Ils arrivent dans un petit restaurant, bien plus modeste que le précédent, situé à une bonne centaine de mètres. Le jeune homme les emmène au fond de la salle et ils rentrent dans une petite pièce sans fenêtre.
Attendez-moi ici, je vais chercher de quoi vous soigner.
Il s’éclipse, puis revient quelques instants après avec une trousse de soins. Il s’occupe de Florian et ses gestes s’avèrent rapides et précis.
Vous m’avez l’air d’être habitué, lui dit Typhaine.
À mes heures perdues, je suis secouriste bénévole, répond-il.
Il arrive rapidement à enrayer le saignement et met un peu de crème cicatrisante avant d’ajouter quelques sutures adhésives.
La plaie n’est pas trop profonde, ça devrait suffire. Par contre, vous risquez d’avoir un hématome. Vous n’aurez qu’à mettre de la glace pour le faire passer.
C’est pas grave. Ça va me faire une petite blessure de guerre pendant quelques jours ! fanfaronne Florian.
Son sourire s’efface dès qu’il pose ses yeux sur Typhaine, les bras croisés, qui arbore un air sévère.
Et il est fier de lui en plus de ça, lâche-t-elle en hochant la tête en signe de dépit.
Ça va, Typhaine, il n’y a rien eu de dramatique.
Non, mais ça aurait pu !
Elle s’adresse ensuite au jeune homme.
Merci beaucoup en tout cas, euh
Peter.
Alors merci, Peter, dit-elle en lui souriant chaleureusement, je m’appelle Typhaine et le débile profond que tu viens de soigner, c’est Florian.
Enchanté de vous connaître ! Euh désolé, je me mêle peut-être de choses qui ne me regardent pas, mais je fumais une cigarette dehors au moment où vous avez été mis à la porte du restaurant et vous vous n’auriez pas eu un problème avec Kenneth Stover, par hasard ?
Qui ? demande Typhaine.
Kenneth Stover, répète-t-il.
Euh, non, l’homme qu’on voulait voir s’appelle Nick Burns.
Nick Burns, c’est son avocat, précise Peter.
C’est pas avec Nick Burns que tu t’es embrouillé ? interroge-t-elle Florian.
Non, avec un autre gars qui l’accompagnait, mais je ne connais pas son nom.
Il le décrit à Peter.
Oui, c’est bien lui, confirme le jeune homme.
Mais qui c’est ce mec ? questionne Typhaine, complètement paumé.
Je t’expliquerai plus tard, élude Florian.
Faites très attention à lui, c’est un homme dangereux, prévient Peter, il a beaucoup de relations et s’il estime que vous êtes un danger, il ne vous fera aucun cadeau. Vu votre accent, j’imagine que vous n’êtes pas d’ici, je me trompe ?
Non, en effet, répond Florian, nous venons de France. Comment sais-tu qu’il est si dangereux ?
Il s’est forgé une solide réputation de requin dans le monde des affaires, il est sans pitié. Son truc est de racheter des entreprises en difficulté pour une bouchée de pain, histoire de récupérer tout ce qui l’intéresse et de revendre ensuite ce dont il dispose au plus offrant. Ça arrive aussi qu’il fasse ça pour le plaisir de couler une société ; pour lui, c’est juste un jeu. Des personnes qui voulaient en découdre avec lui, comme vous, il y en a eu beaucoup, et toutes se sont fait jeter sans ménagement. Je peux même vous dire que vous avez eu de la chance de vous en tirer avec une simple égratignure.
Tu as l’air de bien le connaître, dit Typhaine.
Je ne le connais pas personnellement, mais
Peter est hésitant.
C’est ma sur qui le connaît, continue-t-il finalement, elle a travaillé pour lui il y a quelque temps de ça, mais ça ne s’est pas bien fini du tout et elle a eu des soucis par sa faute.
Elle le connaît bien ? Je veux dire, elle pourrait nous renseigner sur lui ? demande Florian.
J’imagine que oui, mais comme je viens de vous le dire, elle a eu de gros problèmes et maintenant, elle en a peur, elle ne veut plus en entendre parler.
Écoute, Peter, ce gars-là est sur le point de voler l’entreprise de ma femme en la faisant chanter. À cause de ça, elle a eu un grave accident de voiture et elle est maintenant dans le coma, peut-être qu’elle ne se réveillera jamais. Il faut à tout prix que j’en sache plus sur lui, voir si je peux utiliser quelque chose pour qu’il stoppe son chantage, tu comprends ?
Oui, mais vous ne pourrez rien contre lui, assure Peter.
Il faut quand même que j’essaie. S’il te plaît, on a besoin de ta sur !
Le jeune homme reste silencieux quelques instants en fixant Typhaine et Florian qui l’implorent du regard.
D’accord, je veux bien l’appeler, mais je ne vous promets rien, finit-il par dire.
Merci, merci beaucoup, Peter ! le remercie chaleureusement Florian.
Voilà mon téléphone, dit Typhaine en notant son numéro sur un petit morceau de papier.
Après ça, Typhaine et Florian vont se restaurer en bord de mer, histoire de se détendre un peu après ce festival d’émotions fortes.
Bon, tu m’expliques qui c’est ce mec ?
Jenny et moi l’avions rencontré à Montréal, l’année dernière. Il s’était présenté comme le PDG d’une grosse boite de comm’ et avait plus ou moins dragué Jenny, mais elle n’avait pas donné suite.
La connaissant, j’imagine qu’elle a dû l’envoyer chier.
Même pas. Il lui a donné sa carte, mais elle ne l’a pas gardé, rien de plus.
C’est tout ?
Oui.
Tu crois que c’est parce qu’elle ne l’a pas recontacté qu’il fait tout ça ?
J’en sais rien. J’ignore comment il s’est démerdé, mais il a mis la main sur la vidéo et il s’est dit qu’il allait se servir de ça pour l’arnaquer. Comme il me l’a dit tout à l’heure, il a vu passer une opportunité et l’a saisi.
S’en prendre à quelqu’un pour si peu, c’est gros quand même.
Ben pas tant que ça vu la description que nous en a fait Peter.
Dire que si Jenny avait accepté de lui tailler une pipe, peut-être qu’on n’en serait pas là
Florian lui lance un regard noir.
Désolé, s’excuse-t-elle.
**********
« Allô ? »
Salut Sarah, c’est Peter.
« Salut p’tit frère ! Qu’est-ce qu’il y a ? »
Voilà, je viens de rencontrer deux personnes et l’une d’entre elles a elle a des problèmes avec Stover.
Gros blanc.
« Et alors ? finit-elle par demander, froidement. »
Alors, euh ils voudraient avoir des informations sur lui et je leur ai dit que tu en avais.
« Quoi ?!? Tu te fiches de moi ? Tu sais que je ne veux plus entendre parler de Stover, et toi, tu vas en parler avec des inconnus ? Si ça se trouve, ils sont avec lui ! »
Calme-toi, Sarah, ce n’est pas le cas.
« Et qu’est-ce que tu en sais ? »
Ils sont français.
« Français ? »
Oui. Stover est sur le point de détruire une entreprise en France et ils sont là pour essayer de l’en empêcher.
« Ils rêvent éveillés, ils ne pourront rien du tout. Dis-leur de ne pas s’approcher de lui et de rentrer bien sagement chez eux. »
C’est ce que j’ai essayé de leur faire comprendre, mais ils ont insisté, ils veulent à tout prix tenter quelque chose et pour ça, ils ont besoin de renseignements.
« Je ne veux plus parler de tout ça, Peter, tu le sais. »
Oui, mais à cause de Stover, la petite amie du gars à qui j’ai parlé est à l’hôpital. Il veut juste l’aider et sauver son entreprise, rien de plus.
« Il n’y arrivera pas. »
Mais il a le droit d’essayer.
Sarah reste silencieuse.
Sarah, je sais que c’est dur de remuer le passé, mais tu dois accepter de les aider. Si ce que tu as à dire peut leur servir à emmerder cet enfoiré, ça vaut le coup, non ? Il mérite une bonne leçon pour toutes les crasses qu’il fait depuis des années, je suis sûr que tu es au moins d’accord avec ça.
« C’est pas des frenchies qui arriveront à lui poser le moindre souci. »
Et pourquoi pas ? Ils ne sont pas d’ici, contrairement à toutes les personnes à qui Stover pourrit la vie au quotidien et qui n’osent pas bouger le petit doigt de peur de perdre tout ce qu’ils ont, ou du moins, le peu qu’il veut bien leur laisser !
Elle soupire.
S’il te plaît, surette.
« Bon d’accord » dit-elle après quelques secondes de silence.
Merci, c’est super cool pour eux ! Je t’envoie leur numéro par message.
« OK. »
**********
Typhaine et Florian sont toujours attablés.
Ludivine ne te manque pas trop ?
Si, bien sûr qu’elle me manque, ma petite princesse, mais je l’appelle tous les jours.
Elle n’a pas été trop triste que tu partes ?
Ça va. Elle est bien entourée, surtout qu’en ce moment, elle profite de la piscine chez mes beaux-parents. Et puis j’ai promis de lui ramener un petit quelque chose.
La promesse du petit cadeau, l’arme ultime pour apprivoiser un enfant !
Ah ah, oui, c’est exactement ça ! Vous voulez des enfants, avec Jenny ?
Peut-être un jour. On n’en a jamais vraiment parlé.
Ce sera une très bonne mère, elle a ça en elle, c’est flagrant quand on la voit avec Ludivine.
On verra le moment venu. Pour ça, faut déjà qu’elle se réveille.
Je suis sûr que ça arrivera très vite.
Je croise les doigts pour que tu aies raison !
À Jenny ! lance Typhaine en levant son verre.
À Jenny ! répète Florian en trinquant avec elle.
Ils boivent sans se lâcher des yeux.
C’est bien tout ce que tu fais pour l’aider. Peut-être un peu maladroit parfois, mais bien quand même, dit Typhaine.
Encore faut-il que ça serve à quelque chose.
Que tu y arrives ou pas, tu auras au moins le mérite d’avoir essayé.
C’est pas du mérite qui lui sera utile.
Arrête, Florian. Des mecs qui sont prêts à aller à l’autre bout du monde pour leur femme, crois-moi, ça ne court pas les rues !
J’imagine que Fred ferait la même chose pour toi, non ?
Typhaine ricane et fuit Florian du regard avant de boire une lampée de bière.
Je me trompe ? demande-t-il.
Son téléphone sonne avant qu’elle n’ait eu le temps de répondre.
« Allô ? oui, c’est moi bonjour Sarah oui, c’est tout à fait ça bien entendu, je comprends très bien je vous promets qu’on ne va pas prendre beaucoup de votre temps c’est super, merci ! »
La rouquine lève son pouce en souriant ; enfin, Florian va en savoir plus sur celui qui leur cause autant de tort.
Ils grimpent dans un taxi, direction leur hôtel où ils ont donné rendez-vous à Sarah.