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Jenna se joue au poker – Chapitre 2




Dix jours plus tard, nous étions six, un peu tendus. Trois d’entre nous ne l’avaient jamais vue, les trois autres étaient ceux qui avaient joué avec elle.

D’ordinaire, quand nous étions entre cinq et sept il était convenu que nous tournions afin que chacun joue.

Mais vu le personnage que nous attendions il avait été entendu entre nous que ce seraient les mêmes trois hommes qui composeraient avec elle la table ce soir-là.

Maurice avait laissé sa place à Jean-Robert qui était un joueur coriace et redouté.

La voiture de la dame fut aperçue avec trois bons quarts d’heures de retard sur l’heure convenue, mais nous n’en étions pas vraiment étonnés. Cependant ça n’augurait rien de bon sur le caractère de cette Jenna. Elle avait décidemment l’habitude de se faire attendre, comme une princesse.

Elle descendit de la Jaguar, et seulement après que son chauffeur lui eut ouvert la porte.

Elle était vêtue d’une robe assez moulante et assez courte, noire et blanche ce devait être manifestement une habitude vestimentaire chez elle et était chaussée de bottes en daim noires.

Si l’éclairage du dehors avait été plus conséquent chacun aurait pu voir la couleur de sa culotte tant elle prit nonchalamment le temps d’ouvrir ses cuisses habillées de bas sombres avant de se sortir lentement de l’arrière du coupé.

Elle arborait encore de grandes lunettes noires.

Elle entra, serra la main à chacun avec un sourire crispé, mais n’était toujours pas décidée à parler.

Elle accepta néanmoins de prendre un verre (rituel du club) mais ne fit qu’écouter la conversation, acquiesçant parfois, et n’y prenant nullement part.

Une fois à la table elle prit son attitude coutumière, sérieuse et très concentrée.

Les premières parties lui furent favorables. Elle était encore en veine, du moins c’est ce qu’elle devait penser. Car je connaissais mes petits camarades de jeu et avais deviné ce qu’ils manigançaient.

En milieu de soirée elle avait accumulé des gains plus que confortables. Elle ne souriait toujours pas, parlait peu juste ce qu’il fallait pour le jeu mais affichait, à défaut de sourire, un air détendu et assez satisfait d’elle-même. C’est du moins comme ça que je l’interprétai.

Puis la roue se mit à tourner. Et comme touchée par la guigne elle se mit à perdre partie après partie. Juste après que nous eussions décidé d’augmenter les mises à 2000 , pas de bol !

Ses gains fondirent comme neige au soleil. Puis rapidement elle se retrouva à sec. Les parties semblaient se raccourcir comme si le temps s’accélérait fébrilement. Plus personne ne parlait, ne souriait. Les mines étaient graves, la tension était palpable.

Elle devait commencer à comprendre le piège qui était en train de se refermer sur elle. 

Il restait encore deux heures à jouer quand elle déclara qu’elle n’avait plus rien et qu’elle désirait arrêter.

Maurice lui répondit alors sur un ton neutre et froid :

« – Chère Madame, nous avons clairement expliqué nos règles. Vous n’avez pas le droit d’arrêter. Quel crédit avez-vous ? Que pouvez-vous mettre en gage ? »

Elle sembla soudain s’insurger :

« – Mais en France je n’ai que peu d’argent sur mon compte ! Au Canada, il n’y a pas de problème

— Oui mais nous ne sommes pas au Canada, Mme B. Et nous ne pouvons accepter de vous faire crédit en attendant un hypothétique virement sur votre compte français Les règles sont les règles.

— Que voulez-vous ?! » Elle retira brutalement sa montre en or et la jeta sur la table avec un espèce de mépris : « Ça ?! Combien me donneriez-vous pour ça ? Elle vaut plus de 4000  »

Maurice la prit et l’examina d’un il circonspect, puis rapidement lâcha :

« – Nous vous en donnons pas plus de 2000. Soit une mise.

— Comme vous y allez Cela vous arrange bien » marmonna-t-elle

« – Plait-il ? » dit Maurice, très dignement mais froidement.

« – Non, OK » répondit-elle énervée.

Lors de la partie suivante elle se bat comme un beau diable et finit par gagner. Avec un sourire satisfait et méprisant, et un geste rageur, elle reprend sa montre.

« – Nous continuons ? » demande-t-elle.

Les trois hommes se regardent, ainsi que les trois autres, qui, spectateurs, ne jouent pas, mais ont suivi toutes les parties avec intérêt.

A ce moment-là, Lionel toujours lui a comme une lueur diabolique qui s’allume dans son il. Il déclare à toute l’assemblée :

« – Et si, pour une fois, nous faisions une exception ? Si nous faisions crédit ? Jenna est notre invitée, elle vient du Canada et puis nous avons si rarement des femmes dans notre cercle

— Alors, « l’interrompt Maurice », nous devons nous réunir tous, ici présents, pour en discuter et en délibérer à huis clos.

— Pas de problème » répondent tous les autres. « Réunissons-nous sur le champ. Vous voulez bien nous excuser quelques minutes, Jenna ? »

La dame acquiesce, bien entendu, et les six hommes partent se retirer dans un petit salon attenant, Maurice en tête qui a une mine désapprobatrice.

Nous n’en revenons qu’au bout de vingt minutes, et les discussions ont été houleuses. Néanmoins, même Maurice a l’air satisfait, lui qui était particulièrement opposé au principe du crédit.

La femme les regarde avec un air suspicieux et inquiet

° ° °

Je suis impressionnée par le manoir et le côté aristocratique des lieux. Sachant que je serai en compagnie d’hommes riches, je me suis habillée pour séduire et pour distraire. Cela peut aider au poker. Je reste assez froide au début et je ne veux pas passer pour une pétasse. J’aime être dans cette atmosphère masculine. Je ne suis pas une jeune donzelle choquée par le genre de conversation qu’on pourrait y trouver 

Lors de la première partie je crois que ma tenue m’avait aidée. Je pousse un peu plus loin avec une robe plus courte et des bottes aux talons plus hauts. Je fais un sourire coquet mais snob en disant bonjour en sortant de ma Jaguar décapotable (le chauffeur peut gêner)

La partie commence et on me sert régulièrement des cocktails plus alcoolisés qu’ils ne semblent l’être. Je mets bien en évidence mes longues jambes bottées en m’asseyant un peu de travers.

Lorsque je commence à perdre je ne m’inquiète pas trop. On me fait crédit et je vais me refaire.

Je suis à 10000 euros dans le trou puis 20000. Je sens une étrange sensation, comme si un piège se refermait sur moi.

Je suis seule maintenant avec six hommes que je connais à peine dans un château isolé. Les six me regardent sans scrupule maintenant. Lorsque je suis à 40000 en négatif je commence à prendre peur. Je ne peux quitter la partie sans créer des problèmes qui nuiraient à ma carrière ni que mon mari découvre ce que j’ai fait ; cela détruirait ma famille.

Je suis à quelques minutes de la fin et je dois environ 125000 euros. La tête me tourne.

L’hôte me regarde droit dans les yeux et me dit qu’on peut me soumettre à une épreuve pour racheter ma vie. Si je gagne la dette sera effacée. Si je perds, ma vie sera détruite. Je commence à essayer de jouer de mon charme mais cela ne semble pas marcher. 

Un des trois me dit que l’on peut toujours s’arranger.

° ° °

Lionel prend la parole, et va dévoiler l’affaire. Il va lui exposer en quoi consiste ce gage. Elle comprend que c’est lui qui a tout manigancé, et qui a exposé son plan lors de la petite réunion secrète vers la fin de la partie, plan qui a fait accepter même aux plus réticents le principe de faire exceptionnellement crédit à cette femme.

Lionel a un petit bois privé, non loin d’ici. De plusieurs hectares (il ne précise pas combien en fait elle découvrira qu’il est entièrement clos de murs et ne fait que 100 mètres sur 400, soit 4 hectares.

« – Nous sommes tous chasseurs, ici, vous savez Jenna. Et nous pourchassons en général le petit gibier. Mais tous parmi nous ont ce rêve secret, ce fantasme : chasser la femme !

Nous vous proposons un deal : nous vous amènerons à l’entrée de ce bois, de jour bien entendu.

Nous, serons en tenue de chasse sans chiens, sans chevaux et bien entendu sans fusils » ricane-t-il.

Nous vous laisserons vingt minutes d’avance, puis nous partirons à votre poursuite. Bien entendu, il est hors de question pour vous de participer à ce défi dans une tenue confortable, sportive (jogging, baskets de haut niveau et tutti quanti) : vous serez dans une tenue semblable à celle d’aujourd’hui Non : plutôt exactement la même !

Si nous ne vous rattrapons pas et que vous arrivez à sortir de ce bois, vous serez bien entendu libre et votre dette de jeu sera effacée.

Si nous vous rattrapons nous nous paierons votre dette sur la bête ! Et vous n’aurez rien à dire

Si vous refusez ce deal, ou si vous perdiez ce gage et que vous vous avisiez de vous plaindre à qui que ce soit, nous enverrions une copie de la reconnaissance de dette que vous venez de nous signer à votre mari ! Et le monde entier de la finance sera informé par voie de presse de vos frasques Étant donné que vous seriez, de plus, sans doute obligée de vendre des actifs, vos partenaires financiers, les salariés que vous dirigez, les syndicats ne vous feront pas une fête !

Outre le scandale qui rejaillira sur votre famille, votre réputation sera telle que votre carrière dans le monde des affaires se terminera bien vite et vous le savez.

Vous l’ignorez sans doute, mais Maurice comme moi avons détruit la vie de personnes qui avaient cru malin de nous chercher des noises et qui se sont crus plus forts que nous Nous sommes des redoutables personnages. Maurice était surnommé le requin, et moi on m’appelait la hyène Je vois dans vos yeux que vous semblez étonnée Vous l’ignoriez, très chère ?

° ° °

Je prends quelques instants pour saisir ce que tout ça signifie et la situation dans laquelle je me trouve.

J’ai un peu la tête qui tourne. Je commence par essayer de négocier puis voyant que cela ne marche pas, je joue la pauvre faible femme et je supplie.

Voyant que mes tactiques ne marchent pas je commence à analyser la situation. Je vois trois hommes mûrs et ayant bu plusieurs whiskys. Il est tard et contrairement à moi ils me semblent être en forme.

Je donne mon accord pour cet arrangement mais je mets une condition : cela doit se passer maintenant et non un autre jour.

Je reprends mon attitude hautaine et de défiance.

Nous nous levons. Malgré ma peur qui me serre les entrailles je tâche de rester digne. Je sens leurs regards de carnassiers sur mon corps alors que nous partons vers le véhicule. J’aurais dû mettre des bottes avec des talons moins hauts.

Je m’installe à l’arrière du 4 x 4 comme ordonné et ne me remarque pas les sacs qui contiennent des sangles, des couvertures qui sont dans le coffre.

(A suivre)

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