se laissa apprivoiser. Ses réticences commencèrent à tomber et il dézippa ma jupe. Il caressa mes cuisses habillées de bas autofixants et pelota mes fesses.
— Laisse-moi un moment. Je dois aller me préparer.
Je m’éclipsai dans la salle de bains pour une toilette intime. Je revins dans la chambre vêtue seulement de mes bas et de ma culotte dans laquelle j’avais soigneusement caché mon service trois pièces.
Je poussai Fred sur le lit et repris mes baisers. Je passai ma main sous son pull et caressai son torse musclé. Il se débarrassa de son vêtement, comme une invitation à aller plus loin.
Je descendis vers le bas, embrassant sa peau vierge de tout poil en même temps que je glissai ma main sous sa ceinture. Je sentis ses abdos se contracter. Mes doigts touchèrent son sexe et je le saisis délicatement pour le masturber. Fred me facilita la tâche en déboutonnant son pantalon.
Je ne m’attardai pas et le mis dans ma bouche. Frédéric se laissa aller dans un soupir de bonheur.
Je le suçai un long moment. Malgré sa stature imposante, mon amant n’avait rien d’exceptionnel coté sexe. Et c’était aussi bien comme ça.
— Tu as toujours envie ? demandé-je en me relevant.
— Oui. Maintenant qu’on est là …
Je pris un préservatif dans mon sac à main et le tube de lubrifiant.
— Tu as toujours ça dans ton sac ? demanda Fred, un peu moqueur.
— Oui, on ne sait jamais …
Je glissai la capote sur le sexe de mon amant et le badigeonnai de gel.
Je me mis en position de levrette sur le lit. Je baissai ma culotte sur les genoux. Fred caressa mon petit trou et en profita pour glisser un doigt. Puis il posa son sexe sur la rondelle et poussa sans s’arrêter. Il avait beau être modestement doté, je le sentis passer. Je serrai les dents.
Il me fit l’amour. Doucement au début puis de plus en plus sauvagement. On changea de position mais chaque fois de telle façon qu’il ne voyait pas mon sexe. Malgré tout, Fred était un bon amant. Il me fit l’amour longtemps et mes gémissements n’étaient pas simulés. Je pris mon pied, comme je l’avais pris avec Patrick, mon initiateur.
Il éjacula dans le préservatif, enfoncé en moi. Puis on se glissa sous les draps, jusqu’au petit matin.
On rentra à la caserne avant le réveil officiel. On osa s’embrasser une dernière fois.
— Fais attention à toi, dis-je. Et donne-moi de tes nouvelles.
— Toi aussi, prends soin de toi. Merci pour cette nuit. Ça a été super.
— J’ai beaucoup aimé aussi.
Un dernier baiser furtif et regagnai ma chambrée.
Vanessa sortait de la salle de bains.
— Alors ?
— Je te raconterai plus tard. Et toi, pas trop chiante la soirée ?
— Non, pas du tout. Moi aussi je te raconterai plus tard.
Nadia et ses sbires se levèrent à leur tour et me lancèrent un sourire entendu, sourire que je ne savais pas encore comment interpréter.
Je racontai ma soirée pendant le trajet du retour, comment ce qui avait commencé comme un fiasco, s’était fini dans un happy end.
— Bon, alors, et toi ?
— Figure-toi que les trois furies ont commencé à me faire des avances et plus je refusais, et plus elles insistaient. J’ai donc tout déballé. Au figuré et au propre. Tu avais raison, ce sont trois gouines qui se connaissent depuis le collège. Mais elles ne crachent pas sur une bonne queue de temps en temps. Elles vont même parfois prendre leur douche avec les hommes. Donc on a baisé toutes les quatre.
— Bon, bon, c’est bien tout ça, dis-je en résumé. On a passé deux semaines assez sympas en définitive.
— On peut dire ça.