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L'ermite – Chapitre 4




La séparation avait été brutale : l’expert de l’assurance avait déclaré Titine bonne pour la casse, le garagiste avait prêté un véhicule de remplacement ; une fois de retour chez l’ermite, pas de trace de lui, mais mes valises prêtes ; le sauvage ne voulait certainement pas souffrir inutilement, à moins que ce ne soit l’habituelle lâcheté des mâles. Le voyage jusqu’à chez Julie avait été un cauchemar, la tête comme dans un étau, le cur au bord des lèvres.

— —————

Trois jours. Trois jours depuis mon départ. Trois jours à soutenir Julie, à tenter de penser à autre chose que lui. Trois jours de souffrance, de vide immense, dans mon ventre, dans ma poitrine. Comme si mon cur voulait s’extraire de moi, s’enfuir le rejoindre. Je chassai de mon esprit, pour la énième fois, les souvenirs brûlants de son corps, me reconcentrai sur Julie, ses problèmes, ses craintes, sur sa fécondité, son couple, sa dépression. Tout cela me minait, mais j’accomplissais mon job d’amie, une fois encore. Et cela me changeait un peu les idées.

Comme si cela ne suffisait pas, on me harcelait au téléphone. Enfin, je ne savais pas très bien. Le premier jour, j’avais cru à une erreur. Le second, l’exacte répétition de l’heure de l’appel et le silence assourdissant m’avaient fait pencher pour un pervers quelconque. Comment il avait eu mon numéro, ça, mystère. Mais aujourd’hui, le doute s’était insinué en moi. Le silence avait fait place à un souffle, quelques instants, avant que je ne raccroche. Se pourrait-il que… ?

Mon cerveau carburait à toute allure, parallélisant deux tâches difficilement compatibles : permettre à mon amie de se sentir moins mal, à coups de petites phrases rassurantes et d’assentiments, et remonter le fil de ma mémoire pour tenter de comprendre comment il avait pu avoir mon numéro. Car j’étais dorénavant intimement persuadée que c’était lui, sans en avoir la preuve.

Heureusement le compagnon de Julie nous rejoignit, et réussit à me distraire pour que la journée finisse enfin. Je me couchai épuisée, et m’effondrai avant de pouvoir psychoter à nouveau. Je me réveillai au petit matin. Bien trop tôt. Avec une impression étrange. La solution était là, accessible, toute proche. Tout me semblait limpide. Au bout du fil c’était lui. L’ermite.

Une soudaine vague d’émotions me submergea, me prenant par surprise. Mes ongles griffèrent les draps, tandis que je me cambrais sous l’assaut, instantanément excitée, comme téléportée en sa présence. Le silence de l’aube me semblait le sien, un courant d’air son souffle rauque, un frôlement du drap une de ses caresses, mes lèvres nues comme une promesse de baiser, mon sexe vide appelant ses pénétrations.

L’activité matinale de mes hôtes me sortit heureusement de ma torpeur, et je parvins à ramper hors du lit. Telle un zombie, je zonai une bonne partie de la matinée, incapable de me concentrer, marmonnant quelques réponses vides de sens à une Julie inconsciente de mon absence, focalisée sur ses soucis. Je savais l’heure fatidique de l’appel approcher, et mon ventre le réclamait furieusement. Tous mes sens étaient en alerte, exacerbant les signaux captés : tout vrombissement pouvait être le vibreur de mon téléphone, toute musique sa sonnerie, tandis que toute mon intimité palpitait violemment, inondant ma culotte, et que le moindre frottement me mettait au supplice. Je finis par m’immobiliser dans un fauteuil, priant pour que Julie ne m’assigne pas une tâche demandant le moindre déplacement.

Avec une sublime exactitude horaire, je sentis ma cuisse vibrer et réussis à extraire mon téléphone de la poche de mon jean. Je retins à grand peine un cri de jouissance, tant le frisson m’avait traversé le dos, électrisé le ventre. Je décrochai fébrilement. Le silence me paraissait désormais limpide, rempli de son souffle, de son hésitation, de son invitation muette. C’est moi qui raccrochai, avant que la puissance du moment ne me mène à l’orgasme. Le sang battait dans mes tempes, répondant aux contractions de mon vagin et de mon anus. La fièvre m’avait envahie, le monde extérieur avait disparu. Je me levai, tremblante, m’excusai et allai m’effondrer sur mon lit. Ma décision était prise, je le rejoindrais coûte que coûte.

Le voyage de retour passa comme un songe. C’était à peine si je remarquai les trois accidents que j’avais manqué avoir. Mes mouvements me semblaient ralentis, ma vision trouble, et pourtant mes décisions et mes actes me menaient droit à lui. Mes pensées étaient focalisées sur lui, des images torrides emplissaient mon esprit, ravageaient mon ventre. Je revoyais le couteau luire dans la pénombre. Sentais la fraîcheur de la lame contre ma peau. Les fibres de mon t-shirt se tendre, se fissurer délicieusement, me dévoilant à son regard avide. Son goût envahissait à nouveau mes papilles, alors que pour la première et seule fois, je suçais son membre majestueux. Mon excitation folle, dans ce couloir, mes caresses mêlées à l’anticipation, l’appréhension d’être rejetée. Rha comme ce fut bon ! Ma prise d’initiative, moi le chevauchant, m’emplissant infiniment de son sexe. Et puis, cette baise devant la vitre, le téléphone qui gémit, se balançant au bon de son fil, et moi, désirant cet homme plus que tout, partout…

Enfin, la route de campagne, le chemin à travers la forêt, l’allée, la masure, le retour à la réalité… Je garai ma voiture à côté de la sienne… et d’une autre voiture. Il avait donc de la visite ? Pourquoi pas après tout, je ne savais quasiment rien de lui. Le doute me gagna. Pouvais-je débarquer comme cela, sans prévenir, alors qu’il recevait ? Je décidai de faire le tour de la propriété, afin de glaner quelque information utile, et me permettre, peut-être, de choisir de frapper à la porte ou d’abandonner. Le résultat de mes investigations me surprit énormément : le rez-de-chaussée paraissait inoccupé. Aucune lumière, malgré les volets ouverts. Ma curiosité prit le dessus, la jalousie aussi sans doute. Elles me firent gagner la porte d’entrée, tourner la poignée silencieusement, et entrer à pas feutrés. La pièce principale était bien déserte. Aucun relief d’un quelconque repas. C’était à n’y rien comprendre. Je pris mon courage à deux mains, et marche à marche, gagnai l’étage.

Je reconnus ma chambre. La porte était entrouverte, le noir régnait à l’intérieur. Il en fut de même pour la sienne. Cela me rassura un peu. Je avais, plus que tout au monde, craint de le trouver au lit avec une conquête. J’optai donc pour la troisième pièce. Je posai mon oreille contre la porte, tentant de capter quelque bruit, mais non, rien. J’entrai. La pièce était nue, très petite. Seul ornement, sur le mur opposé, un grand miroir. Non, pas un miroir, enfin pas exactement. Il laissait filtrer une pâle lumière dans les tons rouges. Des corps y apparaissaient… Un miroir sans tain.

Je m’approchai, avide, curieuse de découvrir la scène qui se déroulait dans la pièce voisine. Il me fallut de longues secondes pour l’appréhender entièrement : anneaux, chaînes et harnais pendaient au plafond ; aux murs étaient accrochés tout un arsenal dont le but n’était pas bien difficile à deviner : fouets, menottes, cravaches… La pièce était occupée : au moins un homme et une femme. L’homme était solidement attaché, cerné par le harnais. Il flottait étrangement, semblait se balancer, les pieds ne touchant pas le sol. Il était nu, et je me surpris à plonger le regard vers son intimité. Il bandait comme un âne. Bâillonné, il était à la merci de sa partenaire.

Nue comme lui, elle tenait un fouet. Elle tournait autour de lui, se soustrayant régulièrement à son regard apeuré, et lançait de temps en temps, négligemment, les lanières, marbrant sa peau, tantôt sur le dos, tantôt sur les cuisses. Chaque coup semblait le ravir. Je ne pus m’empêcher de détailler l’anatomie de la maîtresse. Ses mollets, ses cuisses galbées, ses fesses menues, sa taille fine, ses seins fermes, son visage inexpressif mais joli. Elle était magnifique. La jalousie me submergea lorsque je m’avisai que la scène se déroulait chez… Où était-il d’ailleurs ? Et de quel droit étais-je jalouse ?

J’en étais là de mes réflexions, captivée, les doigts effleurant le miroir, lorsqu’il apparut. L’ermite. Tel que dans mon souvenir. Puissant, beau, taciturne, terriblement sexy. Bien qu’il ne soit pas nu comme ses acolytes, l’excitation me gagna instantanément, mon corps me rappelant furieusement son envie de lui. Il s’approcha de la femme et lui tendit une cravache. Elle la saisit et la testa sur son esclave, avec un plaisir manifeste. L’ermite avait l’air de diriger la séance, de se comporter en professeur. La confusion m’envahit. J’étais bien consciente de sa part de mystère, mais était-ce ce que je souhaitais découvrir ? Un maître en sadomasochisme ? Il disparut à ma vue, sans doute pour aller chercher un nouvel accessoire.

Il ne sembla pas vouloir revenir. Les yeux dans le vague, comme hypnotisée, j’observais ces deux étrangers s’adonner à leur passion. Je ne savais qu’en penser. Je ne me projetais pas, dans aucun des rôles, et pourtant mon corps semblait réagir favorablement à leurs ébats. D’autant plus que la femme avait cessé de tourner autour de sa proie, pour s’immobiliser entre ses jambes écartées. Elle commença à sucer son partenaire avec un art consommé, tout en lui donnant de petits coups avec la cravache. Il bondissait de plaisir, au summum de l’excitation. Intriguée et confuse, je me sentais couler abondamment entre les cuisses.

Un souffle brûlant sur mon oreille m’arracha à ma fascination. Une odeur reconnaissable entre mille. L’ermite. Il m’avait découverte, mais comment ?, et m’emprisonnait désormais de ses bras, de son corps. Plaquée contre le miroir, les yeux rivés à lorgasme maintenant tout proche, j’étais contrainte à l’écouter me susurrer à l’oreille, me faisant perdre tous mes moyens : « Ça te plaît ? ». Hésitation. « Je ne sais pas ». « Tu veux essayer ? ». Silence. « Quel rôle te tente ? ». Silence. La peur autant que son contact me paralysaient totalement.

Je pris conscience de ses mains qui me fouillaient délicieusement. Elles s’insinuèrent sous mes habits, glissèrent sur ma gorge, mon ventre, mes cuisses. Je me contorsionnais sans vraiment lutter, à la fois honteuse de mon manque de volonté et ravie de le laisser faire. Les intruses se rejoignirent sur mon intimité, et s’emparèrent simultanément de ma vulve et de mes fesses, alors que son souffle embrasait toujours mon oreille. « Oh mais je vois que cela te fait beaucoup d’effet ! ». Ses doigts me pénétrèrent généreusement et je bondis de plaisir.

Les invités en avaient terminé. Libéré de ses entraves, l’homme s’étirait, tandis que la femme rangeait ses accessoires. Ils firent un petit signe en direction du miroir et disparurent. J’ondulais entre ses doigts trempés, sur la pointe des pieds. Il me laissa mariner dans mon jus quelques instants, où la panique menaça de s’emparer de moi. « A ton tour maintenant. Viens ! ». J’aurais bien voulu refuser, mais j’en étais incapable. Mon désir de lui l’emportait malgré la terreur. Je suivis la main qui enserrait la tienne.

La pièce sentait fort la sueur et le sexe. Cela me plût. Il m’arrêta devant le harnais. Pétrifiée. C’est à peine si je compris qu’il me dénudait entièrement, tant les chaînes m’obnubilaient. « Tu me fais confiance ? ». Toujours le même silence. Qu’il prit pour une approbation. Il me souleva sans effort, je me sentis décoller, et en quelques mouvements efficaces, il m’installa dans le harnais. Se déshabilla. Je tremblais de tous mes membres.

Armé d’un fouet, il m’effleura de cuir. Lentement. Partout. Etrange comme mon cerveau mit longtemps à interpréter correctement les sensations. Le moindre contact me semblait douleur au début, déclenchant des frissons de rejet incontrôlable dans ma colonne vertébrale. Et puis progressivement, je compris ses caresses démoniaques, associées à ma position, vulnérabilité intégrale, terriblement excitante. Chacun des contacts suivants cette prise de conscience faillit me donner un orgasme, tant les spasmes d’extase étaient intenses.

Je me cambrais dorénavant comme une forcenée dès qu’il me touchait. Je tentais de m’arracher au harnais. Pour le manger. Le mordre. Le posséder. Toutes mes bouches se contractaient follement, affamées. Qu’importe ce qui se présentait à elles, elles n’en feraient qu’une bouchée. Aveuglée de désir, je sentis plus que je ne vis son sexe, le gland en particulier, fouiller mon intimité à la recherche d’une entrée.

J’hurlai de bonheur quand enfin il m’emplit de lui. M’avait-il enfin sodomisée, ce que je craignais autant qu’espérais ? Ou simplement baisé le con ? Aucune importance. Je n’étais plus que trou béant, brûlant, torride, gourmand, et je le suçais avidement. Il allait et venait énergiquement, et j’en jouissais, démente, accomplie, criant mon délice jusqu’à l’extase. Mon corps entra en fusion. Tout mon être sembla jouir simultanément de ses assauts : la plante des pieds, l’arrière des genoux, les aisselles, la nuque, la racine des cheveux… Chacun entra en résonance, submergeant mon cerveau de signaux concomitants, maelstrom de sensations. Je n’étais plus qu’orgasme, vibrante dans mon intégralité. La lumière s’éteignit. Je sombrai dans l’inconscience. Cela n’avait aucune espèce d’importance. Il n’y aurait pas de retour de cette expérience exquise. Il était à moi. J’étais à lui. A jamais.

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