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Un histoire, un regard… – Chapitre 1




Ce que je faisais ne me ressemblait absolument pas, mais c’était plus fort que moi. J’avais beau me dire que j’étais ridicule, que je me comportais davantage comme une ado de 15 ans qu’une étudiante de 20 ans, que ça ne menait à rien de venir dans ce parc dans le seul espoir de LE croiser… rien n’y faisait. Ma raison avait totalement démissionné ; je suivais la voie du cur. J’avais décliné une invitation au cinéma et un après-midi shopping uniquement pour me rendre dans ce petit parc minable, où tout être sensé s’ennuyait à mourir, et ceci parce que, deux semaines plus tôt, j’y avais repéré un jeune homme dont la beauté m’avait totalement chamboulée.

Ce jour-là, j’avais décidé de prendre un raccourci par le parc en me rendant chez une amie. Elle m’avait dit qu’ainsi, j’allais gagner dans les dix à quinze minutes et, comme je n’aimais pas trop marcher… Donc j’avais commencé à traverser le par cet alors je l’avais vu. Assis dans l’herbe, le dos contre un arbre, une cigarette entre les lèvres et l’air infiniment triste. Je suppose que c’est surtout cette tristesse dans ses yeux qui m’avait fait ralentir, puis m’arrêter carrément et m’asseoir sur un banc (bien situé par rapport à l’endroit où il était posé). J’avais sorti mon portable, faisant mine d’envoyer un message, et je n’avais cessé de le regarder.

Sa beauté avait quelque chose de tragique. Le teint hâlé, les cheveux blond foncés en bataille, les yeux d’un vert profond, un nez droit… jusqu’à là, rien de vraiment exceptionnel. Mais ses sourcils sombres, épais sans pour autant être broussailleux, donnaient au vert de son regard une intensité exceptionnelle, et accentuaient la tristesse qui en émanait très clairement. Sa bouche, aux lèvres sensuelles, formait une moue un peu boudeuse ; renforçant le côté beau ténébreux.

Il devait avoir la trentaine ; dix ans de plus que moi, donc. Il devait, aussi, avoir une petite amie, parce qu’avec un look comme ça… Je ne savais même pas ce que je faisais là ; je n’avais aucune chance d’attirer son attention ; encore moins de lui plaire… Mais je n’étais pas là pour draguer ; ce n’était pas mon genre d’une part, et je manquais terriblement d’assurance d’autre part. Non ; si j’étais là, c’était parce que quelque chose en lui m’avait touchée, et c’était au-delà de son charme. C’était cette tristesse… Un visage beau, mais si froid ; si sévère. Et ces yeux, si… si pleins de désespoir que ça se voyait à des mètres !…

Il avait fini par me voir. Très brièvement, nos regards s’étaient croisés. Ce fut comme une décharge électrique. Il n’avait pas souri. Le visage impassible, il avait inspiré une profonde bouffée de sa cigarette, et il était revenu à sa contemplation passive du paysage loin devant lui.

Je ne m’étais plus attardée ; j’étais repartie. Au final, j’avais perdu dans les dix minutes sur ce banc ; le raccourci ne m’avait servi qu’à rencontrer cet homme.

Depuis, j’avais eu l’occasion de repasser plusieurs fois par ce parc. La même allée… Et je l’avais toujours revu. A la même place. Seul, ou avec des amis. Mais, même entouré d’autres gens, il donnait l’impression d’être seul, dans un monde dont lui seul possédait la clef ; totalement détaché des autres.

A présent, je me rendais là avec un livre dans mon sac. Je comptais me poser dans le même coin que lui et bouquiner. Dans l’espoir de pouvoir faire sa connaissance. S’il allait être là…

Il était là.

Je ressentis un étrange soulagement en découvrant l’inconnu là où j’avais espéré le voir. Mon cur se mit immédiatement à battre plus vite. Mon ventre, lui, se noua immédiatement et je sentis une boule se former dans ma gorge. Dans le domaine « plus facile à dire qu’à faire », je venais de trouver un bon exemple : je m’étais dit que j’allais me poser dans le même coin que lui mais, en fait, ce n’était pas si simple… J’allais avoir l’ais suspect, pas naturel… Après tout, pourquoi me poser là et pas ailleurs ; il allait bien comprendre que c’était louche ; j’allais me ridiculiser, et puis ça ne servait à rien…

Tandis que les pensées se précipitaient à mille à l’heure dans ma tête, mes yeux repérèrent une silhouette connue : Sam ; un copain de la fac, que je connaissais depuis un mois ou deux. Il se dirigeait droit sur moi, avec un grand sourire. Je m’immobilisai et lui fis un signe de la main. Il me répondit de la même façon avant d’arriver à ma hauteur pour me faire la bise.

’Comment ça va ?’, fis-je.

’Très bien, et toi ?’

’Idem ! Je…’

’Qu’est-ce que tu fais là ?’ m’interrompit-il involontairement.

Je sentais mes joues s’empourprer tandis que mes neurones refusaient obstinément de faire LA connexion qui allait me permettre de trouver une réponse plausible.

’Je… euh… bah, rien ; j’erre. Et toi ?’, répondis-je maladroitement.

’J’ai rendez-vous avec des potes, là ! Viens avec nous, si tu veux !’

J’avais été sur le point de protester en prétextant le besoin de solitude à défaut de meilleure réplique lorsque je vis mon mystérieux inconnu s’approcher de Sam et lui serrer la main.

’Salut, comment tu vas ?’ lui dit-il d’une voix qui lui allait merveilleusement ; à la fois douce et profonde.

’Ça va, mec, et toi ?’ répondit Sam avec une désinvolture que je lui enviai illico, tandis que, par un procédé qui me dépassait, mes genoux commençaient à se transformer en du coton.

’Comme toujours ; tout roule !’ fit-il avant de poser les yeux sur moi et de me dire très poliment : ’Bonjour…’

’Caro, je te présente Mark !’, intervint Sam. ’Mark, c’est Caroline ; on est ensemble en physio, à la fac !’

’Enchanté’, fit-il en tendant vers moi son visage.

Je lui répondis par un sourire timide et nous nous fûmes la bise. Ses lèvres effleurant mes joues, c’était la plus douce sensation que j’avais jamais connue. Mon cur menaçait de s’arracher de ma poitrine, et mes jambes de me lâcher. Je me sentais toute tremblante et je ne pouvais qu’espérer que ça ne se voyait pas trop.

’Venez, on va se poser dans l’herbe, là, en attendant les autres’, proposa Mark.

Sam me lança un regard interrogateur. J’opinai du chef :

’Je vous suis.’

Tout ça semblait irréel ; incroyable. Coup de chance ou signe du destin ?

Je ne cherchai pas à savoir ; je n’étais pas vraiment en état de réfléchir. Le fait que Sam connaisse cet homme me paraissait un peu curieux. Il n’avait pas l’air d’être un étudiant et il faisait trop sérieux pour être un ami à Sam ; l’éternel boute-en-train. Et pourtant…

Mais peut-être qu’il ne fallait pas se poser de questions, juste laisser les évènements suivre leur cours…

Sam s’allongea dans l’herbe avec un grand sourire ravi. Je me posai prudemment, et Mark s’installa à côté de moi. Son regard me fixait, me transperçait et me brûlait à la fois. Une lueur très chaleureuse dansait dans ces yeux si incroyablement verts. Lorsqu’il me sourit, son visage perdit tout de son apparence à priori froide.

’Nous nous sommes déjà vus, non ?’

’Euh, oui… Oui ; il me semble vous avoir déjà vu ici… Je passe souvent…’

’C’est bien ce que je me disais… Mais, si on pouvait se tutoyer, ce serait plus confortable, non ?’

Je fis un effort surhumain pour ne pas lui sortir le classique : « D’accord, si vous voulez. » Je me contentai de hocher la tête avec un sourire, puis je dus détourner les yeux, parce qu’il ne semblait pas près d’en faire autant. Il me fixait avec gentillesse, mais également avec une intensité plus que déstabilisante. En attendant que les autres amis de Sam arrivent, nous avions parlé un peu de tout et de rien. Mark m’avait proposé une cigarette, et il sembla surpris par le fait que je ne fumais pas. Surpris, mais positivement, ce qui me plut. Il ne tenta pas de m’inciter à les limiter ; lui et Sam se mirent à les enchainer, tous les deux soucieux de ne pas souffler la fumée dans ma direction.

Mark voulut savoir ce que je faisais dans la vie, quelles étaient mes centres d’intérêt… J’avais l’impression qu’il s’intéressait vraiment à ce que je lui répondais ; sa façon de m’écouter ne ressemblait pas à ces questions que l’on pose par pure politesse, en se souciant guère de la réponse. Il hochait la tête tandis que je lui parlais un peu de moi, et son regard était grave et concentré. Lorsque j’eus fini, il m’accorda un nouveau sourire désarmant, et me félicita pour mon côté « bosseur » et mes ambitions.

J’avais voulu le connaître un peu mieux, mais il refusa de lever le voile sur sa vie. J’appris qu’il ne travaillait pas, mais il refusa de donner des détails. Des projets, il déclara ne pas vraiment en avoir ; vivre au jour le jour. Même la façon dont il avait rencontré Sam me paraissait étrangement entourée de mystère. Lorsque j’avais posé la question en toute simplicité, il eut un sourire étrange, comme teinté d’amertume, et il me répondit qu’ils s’étaient connus à un festival de musique. Point. Et moi, étant d’un naturel plutôt timide, je n’avais pas osé insister. Mais le fait qu’il soit aussi évasif m’avait un peu perturbée.

Les copains de Sam finirent par débarquer. Quatre gars et deux filles. Je ne connaissais personne. Même Sam, à bien y réfléchir, je ne le connaissais pas tant que ça. Mais tous étaient souriants ; de bonne humeur. Ils m’accueillirent comme s’ils me connaissaient depuis longtemps et je finis par constater que ma timidité commençait à se dissiper en leur compagnie.

Les deux filles étaient très belles. Bien maquillées, silhouettes fines et élégantes, formes gracieuses. Bien malgré moi, je me mis à faire très attention à la façon dont Mark les regardait ; leur parlait. Déjà jalouse ? Non, je ne pensais pas. Soucieuse de la concurrence ? Même pas, non… Je ne me trouvais pas belle ; j’étais potable, au mieux. Je n’étais encore jamais vraiment sortie avec un garçon ; je me méfiais trop. Je n’espérais pas vraiment que Mark s’intéresse à moi. J’avais juste envie de le connaître, parce qu’il éveillait quelque chose de totalement inconnu et nouveau en moi. Le connaître et rêver un peu…

Assez rapidement, autre chose que des cigarettes se mit à circuler. Je ne m’y connaissais pas très bien, mais je devinai quand même qu’il devait s’agir de cannabis. Je me sentis un peu inconfortable en voyant Mark en prendre et inspirer de profondes bouffées. J’étais la seule non fumeuse du groupe, de toute évidence. Lorsque Mark me tendit le joint, je refusai poliment. Il réagit comme si de rien n’était :

’Tu peux le faire passer, s’il te plait ?’ me demanda-t-il.

Je hochai la tête et, après un peu de gymnastique du poignet, je réussis à le prendre entre mes doigts.

Ce fut sans aucun doute imperceptible pour le reste du groupe, et ça ne dura que quelques secondes. Mais pour moi, ce fut comme si le temps s’était momentanément suspendu : alors que je lui prenais le joint, sa main s’était attardée sur la mienne et il enroula, très brièvement, l’un de ses doigts autour de mon auriculaire. Lorsque je levai vers lui un regard surpris et confus, il me fit un autre sourire, très doux. Et ensuite, il se tourna vers la fille située à sa droite, comme si de rien n’était, et relança une conversation.

M’étais-je fait des idées ? S’agissait-il juste d’une sorte d’« accident » ? Son geste avait-il été prémédité, ou alors était-il dû à la maladresse avec laquelle j’avais tenté de m’emparer du joint ? Je fus envahie par le doute, mais il ne fut pas suffisamment grand pour chasser la douce sensation de bonheur qui m’avait envahie.

Quelques joints plus tard, le regard de Mark était devenu embué et un sourire béat s’était figé sur ses lèvres sensuelles, dont l’effleurement innocent de la bise de tout à l’heure était toujours un souvenir pur et intact en moi. Je le regardais, un peu chagrinée par son expression totalement déconnectée. Comme s’il m’échappait…

Se sentant sans doute observé, il tourna la tête vers moi. Son visage ne changea pas d’expression, mais il s’avança un peu plus près de moi. A présent, nos épaules se frôlaient très doucement. Il avança son visage vers le mien.

’Tu as l’air toute pensive…’ fit-il.

’Euh… Oui. Je méditais’, répondis-je avec un sourire qui se voulait décontracté.

’Sur quoi ? Sur moi ?…’

Je levai les yeux pour rencontrer les siens, surprise par son audace. Il me fit un clin d’il et son sourire s’élargit encore.

’Je ne dévoile pas mes pensées aussi facilement !’ répliquais-je en faisant la fille amusée et désinvolte.

’Tu as bien raison. C’est très précieux…’ glissa-t-il d’une voix de lover, avant de rajouter : ’J’aime beaucoup ton pull ; il a l’air tout doux.’

’Il l’est’, confirmais-je.

’Je peux vérifier ?’

Incapable de produire un son, je hochai la tête tout en haussant les épaules. Cette situation m’échappait totalement. J’étais en train de me faire draguer ; je ne me faisais pas de films, là. C’était sûr. Et je n’avais pas l’habitude qu’un garçon m’aborde… et pas de cette façon.

Lentement, il leva le bras et, tout en douceur, passa sa main sur mon épaule, les yeux mi-clos, le sourire élargit au maximum. Il avait de très belles mains, douces, aux doigts longs et fins. Des doigts de pianiste, comme aurait dit ma tante.

’Effectivement, c’est très doux’, souffla-t-il. ’Il te va très bien.’

Je déglutis : ’Merci.’

Sa main resta sur mon épaule. Je me sentais vraiment totalement déboussolée. Une part de moi avait envie de lui dire, très poliment et sur un ton léger, d’ôter cette main mais, en même temps, je ne voulais pas qu’il l’enlève. Paradoxal. Le manque d’expérience, aussi.

Je levai encore mes yeux, et ils plongèrent droit dans ceux de Mark. Malgré le fait qu’il planait, il dut se rendre compte de mon malaise, parce que, de nouveau, il pencha son visage vers le mien. Ses lèvres effleurèrent presque mon oreille et son souffle tiède me causa plein de frissons inconnus lorsque, dans un chuchotement, il me demanda s’il m’embêtait, si je le trouvais trop lourd.

’Non ça va ; t’inquiète’, fis-je. ’Tant que ça s’arrête là…’

A peine ces derniers mots prononcés, je m’en voulus. C’était un peu comme si ma raison avait parlé à ma place, sans consulter le cur au préalable, et sans vraiment passer par le cerveau. Les mots étaient sortis tous seuls, et ils me firent honte. Qu’allait penser Mark, à présent, si son geste était, à ses yeux, totalement innocent ?

Je me posais trop de questions. A mon grand soulagement, il sourit de nouveau et souffla : « Promis. »

’Si on allait boire un coup chez moi ?’ proposa brusquement Sam, me faisant sursauter.

Je me tournai vers lui et réalisai qu’il me regardait d’un drôle d’air, qui me mit assez mal à l’aise. Il voyait la main de Mark sur mon épaule et il ne semblait pas apprécier. Ses sourcils étaient froncés.

Nous avions fini l’après-midi chez lui, à regarder la soirée et à boire des cocktails. Je n’aimais pas beaucoup boire, mais Mark avait travaillé dans un bar par le passé et il avait tenu à nous montrer ses talents ; enchaînant de jolis mélanges qui passaient très bien. Je m’arrêtai au bout du deuxième verre, déjà un peu étourdie. En buvant, je ne sentais pas l’alcool, mais il rappelait sa présence tout de suite après, malheureusement. Si les autres semblaient bien tenir le coup avec davantage de verres, ce n’était pas mon cas.

A mon grand regret, Mark ne s’était plus assis à côté de moi, une fois chez Sam. Je n’avais eu droit qu’à quelques regards en coin et à quelques sourires, mais sans plus. Il n’avait quasiment rien bu et, tandis que tous les autres devenaient de plus en plus euphoriques, lui, il semblait s’éteindre progressivement. Il finit par se murer dans un profond silence auquel personne ne tenta de l’arracher. De mon côté, j’avais très envie de lui tendre une perche pour qu’il se remette dans l’ambiance, mais je ne savais absolument pas quoi dire.

Il semblait tellement triste…

L’heure tournait et je finis par lancer :

’Bon, moi, il va falloir que j’y aille, là !’

’Déjà ?’ Sam sembla déçu. ’Il est encore tôt !’

’Demain, je dois rendre un dossier à huit heures du matin, et je manque de sommeil’, expliquai-je en me relevant du canapé.

A peine debout, je chancelai légèrement et je dus me retenir à l’accoudoir pour ne pas retomber dans le canapé. J’avais la tête qui tournait un peu. Satanés mélanges !…

’Ça va ?’ s’enquirent Sam et Mark, à l’unisson.

’Oui, oui ! Un faux pas…’ prétextai-je, vraiment confuse, sentant mes joues s’empourprer.

’Je te raccompagne’, s’imposa Mark, guère dupe.

Sam lui lança un rapide coup d’il avant de se tourner vers moi :

’C’est bon, Caro. Je te ramène en voiture.’

’Je vais très bien !’ protestai-je. ’Bon, j’avoue que tes mélanges ne m’ont pas trop réussi, Mark. Mais je me suis levée trop vite ; là tout va bien, sincèrement.’

Je ne mentais pas… Pas vraiment, tout du moins. J’étais en effet un peu pompette, mais rien de bien grave.

’Je suis navré… Tu n’as pris que deux verres, je ne n’aurais pas pensé que ça suffirait à…’

’Tout va bien, Mark’, l’interrompis-je. ’C’était très bon. Merci.’

’Tu vas peut-être bien, mais ça me fera plaisir de te ramener en voiture ; je serai plus rassuré’, persista Sam.

’Non, non. C’est très gentil mais ça ne vaut pas la peine. J’habite à même pas un quart d’heure d’ici, et, avec tous les contres-sens qu’il y a dans le coin, sincèrement je serai revenue bien plus vite à pied.’

’C’est bon ; je la raccompagne un bout de chemin’, répéta Mark. ’De toute façon, je dois y aller, moi aussi’, ajouta-t-il en me voyant prête à décliner son offre.

Sam haussa les épaules, en évitant nos yeux à tous les deux :

’Comme vous voulez.’

Je dis au revoir à la ronde et remis rapidement mes chaussures. Mark en fit autant et il m’ouvrit grand la porte.

’Faites bien gaffe à vous !’ nous cria Sam alors que Mark refermait derrière nous.

’T’inquiète ! A bientôt !’ lui répondit Mark avant de claquer la porte.

’Tu as passé une bonne soirée, Caroline ?’ me demanda-t-il une fois que nous fûmes dehors.

’Oui ; excellente. Et toi ?’

’C’était parfait.’

Je voulus relever la tristesse que j’avais lue sur son visage mais, au dernier moment, je me retins de le faire. Je ne voulais pas manquer de tact.

’Tu sais, tu n’es vraiment pas obligé de marcher avec moi’, lui dis-je. ’Je t’assure que je suis on ne peut plus sobre’.

’Je sais. Mais ça me fait plaisir. …A moins que je te dérange, auquel cas…’

’Non, non ; pas du tout ! Ce n’est pas ce que je voulais dire.’

Il sourit : ’Tu dois vraiment rentrer tout de suite ?’

’Je pense que c’est préférable…’

Il dût percevoir la légère hésitation dans ma voix, parce qu’il ajouta :

’Sinon, on peut aller prendre un café. Je connais un petit bar très sympa pas très loin d’ici.’

Cur et raison recommencèrent à se disputer. Mon cur me disait « Vas-y ! » tandis que la raison me pointait du doigt le manque de cohérence dans mon attitude que ça relèverait si j’acceptais.

’Je pense qu’un petit café me fera du bien’, acquiesçai-je.

Pied-de-nez à la voix de la raison.

’C’est par là’, me dirigea Mark en mettant sa main dans mon dos.

Il la descendit un peu au niveau de ma taille tandis que nous tournions dans la rue indiquée, la laissa s’attarder dans cette zone, puis, à mon grand regret, l’enleva assez rapidement.

’Je ne veux pas t’importuner’, dit-il comme pour se justifier. ’Mais…’

’Tu ne m’imp… Oui ?’ demandais-je, réalisant qu’il n’avait pas fini.

Il se pencha au-dessus de moi, le regard tendre et très brûlant :

’Je sais que je dois te sembler mal élevé, trop rapide où que sais je… mais… Caroline, ne le prends pas mal. Tu me plais beaucoup. J’ai très envie de te tenir la main… Je peux ?’

Comment une fille est-elle censée réagir quand elle se fait aborder pour la première fois ? N’est-il pas convenu de garder ses distances ; savoir se faire désirer ?… A priori, je me disais que si. Mais j’avais bu. Pas assez pour ne pas savoir ce que je faisais, loin de là, mais en tout cas assez pour ressentir une audace qui ne m’était pas habituelle. Et puis, au pire, comme Mark ne pouvait pas savoir ce qu’il se passait dans ma tête, j’allais pouvoir dire que l’alcool était responsable de mes faits et gestes ; pas moi… Mark exerçait sur moi cette attraction indescriptible, irrésistible… Pourquoi ne pas profiter de ce qui se présentait à moi ? On ne vit qu’une fois !…

’J’ai pas l’habitude de ce genre de situations’, avouai-je, ’mais c’est d’accord. Je te la prête.’

Je lui donnai ma main. Il la prit avec une sorte de reconnaissance et de soulagement. Sa main, grande et chaude, recouvrit totalement la mienne. Ses doigts s’enroulèrent autour des miens. La sensation était plus qu’agréable. Mon cur se remit à battre la chamade. Tout le long du chemin, nous échangeâmes de tendres pressions sur nos doigts respectifs. C’était innocent, mais oui : tellement intense !

Mark me conduisit dans un petit bar très sympathique, que je ne connaissais pas. Nous nous posâmes sur une sorte de canapé rouge, très confortable. Toutes les couleurs qui nous entouraient étaient douces et chaudes, et la lumière tamisée donnait la vague illusion que les différents meubles et sièges se fondaient dans le décor. C’était peut-être en partie dû à l’air bien enfumé, qui propageait une atmosphère plutôt floue, ou alors le décorateur avait tout simplement fait un travail de maître.

’C’est super beau, ici’, déclarai-je, émerveillée.

’N’est-ce pas ? Je viens très souvent ici. A cette place précise, d’ailleurs.’

’Seul ?’

La question m’échappa toute seule et je sentis mes joues s’empourprer.

Mark referma ses doigts sur mon poignet, très doucement.

’Parfois. Ça dépend’, répondit-il.

Etait-ce encore un effet de lumière, ou alors son regard s’embua de larmes ? Je n’eus pas le temps d’analyser le phénomène, parce que le serveur arriva à ce moment précis.

’Je vous sers quoi ?’

’Je vais prendre un whisky’, fit Mark. ’Caroline ? Tu en restes au café, ou tu veux goûter autre chose ?’

Je me surpris à hésiter en lisant la carte. Quelque chose en moi me soufflait de boire encore un peu, pour voir jusqu’où les choses iraient. Mais, d’un autre côté, j’avais peur de faire une bêtise. Jamais aucun garçon ne m’avait fait autant d’effet que lui. Si je me laissais aller, je risquais de ne pas savoir m’arrêter à temps…

’Tu me conseillerais quoi, sinon ?’ finis-je par demander.

Il hésita à son tour. Son regard était on ne peut plus brûlant.

’Ils font de très bons cocktails, ici. Mais avec ton dossier à rendre, je ne sais pas si c’est raisonnable…’

’En fait, je peux aussi le rendre après-demain à partir de 13H. C’est juste que ça m’arrangeait moins, mais…’

’La note sera pour moi, et le prix, ne t’en soucie pas’, m’encouragea Mark. ’C’est toi qui vois.’

Finalement, Mark commanda son whisky, du ponch, et un mélange dont le nom m’avait échappé. J’avais choisi de ne pas être raisonnable. La main de Mark sur mon poignet, caressant mes doigts, me faisait perdre la tête. J’avais tellement envie que ça aille un peu plus loin entre nous !

Le serveur nous apporta le tout sur un grand plateau et donna l’addition. Je fus horrifiée en voyant le prix, mais Mark sortit une liasse de billets de son portefeuille avec un sourire rassurant et, en prime, dit au serveur de garder la monnaie.

Je ne comprenais plus rien. N’avait-il pas dit qu’il ne travaillait pas ?

’Tu as gagné à la loterie ?’ demandais-je en portant un verre multicolore à mes lèvres.

’Ne t’inquiète pas’, ce fut son unique réponse.

Je ne savais pas ce que je buvais, mais c’était drôlement bon. Le goût était très sucré ; on ne sentait guère l’alcool. Pourtant, Mark m’avait prévenu que c’était très alcoolisé.

’Doucement, Caroline. C’est traître’, m’avertit-il de nouveau avec un sourire indulgent, en voyant que j’arrivais à la moitié de mon verre en à peine quelques gorgées.

’Ah mais ça… va.’

Mon « va » ne fut pas très convaincant, parce que je me sentis toute drôle. Ce que j’avais bu chez Sam un peu plus tôt n’avait pas encore été éliminé, et ça semblait accentuer les effets de ce que je venais d’avaler. Une bouffée de chaleur monta en moi. Je me sentis un peu somnolente. De son côté, Mark se resservait du whisky. Son visage avait pris de bonnes couleurs ; je devais avoir plus ou moins les mêmes.

Je me laissai aller contre le dossier du canapé. Je me sentais bien. Toute tranquille. Ma timidité s’était envolée loin, très loin de moi, et ce siège était tellement confortable, si douillet…. Je soulevai la main de Mark, qu’il avait posée sur sa cuisse, et je la pris entre les miennes. Je me mis à jouer avec ses doigts.

Il sembla ravi de mon initiative, et je lui rendis un sourire éclatant.

’Je trouve que tu as de très belles mains’, déclarais-je en ne reconnaissant pas ma voix.

’Ah, tu trouves ?’

Il porta son autre main vers mon visage et, du côté de son index, il me caressa délicatement la joue.

’Oui… J’adore tes doigts.’

’C’est vrai ?’

Son pouce accompagna le mouvement de son index sur mon visage. Il effleura mes lèvres, puis remonta plus haut, pour écarter une mèche rebelle de mon front. Je fus parcourue d’un très agréable frisson, et une autre sorte de chaleur m’envahit. Il ne s’agissait plus des effets de l’alcool, non. Les muscles de mon bas ventre se contractèrent légèrement, engendrant une sensation de plaisir qui se répercuta par vagues un peu plus bas. Je serrai les cuisses, un peu gênée malgré tout.

Mark se rendait-il à quel point il éveillait la femme qui était en moi, ou alors ne se doutait-il même pas que d’aussi simples caresses puissent me procurer un tel effet ?

Tout semblait tourner au ralenti. Je n’étais plus vraiment moi-même. C’était comme une sorte de rêve, où je ne contrôlais les évènements qu’à moitié. Ma conscience des choses s’estompait lentement, mais de plus en plus. J’étais déconnectée de tout ; je ne sentais que la douceur des doigts de Mark sur mon visage. Lorsqu’il descendit cette main au niveau de mon cou, pour y effectuer de tendres pressions, je réalisai seulement que j’avais fermé les yeux. Lorsque je les rouvris, son visage n’était plus qu’à quelques centimètres du mien ; que dis-je : millimètres… Je me sentis littéralement aspirée par son regard, plus intense et brillant que jamais.

Il ne s’écoula même pas une seconde entre le moment où je compris qu’il allait m’embrasser, et celui où je sentis ses lèvres sur les miennes. Je n’eus ni le temps de protester, ni celui de donner mon accord. Sa langue se glissa dans ma bouche, cherchant la mienne. La sensation me déstabilisa et je ne fus pas certaine qu’elle fut plaisante, mais je n’eus pas la force de m’écarter. Je sentis sa langue s’enrouler autour de la mienne. C’était à la fois doux et brutal, à la fois tendre et impatient. Je ne savais pas comment ces termes pouvaient être conciliés, et pourtant…

Sa main droite revint sur mon visage, puis se glissa dans mes cheveux. Je me sentis fondre. Je lui rendis son baiser. Nos langues s’entremêlaient, se caressaient, se fuyaient… Je laissais Mark diriger ce baiser. Je m’adaptais à son rythme, qu’il variait de temps à autre. Ma tête tournait, mais ce n’était pas seulement à cause de l’alcool. Je me sentais si merveilleusement bien ; j’oubliais le reste du monde. Je sentais son bras autour de ma taille, sa main dans mon dos, massant, montant et descendant…

A bout de souffle, je plaçai mes deux mains sur son torse ferme et musclé, et le repoussai doucement. Ses lèvres décollèrent des miennes et il les embrassa au passage. Je me sentis un peu mal à l’aise de devoir ensuite essuyer un peu de salive du coin de ma bouche du revers de ma main, mais Mark fit comme si de rien n’était. Il m’adressa un sourire attendri et passa son bras autour de mes épaules en se laissant aller à son tour contre le dossier du canapé moelleux. Sa main pendait mollement près de mon visage. J’y glissai la mienne, enroulant mes doigts autour des siens. Il me facilita la tache en écartant ses doigts, et il me rendit la pression en venant les refermer sur les miens.

’Je me sens si bien, là…’ murmura-t-il, comme pour lui-même.

Puis, il tourna sa tête vers moi et déposa un grand bisou sur mon front.

’Merci, Caroline…’

« Merci ? Mais pourquoi ? Dois-je le remercier aussi ? », m’interrogeai-je, étonnée. Ça me semblait curieux de dire merci après avoir embrassé quelqu’un…

Embrassé quelqu’un…

Mark et moi venions d’avoir notre premier baiser. C’était peut-être un peu trop rapide, mais bon… Pour moi, ça voulait dire que, désormais, nous étions « ensemble ». On allait se revoir ; être un couple. Sortir ensemble, quoi…

’Moi aussi, je suis bien, là, avec toi…’, déclarais-je, ravie de pouvoir le dire aussi facilement (merci mélange au nom impossible à retenir !…)

Était-ce qu’une impression, ou bien alors Mark s’était-il crispé, à cette phrase ? Je levai les yeux vers lui, tout en en faisant autant avec mon verre. Effectivement, dans la lumière tamisée du bar, son visage était d’un seul coup redevenu très sérieux, voire froid. Son regard me parut soucieux.

’Quelque chose ne va pas ?’ demandais-je, interloquée.

’Rien. Tout va bien’, s’empressa-t-il de répondre, en tendant sa main vers la bouteille de whisky. Il se servit un autre verre et le vida d’une traite. Ça me coupa l’envie de finir mon verre à moi, que je reposai sur la table, les sourcils froncés.

Quelques secondes plus tôt, il affichait un si beau sourire ; il semblait si heureux… Et voilà que, d’un seul coup…

Décidément, il y avait quelque chose de pas très clair, le concernant. Même l’esprit embrouillé par l’alcool, j’en fus bien consciente. Cette tristesse dans ses yeux, ce mystère sur sa vie, cet argent qu’il sortait comme si de rien n’était alors qu’il était sans-emploi…

Cette tristesse… Surtout cette tristesse… Que je voyais encore, là, si clairement…

Percevant ce qu’il se passait en moi, il m’adressa un sourire qui se voulut rassurant. Il me caressa les cheveux et laissa sa main sur mon omoplate.

’Je suis vraiment ravi de t’avoir rencontrée, Caroline.’

Pourquoi, pourquoi est-ce que cette phrase sonna à mes oreilles comme une façon de me dire au revoir ?

’Tu ne veux pas me dire ce qui te préoccupe ?’ insistai-je.

’Mais rien !’ il se força à rire. ’Pourquoi crois-tu que je suis préoccupé ?’

Je ne répondis pas.

Ses lèvres souriaient, ses yeux n’exprimaient plus rien. Il libéra son bras de derrière mes épaules et se passa les mains sur le visage.

’Je commence à être un peu fatigué, à vrai dire. C’est tout’, assura-t-il.

’Tu veux qu’on y aille ?’

Il se frotta les yeux avant de les plonger dans les miens :

’Si ça ne te dérange pas.’

C’était l’une des plus belles soirées de ma vie, mais le charme était bel et bien rompu. Rester là ne servirait plus à rien, désormais. Alors je lui répondis que ça ne me dérangeait pas du tout d’y aller maintenant ; que j’étais épuisée, moi aussi. Il sembla vaguement soulagé. Nous nous levâmes et il me fit passer devant lui, m’aidant à passer entre le canapé et la table. A ce stade de la soirée, c’était bien plus délicat à faire que ça ne le semblait.

Il embarqua la bouteille avec lui. Je n’étais pas certaine que ce soit autorisé. Voyant mon regard étonné, il me déclara qu’il connaissait bien le patron ; qu’il n’y avait aucun souci.

Aucun souci, sauf qu’il allait de toute évidence vider cette bouteille tout seul. Ou alors, il allait la laisser de côté pour faire ses mélanges ; je voyais peut-être tout trop en noir…

Il ne me reprit pas la main dans la rue. Nous marchâmes jusqu’à mon appartement quasiment dans le silence le plus total. De temps à autre, il plaçait un commentaire sans aucune importance, je faisais de même. Mais il ne s’agissait que d’un moyen de rompre le silence ; le cur n’y était plus.

’Voilà ; c’est ici’, indiquai-je en stoppant devant la porte d’entrée de mon immeuble. ’Merci de m’avoir raccompagnée.’

’De rien ; ce fut un plaisir’, répondit-il poliment.

’Tu… Tu veux monter ?’ hasardai-je.

’C’est tentant, mais je te remercie… Je vais rentrer chez moi ; dormir un peu.’

’Je ne voulais pas dire que… Enfin, je ne suggérais pas…’ me défendis-je, maladroitement.

’C’est bon ne t’en fais pas ; j’ai bien compris.’

Il me lança un clin d’il qui ne semblait pas avoir sa place sur son visage toujours aussi fermé.

’Bon ben… J’y vais…’ marmonnais-je.

J’étais déstabilisée par la situation, je sentais qu’il y avait un grand malaise quelque part, mais, néanmoins, je ne pouvais pas m’empêcher d’espérer, de croiser les doigts, de prier très fort pour que…

’Je peux prendre ton numéro, Caroline ?’ me demanda-t-il.

Ce fut un grand soulagement.

Nous échangeâmes nos numéros de portable et il se pencha vers moi pour dire au revoir. Je m’étais attendue à la douceur de ses lèvres sur les miennes, une fois de plus. Mais non. Il me fit la bise, tout simplement. Comme si le baiser phénoménal de tout à l’heure n’avait jamais existé… Heureusement que les jours qui suivirent furent chargés pour moi ; sinon, je pense que j’aurais passé des heures et des heures à broyer du noir en me demandant pourquoi Mark ne m’appelait pas. Vrai ; j’avais son numéro, je pouvais l’appeler aussi ou, au moins, envoyer un SMS, mais… non. Ma fierté, bien que blessée, me disait que ce n’était pas à moi de le faire.

Le seul appel que je reçus fut celui de Sam ; le lendemain de cette soirée qui avait si bien commencé et si étrangement fini. Un coup de fil assez curieux. Sans avoir l’air d’y toucher au départ, puis y allant carrément sur la fin, il avait voulu savoir comment s’était passé mon retour chez moi ou, plus précisément, si Mark avait « tenté quelque chose ». J’avais été aussi évasive que possible ; j’avais déclaré que tout s’était bien passé, refusant d’entrer dans les détails. Alors, il s’était mis à faire pression sur moi pour savoir si Mark me plaisait. D’après lui, oui. Il n’en doutait pas ; à croire qu’on pouvait lire en moi comme dans un livre.

’Pourquoi me demandes-tu ça ?’ avais-je voulu savoir.

’Ecoute…’ sa voix devint bizarre. ’Mark est un gars cool, mais… Je le connais. Ce n’est pas…’

’Mais qu’est-ce qui te fait dire qu’il… ?’

’Je le connais, Caro’, m’interrompit-il assez sèchement. ’Il y a des choses que tu ne sais pas.’

’Eh ben, éclaire-moi’, le défiai-je, contrariée et intriguée à la fois.

Il avait soupiré.

’Ce n’est pas une conversation à avoir au téléphone. Tu pourrais passer chez moi ?’

’Aujourd’hui c’est impossible. En fait, ça restera impossible jusqu’à la fin de la semaine.’

’Vendredi soir, ça t’irait ?’

Il avait piqué ma curiosité.

’D’accord pour vendredi soir. Mais… Pourquoi tant de mystère ?’

Il y eut un long silence, puis Sam me répondit :

’Tu es une fille que j’apprécie beaucoup, Caro. Une fille bien. Je ne tiens pas à ce que…’

J’entendis du bruit derrière lui ; une voix qui l’appelait.

’Caro, je dois te laisser. Passe vendredi ; on en reparlera.’

Et il avait raccroché.

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