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Je ne suis pas lesbienne, mais… – Chapitre 1




Noëlla et Patricia, deux amies, sont colocataires et, depuis peu, célibataires et esseulées. Pourtant, elles sont jeunes, charmantes, pleines de personnalité, mais la conjugaison d’un emploi du temps surbooké et d’une longue série de désillusions amoureuses réduit à zéro leur motivation de repartir à la chasse à Monsieur Parfait.

En attendant, même si elles n’en parlent pas trop, une douce déprime s’installe en elles. Le choc de la rupture, cela va, elles l’ont surmonté, mais il y a désormais un grand vide dans leur vie sociale, ce qui fait qu’elles passent plus de temps qu’elles ne le voudraient à regarder des bêtises à la télé et à lire des magazines people pas très malins. Surtout, la nuit venue, dans la solitude de leurs draps, elles regardent le plafond en rêvant d’un peu de chaleur humaine…

Un soir, en rentrant du boulot, Patricia est résignée à l’idée de passer une soirée de plus à tourner en rond dans l’appartement. Elle dépose le courrier sur le buffet de l’entrée, et fait quelques pas jusqu’au salon, et là, alors qu’elle ne se doutait de rien, elle voit Noëlla, en train de se faire du bien.

La petite rouquine est affalée dans le sofa, tout juste vêtue d’une petite culotte et d’un vieux t-shirt confortable, mais troué. Une de ses mains est paresseusement en train d’agacer un de ses tétons, l’autre manipule un coussin dont un coin est logé entre ses jambes, chaque mouvement de poignet animant l’objet en une caresse moelleuse.

Le regard de la jeune femme est braqué sur l’écran, même si l’on n’y voit rien d’autre que de la pub. Elle ne s’est pas aperçu qu’elle a de la compagnie et continue à se faire du bien, ses traits reflétant un plaisir mêlé d’ennui.

Depuis le lycée, Patricia n’a jamais vu une fille se masturber. D’abord choquée par cette impudeur inattendue, elle se retrouve ensuite amusée par le spectacle, souriant avec complicité à ce qui est en train de se passer. Peu à peu pourtant, elle se retrouve intriguée.

Elle ne se signale pas tout de suite, préférant regarder le coussin faire des va-et-vient entre les cuisses de Noëlla, écouter ses soupirs infimes, en admettant que oui, cet étalage impudique lui fasse quelque chose. Le scintillement moite qui éclot entre les jambes de la rousse à chaque passage de coussin réveille des appétits qu’elle croyait enfouis, mis entre parenthèses. Sans s’en apercevoir tout de suite, sa respiration s’alourdit et elle sent naître au plus profond d’elle une lascivité qui devient de plus en plus exquise, à mesure que les mouvements répétitifs s’enchaînent et que les échos des soupirs envahissent les murs.

Patricia aussi a passé pas mal de temps à se palucher ces derniers jours, et elle est loin de juger l’attitude de son amie. Au contraire, elle envie son insouciance. Mais cette impudeur, doublée de l’étalage du plaisir de Noëlla en train de grimper, creusant des sillons sur son front et tendant les muscles de son abdomen, est loin de laisser la jolie brune indifférente. Une boule, agréable, moite et brûlante, s’installe dans son bas-ventre, et appelle des gestes qu’elle n’a pas l’habitude d’exécuter en public…Ses doigts, sans rien demander à son cerveau, se dirigent tous seuls vers l’ourlet de son legging.

Soudain, Noëlla aperçoit Patricia.

C’est l’affolement : la rouquine pousse un cri aigu. D’un geste, elle balance le coussin qui va percuter l’écran de la télé. Un pur geste de panique.

Oh non non non. Oh ! Pardon; c’est trop la honte ! Je suis morte…dit-elle, confuse, ses joues devenant rouges alors que, par réflexe, elle tente de cacher sa poitrine et son entrejambe, ce qui ne fait que rendre sa posture plus érotique.

Patricia soupire, tout en retirant stratégiquement l’extrémité de ses doigts du chemin qu’ils s’apprêtaient à emprunter. Elle est lasse et n’a aucune envie de se lancer dans une polémique. Elle n’a même pas la force de rire. A la place, elle s’effondre sur le canapé, juste à côté de Noëlla, la regarde, et lui dit:

Tu sais quoi ? On est des adultes, on est des amies. Il n’y a vraiment aucune raison qu’on soit embarrassées par un truc comme ça, d’accord ?

Noëlla hoche la tête, rassurée, mais encore honteuse.

On le sait bien qu’on se masturbe, non ? poursuit la brune. "Pas grand-chose d’autre à faire, dans notre situation, non ?"

Elles soupirent à l’unisson, lamentation silencieuse qui réveille en elle la solitude de leurs corps injustement délaissés.

D’ailleurs, si ça ne te dérange pas.

Les yeux de la rouquine s’écarquillent:

Attends.

Elle n’en croit pas ses oreilles.

Quoi ?

Pourtant, Patricia s’exécute. Elle baisse son legging et glisse sa main dans sa petite culotte, adressant un demi-sourire embarrassé à sa colocatrice comme si elle était trop fatiguée pour s’excuser de se donner ainsi en spectacle.

Très gênée, Noëlla voit les doigts de son amie disparaître derrière ses sous-vêtements. Pourtant, l’embarras que suscite ce comportement est mélangé à un autre sentiment, moins civilisé, plus incontrôlable. Avoir été surprise en pleine masturbation comme elle l’a été, puis voir sa meilleure amie se toucher à son tour crée entre elles une connexion qui n’existait pas jusqu’ici, un contact érotique qui ne prend pas encore la forme d’un désir, mais qui est clairement de nature sexuelle.

Les phalanges tendues qui disparaissent sous le coton de la lingerie de son amie, le mouvement de va-et-vient qu’elles impriment à l’étoffe, l’humidité qui l’imbibe, ce qu’on peut deviner de ce qui se trame là, en dessous de ces doigts enfouis dans le délice des chairs: elle n’en perd pas une miette. Le rythme de sa respiration se cale sur celui de cette main qu’elle ne quitte pas des yeux : dedans, dehors – inspiration, expiration.

Avant même qu’elle en prenne conscience, Noëlla a recommencé à se masturber. Elle regarde Patricia et Patricia la regarde. Les yeux des deux amies épient l’une chez l’autre les signes du plaisir qui grimpe; leurs traits qui se déforment, leurs respirations qui s’alourdissent, leur voix qui s’enrayent signent que des sensations, qui seront bientôt incontrôlables, sont en train d’envahir leurs corps… Puisqu’elles ont choisi de laisser de côté la pudeur, elles assument jusqu’au bout et se sourient, un peu coquines, un peu honteuses : exactement la même expression chez l’une comme chez l’autre.

Les yeux de Patricia se ferment, puis s’ouvrent grand, figés dans une expression qui ressemble à la surprise, alors qu’elle pousse un cri de gorge. Elle jouit, et le spectacle de sa pâmoison précipite l’orgasme de Noëlla. Cela grimpe, cela grimpe, puis cela éclate; tous leurs muscles se tendent, et pendant un instant, la transe évacue tous leurs soucis. Il n’y a plus que des spasmes délicieux qui se répètent decrescendo, alors que les deux copines laissent échapper un rire essoufflé.

Elles reprennent leur souffle; chacune, de son côté, rigole de concert, mi-embarrassée, mi-conquise.

Pfiou ! dit la brune. "C’était complètement dingue, mais je mentirais si je prétendais que je n’en avais pas besoin."

Noëlla ne dit rien. C’est les feux d’artifice dans sa tête, et pas uniquement à cause des dernières vagues du plaisir.

Pendant la nuit, cela cogite dans les têtes des deux filles. Dans leur esprit, elles ont du mal à classer l’événement : était-ce une anecdote parfaitement banale, un truc marrant qui est arrivé, mais qui n’aura aucun prolongement, ou le signe sous-jacent d’envies que ni l’une ni l’autre n’est totalement prête à définir trop précisément ?

Elles ne parviennent pas à trancher, même si les images de cette masturbation réciproque tournent en boucle dans leurs mémoires et charrient avec elles d’autres images et d’autres envies avec lesquelles aucune des deux n’est confortable…

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