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Florien et Véronique – Chapitre 1




Véronique et Florien

— Et voilà, encore une de gagnée ! Cest ce qui sappelle de la maîtrise, triompha Simon tout en posant sa manette.

— Ouais, mais cest normal. Tu as le temps de tentraîner toute la journée. Moi, je bosse. Cest pas le cas de tout le monde, ronchonna Florien le meilleur ami de Simon.

Florien venait souvent le soir jouer chez Simon. Ses parents étaient cools. Jamais ils ne les avaient entendus crier sur leur fils ou se disputer entre eux. Ils le laissaient jouer à sa console de jeux jusquà pas dheures. Ils ne lui donnaient jamais dordres. Ils étaient drôles, gentils, à lécoute. En fait, Florien se rendait compte quil était un peu jaloux de Simon. Jaloux quil ait des parents idéaux.

Il faut dire que sa vie de famille à lui était des plus compliquée. Son père, ancien militaire, quand il nétait pas ivre, lui tapait dessus. Et quand il ne lui tapait pas dessus, il était ivre. A choisir, Florien préférait quand il buvait. Quant à sa mère, pas folle, se rendant compte du piège dans lequel elle était tombée, elle avait rapidement demandé le divorce. Sa belle-mère, une algérienne ou une marocaine, il ne savait jamais, sen fichait totalement de lui. Et cétait très bien comme ça. Florien avait fini par passer un CAP de boulanger et avait rapidement trouvé un patron. Cétait des soucis en moins comme il disait souvent. Et de largent en plus.

Il avait connu Simon en 3eme, la meilleure année de sa vie. Il ne lavait pas suivi au lycée. Il avait bien dautres problèmes à régler quune éventuelle poursuite détudes.

— Tu pourrais au moins savoir perdre. Tu bosses parce que tu las voulu, rétorqua Simon. Personne ne ta forcé, personne ne ta braqué un flingue sur la tempe en tordonnant daller faire du pain.

— Et dune, arrête tes préjugés, je ne fais pas que du pain. Et de deux ma belle mère ma plus ou moins forcé, on va dire.

— Envoie la chier.

— Bien sûr. Elle ma dit que si je bossais pas, elle me foutait dehors. Tu peux parler, toi. Tu as vu les parents que tu as.

— Ils me saoulent.

— On échange quand tu veux.

— En train de vous disputer les garçons ?

Véronique, la mère de Simon, venait de faire son entrée, un plateau à la main comportant deux tasses fumantes remplies de chocolat chaud. Cétait une femme entre deux âges, plutôt mince, assez grande, à la longue chevelure brune lui tombant sur les épaules. Généralement, comme ce soir, elle préférait les ramener en arrière en une queue de cheval. Son nez était petit, sa bouche large et généreuse. Ses yeux verts étaient perçants comme ceux dun chat. Quand elle vous fixait, il était difficile de soutenir son regard. Comme si elle vous fouillait aux rayons X. Etait-elle jolie ? Florien trouvait quelle avait beaucoup de classe et du charme. Il aurait voulu quelle le sache. Le lui avouerait-il un jour ? Il en doutait sérieusement. Il la savait inaccessible. Dailleurs, cétait peut-être pour ça quelle lui plaisait tant.

— Jai vu que vous étiez en pleine partie. Je nai pas voulu vous déranger. Mais je me suis quand même dit que les émotions devaient creuser, reprit-elle.

— Ouais, merci, fit Simon du bout des lèvres.

— Il ne fallait pas vous déranger, madame. De toute manière, je vais bientôt y aller. Faut encore que je rentre et jai une grosse journée demain.

— Appelle-moi Véronique, pas de madame dans cette maison. Oui, Simon ma parlé de ton travail. Ça se passe bien ? Ça te paît ? demanda la mère de famille.

— Eh bien, oui, bredouilla Florien, peu habitué à ce quon lui pose ce genre de questions. Je travaille tôt le matin, comme ça jai mon aprèm de libre. Le patron est plutôt cool et il paie pas trop mal.

— Bon, si ça te plaît, cest lessentiel. Prends au moins le temps de boire ton chocolat, souria-t-elle avant de tourner les talons.

Une fois la porte refermée, Florien sécria :

— Et tu dis quelle te saoule ?

— Elle nest pas tout le temps comme ça, tempéra Simon.

— Tu veux dire quelle lest juste avec moi ?

— Ouais, parce que tu habites pas ici et que tu fais pas partie de la famille. Cest pas compliqué à comprendre, sagaça Simon.

— Jaimerais bien habiter ici, avoua Florien. Mais revenons sur terre.

Il avala dun trait son cacao, serra la main de Simon et sortit de la chambre pour saluer ses parents qui regardaient la télévision dans le salon.

— Véronique, monsieur, bonne soirée.

— A toi aussi, Florien, salua Véronique. Et noublie pas, tu es ici comme chez toi.

— Tout à fait, appuya le mari. Et appelle-moi Michel. Monsieur, ça me rappelle le bureau.

— Merci de votre accueil, ça me change ! Allez, au revoir.

Dans lascenseur, Florien secoua la tête. Simon nétait pas méchant. Il lui avait plusieurs fois rendu service à lépoque où ils allaient au collège ensemble. Jamais, il ne lavait jugé. Non, cest simplement quil ne se rendait pas compte de la chance quil avait. Mais il y avait sa mère Véronique. Plus le temps passait, plus il la trouvait adorable.

Quelques jours plus tard, un mercredi après-midi après le déjeuner, Florien sonna à la porte de son ami. Cétait sa mère qui vint lui ouvrir.

— Ah, cest toi Florien, entre, laccueillit elle. Simon nest pas là, je suis désolée.

— Ah bon, comment ça se fait ? demanda Florien en fronçant les sourcils. On est bien mercredi ? Je ne me suis pas trompé de jour. Normalement il na pas cours laprès-midi.

— Oui mais là, cest exceptionnel. Il avait je ne sais quel travail en groupe à finir avant demain. Alors, il a été obligé de rester travailler avec ses camarades au lycée. Triste hein ?

— Oui, répondit Simon en riant. Cest vraiment un coté du lycée que je suis content de ne pas connaître. Moi, dès que je finis ma journée ou plutôt ma matinée, je nai rien dautre à faire si ce nest me reposer. Alors que là, les profs en remettent une couche.

— Pauvre Simon le plaignit-t-elle gentiment. Tu venais pour tamuser avec lui ?

— MouiMais ce nest pas grave. Je repasserai ce week-end si je ne suis pas trop fatigué.

— Tu ne veux pas boire quelque chose maintenant que tu es là ? lui proposa-t-elle.

— Non, je ne vais pas vousenfin te déranger.

— Comme si tu me dérangeais ! Tu me tiendrais plutôt compagnie. Mais je ne te force pas si tu as mieux à faire.

— Non, je suis libre comme lair. Dans tous les sens du terme.

— Tu veux dire que tu nas pas de petite amie ? sétonna-t-elle légèrement.

— NonJen ai eu une mais cétait il y a longtemps. Et puis franchement avec mon boulot, je naurais pas le temps de moccuper delle. Je préfère encore mamuser un peu.

— Je vois ce que tu veux dire. A ton âge, avec mes histoires de prince charmant, je devais être bien ridicule. Que veux-tu prendre ?

— Oh, euh, ce que vous voulez, ça mest égal.

Simon prit une chaise.

— Tu disais que tu croyais au prince charmant. Ça veut dire que tu as été déçu par la suite ?

Véronique revint avec une bouteille de jus dorange et 2 verres.

— Déçue, je ne sais pas murmura-t-elle dun air pensif. Jai un peu limpression dêtre enfermée, tu vois. Ça doit te paraître bien abstrait. Comme tu le disais à ton âge, on préfère samuser plutôt que découter une vieille femme aigrie.

— Tu plaisantes. Et dune, tu nes pas vieille, et de deux, tu ne me parais pas aigrie du tout. Au contraire.

— Tu es gentil.

— Cest sincère, sinon je ne vous le dirai pas. Pour tout te dire, si javais une copine, jaimerais même bien quelle soit comme toi lâcha-t-il avec un brin dhésitation. Sans vouloir te gêner.

— OhJe suis très touchée. Vraiment. Mais quest ce que jai de si particulier ?

— Cest difficile à dire. Et jai du mal à dire ce que je ressens parfois. Mais je ne te sens pas épanouie et ça mennuie beaucoup. Pourtant, tu as tout pour toi, un mari que tu aimes, des enfants et puis tutu es belle.

— Je te remercie encore une fois. Tu sais, cest compliqué. Et je ne sais même pas par où commencer. Je me sens un petit peu seule parfois. Je suis mariée avec Michel depuis 21 ans maintenant. On saime, ça jen suis sûre. Mais il ny a plus de tendresse entre nous, plus de dialoguePareil avec Simon ou mes autres enfants.

— Ceux qui habitent à Marseille ?

— Oui. Romain et Paul. Ils ne téléphonent pas beaucoup. Je passe pour une vraie mère-poule quand je leur demande de faire un effort.

— Mieux vaut être une mère poule quune mère absente ou qui peut vous menacer dun moment à lautre de vous mettre à la porte rumina Simon.

Son amertume était palpable.

— Je te comprends, compatit Véronique. Mais, cela tendurcit. Vois le côté positif des choses, si jose dire. Tu es devenu un homme contrairement à Simon qui est encore un ado par bien des aspects. Tu ne le mérites pas, en tout cas.

Elle lui toucha la main. Florien frissonna et la retira vivement comme sil avait été marqué au fer rouge. Véronique regretta aussitôt ce geste daffection. Le pauvre garçon ny était pas accoutumé. Simon se maudit. Ce contact lavait électrisé. La main avait été douce. Apaisante. Rassurante. Il naurait pas du se retirer. Un peu brusquement, pour se rattraper, il caressa la mère de Véronique.

— On ne le mérite pas, rectifie-t-il. Si je peux faire quelque chose, nhésite pas. Ça me fera vraiment plaisir.

— Merci de ton soutien. Mais tu as déjà fait quelque chose, sans le savoir. Tu mas écouté. Ça ma fait du bien.

Florien retira doucement sa main et avisant une photo trônant sur le buffet du salon, il demanda :

— Cest toi à ton mariage ?

— Eh oui, il y a 20 ans à peu près. Quand jétais jeune et belle, plaisanta-t-elle. Ça vaut aussi pour mon mari.

— Il, euh, il était un peu plus mince à cette époque.

— Tu peux dire les choses. Il était très bien à cette époque et aujourdhui son obésité minquiète un peu.

— Je naimerais pas devenir comme ça. Je ne fais pas spécialement attention. Je veux dire, je cours un peu, je fais de la musculation, de la boxe mais je ne fais pas gaffe à ce que je mange. Mais je sais que je maccepterai mal avec des kilos en trop. Et pour ma partenaire, cest une question de respect.

— Je te trouve parfait moi. Mon mari devrait en prendre de la graine. Il na jamais fait aucun sport et il se goinfre à la cantine de son entreprise.

— MerciJe, tu, tu es parfaite toi aussi à mes yeux.

Elle rougit légèrement et se tortilla sur sa chaise.

— Puisquon en est au moment où se lance des fleurs, combien tu me donnes tiens ?

— Oh, voyons voir, tu es jeune sur la photo. Si tu tes marié à 25 ans par là et que ça fait 20 ans, je ten donne 45 ! devina Florien.

— Cest bien raisonné, bravo. Jen ai 46.

— Tu ne les fais pas, je te le garantis.

— Tu dis ça pour me faire plaisir !

— Pas seulement, aussi parce que je le pense. Moi, jen ai 17.

— Oui, comme Simon. Ça fait une sacrée différence, quand on y pense. Tu as de la chance dêtre jeune.

— Cest bizarre car moi je pense souvent linverse ! Mais lheure tourne, je men rends compte. Je ne vais pas te déranger plus longtemps fit-il en se levant.

— Tu ne me déranges pas du tout. Si tu veux, tu peux même revenir quand tu veux. Ça me fera plaisir.

— Il ne fallait pas me dire ça ! Sinon, je vais avoir envie de tout le temps te voir. Avant que jy aille, je peux te demander un truc ?

— Bien sûr !

— Jaimerais beaucoup te faire la bise. Mais cest pas grave si tu te refuses.

— La bise ? Euh oui, je ny vois pas dinconvénient.

Florien sapprocha de Véronique mais juste au moment dapposer ses lèvres sur sa joue, sans y réfléchir, cest sur le coin de sa bouche quil sattarda. Gêné de son inspiration subite, il tenta de se justifier.

— Jen avais envie. Et besoin peut-être.

— Tu es tout rouge. Tu es sûr que ça va ? lui demanda malicieusement Véronique.

— Oui, oui ne tinquiète pas. Jai juste chaud tout dun coup.

— Pourtant, ce nest quun baiser remarqua-t-elle.

— Pour toi, nuança-t-il. Mais pour moi, cest déjà beaucoup.

— Cest mignonMais voudrais-tu que je te montre ce que moi jappelle embrasser ? Tu verras que cest très différent du bisou que tu peux faire à tes copines quand tu les vois le matin.

— Oh

Son cur se mit à brusquement battre la chamade.

— Comment je pourrais refuser ? murmura Florent. Mais êtes vous sûre que ?

— ChutTu verras. Ferme les yeux. Et ne les ouvre pas sinon ce serait de la triche.

Florent sexécuta et le noir se fit dans son esprit. Il entendit un petit bruit léger et sentit que Véronique se déplaçait tout près de lui. Il sattendait dun instant à lautre à sentir la chaleur de son corps, la douceur de ses bras, contre lui.

La sonnerie de la porte dentrée retentit. Il ouvrit brusquement les yeux et vit le visage de Véronique à quelques centimètres du sien. Elle eut un étrange sourire. Mêlé damusement et de déception. Florien devait faire une drôle de tête aussi puisquelle crut bon dajouter :

— Ne sois pas trop déçuÇa ne devait pas se faire aujourdhui, cest tout.

— Et si tu me le faisais quand même rapidement ? Sinon je vais faire que dy penser cette nuit.

— Non, nonPas comme ça, mon grand.

— Au moins un câlin alors ?

Véronique fut sur le point de céder quand une voix étouffée leur parvint derrière la porte.

— Allô ? Y a quelquun ou quoi ?

Cétait la voix de Simon. Florien le détesta soudain.

— Tu vois ? Tu nes pas le seul à timpatienter plaisanta Véronique. Jarrive, une seconde, cria-t-elle à ladresse de la porte.

Celle-ci souvrit face à un Simon ronchonnant.

— Tu en mets un temps. Florien ? Quest ce que tu fous là ?

— Rien, jejavais oublié mon écharpe lautre jour et je voulais la récupérer. Véronique lavait mis de côté. Je croyais que je lavais perdu mais je suis passé quand même au cas où.

— Ah bon, ok. Tu restes jouer là ?

— Non, faut que je file. La prochaine fois. Véronique. Merci pourlécharpe.

— A bientôt etprends soin de toi en attendant.

— En attendant quoi ? demanda Simon.

Florien neut pas le loisir dentendre la réponse de Véronique que la porte se refermait déjà. Mais il savait quil pourra la rouvrir bientôt. Dire quil en avait hâte nétait quun euphémisme.

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