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Deux frangines – Chapitre 3




Aurélie se lâche avant de disparaître discrètement:

-Toujours les mêmes sujets de conversation, ça vole sous la ceinture. Pour une fois, ton Raymond a bien raison. Ton coucou a vu juste. Je lapprouve: tu ne mérites pas de revoir Adrien, il est trop bien pour toi. Mais tu le regretteras. Cest autre chose que ton coureur de jupons. A propos, les filles devaient coucher par deux, avais-tu dit, et ton Raymond avait lespoir de te faire lamour dans le sac de couchage? Tu tes payé ma tête. Cest du propre.

-Chut, pas si fort, jai déjà assez gaffé. Leurs sarcasmes mont ramenée à la réalité. Ils ont mis en évidence mon manque de savoir vivre et surtout la cruauté de mon attitude. Jai oublié lorganisation, jai doublé Marc, je me suis garée sur un trottoir. Jai refilé tous les papiers à Sylvestre, je leur ai dit daller prendre nos places et dattendre au camping. Et me voilà. Quelle bourrique je suis parfois. Tu crois quil maime assez et quil pourra me pardonner? Où est-il?

-Dans mon lit il y serait très heureux. Par chance pour toi, jai été trop lente et il nest pas amoureux de moi. Dommage, je laurais adoré. Il est au salon. Ca ira? Tu retrouves tes esprits? Tu as intérêt à te montrer gentille, très délicate. La partie nest pas gagnée. Tu as été nulle, archi nulle.

-Adrien, mon amour. Tu es là? Que je suis heureuse.

Elle me saute au cou, me donne ce baiser plein damour que jespérais à mon arrivée. Elle me répète ce quelle a dit à sa sur et que jai entendu, en édulcorant beaucoup, me supplie de lui pardonner sa conduite, laccueil indigne, son manque de tact. Les autres sont dans la voiture, à lexception de Raymond rendu furieux par le demi-tour. A sa demande elle la déposé devant chez lui avec ses affaires. Tant mieux, il lavait pressée de partir, lui avait fait perdre son sang froid et causer lirréparable.

Je suis en droit dêtre en colère. Sa main gauche tient mon cou, le caresse, lindex droit se promène sur ma poitrine, pointe mon cur, ses yeux implorent mon indulgence. Pour se rassurer et pour me convaincre elle utilise sa meilleure arme, un nouveau baiser. Elle est revenue, elle membrasse avec passion, longuement, yeux dans les yeux. Je fonds, retrouve lenvie de laimer. De la plus noire misère, je vire à la béatitude.

-Dis, Adrien, tu maimes encore, tu maimeras toujours, tu veux de moi? Tu es venu me le dire, cest ça?Jai tout cassé? Tu as fait ce chemin pour me parler, je nai pas su técouter. Moi, je taime, je ten prie, oublie. Lénervement dû au retard, la surprise de ton arrivée au moment du départ, les appels répétés des autres mont fait péter un plomb. Tu ne me réponds pas. Tu ne me veux plus?

Effectivement, jai un problème. Ce Raymond coucou aurait-il pris place sous sa tente? Mais comment lui en parler? Et sans avoir la réponse à cette question, je ne peux pas décider de ma vie avec ou sans Laure.

-Tu es contrarié, je le sens. Cest normal. Donne-moi une chance de me racheter. Il y a une place libre dans lauto, viens avec moi, passons ces vingt quatre heures ensemble. Ce sera merveilleux. Et tu me diras demain ou un autre jour si tu me veux comme fiancée. Je vais voler un pyjama de mon père, tu nageras dedans et il doit bien y avoir par là un vieux survêtement. On se débrouillera. Daccord? Tu as une question?

-Oui, où vais-je dormir?

-Sous ma tente, bien entendu. Je ne te fais pas peur? A moins que

-A la place de Raymond?

-Ah! Je vois. Tu as imaginé que Raymond et moi allions partager la même tente parce quil était assis à côté de moi dans lauto. Détrompe-toi, javais pour lui une intention particulière et je lui avais dit quil dormirait avec Sylvestre. Ca les faisait râler, mais cétait la règle, sil voulait le pardon! Tu dois me croire. Allez, viens, Emilie et Gilles vont simpatienter. Une minute, je prends le nécessaire pour toi et on y va.

-Je te présente Emilie et son ami Gilles. Cest avec Gilles que tu passeras la nuit sous la tente. Attention, on démarre.

-Non, un instant. Je refuse ce nest pas ce que tu mas dit. Je ne suis pas Raymond, je ne dormirai pas avec Gilles. Je préfère descendre, trouve un autre bouche-trou.

-Mais il est mignon ton petit soldat. Cest Adrien? Tu as raison, ne te laisse pas dominer. Mon gars, je suis coiffeuse, mais tu nas pas un cheveu à couper. Ca ne fait rien, je propose de moccuper de toi. Tu dors avec moi et Gilles dormira avec Laure. Cest mieux, on peut rouler?

Emilie rit. Gilles se tait derrière moi. Laure a du mal à rester sérieuse. On se moque de moi.

-Pas question de ça, Emilie. Faisons exception à la règle, il restera avec moi.

-Ah! Quand même, tu le traites mieux que Raymond. Gilles et moi te remercions. Nous voulions protester contre cette règle de scouts. Alors Adrien, tu es satisfait? Jadore passer ma main sur ta brosse, tes cheveux sont doux au toucher. Mais il faudra une retouche, je vais te couper les pattes.

Ca sent le coup monté. On essaie de me faire croire que Raymond naurait pas eu ma place. Ce qui est certain, et ça me convient, je partagerai ma nuit avec Laure. Emilie est bavarde et curieuse. Elle a lhabitude de recevoir les confidences de ses clientes dans le salon de coiffure. Donc elle enchaîne:

-A propos, vous deux, ça marche, vous allez vous fiancer? On fête lévénement ce soir? Tu as prévu le champagne, Laure?

-On verra, répond ma voisine. Cest à létude. Ne sois pas aussi pressée. Chaque chose en son temps.

-Ah! Non, si vous nêtes pas fiancés, vous ne pouvez pas dormir ensemble! Gilles, dis quelque chose.

-Tu as raison, nous ne pouvons pas les laisser faire des bêtises. Si Laure refuse de se fiancer, elle ne peut pas coucher avec Adrien. Dans ce cas Adrien tu dois choisir. Ou bien tu décides Laure à se fiancer, ou bien tu couches avec moi, ou bien tu couches avec Emilie.

Nous sommes en voiture, il faut passer le temps. On parle pour parler. Cest un jeu. Je me contente de répondre que jai jusquau soir pour y penser. Mais quil ne me déplairait pas -je me tourne vers la fille de type alpin qui caresse mes cheveux- il ne me déplairait pas de tentendre ronfler.

-Aïe!

Laure tient le volant de la main gauche et vient de me pincer la cuisse. Je suis le seul à ne pas rire. Sa prise de position vigoureuse ma surpris. Feint-elle la jalousie? Je saisis la main qui sattarde sur ma jambe, la porte à ma bouche et y dépose un baiser.

-Comme il est touchant. Si je le pinçais, moi aussi?

-Contente-toi de pincer Gilles.

-Je vois, Tu le pinces parce que tu en pinces pour lui. Jalouse. Cette fois tu es amoureuse, tu auras droit au diplôme. Adrien tu nous las transformée.

Je subodore des sous-entendus.

-Mais ce nest pas tout. Laure va sarrêter, Gilles va prendre la place dAdrien et Adrien viendra à côté de moi: il faut que je le prépare à sa nuit de fiançailles. Viens, mon petit chéri, je vais te mettre à niveau. Je toffre un cours gratuit de formation accélérée. Je vais te Aïe!

Je nai rien vu. Je suppose que Gilles a imité Laure. Je me retourne malgré la ceinture de sécurité. Le garçon a trouvé le moyen de la faire taire, il lembrasse avec avidité et a envoyé sa main droite sous la jupe, entre ses cuisses. Enfin un peu de silence. Laure est absorbée par sa conduite, nous traversons un village. Jose une main sur sa jambe, le moteur a un hoquet et repart dans son ronronnement. Elle na pas protesté. Derrière ils sont occupés.

Je menhardis. Ma main descend au genou, lenveloppe doucement, en fait le tour. Laure sourit? Ma main remonte, cette fois sous le tissu, à pleine peau. Une peau toujours plus douce. Je la regarde. La caresse ne doit pas déplaire, elle feint de lignorer. Je redescends au genou, remonte, un peu plus haut. Du bout des doigts jatteins une zone plus chaude, plus lisse. La conductrice se remet au fond de son siège et mouvre un passage plus large: cest plus lisse, plus doux, plus chaud. Elle ne dit toujours rien. Quand je touche le tissu de la bande de soie, entre les deux cuisses, Laure se mord la lèvre inférieure, fixe la route, plisse les paupières.

-Oh! Le coquin! Il na pas besoin de leçon, il connaît déjà le mode demploi. Adrien, tu devrais avoir honte. Tire ta main, voyou, tu vas provoquer un accident. Tu nous mets en danger. Laure, tu es inconsciente? Cest que tu te laisses faire sans crier. Ah! Tu rougis, il te reste un peu de pudeur. Regarde la route.

Elle a rosi plus que rougi. Mais moi, je sens lafflux de sang dans mon visage. Jai brusquement retiré ma main, mais elle tient toujours le genou rond de Laure. Quelle peste, cette coiffeuse. Je venais darriver à une frontière jamais franchie, mon cur battait la chamade. Jallais peut-être oser appuyer, gratter doucement le tissu, chatouiller le fruit fendu sous la soie, explorer des contrées inconnues. Elle est intervenue au plus mauvais moment.

Je vais la haïr cette coupeuse de cheveux en quatre. Je me tourne pour lui faire une grimace. Elle ne la verra pas: les yeux refermés, bouche close par un nouveau baiser, cuisses écartées, culotte poussée sur un côté, dans le creux de laisne, elle accueille sous une toison fournie au moins deux doigts en pleine frénésie de lami Gilles. La garce. Elle ne rougira pas, elle est toute rouge. Le spectacle me fascine. Mon immobilité alerte Laure:

-Regarde devant toi.

Ce disant, de sa droite libérée elle remonte ma main jusquà la soie, referme ses deux cuisses, me garde prisonnier. Nous sommes sur une ligne droite, elle lève le pied pour profiter le plus longtemps possible du contact. Elle jette un il et constate avec plaisir mon adhésion à la situation. Mon auriculaire est coquin. Malgré létroitesse de lespace, il sagite et reçoit sa récompense sous forme dune trace dhumidité dans le tissu pressé. Au prochain virage à angle droit létau se desserre, jattends quil se referme. Laure nen est pas importunée, une nouvelle fois, elle recule les fesses vers le fond de son siège dans un mouvement destiné à raffermir la prise et à mieux maintenir la position. Lhumidité augmente, va parfumer mes doigts. Dans mon dos, Emilie souffle de plus en plus fort. Gilles lui rappelle allègrement quil est son maître. Laure se venge de son intervention précédente:

-Emilie, retiens-toi. On va arriver. Reprends ton souffle, essaie dêtre présentable. Tu devrais avoir honte en présence dAdrien! Que va-t-il penser de nous? Allez, un peu de tenue, tu auras toute la journée et toute la nuit si tu veux.

-Oh! La, la. Tu nas pas toujours été aussi prude. Si Raymond

La phrase reste en suspens. Jai arraché ma main, je me suis retourné dun bloc et jattends la chute. Elle ne vient pas. Emilie se mord les lèvres, cherche une sortie, mon regard ly oblige

-Oui, si Raymond était derrière avec moi, ça te ferait rire. Tu aurais des vues sur Gilles? Non, alors occupe-toi de ton beau soldat et fiche-moi la paix avec tes leçons de morale.

Pourquoi Laure rirait-elle si Raymond et Emilie? Je my perds.

Laure tendait le dos, muette, dans lattente de la catastrophe. Gilles pousse un profond soupir de soulagement et Emilie, heureuse davoir évité la grosse bourde, se fend dun sourire large comme ça à mon intention. Nous arrivons à la barrière dans le silence. Personne na jugé bon de sapesantir sur le sujet, je le sens. Je porte ma main gauche devant ma bouche, sous mes narines et hume pour la première fois lodeur de lintimité de Laure. Voilà un signe distinctif que je garderai en mémoire, je men imprègne. Laure a vu, Laure sait, sa chatte a laissé sur moi sa trace indélébile. Je suis marqué.

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