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Mensonge d'une nuit d'été – Chapitre 2




(Mensonge, suite : avec un clin dil amical à ceux qui apprécient les allusions.)

Comme toujours, dans ma crainte idiote dêtre en retard, je suis arrivée avec un bon quart dheure davance. Lavenue est bordée de tilleuls qui saturent lair tiède de leur odeur mielleuse. Le bungalow délabré de style colonial entouré dune clôture basse est à vingt mètres de moi. Je lai repéré facilement grâce au grand magnolia qui a répandu la nacre de ses pétales jusque sur le trottoir. La barrière est entrouverte dans une invite équivoque. Je suis encore trop loin pour quils maient aperçue et je décide de moffrir ce dernier quart dheure à moi toute seule, de profiter de la douceur de lair et de mes dernières minutes de ce que jappelle, faute de mieux, ma vie normale. Je ne me souviens plus si Alice a hésité avant de traverser le miroir. Moi, jai accepté, je le sais, et je ne reviendrai pas en arrière. Ce nest pas ce miroir qui me fait peur, cest celle que je serai, une fois passée de lautre côté.

Cette fille-là, cest pourtant moi qui lai évoquée, un soir dans la Jaguar, retour de week-end à la mer. Il a suffi quil me dise : « Cale tes pieds contre le tableau de bord, et trousse ta jupe, sil te plaît ce sil te plaît était terrible et caresse-toi, branle-toi, masturbe-toi jusquau bout, et plus loin encore. Ensuite, tu me diras tout. » Sans hésiter, jai fait ce quil mordonnait, le cur battant à tout rompre, jupe troussée et cuisses ouvertes, obscène. Jai bravement écarté ma culotte, livré ma vulve et ma touffe à la traître douceur du vent nocturne et aux phares violents des routiers. Ces inondations de lumière, parfois accompagnées dun coup de klaxon sans équivoque, provoquaient dans mon con honteux et ravi dêtre exhibé ainsi des pulsations incontrôlables accompagnées démissions de plus en plus abondantes de mouille. Mes doigts ont suivi le contour des lèvres gonflées de sang brûlant, allant et revenant du « rose ermite » cher à Théophile, insolemment érigé hors de « son capuchon folichon », à lillet plissé et palpitant de mon petit trou du cul qui aime tant quand Jacques le lèche, puis y fourre ses doigts. Mon sexe, petit animal ronronnant sous mes caresses, est progressivement devenu une bête folle qui a pris violemment possession de tout mon être. Était-ce moi qui poussais ces cris rauques de femelle en chaleur ? Obscène et heureuse, vous dis-je.

Jacques a écarté ma main, a enfoncé deux doigts dans mon vagin et trouvé tout de suite lexcroissance du point G. Nétait-il pas chez lui ? Il y a imprimé avec vigueur un mouvement de va-et-vient rapide et ma menée ainsi à la limite de la perte de contrôle. Jallais éjaculer ma cyprine dun instant à lautre, et jai crié : attention ! je vais foutre ! retiens-toi ! je le veux, et raconte-moi ton fantasme pendant que tu te branlais. Tout ce qui ta menée à la jouissance, et surtout, ne triche pas ! Car si tu triches, si tu me mens, je le saurai et je te jetterai dans le fossé, comme un fruit pourri. » Jai eu une telle peur quil mette sa menace à exécution et me rejette loin de lui, que jai tout dit : mon angoisse devant les hommes en noir, crasseux et puants, qui mont mise nue et mont traitée comme une pièce de viande sur létal ; les pénétrations de mes orifices, tout Pour me récompenser de mes aveux lubriques, il a accéléré son mouvement, accentué la pression sur mes glandes jusquà ce quà ma grande honte, je doive tout lâcher de ce que je croyais être de lurine. Un jet a jailli de moi et a inondé le tableau de bord, mes jambes et ma jupe. « Une femme fontaine, bravo, tu mavais caché ce talent-là ! Je ne savais pas, pardon, cest la première fois que je me lâche ainsi mon pipi en jouissant ! Idiote ! Ce nest pas de lurine, cest ton foutre féminin. Tu las dit toi-même, tout à lheure, je vais foutre as-tu dit, tu ne croyais pas si bien dire »

Jétais confuse, éperdue de honte. Jai ôté ma jupe trempée et je men suis servi pour éponger tout lavant, du pare-brise à la boîte à gants. Nue jusquà la ceinture, javais lair dun modèle pour photo cochonne des années cinquante et je nen avais cure, riant et pleurant en même temps, au bord de la crise de nerfs.

Indifférent à mon état, il rit encore et me lança : « Tu vas me sauver la mise, et peut-être même la vie. Salope comme tu tes révélée, ça te sera facile, ça te fera même peut-être jouir à nouveau. Il te suffira duser de tes talents de pute. » Je me cabrai comme sous un coup de fouet : « Je ne suis pas une salope publique ! Je ne suis pas une pute ! Je suis ta maîtresse, et je taime, tu peux faire de moi ce que tu désires, mais toi, toi seul ! »

Sais-tu ce qui va se passer si tu ne mobéis pas ? Il avait un air grave qui meffraya. Jai joué au poker avec des types qui ne rigolent pas avec les dettes de jeu. Jai une grosse somme à payer avant ce soir minuit. Sinon, ils me briseront les tibias en petits morceaux avec un tuyau de plomb, ils mécraseront les mains dans les gonds dune porte de grange Plus jamais, si jy survis, je ne marcherai, plus jamais je ne tiendrai un stylo À toi de décider. »

Il me manipulait, jen étais certaine, mais si cétait vrai ? Secouée de sanglots, je lui ai dit « Je ferai ce que tu voudras. » Il eut un soupir de soulagement, vrai ou feint, comment savoir ? Il me caressa amoureusement la nuque et je fondis

Je te ramène chez toi, repose-toi, prends une douche, jai quelques coups de fil à donner. Je tappelle dans une heure. » Sans se soucier de mon état, il me déposa devant mon immeuble. Jenroulai tant bien que mal ma jupe trempée autour de ma nudité et me précipitai sous les regards effarés des promeneurs tardifs. On aurait de quoi bavarder dans les chaumières !

Voilà comment ce même soir, je me retrouve dans cette avenue calme au point den être inquiétante. Angoissée par lattente de ce qui va marriver, écurée par lair douceâtre, énervée par lorage qui menace depuis des heures sans se décider à éclater, jai un brutal accès de panique et je me mets à transpirer abondamment. La sueur minonde, colle ma robe sur ma peau et me coule tout le long de léchine jusquà sinsinuer entre mes fesses. Ma culotte va être trempée, il ne faut pas quils sen aperçoivent, ils vont simaginer Oh et puis, je me fous de ces types et de ce quils vont ou ne vont pas imaginer. Cest pour Jacques que je suis ici.

Je grille une cigarette, le dos appuyé contre un tronc. Cette dureté indifférente mapaise et le temps en profite pour filer. La trotteuse de ma montre de plastique blanc mindique quà présent il ne me reste plus que trente secondes. Vite ! Je ne veux pas être en retard, ne serait-ce que dune seconde, et laisser croire que jai cané. Je me décolle de larbre et je cours en respirant fort. Je ne pourrais pas marcher, marcher serait dailleurs trop long et trop pénible, ça me laisserait encore le temps de remuer des pensées effrayantes. Je franchis dun même élan les marches menant à la galerie couverte. Je nai pas le temps de frapper. La porte à claire-voie tendue dune moustiquaire souvre brusquement, une main charnue et moite comme une ventouse me saisit par le poignet et me tire à lintérieur. Le temps dun frisson, et le battant se referme derrière moi. Ventouse se décide à me lâcher. Je reste un moment debout sous larcade qui mène à la pièce principale, juste devant lentrée. Ils nont pas allumé les lampes malgré la nuit toute proche. Je peux encore distinguer leurs silhouettes à contre-jour, devant la grande baie qui occupe tout larrière et donne sur le jardin. Ils sont quatre dans cette pénombre, assis dans des fauteuils de rotin, sans compter Ventouse qui sest carré derrière moi, sans doute pour sassurer, limbécile, que je naurai pas de velléité de fuite. Je ne peux voir ni leurs yeux ni les traits de leurs visages ; cependant je sens leurs regards, et cette fois, jai la chair de poule. Pourtant, quelque chose en moi, tapi sous la peur et lenvie de révolte, trouve obscurément son compte à cette situation où je suis seule, livrée comme une marchandise, dans une maison inconnue. Cette chose me tord le ventre ; il me semble que mes os vont se rompre sous la tension de mes muscles. Cest une sensation qui mélange répulsion et fascination, panique et attirance trouble, une drogue bien plus puissante que tout ce à quoi jai prudemment tâté jusquà présent dans les petites partouzes BCBG où Jacques ma emmenée deux ou trois fois.

Le gros assis en face de moi tire son cigare de sa bouche et souffle brièvement « à poil ! » en exhalant sa bouffée. À sa droite, un petit type maigre, dun blanc maladif révélé par son maillot de corps mes yeux shabituant à lobscurité, je les distingue un peu mieux se met à ricaner. On dirait le rire dun idiot ou dun égaré. Celui qui lui fait pendant, à la gauche du Gros, est au contraire habillé strictement, avec veston et cravate. Je vois le reflet de ses lunettes ovales, comme celles dun professeur. Le quatrième, plus en retrait, ne me révèle rien. Ce nest quune masse immobile, sombre et carrée, assise très droite, les bras posés sur les accoudoirs.

« À poil ! » Il nétait pas nécessaire de me donner cet ordre, je sais pourquoi je suis là, je sais quel rôle jai accepté de jouer, je sais que jirai jusquau bout de lexpérience. De toute façon, il nest plus possible de reculer. Je suis entrée lucidement, farouchement dans cette histoire dès le moment où, seule dans ma salle de bains, je me suis baignée, épilée, que jai lavé et séché mes cheveux et que jai parfumé méthodiquement ma nuque, mes aisselles et le chemin qui va de ma gorge à mon ventre. Je me suis regardée, lisse et nette, jugeant que cela suffirait comme ça. Obéir à linjonction du Gros, être nue devant ces hommes nest tout compte fait quune péripétie, une étape inévitable dans la suite logique des événements. Mais le déshabillage ! Leur offrir un strip-tease maladroit et ridicule ! Me présenter en petite tenue, comme une gravure de revue coquine davant la guerre ! Jacques aime ça, très bien, cela fait partie de nos jeux, mais là, devant ces porcs, leffeuillage me serait insupportable, comme tout à lheure jai exclu le rouge à lèvres et les fards. Je maccroche à ces refus, à ces interdits qui font pour moi toute la différence entre faire la putain et lêtre. Cest ainsi, comprenne qui pourra.

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