Je passai de plus en plus de temps à la boutique. Insidieusement, Ghislaine uvrait pour me laisser totalement autonome et me laissait carte blanche jusquaux commandes. Je proposai dinstaller un rayon lingerie et mettre en avant les porte-jarretelles et serre-tailles quelle mavait fait découvrir et adopter. Ghislaine ne sy opposa pas, bien au contraire.

On était mercredi. François était rentré de voyage et le couple mavait proposé de rester diner. Jacceptai et, comme je lavais pressenti, nous terminâmes au lit.

— Tu veux bien revenir demain ? me demanda François. Ghis est de sortie et je ne veux pas rester seul.

— Oui, pas de problème.

Il minvita au restaurant. Un restaurant chic où je dégustai une nouvelle fois des plats dignes de Top Chef. Etre riche avait quand même du bon. Nous rentrâmes pour aller directement dans la chambre conjugale. Je me lançai dans une fellation et tentai davaler son sexe dans son intégralité comme mavait appris Ghislaine. Lorsquelle me montra pour la première fois, elle avala son sexe du premier coup. Jouvris des yeux comme des soucoupes devant la performance. Je navais pas encore atteint son niveau mais François me félicitait à chaque fois.

Il me fit lamour toujours aussi tendrement et respectueusement. Si je navais pas dorgasme intersidéral, je ressentais quand même un certain plaisir dans ses pénétrations anales. Je me surpris même à gémir comme une femme.

Plus tard dans la soirée, nous entendîmes du bruit dans lappartement ? Ghislaine rentrait de soirée et elle nétait pas seule. A ses rires déformés par labus dalcool se mêlaient ceux dune autre femme. Je savais le couple libertin et bisexuel mais je ressentis presque un peu de jalousie de savoir Ghislaine dans dautres bras.

Très vite, des gémissements sans équivoques traversèrent les murs depuis la chambre damis.

Je me réveillai seul. François devant partir tôt. Je préparai le café, ce qui fit venir Ghislaine et sa conquête, toutes les deux dans le plus simple appareil.

— Je te présente Eliane. Eliane, Chloé, mon employée à la boutique et aussi amante. Ou amant.

Eliane écarquilla les yeux dincompréhension.

— Tu lui montres ? me demanda ma patronne

Jécartai les pans de mon kimono, cadeau de Ghislaine, pour dévoiler ma vraie nature.

— Ah ben merde alors, sexclama Eliane. Cest la première fois que je croise une personne comme toi.

Puis sadressant à Ghislaine :

— Et au lit ?

— Elle est parfaite.

Je servis le café à ces dames qui sinstallèrent, toujours à poil sur les tabourets du comptoir qui séparait la cuisine du salon-salle à manger.

— Eliane est une copine denfance, mexpliqua Ghislaine. On a fait les quatre cent coups ensemble. On sortait ensemble, draguait les mecs quon séchangeait parfois. Et bien sûr, très vite, on a joué à touche pipi qui est devenu plus car affinité. Elle a été mon témoin à mon mariage et moi au sien. Et je suis aussi la marraine de sa fille Alexia. Voilà, tu sais tout.

Eliane se doucha, avec sa copine cela va sans dire

— Jespère quon se reverra, me dit Eliane. Jai très envie de vérifier les dires de ma Gigi.

Elle embrassa à pleine bouche sa copine, me fit une bise appuyée et quitta lappartement.

— Sacré numéro que ma Lili, dit Ghislaine.

— On dirait, oui. Ghislaine, je peux vous poser une question ?

— Bien sûr !

— Cest gênant, dis-je. Et jespère que je me fais de fausses idées.

— Tu peux tout dire, tinquiète.

— Je ne veux pas mettre la pagaille entre vous, mais jai limpression que François est amoureux de moi.

— Ah, tu as remarqué aussi ? François sest découvert une attirance folle pour les jeunes hommes, des garçons dans la trentaine, plutôt fins, élancés. Un peu comme toi, en termes de morphologie. Et en effet, tu lui as tapé dans lil. Oh, ce nest pas de ta faute. Je sais pertinemment que le jour où il rencontrera la perle rare il me quittera pour aller avec lui.

Je sentis comme une pointe de déception dans sa voix.

— Par contre, continua-t-elle, il ne recherche pas particulièrement les travestis. Les hommes féminisés ne lattirent pas. Mais toi, cest une exception. Bien sûr, il te préfèrerait en garçon. Mais tu lui plais beaucoup. Il aime faire lamour avec toi.

— Je comprends mieux pourquoi il me demande de me déshabiller complètement et de me démaquiller chaque fois quon couche ensemble. Et cous, il ne vous touche plus ? demandé-je.

— Si, mais juste pour me faire plaisir.

— Je vois. Mais moi, je ne suis pas attiré par les hommes. Daccord, jaime aussi faire lamour avec lui. Cest très agréable. Mais je préfère de loin les femmes.

— Je le sais bien. Et François aussi. Il est pleinement conscient que toi et lui, cest impossible. Cest pour ça quil se contente de te faire lamour chaque fois quil le peut. Et même sil ne te le dit pas, je sais quil est très heureux de passer ces moments entre vous deux.

— Je suis désolée, dis-je. Mais je ne pourrai pas lui donner plus.

— Ne le soit pas ma chérie. Ne le soit pas. Ce que tu fais, cest déjà beaucoup.

Ghislaine me serra dans ses bras, pour me réconforter mais aussi pour cacher sa peine devant une séparation qui devenait inéluctable.

Comme elle me lavait promis, Eliane revint quelques jours plus tard mais il ne se passa rien. Et pour cause, elle était accompagnée de son mari, Hervé, et de sa fille Alexia. La famille sétait invitée à limproviste. Je faisais la fermeture de la boutique et Ghislaine me proposa de rester diner. Et quand Ghislaine « proposait », il fallait comprendre « ordonnait ».

Visiblement, Ghislaine avait déteint sur sa copine, elle aussi adepte des talons hautes et des serre-tailles dont les jarretelles se dessinaient sur la jupe moulante. Par contre, sa fille ne semblait pas avoir pris le virus car elle était en jean basket, sans être un garçon manqué pour autant. Alexia était une jeune femme, vingt-cinq ans environ, des cheveux longs châtain clair, des yeux bleus aux cils lourdement chargé de mascara. Plutôt fine comme moi, elle arborait une poitrine généreuse héritée de sa mère.

Jaidai à préparer le diner et au service. Eliane me chambra gentiment sur mes qualités de soubrette. Café, pousse-café.

— Dites les jeunes, dit Eliane, vous ne voulez pas aller faire un tour dehors ?

— A cette heure ? sinsurgea Alexia.

— Ben oui ! Je suis sure que les bords de Seine sont très jolis.

— Bon daccord, capitula Alexia.

Je la suivis à lextérieur, trottinant sur mes talons hauts derrière elle. Je savais pertinemment pourquoi on avait été mis à la porte. Et Alexia aussi. Et si moi, je men foutais un peu, Alexia, elle, était en colère.

— Jaurai mieux fait de rester à la maison, maugréa-t-elle.

— Je suis désolée, dis-je, compatissante.

— Oh, tu ny es pour rien. Ce nest pas de ta faute si jai des parents qui ne pensent quau cul. Et toi, ça ne te dérange pas ?

— Pourquoi ça me dérangerait ? Chacun est libre de faire ce quil veut.

Mais en disant cela, je me demandai si moi-même je faisais ce que je voulais. Et surtout, si javais fait ce que javais voulu.

Je neus pas le temps de répondre à ma question car Alexia minterrogea sur ma relation avec Ghislaine, qui jétais, doù je venais

— Tu es vraiment un garçon ? me demanda-t-elle.

— Oui. Tu veux vérifier ?

— Non, non, je te crois sur parole. Et tu as été acteurtrice ?

— Oui, aussi.

Je décrivis mon parcours cinématographique, ma gloire, ma déchéance. Et mon arrivée chez Ghislaine.

— Et tu couches avec elle aussi ?

Jhésitai un instant avant de répondre.

— Oui, dis-je

Et tant pis pour limage quelle aurait de moi.

— Et toi ? Tu fais quoi comme job ? Tu as quelquun dans ta vie ?

— Je suis assistante de direction. Et non je nai personne dans ma vie. Enfin plus maintenant.

— Oh …

— Ne tinquiète pas. Sous ses airs de gendre idéal, cétait un gros con. Et toi ? Célibataire aussi ?

— Oh oui. Qui voudrait vivre avec une personne comme moi ? Ni homme ni femme.

— Redevient homme alors.

— Pas possible. Je me sens trop bien habillée en fille. Et puis, je naimais pas le garçon que jétais. Trop complexé.

— Et quest ce ça change dêtre en fille ? demanda Alexia peu convaincue par mes arguments.

— Tout ! Habillée en fille, je cache le garçon que jétais, ses complexes, sa timidité maladive. Chloé na pas tous ces défauts.

— Mouais Tu es un peu tordue quand même.

— Possible. Nempêche, je me suis jamais aussi bien sentie que depuis que je mets des jupes.

— Tu aimes ça ?

— Oui. Ça et les talons hauts, les bas, le maquillage.

— Pourtant tu ne nas pas de poitrine.

— Non, je nen ressens pas le besoin ni la nécessité. Je ne fais que mhabiller en femme. Mais je ne me sens pas femme au fond de moi, comme cest le cas pour les transsexuels par exemple. Je naspire pas à changer de sexe. Je mets des jupes, comme toi un jean. Cest tout.

Alexia se fit silencieuse, toute à ses réflexions. Son téléphone sonna.

— On arrive, dit Alexia bougonne.

Je me retrouvai de plus en plus souvent seule à la boutique et ce qui était un CDD au départ devint un CDI. Javais un salaire fixe plus une prime en fonction du chiffre daffaire. Je pris linitiative de conclure un partenariat avec une boutique de lingerie et une autre de chaussures. Un achat dans ma boutique donnait droit à une ristourne chez mes partenaires. Et inversement bien sûr. Ma clientèle augmenta, pas de façon spectaculaire, mais elle augmenta.

Alors que je conseillais une cliente, mon téléphone vibra. Un sms dAlexia. Je fus assez surprise, non pas que lon se soit quitté en mauvais termes, mais je ne pensais pas quelle me recontacterait.

« serais-tu libre un soir, pour passer un moment. Alexia »

« quand tu veux. Chloé »

On se donna rendez-vous pour le lendemain, devant le forum des Halles. Lendroit ne me plaisait pas trop vu la fréquentation. Mais je nétais pas en position de discuter.

Jarrivais un peu en avance et inquiète dêtre prise à partie. Mais il y avait encore assez de monde pour que je ne risque rien. Alexia arriva peu de temps après. Je failli ne pas la reconnaitre car elle avait troqué son jean-basket pour un tailleur jupe et escarpins à talons.

— Tu es très jolie, dis-je après lui avoir fait la bise.

— Tenue de travail, répondit-elle comme si cétait une corvée de shabiller ainsi.

On se rendit dans une brasserie où lon dina et discuta un long moment. Très long moment même. Le serveur nous demanda gentiment de quitter la salle. On se rendit à la Guinness Tavern pour une bière et écouter un peu de musique.

Un taxi me ramena chez moi au milieu de la nuit.

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