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Les ficelles qui se défont – Chapitre 1




— Et tu fais quoi alors dans la vie ?

Et voilà. Un énième loser avec les mêmes questions sans intérêt à qui il allait falloir faire (l’insipide) conversation toute la soirée.

— Je préfère qu’on se vouvoie si vous n’y voyez pas d’inconvénient. Je suis enseignante.

— Ah super ! T’enseignes quoi ?

— Tout. Je suis maîtresse d’école.

— Aaaah, « maîtresse », ça me plait bien…

Et lourd avec ça.

— Tu viens souvent ici ?

— Je préfère vraiment qu’on se vouvoie.

— Oooh pardon, mademoiselle. Vous venez souvent ici, madame la comtesse ?

Allez, ça suffit.

— Bon. Écoute. Si tu tiens à ce que je te tutoie, allons-y. Tu ne me plais pas. OK ? Et crois-moi, une chose est certaine, à l’issue de cette soirée, tu ne te mettras pas à genoux pour me demander en mariage.

— Ben attends, t’en sais rien !

— Si. Je sais.

— Mais tu vas pas partir comme ça, quand même ?

— Non. Je ne vais pas partir comme ça. Il se trouve, petit chanceux, que je ne me suis pas habillée comme une prostituée de luxe pour rien, ça m’a pris du temps et j’ai très envie de baiser. Pardonne mon langage, je ne parle pas toujours comme ça mais j’ai l’impression que ça ne te choquera pas, toi, hein ? Alors, on coupe le dîner maintenant, et on passe direct à la suite : je préfère être prise en levrette et je ne suis pas fan de cuni.

L’homme attablé derrière nous fut pris d’un gloussement intempestif. Merde, j’avais encore parlé trop fort.

— Euh, nan mais tu sais, laisse tomber, moi je voulais juste manger tranquille, désolé si j’ai été con, je préfère qu’on s’arrête là.

L’intéressant lâcha un billet de 50 euros sur la table et partit. Très vite. Si la vie avait été un proverbe, ses pieds lui auraient gratté les oreilles. Bien joué, Lilas. Bien joué.

Derrière moi, la table entière ricanait. Je sentis le rouge monter à mes joues mais je ne me laisserais pas faire, décidai-je.

— Un commentaire, peut-être ? dis-je en me retournant prestement.

Les ricanements s’arrêtèrent, les rictus s’effacèrent et les yeux fuirent partout où ils purent. Seul deux soutinrent mon regard le sourire aux lèvres.

— Qu’ajouter après un tel laïus ? m’interrogea la bouche.

— C’est mon style qui vous rend hilares ?

— Sans doute, oui. Le pauvre type, aussi.

— Heureuse d’avoir égayé votre soirée alors.

Je ramassai mon manteau et l’enfilai le plus vite possible. Une fois mon trench noir et cintré jeté sur mes épaules, on ne voyait plus de ma tenue que mes bas noirs et transparents et mes talons aux motifs fleuris. Ma robe fourreau marine avait disparu. Elle était trop classe pour ce boui-boui de toute manière. Clac clac clac, en quelques pas, j’atteins la porte que j’ouvris et alors que le froid glacial de cette nuit d’hiver m’envahissait, je sentis une main sur mon bras.

— Encore vous. Vous n’avez pas assez rigolé, il vous en faut encore ?

— Vous avez oublié votre pochette.

— Ah. Merci. C’est gentil.

— C’est normal. Passez une bonne soirée, Lilas.

Il me sourit de ces sourires francs et simples, terre-à-terre, chaleureux. Ses yeux, toujours, qui ne me lâchaient pas, me fixaient, sans peur des miens. Puis il se retourna.

— Attendez, comment connaissez-vous mon nom ?

— Il vous l’a redemandé au début du rendez-vous.

— Donc vous connaissez le sien, de nom ?

— Le sien ne m’intéressait pas.

— Alors que le mien…

— Il faut croire que j’ai un faible pour les prostituées de luxe.

— Je peux me sentir offensée ?

— Si ça peut vous faire plaisir.

Son infroissable sourire était toujours là. Il s’amusait ? Il jouait ? Ça n’allait pas se passer comme ça. Moi je ne m’amusais pas, je ne jouais pas, et j’avais tout sauf envie de rire.

— Ça vous fait rire ça, hein ? De voir quelqu’un d’assez désespéré pour supplier un homme qui ne lui plait même pas un tout petit peu de lui faire l’amour ?

— Je crois que vous lui avez plus précisément demandé de vous baiser.

— Oui, peu importe. Vous savez combien de fois j’ai dû endurer ça ? Passer une soirée entière à écouter un demeuré me poser les mêmes questions sans fond, inlassablement, juste pour pouvoir m’envoyer en l’air, violemment, passionnément, avec un corps et tout oublier le lendemain ?

Et là, pourquoi là ? tout s’est envolé, bruyamment, sans retenue. Mes larmes ont commencé à couler dans un flot torrentiel et le souriant a perdu son sourire. D’un coup, comme ça, sans que j’aie même pu commencer à contrôler.

— Vous croyez que j’ai l’air maline, là, avec ma robe hors de prix sur le dos dans un diner tout pourri qui nous fait croire qu’on vit à l’après-guerre au milieu du New Jersey ? J’ai l’air de quoi, sans rire ?

— Venez, on va prendre l’air.

Il me prit par la main et j’ai réalisé. J’ai réalisé que j’étais en train de déverser mes états d’âme sur un inconnu que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam. D’un revers de la main libre, j’essuyai mes larmes et j’essayai de retrouver ma contenance dans le froid qui me gelait les joues.

— Vous fumez, Lilas ?

— Non, j’ai arrêté il y a quelques années.

— Chapeau. De toute façon, j’ai oublié les miennes à l’intérieur. Ainsi que mon manteau.

— J’allais vous faire la remarque. Et m’inquiéter que vous n’ayez pas trop froid par ma faute et celui de notre départ précipité. Mais je viens de vous faire gagner quelques minutes de vie finalement, alors toute culpabilité déplacée disparaît.

Je forçai un sourire, enfin. Le monsieur avait voulu bien faire.

— Vous allez mieux ?

— Moi ? Bien sûr ! Ça n’était rien du tout.

— Ça ne ressemblait pas à rien du tout.

— Mais vous semblez bien grave, soudain ! Tout à l’heure, on ne pouvait pas vous enlever votre sourire. Je vous en fais vivre des choses ce soir ! À quoi bon aller au cinéma quand on a une si merveilleuse actrice en direct pour nous divertir, et nous faire passer du rire aux larmes ?

— Vous ne croyez pas si bien dire. Je devrais y être, là, tout de suite, au cinéma. Et puis, elle m’a agacé. J’ai fui. Comme Dom Juan, tout à l’heure. Il doit sans doute être dans un diner avec ses copains et s’il a un peu de ma chance, il est en train de voir une femme sublime ôter son manteau et dévoiler sa robe hors de prix qui, vous l’admettrez, n’a pas grand-chose à faire dans un diner pourri du New Jersey de l’après-guerre.

Ah mais c’est qu’il attaquait, le monsieur. Et d’ailleurs…

— Dom Juan, Lilas, d’accord. Mais vous, vous, c’est quoi votre prénom ?

— Pierre.

— Pierre c’est joli mais c’est très difficile à crier, les prénoms en une syllabe, une fois au lit. Ça manque de substance. Oh Pierre, oui, encore, comme ça, je te sens ! Vous voyez ? Il manque quelque chose.

— J’ai trouvé ça parfait dans votre bouche, moi.

— Il y a un paquet de choses que vous trouveriez parfaites dans ma bouche.

Il explosa dans un rire tonitruant si surprenant de sincérité.

— Oh désolé, désolé, je ne veux surtout pas à nouveau vous vexer mais vous êtes drôle ! Pour de vrai !

— C’est rafraîchissant à entendre. D’habitude on me dit cynique.

— Lilas, vous êtes drôle. Et belle. Et bouleversante.

— Vous me flattez mais dans quel but ? Vous avez bien compris plus tôt qu’il n’y aurait pas besoin de tant en faire pour finir la nuit avec moi…

— J’ai compris encore plus tôt que quoi qu’il arriverait, je finirais la nuit avec vous.

— Prétentieux. Et si je décidais que non, finalement ?

Je m’approchai de son visage avec défiance, en me mordant la lèvre.

— Ce n’est pas une question de décision. Si vous me disiez, droit dans les yeux : « Pierre, je ne souhaite pas finir la nuit avec vous. », ce serait terminé bien sûr, et je rentrerais auprès de mes vieux compères finir ma soirée presque comme s’il ne s’était rien passé. Mais vous ne le ferez pas hein ?

J’ai pris soin d’attraper ses yeux impassibles dans les miens. Et j’ai prononcé bien fort, mon sourire maintenant scotché au visage :

— Pierre, je ne souhaite pas…

C’est à ce moment-là que ma bouche, d’elle-même, sans que je la commande, a atteint la sienne et que nos langues se sont enlacées dans une troublante douceur mêlée à un enthousiasme mutuel non feint. J’avais pourtant décidé de lui dire, sa phrase, de le provoquer, pour voir, un peu. Mais je n’avais pas pu aller plus loin. Ses mains froides et larges m’entourèrent à la taille pour me serrer contre lui puis l’une d’elles est remontée le long de ma colonne vertébrale pour atteindre mes omoplates et l’autre est descendue vers mes fesses. Mes bras autour de son cou, je ne pouvais pas arrêter de l’embrasser. Lui non plus.

Comme ventousés l’un à l’autre, nous nous sommes plaqués contre un mur de la ville déserte à cette heure -la vie nocturne en petite province…- et ses lèvres ont enfin quitté les miennes pour honorer ma gorge puis ma poitrine. Ses mains vinrent pétrir mes cuisses sans ménagement et je me laissai aller à cet océan de chaleur inattendu mais bienvenu. Bientôt, mon manteau déboutonné, ma robe soulevée en partie jusqu’à la hanche, je le tirai contre moi et collai mon sexe au sien en récupérant sa bouche et son sourire (qui ne faisaient qu’un) à la mienne. Des gémissements m’échappèrent. Il était dur, très dur et j’étais ivre de ses caresses et de sa langue et de sa chaleur.

Ses doigts vinrent effleurer mes tétons, puis tout en m’embrassant il les saisit doucement et joua à les tourner entre ses phalanges. À l’agonie, je n’y tenais plus. J’ai pris ses mains et les ai posées sur mon fessier puis d’un coup de hanche, je lui fis comprendre de quoi j’avais besoin : message reçu 5/5, il souleva mon bassin en s’appuyant un peu plus en direction du mur. J’enroulai mes jambes autour de sa taille et attirai son érection puissante à mon entrejambe. Il lâcha ma bouche pour suçoter mes seins maintenant à sa hauteur et sans prendre garde à ce qui m’entourait, un long cri déchirant la nuit s’échappa de mes lèvres pour célébrer ma jouissance si intense et si délicieuse.

Je restai un moment comme ça, dans ses bras, pendue à son cou, mes jambes enroulées autour de lui, à bout de souffle, la tête sur son épaule. J’avais si chaud maintenant et les ondes de choc post-orgasmiques m’envahissaient le corps et l’esprit. Il ne bougeait pas, il me tenait contre lui, fort, solide et dur encore.

Puis je partis dans un rire incontrôlable. Je repris mes esprits et déposai mes talons sur le sol. Je lui pris les mains. Il me souriait encore.

— Merci. Merci, Pierre, lui dis-je, hilare.

— Pff, jouir ne vous réussit pas à vous… « Merci »… N’importe quoi.

— Qu’aurais-je du dire alors ?

— « Ça vous dirait d’aller boire un verre, un de ces jours ? »

— Je vous croyais plus original que Dom Juan.

— Je n’ai rien d’original. Et je suis un bon garçon. Je ne couche jamais le premier soir. Et j’adore boire des verres.

— L’alcoolisme tue chaque jour des milliers de gens en France.

— Vous allez vite en besognes statistiques. Mais j’ai l’impression que vous allez vite tout court, non ?

— Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? Beaucoup de femmes prennent leur pied dans la rue avec un homme qu’elles ont rencontré 10 minutes plus tôt. D’ailleurs ce monsieur qui passe là-bas… Hep !

— Ne vous avisez pas, me dit-il en m’attrapant le poignet.

— Sinon quoi ?

— Sinon je me verrais dans l’obligation de vous corriger et je crois que c’est plutôt vous qui faites ça d’habitude, non ? Je ne voudrais pas si vite changer vos petites manies.

— Pourquoi « si vite » ?

— Parce que ça viendra, un jour. Je ne suis pas pressé. J’avais déjà glissé mon numéro dans votre pochette, au cas où. Si jamais un soir, un matin, il vous venait l’envie de me revoir…

— Ce sera avec plaisir, Pierre, lui souris-je, en l’embrassant sur la joue.

— Plait-il ? Faites attention, vous venez de me dire quelque chose d’agréable, et ce, sans ironie.

— Tout arrive !, lançai-je en m’éloignant.

Je prenais soin de tranquillement rouler mon bassin en marchant dos à lui en direction du parking où j’étais garée.

— Et ne croyez pas un instant que je vous regarde partir, Lilas ! Non, je ne suis pas de ceux-là ! Je n’ai aucune attirance pour les démarches chaloupées et les fessiers parfaitement rebondis ! Non très peu pour moi !

Je ne pus supprimer mon rire et lui lançai un baiser imaginaire dans un dernier regard vers l’arrière.

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