J’ai un fantasme. Un fantasme somme toute classique, mais qui me paraît impossible à assouvir. Jamais je n’oserais, jamais je ne pourrais, jamais je ne supporterais le jugement des autres. Car oui, les autres me jugeront, durant de longues heures, certains avec un sourire pincé, d’autres avec la plus grande répréhension. Je les vois déjà. Alors même que ce n’est qu’une projection de mon esprit, je ne le supporte pas. Alors comment oserais-je ?
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Je travaille énormément et quand je ne travaille pas, je réfléchis aux actions que je mènerai la prochaine fois que je serai au travail. Même si je m’accomplis professionnellement cela finit par me peser et il est grand temps que je prenne du repos.
J’ai envisagé toutes sortes de divertissements. Une sortie au bar ça fait longtemps je pourrais y faire des rencontres et pourquoi pas y trouver des femmes à mon goût ? Bonne idée, mais ça ne me sortira pas longtemps de mon isolement intellectuel Non. Il me faut quelque chose de fort, quelque chose d’original, quelque chose que je n’ai jamais fait. Ça y est, j’ai trouvé : je vais faire un grand voyage. Mais pas n’importe où. Dans la ville où tout est possible, dans la ville de la folie, de l’excentricité, de la démesure. C’est décidé, je pars à Las Vegas !
Mes billets sont pris, mon hôtel est réservé, mes bagages sont prêts. Je décolle demain.
Le terminal est une véritable fourmilière, pleine d’agitation et d’excitation. La mixité des sentiments que montrent les passagers me surprend. Les hommes d’affaires, habitués des lieux, au regard impassible, semblent tout faire pour que les gens se rendent bien compte qu’il s’agit pour eux d’une journée comme les autres, comme une fierté mal placée. Les familles surchargées de bagages et d’enfants sur le dos, dans une excitation folle de prendre le vol qu’ils ont sans doute attendu pendant de longs mois, peut-être de longues années. Les hippies modernes, cheveux gras tressés, vêtus d’un poncho aux couleurs improbables et des valises qui semblent avoir fait le tour du monde en auto-stop. Les pilotes, sourire d’une blancheur publicitaire, fièrement entourés d’hôtesses toutes plus belles et élégantes les unes que les autres.
Et pourtant, parmi cette foule dense et en perpétuel mouvement, mon regard est attiré par une femme qui avance à une cinquantaine de mètres de moi. Et comme dans « Où est Charlie », après l’avoir repérée une fois, je ne vois plus qu’elle. Elle est de dos, mais je lui prête un charme fou. Comme tous les hommes, je sais qu’on ne peut pas se fier à une vue de dos. Combien de fois ai-je été dépité en découvrant la face d’une femme qui m’avait attiré de dos ? Combien de fois y avait-il trente ans d’écart entre le côté pile et le côté face ? Mais cette fois encore, j’ai envie de tenter ma chance et de découvrir si mon intuition me trahira. Je presse le pas. Sur ma gauche apparaît une jeune femme aux attraits indéniables, sa jupe découvre des jambes interminables, son décolleté attire tous les regards et son visage à peine trop maquillé a dû en faire fondre plus d’un. Par instinct de mâle, je ne peux refréner le besoin de la regarder. Elle n’est pourtant pas mon genre, une beauté trop classique, à la limite de la vulgarité, mais en cet instant ma nature primitive d’homme domine mon intellect. Ces quelques secondes de déconcentration auront suffi pour que je ne retrouve plus mon inconnue dans l’épaisse foule du terminal. Ma curiosité ne sera pas satisfaite. Je l’ai perdue.
C’est idiot, mais je suis frustré. Elle était peut-être laide, peut-être antipathique, peut-être même était-ce un homme travesti ! Mais je suis frustré.
Mon vol est dans moins de deux heures, il est temps d’enregistrer mes bagages. Je trouve la file d’attente pour Las Vegas et celle-ci semble interminable. Les gens se bousculent, se hâtent, se coupent la priorité, comme si l’avion allait partir sans eux. Je me dis qu’ils doivent surtout avoir hâte de se décharger de leurs bagages et de se poser tranquillement au café ou de faire les magasins dans la zone duty-free.
Mon tour arrive et je plante mon regard dans les yeux de l’hôtesse qui m’accueille avec un large sourire. Ces yeux. Mais quels yeux. Une couleur indéfinissable, peut-être entre le marron et le vert. Ses pupilles sont comme des tourbillons en pleine mer auxquels font face les héros des contes de mon enfance. Elles m’attirent vers le fond. Je lui offre à mon tour mon plus beau sourire. J’ai l’impression d’être maladroit, que mon sourire ressemble plus à une grimace qu’à une invitation à se revoir. À l’évidence mon charme n’a pas agi L’hôtesse reste professionnelle et ne réagit que très peu à mes tentatives d’humour. Juste ce qu’il faut pour ne pas me vexer. À l’évidence elle a l’habitude de se faire draguer et manie à la perfection l’art de repousser ses prétendants. Je demande un hublot.
Décidément ce voyage comment mal.
Mais je ne désespère pas.
L’hôtesse m’indique ma porte d’embarquement et le sas de sécurité où tous les passagers doivent se rendre, quelle que soit leur destination. Quand je pense que je trouvais que la file d’attente pour enregistrer mes bagages était longue Celle-ci est démente. Personne n’avance. Le temps y semble figé. Je parcours des yeux le serpentin de moutons que nous formons en nous entassant, et je remarque que de nombreuses femmes sont assez séduisantes, une proportion supérieure à celle que je rencontre dans la rue ; je pense à un cliché où des hommes riches ont des femmes belles, mais vénales et que dans leur contrat tacite ils se doivent de les emmener dans de beaux endroits et qu’elles se doivent de rester belles. Mais cette fois encore ces beautés me laissent de marbre. Mon regard aboutit au portique qui détecte les métaux. Une femme qui vient de passer est courbée pour remettre les bottes que les vigiles lui ont vraisemblablement fait retirer ; elle se redresse doucement ; ce dos, ce dos, je reconnais ce dos !
L’envie de passer devant tout le monde me traverse l’esprit, mais soyons réaliste, cela n’arrivera pas. Je la regarde s’éloigner de moi, impuissant.
La sécurité passée, je me dirige vers la porte d’embarquement et m’assois en attendant que l’hôtesse appelle les passagers à monter. L’appel retentit et les passagers assis dans les rangs du fond sont appelés en premier. Mon rang est appelé à son tour. Je m’engage dans le couloir atteint l’avion et on m’indique la direction de mon siège. Je me demande qui pourrait ne pas trouver où se trouve son siège Je m’installe et regarde par le hublot. J’admire la parade du personnel au sol et le décollage des gros porteurs. Je mets plusieurs minutes à réaliser que le siège à gauche est maintenant occupé. Je regarde lentement en direction mes pieds et puis ma tête tourne vers ce nouvel arrivant. Je vois des bottes. Pendant quelques millisecondes mes yeux s’écarquillent, mais le doute n’est pas permis. Je remonte la tête. La femme qui est à côté de moi était de dos il y a encore quelques minutes. Elle a un visage magnifique, mais surtout avec un caractère incroyable. Cette fille est racée. Un maquillage subtil, mais efficace. Je suis sous le charme. Elle me salue, je fais de même et lui souhaite un bon vol.
En quelques minutes nous nous trouvons des atomes crochus. Après moins d’heures, nous rigolions si fort que les voisins nous ont gratifiés d’un regard désapprobateur. L’alchimie fonctionne. Le repas nous est servi est nous poursuivons nos échanges. C’est comme si on se connaissait depuis des années. Alors que nous sommes de parfaits inconnus je ne connais même pas son prénom nous nous permettons de parler de notre vie sexuelle, de nos conquêtes, de nos désastres, de nos fantasmes.
L’hôtesse vient nous débarrasser de nos plateaux-repas. Après quelques minutes l’avion est plongé dans une quasi-obscurité afin de laisser les passagers dormir. Pour autant la plupart d’entre eux ont les yeux fixés sur l’écran qui se trouve dans l’appui-tête du siège de devant.
Nos discussions se poursuivent et je remarque que plus nous discutons plus nos visages sont proches. C’est un rapprochement physique subtil, à peine perceptible, mais qui existe bien, j’en suis certain.
Dans un geste quasi convulsionné, ma main vient frôler la sienne. Elle ne la retire pas. Un silence gêné d’une seconde, peut-être deux. Nous nous regardons droit dans les yeux sans cligner. Ce silence a quelque chose de très sexuel. Je peux lire dans ses yeux qu’elle a les mêmes pensées impures que moi. Le désir monte en nous. L’envie de l’embrasser est forte, mais je veux faire durer ce moment.
Elle semble déçue. Elle aurait visiblement voulu un baiser fougueux et je crois qu’elle a pris ça pour un rejet.
Je lui attrape la main en la serrant. Mon regard sur elle ne laisse pas de place à l’interprétation : tous les muscles de mon visage sont tendus, j’ai envie d’elle et elle ne peut l’ignorer. Soudain je vois comme une lumière dans ses yeux et je devine ce qu’elle a en tête. Son fantasme et le mien ne font qu’un.
Elle se lève et avance vers le milieu de l’appareil en me jetant quelques regards coquins. Ce dos me ravit toujours autant. Je laisse passer quelques dizaines de secondes et la suis comme si de rien n’était. Elle ouvre la porte des toilettes puis la pousse. Je remarque que le voyant indiquant la disponibilité des toilettes reste vert, elle n’a pas verrouillé la porte. De peur qu’un autre passager me prenne de vitesse, je presse le pas. Je jette un regard à gauche, un autre à droite, personne ne semble avoir remarqué notre manège. J’ouvre la porte. Elle m’attend, debout, une main de chaque côté de la cabine pour se stabiliser. Elle a une épaule plus haute que l’autre. Je ne saurais dire pourquoi, mais cette posture m’excite. Son regard est celui d’une lionne prenne à bondir sur une gazelle. Je claque la porte et la verrouille.
Je me jette sur elle et lui embrasse l’épaule, la mordille, la lèche. Nos cous sont entremêlés. Je peux sentir les pulsations de son pouls contre moi. Nos souffles sont courts et forts. Je lui défais son chemisier, dans la précipitation je lui craque un bouton, ça la fait rire. Je m’efforce de la déshabiller sans lui enlever complètement ses vêtements, les sols des toilettes d’avion ne sont pas bien nets. Je lui dégrafe son soutien-gorge et remonte les bonnets au-dessus de ses seins.
Ses mamelons rose clair me procurent une envie irrésistible de les lécher. Ses tétons durcissent encore davantage. Sa main me caresse la verge par-dessus mon jean. Mon érection est à son apogée et je sens qu’elle apprécie l’effet qu’elle me fait. Ses va-et-vient sont habiles, elle sait instinctivement comment me caresser pour me procurer du plaisir. Dans un même mouvement, j’ouvre son pantalon et elle ouvre le mien. Je découvre ses dessous en dentelle noire transparente. Sexy et classe. Décidément tout me plaît chez elle.
À peine le temps de profiter de cette vue que l’envie de la prendre se fait trop forte. Je l’attrape par les bras et la retourne de manière virile. Je vois son reflet dans le miroir, elle a fermé les yeux et un large sourire illumine sous visage. Comme moi elle attend le moment où nos sexes vont entrer en contact. Elle est penchée en avant, à ma merci. Je colle ma verge à l’entrée de son vagin et m’y insère doucement. Un premier mouvement et seul mon gland est entré, un second et je rentre avec plus d’amplitude, un troisième et je suis à moitié entré. Elle semble déjà avoir des sensations. Au quatrième mouvement je suis entièrement à l’intérieur d’elle. Je pousse encore un peu et ce dernier centimètre lui fait émettre un cri de plaisir.
Nous nous efforçons de ne pas faire de bruit et d’être discrets, mais la situation est trop incroyable pour ne pas être vécue pleinement. La cabine est étroite et nous ne sommes limités dans les positions, mais l’excitation l’emporte sur tout le reste. Je la baise de plus en plus fort et elle aime ça. Je passe ma main sur son dos et la griffe doucement depuis la nuque jusqu’à ses fesses. Elle se cambre et respire de plus en plus fort. Pendant que ma main gauche l’attrape par la hanche, ma droite est descendue sur son clitoris. Je lui caresse habilement, d’abord doucement, en repérant la zone la plus sensible chez elle, puis de plus en plus vite, en alternant les mouvements circulaires et les mouvements latéraux. Malgré son envie d’être discrète, des cris lui échappent régulièrement. Je suis au bord de l’orgasme, elle l’a compris, elle me demande de jouir en elle et me précisant qu’elle prend la pilule. J’atteins un rythme effréné et je ne peux plus me contrôler. J’éjacule en elle et cela provoque chez elle une extase simultanée. Dans un râle de plaisir, nous sentons la pression retomber. Il fait chaud, nous sommes en nage. Nous avons tous les deux un petit rire nerveux signifiant à la fois whaouh et merci.
Après nous être rafraîchis, nous sortons des toilettes. Trois personnes attendent leur tour. Elles sont à moitié choquées, à moitié gênées. Les hommes semblent me congratuler d’un sourire en coin. En baissant la tête, nous retournons à notre place.
Une hôtesse s’approche de nous, nous sert deux verres d’eau, et nous nous glisse en souriant : « Bienvenue au club des 10 000 ».