Je suis effarée de ce que je viens d’entendre.

— Tu fabriquais des mines anti-personnel ? Cette saloperie ??

— Et malheureusement, bien d’autres saloperies dans le même style !

— Ouais ! Malheureusement ! Tu t’engraisse quand même sur la mort des autres ! Réplique Sabrina.

— Okay, okay ! Je suis une pourrie, un monstre ! C’est bien cela que vous voulez me signifier ? C’est ce que je me dit depuis des années le matin devant ma glace ! Vous ne voulez plus avoir affaire à moi ? C’est cela ?

— Heu, je n’ai pas dit cela, je réponds un peu déstabilisée. Mais cela fait quand même un choc d’apprendre cela.

— Moi, je suis dégoûtée, enchérit Sabrina, visiblement hors d’elle.

Je vois que Wilma serre les dents. La tension entre nous trois est désormais extrême. Plusieurs minutes se passent dans un silence glacial. Wilma ouvre enfin la bouche.

— Vous souhaitez que je vous ramène directement en ville ? C’est possible, mais je vous assure que je n’ai choisi ni ma famille ni mon héritage industriel ! Et Sabrina, crois moi lorsque je dis que je partage ton dégoût !

— Mais tes gardes armés ? Demande Sabrina. Tu as vraiment besoin de cette protection ?

— Moi ? Non ! C’est le domaine qu’ils protègent, enfin certains parties du domaine…

— Ça veut dire quoi ton baratin ? Rétorque Sabrina.

— Désolée, je ne peux pas en dire plus ! J’ai un projet industriel, qui, s’il réussit, me permettra de me désengager entièrement de mon activité d’armement. Mais ce projet nécessite encore aujourd’hui un minimum de discrétion.

Un long moment de silence s’installe avant que Wilma ne redemande.

— Alors, vous acceptez de dîner avec moi, oui ou merde ?

Je me retourne vers Sabrina qui n’a pas quitté son air un peu renfrogné.

— Qu’en dis-tu ? Je lui demande

— Je n’en sais fichtre rien. Au point où on est !

Je m’adresse alors à Wilma.

— D’accord, Wilma ! Nous t’accompagnons, mais à une condition. Promets-nous d’être franche par rapport à ce que tu entends faire vis-à-vis de nous. J’ai l’impression que tu as beaucoup d’idées, peut-être un peu trop ! Je n’aimerais pas que nous, et je pense surtout à Sabrina, soyons impliquées dans un plan foireux.

Wilma reste quelques instants silencieuse avant de lâcher.

— Mes projets vis-à-vis de vous, je comptais vous en parler dès ce soir, de toute façon ! Nous nous connaissons depuis peu, mais je vous promets que si cela se passe bien entre nous, je vous ferai participer à mon projet industriel et vous mettrai dans la confidence. Çà va comme cela ?

— Çà va pour moi, réponds-je.

— OK pour moi aussi, mais au moindre signe d’entourloupe, j’irai me faire voir ailleurs.

— Bon, marché conclu. Nous allons pouvoir arroser cela. Nous sommes bientôt arrivées.

Après quelques minutes, nous arrivons en effet à notre destination. Je reconnais le château de L*, connu pour son restaurant de luxe.

— Attends Wilma, tu es sûre que Sabrina et moi n’allons pas être rejetées par le maître d’hôtel ? Tu as vu comme nous sommes nippées. Le propriétaire du restaurant doit exiger un certain standing de la part de ses clients, non ?

— Je suis le propriétaire et j’invite qui je veux ! Rétorque Wilma en sortant du véhicule qu’elle confie au voiturier de l’établissement.

Abasourdies, Sabrina et moi sortons également du 4×4 pour gravir les marches du perron du magnifique bâtiment. Wilma est accueillie avec tous les honneurs et c’est à peine si le personnel fait attention aux deux malheureuses qui l’accompagnent.

Nous sommes prestement conduites dans un cabinet privé où une table de trois couverts est déjà dressée. Le maître d’hôtel nous installe avec cérémonie.

— Notre Chef a tout préparé selon vos instructions, Madame, dit-il en s’adressant à Wilma. Dois-je appeler le sommelier ?

— Non ! Comme d’habitude, je lui ferai confiance !

— Bien, Madame ! Répond le maître d’hôtel avant de se retirer discrètement.

Nous nous regardons, Sabrina et moi, un peu interrogatives.

— Alors mes louves ! Avez-vous faim au moins ?

— Un peu ! Mais j’espère que le repas ne sera pas gargantuesque ! osé-je.

— Il va y avoir beaucoup de plats, mais toujours en petites quantités. Vous êtes également libres de ne pas tout manger ! Je ne veux pas vous gaver comme des oies !

— Comme des oies blanches ? Minaude Sabrina.

— Certainement pas ! Rétorque Wilma. Vous m’avez prouvé depuis ce matin, que vous n’aviez pas froid aux yeux et étiez prêtes à toutes les perversions !

— À quoi penses-tu ? Demandé-je.

— Je souhaiterais que vous m’assistiez !

— Dans tes activités d’armement ? Certainement pas ! S’exclame Sabrina.

— Ni moi non plus ! Ajouté-je.

— Il ne s’agit nullement d’armes. Connaissez-vous l’histoire de Tirésias ?

— Le devin de l’antiquité grecque ? Oui, je connais son histoire. Déclare Sabrina.

— Raconte-moi, car pour ma part, je ne le connais ni dÈve ni dAdam ! Interviens-je.

— En quelques mots, Tirésias a été métamorphosé en femme pendant quelques années. Redevenu homme, il reçut la visite d’un couple qui se querellait à propos d’une question. 

— Laquelle ? Demandé-je.

— Celle de savoir, qui de l’homme ou de la femme, éprouve le plus de plaisir sexuel.

— Parfaitement ! Confirme Wilma. Et Tirésias qui avait vécu en tant que femme et homme était le seul capable de répondre.

— Et sa réponse ?

— La femme ! C’est la femme qui, selon lui, éprouve le plus de plaisir ! Répond Sabrina. La suite de l’histoire est moins drôle car le couple visitant Tirésias était en fait Zeus accompagné de son épouse Héra. Cette dernière, de colère devant cette vérité dévoilée, ôta la vue à Tirésias.

— Et Zeus lui donna le don de double-vue en compensation ! Et il devint devin ! Conclut Wilma en riant.

— Et alors ? Quel rapport avec nos affaires ? Demande Sabrina.

— Vous allez le savoir ! Mais dégustons d’abord ce qui nous arrive !

Le maître dhôtel vient en effet de revenir accompagné d’un serveur portant un grand plateau surmonté d’une cloche métallique. Une autre personne, peut-être le sommelier, porte un seau à Champagne.

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