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Bérénice – Chapitre 26




51.

Damien resta tout retourné davoir été confondu de la sorte devant sa famille. Encore une fois, il se demanda ce quil allait faire : faire mourir Alice et perdre tout ce quelle représentait, ou continuer de la faire vivre avec de nouvelles perspectives, professionnelle entre autres. Mais Bérénice revenait sans cesse à son esprit. Il en était vraiment amoureux et donnerait beaucoup pour vivre avec elle. Sauf quelle était mariée et vivre avec elle signifiait vivre avec son mari.

Et encore une fois, il ne pouvait se résoudre à la perdre. Alice était de nouveau graciée.

Marjorie vint sonner chez Damien pour avoir sa confirmation pour lapéritif quelle avait prévu pour faire connaissance dAlice. Ils convinrent que le lendemain soir serait une bonne idée. Marjorie lui fit comprendre à demi-mots quelle serait ravie de mieux connaitre Alice.

Plus ça allait, et plus Damien seffaçait au profit dAlice.

Cest donc dans une tenue sobre quil frappa le lendemain chez ses voisins, une bouteille de champagne à la main. Il offrit pour loccasion un vêtement à Manon qui lui décrocha son meilleur sourire. La soirée et les discussions séternisèrent après minuit.

Lultimatum fixé par Pierre Granberg arrivait bientôt à échéance. Et Damien ne savait toujours pas quoi faire. Ils sétaient parlé plusieurs fois par téléphone, mais Pierre navait jamais évoqué le marché passé un mois plus tôt au restaurant.

Damien fit le point sur son activité, ses clients, son chiffre daffaires. Pierre Granberg était son client principal et le perdre pourrait lenvoyer direct au Pole Emploi. Lidée même de revenir travailler en tant que salarié le révulsait. Il avait eu suffisamment de mal à gagner son indépendance pour la perdre maintenant. Certes, il ne comptait pas ses heures, navait pas de RTT, mais cétait cent fois mieux que les trente-neuf heures officielles, les heures sup non payées et surtout un chef souvent incompétent qui ne pensait quà se faire bien voir de ses supérieurs.

Alice était de plus en plus à laise en public. Toutes les sorties quelle avait faite avec Bérénice ou Patrice le prouvaient. Elle faisait parfaitement illusion. La soirée avec Marjorie et Jérôme qui lavaient considérée et traitée comme une femme à part entière, tout en sachant que cétait un homme, en était encore une autre preuve.

Même ses propres parents et ses surs avaient acceptés son travestisme sans broncher.

Etaient-ce là les signes évidents quAlice devait prendre le pas sur Damien ? Damien justement, refusait de ladmettre. Pourtant

Quelques années plus tôt, il avait déjà pris une première décision, un pari fou sur un avenir passablement incertain mais qui, au final, lui avait pas trop mal réussi.

Aujourdhui, il sapprêtait à prendre une deuxième décision, un pari encore plus fou, sur un avenir encore plus incertain.

Lorsque Pierre Granberg reçut Alice dans son bureau, un grand sourire illuminait son visage.

— je suis très heureux que tu sois venue, dit-il

— jai limpression de faire la plus grosse connerie de ma vie, mais bon. On verra bien.

— ne ten fais pas. Tout va aller très bien.

Pierre sinstalla dans son fauteuil et appuya sur la souris

— et voila ! Je viens de faire ta publicité.

— comment ça ?

— jai envoyé un mail à une dizaine de mes amis pour leur proposer tes services.

— euh, je ne sais que dire.

— une diner si Alice gagne de nouveaux contrats

— cest le minimum que je puisse faire.

La vie continua. Alice fut rapidement contactée par les amis de Pierre et signa ses premiers contrats avec certains dentre eux.

Ce nouvel afflux de travail lobligea à cesser ses liaisons du lundi après-midi avec Bérénice.

Elle passait désormais les week-ends avec son couple damants, sauf quand leurs enfants étaient présents. Même sils étaient au courant, elle ne voulait pas gâcher lunité familiale.

Lété arriva et tout naturellement, Bérénice proposa à Alice de passer les vacances avec eux, dans les Pyrénées. Mais en fille bien sur. Alice avait beau arguer quelle navait jamais fait de randonnée, quelle navait pas le matériel nécessaire, quelle serait un boulet pour eux, rien ny fit et Alice fut bien obligée de capituler.

Alice, pas plus que Damien dailleurs, ne connaissait la montagne en été. Il avait fait quelques séjours pour skier, sans plus. Patrice lui fit découvrir le massif du Néouvielle, ses lacs, ses chemins boisés, les crêtes offrant des panoramas à couper le souffle. Alice fut tentée de se baigner dans un de ses lacs à leau limpide. La température plusque fraiche len dissuada. Elle découvrit le col du Tourmalet quelle ne connaissait que par la retransmission télévisée du Tour de France et visita lobservatoire du Pic du Midi.

Bien sur, ces trois semaines ne se limitèrent pas à la randonnée. Les parties de sexe furent quotidiennes. Ils firent même lamour en altitude. A deux mille mètres, le septième ciel navait jamais été aussi près.

Amour à trois souvent, mais aussi intimité entre Alice et Bérénice quand Patrice tentait vainement dimiter les coureurs cyclistes à lassaut des cols Pyrénéens. Le col dAspin pour Patrice, le col de lUtérus pour Alice, certes plus facile à grimper mais tout aussi épuisant.

Mois daoût à La Rochelle encombrées par les touristes. Alice trouvait la tranquillité chez le couple. Piscine, farniente, sexe. Malgré ses protestations, Bérénice avait fini par convaincre Alice de porter un deux pièces pour bronzer car son mari trouvait que les marques blanches lui donnaient une féminité encore plus excitante.

Patrice la sodomisait régulièrement et si désormais, elle accueillait sans problème son sexe imposant, elle simulait toujours le plaisir quelle prenait. Patrice nétait pas dupe, mais ne lui en voulait pas. Le jour où elle jouirait pour de vrai arriverait tôt ou tard. Le simple fait quelle laccepte en elle le rendait heureux.

Alice aimait beaucoup faire lamour à Bérénice pendant que Patrice la pilonnait. Mais elle aimait encore plus lui faire lamour en toute intimité, moments que Patrice lui accordait assez souvent, mais parce que lui aussi baisait Alice sans la présence de sa femme, mais avec sa bénédiction.

Le trio fonctionnait parfaitement, sans heurts. Alice avait revu les enfants de Bérénice à plusieurs reprises lors des week-ends. Ces derniers lavaient définitivement adoptée, tout sachant pertinemment que leurs parents baisaient avec le travesti.

52.

Septembre arriva très vite. La ville retrouva son calme. Les affaires reprirent leurs cours.

Désormais Damien passait plus de temps en femme quen homme. Exceptés deux clients qui navaient pas voulu reconduire leur contrat, lactivité de consulting que Damien avait créée était désormais gérée par Alice.

Mais elle se trouva rapidement confrontée à un problème te taille : elle avait du mal à passer la journée sans que sa barbe ne soit visible. Tant quelle se travestissait pour batifoler, cela ne posait pas trop de problème. Mais en partant tôt le matin, la repousse avait tout son temps pour apparaitre.

Après discussion avec Bérénice, elle opta pour une épilation définitive de sa barbe. Long, douloureux et hors de prix. Mais le résultat était sans appel. En trois mois, elle retrouva sa peau dadolescent pré-pubère.

Depuis lété, elle se laissait aussi pousser les cheveux et les visites bimensuelles chez sa coiffeuse désormais dans la confidence lui permettaient de saffranchir de perruque. Enfin, elle sétait fait percer les oreilles et arborait élégamment créoles, pendentif, et autres puces.

Sa famille firent aussi la connaissance dAlice, et tous tombèrent daccord sur un point : Alice était nettement plus sexy que Damien. Et surtout plus agréable à vivre. Par contre, elle du raconter sa nouvelle vie de femme en long et en large et sa famille sut tout, ou presque, de sa relation bisexuelle avec Patrice et Bérénice.

Valérie lui proposa, non sans malice, de linviter à la prochaine vente de lingerie.

Novembre était déjà bien avancé. Les décorations de Noël illuminaient déjà la ville. Le vent et la pluie balayaient les rues où se pressaient malgré tout les hommes et les femmes en quête des premiers cadeaux.

La météo ne permettait pas à Patrice de travailler et avait prétexté daller voir ses potes pour un tarot. Cétait vrai en partie car le soir il quitta la table de jeu pour retrouver Alice quil avait invitée au restaurant. Mais ça Bérénice ne le savait pas. Patrice savait ce quil faisait. Ce nétait pas la première fois que de telles après-midi chez amis à jouer aux cartes et il nétait pas rare que Patrice rentra tard dans la soirée. Bérénice naimait pas le tarot et le laissait partir bien volontiers car en général, quand il revenait, ça se terminait en partie de jambes en lair.

Ils organisèrent le rencontre par SMS. Alice arriva peu de temps après Patrice, emmitouflée dans un manteau qui arrivait sous les genoux. Les jambes, gainées de nylon clair, étaient perchées sur des plateformes à talons très hauts que Patrice ne lui avait jamais vus.

Le maitre dhôtel la débarrassa de son manteau et recula sa chaise.

Alice portait une robe en laine au col roulé et qui mettait ne valeur sa fausse poitrine.

— tu es magnifique. Comme dhabitude, dit-il en se levant pour laccueillir. Non, tu es plus belle de jour en jour.

— arrête ! Tu me fais rougir, dit-elle après lui avoir fait la bise sur les joues

— ne soit pas modeste. Ce sont de nouvelles chaussures ?

— oui, je les ai reçues aujourdhui. Tu aimes ?

— beaucoup ! Il me tarde den voir plus.

— coquin.

Le repas se déroula lentement. Leur conversation alla de la météo à la partie de carte en passant par leurs journées professionnelles, les enfants, la transition de Justine, et Bérénice.

— jai quelque chose à te dire, dit Patrice après quelques secondes de silence.

— oh, oh

— Bérénice ne sait pas que je suis avec toi. Elle me croit toujours chez mes amis.

— tes pas bien ? Tu sais ce que tu risques ? On avait dit que lon ne se cachait rien. Surtout vous deux ! Il en va de la survie de votre couple et je ne ceux surtout pas être la raison de votre séparation.

— eh, eh, eh. Stop ! Ne tinquiète pas, je lui dirais tout en rentrant. En fait, jai surtout quelque chose à te demander, quelque chose dont je nai pas encore parlé à Bérénice, quelque chose qui te concerne directement et personnellement.

— tu minquiète. Tu ne veux quand même pas te séparer de Bérénice pour vivre avec moi ?

— non, non, pas ça. Cest vrai que je taime, mais jaime Bérénice comme au premier jour. Et puis je suis très bien avec vous deux.

— ouf, jaime mieux ça. Alors, que veux-tu me demander ?

— bon, voila. Tu as le droit de refuser. Je ne ten voudrais pas. Ne me réponds pas de suite, prends le temps de réfléchir, même si la réponse est évidente.

Patrice avait la tête baissée, comme un enfant pris en faute ou intimidé par son premier rendez-vous. Il triturait machinalement sa serviette. Alice ne disait rien, même si elle était impatiente de savoir ce que voulait son amant.

Il se tut un moment, se demandant sil nallait pas trop loin. Mais il ne pouvait plus faire marche arrière. Alice aurait de toute façon insisté pour savoir le fin mot de lhistoire.

— voila, mais ne le prends pas mal, voila, , jaimerai jaimerai que, oh putain je deviens vraiment con.

— bon tu le crache le morceau ? On ne va pas y passer la nuit ! Même si je suis bien avec toi.

Cette dernière remarque redonna du courage à Patrice.

— Alice, je taime, je te lai déjà dit, jaime ton corps, jaime ta féminité troublante, jaime te faire lamour, tembrasser. Cet été je tai demandé de bronzer avec ton bikini parce que jaimais voir les marques de bronzage quil laissait. Aujourdhui, jaimerai jaimerai que tu aies une vrai poitrine, de vrais seins comme ceux de Bérénice.

Alice tomba de haut. Elle sattendait à beaucoup de choses mais pas à ça. Si elle sacceptait en tant que travesti, elle navait jamais envisagé une quelconque transformation physique. Son apparence suffisait pour le moment à donner le change. Elle redevenait Damien quand elle en avait besoin, principalement pour des questions administratives. Et coté sexe, son corps lui convenait pour prendre du plaisir avec Bérénice et en donner à Patrice.

— comme je te le disais, ne me réponds pas maintenant, même si je suis presque sur que tu ne voudras pas. Mais javoue que si je suis dingue de toi telle que tu es, je le serai encore plus si tu avais de jolis petits seins. Je ne demande pas une grosse poitrine à la Nabilla. Un bonnet B me suffira amplement. Voila.

Alice observa Patrice. Elle le trouvait touchant dans sa demande, seul dans son coin sans en avoir parlé à sa femme. Il caressait doucement sa main aux ongles longs et vernis dune laque rouge vif. Alice ne fit rien pour le décourager. Au contraire même, elle croisa ses doigts avec ceux de Patrice.

— si tu acceptes, continua-t-il, ce sera la plus belle preuve damour que tu pourras me donner. Je sais que tu aimes Bérénice et tout ce que tu fais, cest juste pour elle, pour être près delle. Je sais que tu acceptes de faire lamour avec moi uniquement pour être près de ma femme et que tu ne ressens pas de plaisir. Mais javoue que ça commence à me peser. Jaimerai tant que tu aies du plaisir quand je te fais lamour, jaimerai tant que tu maimes, jaimerai tant que tu me le dises.

Alice lut un profond désespoir dans les yeux de Patrice. Elle se rendit compte quil avait raison, quelle ne faisait rien pour se rapprocher de lui et quelle subissait sa présence en attendant dêtre dans les bras de Bérénice. Elle nétait pas juste avec lui. Il était un amant doux, attentionné. Il lavait invité à plusieurs reprises aux restaurant, lui avait offerts des vêtements et elle avait jugée quaccepter juste ses saillies suffirait à lui rendre la monnaie de sa pièce.

Soudain, elle se remit dans la peau de Damien et se demanda comment il aurait vécu le même comportement de la part de Bérénice. Et elle se rendit à lévidence : cela navait rien dagréable et cétait même plutôt frustrant. Patrice subissait ce sort depuis bien trop longtemps. Le plaisir physique était une chose mais il avait bien peu de saveur sans les sentiments qui pouvaient laccompagner.

— je vais y réfléchir, dit-elle enfin. Je ne te dis pas non. Mais pas oui non plus.

— ça me va, dit Patrice avec un grand sourire.

Cette réponse était déjà en soi une petite victoire.

Ils burent le café et quittèrent le restaurant.

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