Il est dix-neuf heures trente. Je regarde Anaïs sortir de l’allée. Elle marche sur le trottoir dans ses petits talons, un sac papier dans chaque main… La jaguar !… Elle vient d’entrer dans notre rue !… Elle s’avance. J’aperçois à l’intérieur la silhouette de Lola. La berline sombre s’arrête en bas de notre immeuble. Je ne vois que le toit et le capot. Personne ne sort…
Il la regarde, lui sourit. Elle se tourne vers lui, s’avance, l’embrasse sur la bouche. Il se laisse faire. Il y a quelque chose d’insupportable dans cette idée que cela ne soit pas lui qui la presse. C’est elle. Elle écarte ses lèvres, enfouit sa langue. Il ne fait que l’accompagner, tendre comme une pâte d’amande glissant autour d’elle…
Ses mains s’immiscent sur l’homme. Son petit haut sans manche décolletée se presse à lui. Il n’a qu’à passer ses doigts sur son cur pour sentir qu’elle n’a plus depuis longtemps son soutien-gorge. Ses doigts filent sous la jupe bouffante. Elle n’a pas de string non plus. Il se souvient de ce matin, quant il lui a défait. Elle avait les mains posées à plat sur le bureau. Elle a senti un frisson courant entre ses jambes, le même qu’elle a eu tout au long de la journée avec lui et qu’elle a encore…
— Il faut que je rentre !…
Elle sort de la voiture. Elle fait un petit signe en direction de lui…
— A demain !…
Elle marche, se déhanche. Sa petite jupe se lève au vent. Elle la rabat lentement. Quelques instant plus tard, la clé tourne dans la serrure…
— Mathis, je suis super contente. La promotion, à priori, c’est moi qui l’aurait. Tu te rends compte, Mat ?…
Pour me rendre compte, je me rends compte. Je suis jaloux à l’extrême. Je fonds sur elle. Je la prends dans mes bras. Elle sourit. Elle est aux anges. Elle croit que je suis heureux. Je l’embrasse. Pendant ce temps, mes mains filent, en haut, en bas, sous sa jupe bouffante pour vérifier qu’elle ne porte en fait rien dessous. C’est con d’être jaloux !…
Je suis déçu !… En haut un soutien-gorge, en bas une culotte. Quoi de plus normal, pourtant… Elle a bien pu mettre çà dans l’ascenseur. Elle en avait le temps. Je ne sais plus…
— Alors ?…
— Alors… Heu… C’est bien !… Je suis content pour toi !…
Elle sort de mes bras, commence à parler tournant dans la pièce. Elle m’explique qu’une occasion comme çà, on n’en a qu’une dans une vie. Bien sûr, elle va devoir faire de son mieux. Elle ne devra pas compter ses heures, emmener du travail en week-end peut-être. Et alors ?… Quand le boulot intéresse, on a pas l’impression de travailler…
— Demain, je me lève tôt. Je prends l’avion pour Marseille. Mon boss m’a demandé de l’accompagner. On voyagera en « classe super affaires », réservée au VIP. Tu te rends compte ?…
Elle attend mon approbation, mais ne l’écoute pas…
— Seul bémol, je ne rentrerai pas le soir… On doit voir une boîte le lendemain juste à coté sur Aix. J’espère que cela ne te dérangera pas de passer la soirée sans moi ?…
Ses bras viennent entourer mon cou. Elle me fait de petits baisers doux…
— C’est la première fois… Il faudra sans doute qu’on s’habitue…
Dire que ses lèvres étaient sur les lèvres de l’homme, il n’y a pas dix minutes !… Je la regarde. Je ne sais pas quoi dire…
— Alors ?…
— C’est bien !…
Ces trois mots m’arrachent la bouche. Elle ne s’en rend pas compte. Elle est sur son nuage, elle vole…
— On mangera vite, peut-être. Je voudrais me coucher tôt !…
On a fait un repas rapide. On s’est retrouvé devant la télé. Elle s’est blottie contre moi, n’a plus bougé, s’est plongée dans le film. Moi, j’avais la tête ailleurs. Quand elle m’a dit qu’elle allait dormir, il était seulement dix heures. Je l’ai suivie, je me suis endormi tout de go aussi…
A cinq heures, le réveil a sonné. Elle est sortie doucement du lit. Elle s’est douchée, habillée, sans un bruit. Elle est partie. Je me suis levé. J’ai été voir à la fenêtre. Dans la rue, la jaguar attendait. Elle est entrée dans la berline. Je l’ai vue partir dans le noir. C’est là que j’ai compris que je l’avais perdue…
