C’est toi qui l’as choisi. C’est toi qui as choisi l’homme à qui tu vas confier mon plaisir, sachant que celui-ci ne serait rien sans ta présence.

Tu l’as choisi en fonction de mes critères, mais selon ton propre feeling.

Tu l’as choisi mince,  les traits fins les yeux sombres. De longs cils : des yeux de fille, et des cheveux bouclés, un sourire d’enfant…

Où l’as tu rencontré ?

Dans l’avion du retour de Bogota. Mannequin, il venait faire un shooting à Paris pour la première fois. Il était excité  et volubile à cette idée. Il t’a fait parler de Paris, il t’a parlé des femmes, ces françaises qui le font rêver, si élégantes… mais si intimidantes. Quand il s’est assis à côté de toi dans l’avion l’idée t’est tout de suite venue : il plairait à Léo. 

Il a beaucoup parlé, il t’a dit qu’il aimait les hommes aussi, mais qu’à Paris il voulait rencontrer des femmes, et ses yeux brillaient.

L’idée s’est développée dans ton esprit, tu regardais ses mains : fines, aux longs doigts nerveux, tu les imaginais sur mon corps. L’idée t’a excité, tu as fermé les yeux. 

Comment tu lui as parlé de moi, comment tu lui as vendu notre fantasme, je ne sais pas… Je ne sais que ce que tu m’en a dit.

Je ne l’ai pas vu, et je ne le verrai pas. Je n’ai que ta description pour l’imaginer, et ton récit m’a embrasée.

 

A l’hôtel tu m’as bandé les yeux puis tu m’as déshabillée, ne me laissant que les bas et le porte-jarretelles, pour l’image : le contraste que forme ma peau blanche à la lisière des bas, mon sexe cadré par les jarretelles, comme un tableau. Ce faisant tu me parlais de lui, me murmurant les détails de son physique d’ange brun. Il te plait aussi, je l’entends dans ta voix, une pointe de jalousie me pique, mais je me laisse emporter par tes mots, ton souffle et tes mains… et l’idée de son arrivée prochaine.

Mon ventre se creuse d’envie sous la caresse de tes mains mais tu ne me touches pas où je voudrais tes doigts.

Puis tu utilises les bracelets de cuir pour m’attacher au lit, les bras levés, les jambes écartées.

Ce n’est pas la première fois, nous aimons jouer et j’aime que tu me domines ainsi, me livrer à toi, me soumettre à tes désirs. Parce que je le veux bien.

Le plaisir anticipé et l’excitation électrisent mon corps, avoir les yeux bandés décuple ma sensibilité, mon sexe est enflé comme un fruit mûr, quand tu l’effleures du doigt comme par inadvertance je sursaute et cambre violemment mon corps, tendant mes entraves. Je suis totalement à ta merci et cela me comble. Tu m’embrasses doucement quand je veux que ta langue me fouille, tu me caresses délicatement les cheveux quand je veux que tes doigts me possèdent…

A mon oreille tu murmures combien tu apprécies la beauté du spectacle, mon corps entravé et exposé, combien l’image t’excite, combien ce qui va suivre décuple ton envie de moi…

On frappe à la porte, je sursaute et mon cur s’affole. Après une dernière caresse et un baiser dans mes cheveux, « Te quiero, amorsita » tu te lèves et vas ouvrir…

 

Hola Emilio

Hola Bruno

 

J’entends vos pas, Emilio semble marcher sur la pointe des pieds, il s’arrête, au pied du lit, je crois. Je me concentre pour interpéter les bruits et les mouvements dans la pièce. Après un silence que je ne sais pas décrypter sans rien voir, Emilio semble décider de rester et murmure un timide « hola… Leo… »

Je souris dans sa direction,  « Hola »… la situation est un brin comique, que peut-il bien penser de cette femme attachée, offerte sur ce lit, que son amant lui-même lui propose ? Mais même cette interrogation ne peut faire retomber mon excitation. Mon désir est à son comble, jamais je n’ai vécu ça.

J’entends des pas vers la salle de bain, l’eau coule, je crois qu’Emilio se lave les mains… comme un médecin, l’idée traverse mon esprit, un scénario de thriller à base de serial-killer ou de chirurgien psychopathe….

La peur, délicieux frisson le long de mon échine, fait partie du plaisir, mais ma confiance en toi la tempère. Je sais que tu peux me protéger, je me suis confiée à toi.

Les pas se rapprochent. Un souffle s’approche de mon oreille, ce n’est pas le tien, ce n’est pas ton odeur. Une voix douce me rassure : « que guapa, Leo… me gustan tus piernas… me gusta tu piel [1] » tandis que les mains d’Emilio, tiédies par l’eau chaude, me caressent les jambes. Je ne sais pas où tu es, mais je frissonne sous la caresse. Ses ongles parcourent l’intérieur de mes cuisses, puis redescendent. Il est doux, j’entends sa respiration. Son autre main caresse mes seins, pince les bouts érigés , tire un peu plus fort, je frémis, il continue, je me cambre. Je t’entends enfin, tu es près de ma tête, peut-être sur le fauteuil : ta respiration s’accélère.

Emilio ne m’embrasse pas, cela fait-il partie de tes instructions ? Je passe la pointe de ma langue sur mes lèvres, bouche ouverte, je veux qu’il m’embrasse, ou toi, ça m’est égal, je veux une langue dans ma bouche, des lèvres sur les miennes. Tu comprends mon message et viens m’embrasser tandis qu’Emilio continue d’exciter mes seins, son genou remontant entre mes jambes. Ta langue me pénètre comme j’aime, et je tire sur mes liens pour venir à ta rencontre, le souffle court.

Les mains d’Emilio se déplacent, son corps aussi, le voici entre mes cuisses, ses doigts commencent à me toucher, me faisant tressaillir, ta bouche étouffant mon cri bref. Il caresse doucement mon sexe ouvert, ses doigts tournent autour de mon clitoris, l’as-tu prévenu de mes réactions à cette caresse ? Si c’est le cas il n’en n’a cure, il entre deux doigts au fond de mon sexe et de son autre main branle mon clitoris de plus en plus vite. Je ne peux résister, c’est mécanique, je me contracte et jouis violemment, je gicle et me sens couler sur ses doigts. Il se rapproche de mon visage, glisse ses doigts entre nos lèvres, nous faisant goûter mon parfum, nous les suçons et les léchons ensemble, nos langues se rencontrent et dansent autour de ses doigts.

Tu laisses ma bouche et je t’entends sucer les doigts d’Emilio, je me sens abandonnée,  jusqu’à ce qu’il mette les doigts de son autre main dans ma bouche, je les suce et les mords avec délice mais… tu me manques, mon amour !

Tu parles à Emilio, trop vite pour que je comprenne, il se lève, j’entends des bruits de tissu, un bruit métallique, il doit se déshabiller, il ne l’avait donc pas fait encore ! Tes doigts courent sur mon visage, caressent mon cou, mes lèvres, j’entends Emilio se rapprocher et soudain je sens une queue sur mes lèvres. Ce n’est pas la tienne. Elle est fine et souple, douce, elle caresse ma bouche, glisse sur mon visage, elle rencontre tes doigts. Tes doigts la dirigent, lui font parcourir mes joues, tu la caresses en même temps que mon visage, tu joues avec elle, j’entends Emilio grogner, je ne peux pas te voir, j’aimerais pourtant déchiffrer ton expression pour savoir ce que tu ressens à voir et diriger cette queue sur mon visage. Tu la glisses entre mes lèvres, je la lèche, caresse son gland de ma langue… Sa queue, tes doigts, ton souffle court, la vision t’excite je crois, pour moi c’est un cocktail de sensations détonantes, c’est trop, je n’en peux plus,  je râle, je tire sur mes entraves, le désir me tue, je veux qu’il me prenne, maintenant, je te le dis, tu traduis, il se déplace, docile (tes désirs sont des ordres ?).

Je l’entends qui s’affaire, déchire l’emballage du préservatif, je tremble dans l’attente, les secondes sont interminables, c’est un supplice ! Enfin il se place entre mes jambes, soulève mes fesses de ses mains, et il rentre doucement au début, puis plus fort et commence à bouger en maintenant mes fesses. Mon soupir est un soupir de soulagement et mon excitation est telle que j’explose instantanément, le corps arqué en arrière, je ne sais pas où tu es, tu ne me touches plus, ma voix est rauque, le souffle me manque, mon orgasme est terrible mais pourtant je me sens triste, tu me manques, je t’appelle, où es tu, ne pas te voir, ne pas te sentir est une torture. « Je suis là » me rassures-tu enfin en caressant mes cheveux, « je te regardais jouir et c’était magnifique » et tu promènes maintenant ta queue sur mon visage tout en la caressant de plus en plus fort.  « Je vais jouir, mi amor, je vais jouir dans ta bouche » me murmures-tu, et tu jaillis sur mes lèvres et t’enfonces dans ma bouche tandis qu’Emilio cramponne mes hanches et se crispe dans un cri. Alors je repars de plus belle, comblée par cette double présence, traversée de spasmes de plaisir comme par un courant électrique, les liens me font mal tellement je tire dessus, j’ai l’impression d’être démultipliée, les couleurs explosent dans ma tête j’ai rarement joui aussi fort, je jubile, je ris, je pleure, c’est …

Mon Dieu c’est cosmique !

« Je t’aime » soufflé-je avant de me laisser retomber, morte ou presque, la respiration haletante, mon cur battant à tout rompre.

Emilio se retire doucement en me caressant, il soupire et reste allongé, sa tête sur ma cuisse, sa main caressant mon ventre. Je n’ai toujours pas vu son visage… 

Tendrement, tu détaches les bracelets, caresses les marques laissées sur mes poignets, et me prends dans tes bras en t’allongeant. Emilio vient nous rejoindre et s’allonge lui aussi contre moi.

Seul le bruit de nos respirations rompt le silence de notre retour au réel.

 

 

[1] Que tu es belle, Leo. J’aime tes jambes. J’aime ta peau.

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