Les premiers jours de cours s’enchaînent, une routine interminable de présentations, salutations et autres salamalecs soporifiques qui m’ennuient bien vite. Un seul avantage à tout cela, celui de repenser à la soirée qui alluma un brasier de désir en moi, désir qui ne peut être assouvi en raison des heures tardives qui ponctuent les fins de journées. Cependant, le week-end pointant le bout de son nez, amenant avec lui les célèbres "soirées d’inté" dont mon frère aîné m’a autant vanter les mérites qu’inviter à aborder avec prudence en raison des abus en tout genre qui y sont légions.
Vendredi arrive enfin, une journée où les amphis tremblent des chuchotements incessants de mes camarades, tous et toutes impatients que le glas sonnant la fin du calvaire et annonçant le début des festivités se fasse entendre. Sexe, alcool, sexe, jeu, sexe… Les voix portent cette litanie depuis le matin, alimentant sans cesse mon imagination en images obscènes, craintes et appréhensions.
Un SMS fait vibrer mon mobile que je consulte sans crainte, le professeur ayant sans doute l’habitude de ce genre défervescence post w-e d’inté semble lui même amuser par l’état d’excitation palpable et continue. Le texto m’apprend que Claire ne peut me rejoindre qu’en milieu de soirée, car elle s’en va boire un verre à la fin de ses cours en compagnie d’un garçon de sa promo. Une nouvelle qui me pince doucement le cur sans que je ne lui fasse part de cette sensation. Nous nous connaissons depuis très peu, et malgré le moment très intime que nous avons partagé il y a de cela quelques jours, pas amies non plus pour le moment. Je réalise en cours de journée l’importance de la gêne qui me taraude, venant à m’interroger sur le pourquoi cela, pourquoi me prendre la tête à ce point pour une fille que je connais à peine ?
Bien heureusement, une camarade me rappelle au détour d’une conversation que nous sommes la pour nous amuser avant tout, un credo que je m’efforce de croire jusqu’à ne plus penser à Claire avec autant d’intensité.
Dix-neuf heures, un flot de jeunes adultes fuit l’établissement à pas rapide et le sourire aux lèvres. La semaine est terminée, enfin ! Contrairement aux gens qui m’entoure, je ne m’empresse pas de rejoindre l’appartement, traînant presque du pied en me rendant dans une épicerie au pied de celui-ci afin de prendre possession d’une bouteille d’alcool que je ne boirais sans doute pas, du moins pas avant de me retrouver en présence du joli brin de fille qui occupe mes pensées de manière permanente.
Un temps passe avant que je ne me décide à m’habiller, fouinant dans mes placards sans savoir que mettre, ce qui serait adapté ou non pour la soirée. Ce haut me parait trop voyant, cette jupe trop évasée, ce collier trop tape-à-l’il… Si seulement Claire était là pour me conseiller, au moins pour me dire ce qui s’accorde ou non… Mais elle est absente, occupée à minauder en compagnie de son abruti de camarade. Je ne m’explique ce qui me passe par la bête à ce moment précis que bien plus tard, car sur le moment, ma décision se justifie par un simple: "et merde, si elle joue, je jouerais aussi". C’est donc vêtue d’une paire de baskets en toile rouge, d’un minishort en denim microscopique et très moulant et d’un débardeur échancré noir à col haut que je passe le pas de la porte.
Dix petites minutes de marche me conduisent à un groupe de camarade de promo au point de rendez-vous. Nous discutons un peu en prenant la route du bar privatisé pour l’occasion, ceci me permettant de me vider un peu la tête. Je remarque les coups d’il en coin de la part de l’un d’entre eux, un grand brun à la voix forte et au t-shirt serré faisant ressortir une paire de pectoraux à rendre jaloux ses pairs. Cela m’amuse un peu, puis de plus en plus, me surprenant même à passer une main dans ma chevelure lorsque son regard se pose sur moi, dans le but inavoué qu’il s’aperçoive qu’aucun soutien-gorge ne retient ma poitrine.
Des éclats de voix ainsi qu’une musique m’informent que le lieu de tous les excès se situe dans l’angle de la rue, je jette un dernier il sur mon mobile avec l’espoir de voir un message récent de ma colocataire, en vain. Tant pis, je lâche les rênes sans attendre.
Deux heures se sont écoulées depuis mon arrivée, cent-vingt minutes sans une où je n’ai pas de verre à la main. Le manège démarré avec le grand brun se poursuit, ses signaux deviennent de plus en plus explicites jusqu’à ce qu’enfin il se décide à venir m’aborder franchement pour me proposer de danser sur cette musique assourdissante. Je finis mon verre d’une traite, en renverse un quart sur mon haut, ce qui me fait glousser bêtement -et par la même occasion, réaliser mon état d’ébriété- puis suit cet apollon inconnu. Nos corps se rapprochent, son bassin se colle à moi alors qu’il tente de m’envoûter par un regard qu’il pense sans doute profond, mais qui me rappelle davantage le malinois de ma tante qu’un Casanova, mais je joue le jeu, souriante et minaudant comme une adolescente un peu nunuche.
Y voyant le signe que j’étais fin prête, le garçon me dit quelques mots que je peine à entendre avant de me guider par la main jusqu’au sanitaire où une poignée de gens de notre âge discute et rigole dans un brouillard de fumée aux senteurs opiacées. Je m’assieds sur la cuvette fermée des waters en attendant celui qui semble être mon futur amant et qui apparaît dans le cadre de la cabine une bouteille à la main, légèrement titubant en me déclarant d’une voix puant l’ivresse proche :
Regarde ce que j’ai trouvé!
Il s’avance, ferme la porte derrière lui en déboutonnant ses jeans portant des traces dont l’origine supposée me répugne quelque peu. Mes questions cessent lorsqu’il sort un sexe de taille moyenne pendouillant entre ses doigts, la scène accompagnée d’un rire béat et de quelques paroles :
Chacun sa tétine !
Ces mots me dessaoulent instantanément. Hasard ou destin, ma poche vibre au même moment.
Aline ? Je suis devant le bar, mais il y a trop de monde, je te vois pas.
La voix de ma colocataire à travers l’appareil termine de m’éveiller pleinement, et lorsque mon regard se pose sur Monsieur pectoraux, vacillant, la queue à demi molle entre ses doigts et le regard vide, je réalise la bêtise que je manque de faire. Prétextant un besoin urgent de vomir, je le bouscule presque en sortant de la cabine. Le même sort est subi pour la foule de jeunes gens éméchés qui peuple la salle principale, coup de coude et d’épaule me permettent de m’extirper de cette ambiance crasse et étouffante non sans recevoir l’intégralité d’un verre de bière sur la tête et une partie de mon haut, mais je m’en moque, je dois rejoindre ma belle. Je la vois, debout devant l’établissement, son mobile à la main tandis que le mien vibre dans ma poche. A son tour, elle me voit puis éclate de rire en constatant mon état.
Je ris avec elle, avance de quelques pas en sa direction puis sans sommation, l’attrape au niveau de la nuque pour pouvoir atteindre son visage puis pose mes lèvres sur les siennes. La première seconde seulement, car celles qui suivent, nos langues se rencontrent dans un gros roulage de pelle au goût de bière et de tabac. Derrière et autour de nous, les gens rient et applaudissent, amusés par la scène. La jolie brune se redresse en riant elle aussi et en me montrant du doigt le jeune homme qui l’accompagne en me le présentant. Il se nomme Damian, grand, costaud, la mâchoire carrée, les yeux bleus et les cheveux blonds. La caricature du WASP dans toute sa splendeur, l’air arrogant bien qu’une certaine sympathie se dégage de son sourire. Je ne sais pas quelle est l’expression que j’affiche à ce moment-là, mais le garçon lève les mains en me jurant qu’il n’a pas touché Claire, ce qui fait rire celle-ci et moi-même. Elle me demande alors:
Ta soirée se passe bien ? C’est comment là-dedans ?
Nul, rentrons plutôt, j’ai besoin d’une douche.
Elle accepte sans broncher à mon plus grand bonheur, il est évident que je n’avais aucune envie de recroiser Monsieur pectoraux.
Tu viens avec nous ?
Avant que je me rende compte que l’invitation est destinée à Damian, celui-ci la décline poliment, prétextant le fait d’avoir un entraînement de rugby le lendemain. Tant mieux.
Claire et moi prenons donc la route vers notre foyer, elle me soutenant d’un bras en silence pendant un moment avant de me dire:
On va nous prendre pour un couple après ce baiser, heureusement que Damian sais qu’on nest pas ensemble. T’as failli me pourrir mon plan !
Le ton de sa voix est amusé, mais ses mots me touchent tout de même. Elle espère donc conclure avec ce beau-gosse au style preppy si poussé qui lui donne des allures de mannequin de magazine. Ma bouche reste close, car bien qu’étant alcoolisée, je reste assez lucide pour ne pas m’emporter.
Je suis debout au milieu du salon-cuisine, Claire vient de fermer la porte et s’assied sur le sofa face à moi tout en déballant de quoi rouler un joint. Je la regarde faire en silence. Le feu brûle doucement au creux de mes reins. J’ai envie d’elle maintenant, mais ignore comment lui dire. Machinalement, j’ôte mon débardeur mouillé qui tombe au sol, déboutonne mon short que j’ai du mal à enlever, sans la quitter des yeux. Elle ne me regarde pas, occupée qu’elle est à préparer sa tige. Une fois cela fait, sa tête se lève enfin, ses yeux détaillant mon anatomie que j’expose sans honte.
Tes vraiment bourrée, dis-moi.
Je détecte à sa voix et son regard que ses paroles ne sont là que dans le but de meubler la situation. J’approche alors d’elle et pose mon pied encore chaussé sur le sofa, à côté de son genou en disant :
Elles sont dures à enlever.
Ces mots suffisent pour que la belle Maghrébine abandonne son joint pour porter ses mains à mon pied qu’elle déchausse sans mal, puis à l’autre, tout cela en prenant soin de ne pas lever les yeux sur mon entrejambe. Je la remercie puis me dirige vers la salle de bain en sentant son regard sur moi, cela en est assez pour me pousser à ne fermer ni la porte de la chambre, ni celle de la salle de bain, priant intérieurement que cela la motive à me rejoindre.
Les minutes s’écoulent avec le jet d’eau tiède qui purifie ma peau de l’odeur d’alcool, emmenant avec elle mes espoirs d’un épilogue joyeux. Je repense à ce que Claire a dit sur le chemin du retour, son envie non cachée de se faire le bourgeois beau-gosse et cela m’attriste plus que ça ne le devrait. Bien plus. Moi qui comptais profiter de mon indépendance nouvelle pour collectionner les parties de jambes en l’air, me voilà à chouiner pour une fille que je connais à peine, dont je ne connais presque rien si ce n’est l’immense chaleur qu’elle dégage tel un petit soleil aux cheveux bouclés. De petites larmes se mêlent au maquillage qui dégouline de mes yeux et que je n’ai pas la force de chasser alors que je me laisse doucement glisser sur le mur de la douche jusqu’à me retrouver assise, pitoyable petite chose pleurant une histoire qu’elle n’a fait que fantasmer.
Une voix me sort de ma torpeur. Claire se demande comment je vais, si j’ai besoin d’aide. Ma réponse est négative, mais la Kabyle entre tout de même pour voir à travers la vitre embuée l’ampleur de mon mensonge. Ni une ni deux, elle s’empresse d’ouvrir la cabine de douche, m’aide à me redresser puis saisit une serviette de bain qu’elle passe sur mes épaules avant de demander d’une voix trahissant son inquiétude :
Il s’est passé quelque chose dans ce bar ? Quelqu’un t’as fait du mal ?
Un hochement de tête négatif répond à la place des mots, je sens une vague de soulagement affaisser les épaules de ma prévenante colocataire que je dévisage à présent en silence tandis qu’elle frotte doucement mes jambes mouillées à l’aide d’une seconde serviette. Ma voix brise le silence :
Il te plaît ce Damian.
L’intonation ne laisse aucun doute sur la nature de ma déclaration. Étonnement, Claire semble gênée quand elle me répond, comme si elle me devait quelconque explication.
Il est beau, gentil, éduqué… Et très drôle.
Mes yeux me piquent un peu plus à chaque adjectif cité, tant que je dois me faire violence pour ne pas laisser échapper de nouvelles larmes. Claire demande alors, le même malaise dans la voix :
Et toi, tu as repéré une cible depuis la rentrée ?
Ma réponse vient sans aucune hésitation :
Oui.
La tête de la jeune femme se redresse pour que nos regards plongent l’un dans l’autre. L’expression de mon visage est un immanquable aveu auquel elle répond par un :
Oh…
Un ange passe avant qu’elle poursuive en prenant des pincettes trop grosses pour être subtiles, son regard devenu fuyant :
Tu sais ce qu’il s’est passé l’autre fois… C’est pas dans mes habitudes, je….
Je quitte la pièce sans lui laisser le loisir de finir sa phrase, vexée et honteuse. Comment avais-je pu croire quoi que ce soit ? Pourquoi avais-je cru cela ? Elle n’était ni la première ni la plus belle des filles à m’avoir tripotée, alors pourquoi tout ce cirque ? L’alcool ? L’euphorie due à ma récente indépendance ? Mon lit m’offre un peu de réconfort quand je pars me cacher sous la couette, dos à la porte de la salle de bain pour ne pas recroiser le regard de l’Algérienne que j’entends rejoindre le salon quelques instants plus tard. Bercée par les bruits de briquet puis par le son de ses expirations, le sommeil me gagne peu à peu.
Un temps que je ne puis évaluer s’écoule quand mes yeux s’ouvrent soudainement, éveillés par une présence proche. Face à eux, Claire se déshabille doucement membre après membre. La blancheur de sa peau m’hypnotise un instant… N’étant pas d’humeur à la mater ce soir, je referme les yeux avant de réaliser que, contrairement à ce qu’elle devrait logiquement faire, elle se met à nue face à moi et en face à son propre lit. A présent parfaitement réveillée, je me redresse et m’assieds face à elle et son visage impassible, presque dur. Son pied droit se pose près de mon genou gauche, m’offrant la vue sur son pubis couvert par le tissu de sa culotte. Sa voix basse parvient à mes oreilles:
J’ai du mal à l’enlever.
Soudainement possédée par mon désir, ma main gauche se place sous sa cuisse levée tandis que mes lèvres déposent une série de baisers sur celle-ci. Qu’importe ses précédentes paroles et le mal qu’elles m’ont fait, je la veux. Doucement, calmement, ma bouche approche de son entrejambe, me poussant à poser les genoux à terre pour poursuivre mon avancée. Mon nez effleure le devant de sa culotte, dessinant des formes géométriques aléatoires sur le vêtement qui me sépare du fruit que je convoite de tout cur. Au-dessus de moi, la respiration de Claire s’intensifie, plus rapide, plus profonde, puis une de ses mains se pose sur mon crâne encore un peu humide. J’interprète cela comme un encouragement, posant à présent des baisers sur ce pubis caché à ma vue avant qu’ils ne deviennent des coups de langue de plus en plus frénétiques et appuyés. La main gauche posée sur sa fesse fait pression tandis que les doigts de ma main droite glissent sous la culotte pour la décaler légèrement.
Une vague d’odeurs parvient alors à mes narines situées à moins de deux centimètres de ce fruit qui me fait baver. Lui aussi bave, suintant d’un jus que je m’empresse de collecter du bout de la langue, ce qui provoque un frisson chez ma partenaire qui pousse à présent mon visage contre son sexe que je lape à grands coups de langue. Celle-ci joue avec ses lèvres, passant à l’extérieur puis à l’intérieur, s’attardant parfois sur ce clitoris. Les gémissements de la brune se muent en petits cris de plaisirs aigus ayant pour effet de dupliquer mon excitation. Ma langue part ensuite à la recherche de l’entrée de son organe, me poussant à lever la tête vers le visage de Claire. Nos regards se rencontrent, se croisent, se plantent l’un dans l’autre. La vision de son visage nacré se tordant de plaisir, de ses dents mordant ses lèvres pour retenir au mieux sa jouissance…
Tout cela m’envahit d’une joie sans nom. Je tente par mes yeux de lui faire savoir que je suis à ma place ici, à genoux, à lui offrir autant de plaisir qu’il m’est possible de le faire. Je la vois qui perd pied, implorant de ses yeux que je la mène jusqu’à l’orgasme, ses jambes tremblent, ses cuisses se serrent peu à peu. J’estime alors que le moment est venu pour moi de lui faire entrevoir le septième ciel. Trois de mes doigts la pénètrent fermement tandis que ma bouche repart à l’assaut de son bouton d’amour. Quelques baisers accompagnés d’autant d’aller-retour de mes doigts suffisent à la finir dans un cri qui résonne dans tout l’appartement.
Mes doigts quittent finalement son antre, remplacés par ma langue qui vient la nettoyer avec faim et application. Cela fait, Claire se laisse tomber assise sur son lit, l’air à bout de souffle et le visage que je vois rosi malgré la pénombre. Ce visage qui hante mes jours et mes nuits exprime une forme de gratitude éhontée qui me fait chavirer alors que les paumes de ses mains encerclent mon visage tandis que le sien approche pour échanger un long et tendre baiser. Ma colocatrice s’allonge ensuite, glisse sous la couette qu’elle ouvre avec un sourire que je lui rends deux fois plus grand. Je m’installe tout près d’elle qui se blottit contre moi. Je m’endors heureuse comme tout, les narines pleines de son odeur, le goût de sa sève encore présent dans la bouche, la douceur de sa peau contre la mienne, bercée par la respiration calme de celle dont je tombe amoureuse.
