Ma journée de travail terminée, j’aime avant de rentrer, me promener dans la galerie marchande de l’hypermarché voisin de mon entreprise. Je flâne, regarde les boutiques, je bois un verre, j’observe les gens qui passent. Ça me détend, je ne pense à rien, complètement conscient de ma chance et de mon bonheur. Il y a un an encore, mon horizon était très sombre, noir et même « noir foncé ».

Bizarrement, contrairement à mes habitudes, je me sens attiré par les vitrines de vêtements féminins. Me revient alors en mémoire la demande de Lola ce matin. Mais qu’attendait-elle de moi exactement, je ne savais pas trop. En passant devant une boutique esthéticienne, j’eus le déclic. Elle me disait souvent qu’elle n’aimait pas les poils même chez un homme, la peau étant plus douce sans. Voilà, je suis sûr de lui faire plaisir, je rentre dans la boutique et achète un épilateur électrique. De toute évidence, ce n’est pas un achat d’homme, car la dame me demandait si c’était pour offrir.

Une fois à l’appart., je branche l’appareil et commence par mes jambes, c’était horriblement douloureux, je n’ai pas pu continuer. Mais comment font les femmes ? Alors je décidais de me raser. Je fis tout mon corps avec un peu d’anxiété comme un gosse en train de faire une bêtise. Le résultat était surprenant, pas tant au niveau du corps, car je n’étais pas très poilu, mais au niveau du sexe, je le trouvais du coup, beaucoup plus agréable à regarder. Je suis certain de faire plaisir à ma chérie.

Dix-huit heures arrivent, j’étais tremblant à l’idée de la surprise que je lui avais préparée. Ma petite Lola, entre énergique comme d’habitude avec un large sourire qui se figeât immédiatement en me voyant.

Qu’est qu’il y a ? lui demandais-je, surpris.

Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qu’il y a ? me dit-elle en furie. Tu ne m’avais pas fait une promesse ce matin ?

Mais attends, je… Elle ne me laissait pas en placer une.

Moi, pauvre tarte, je me faisais une joie de la soirée que j’avais prévue pour nous deux et toi tu gâches tout, tu ne penses qu’à toi.

Mais laisse-moi t’expli…

Expliquer quoi ? Quand t’écartes tes fesses pour que j’te saute, quand tu te trémousses comme une salope quand j’te « plotte »., là il ne faut pas te forcer, mais quand c’est pour faire plaisir, y a personne.

Elle était dans une colère folle et complètement disproportionnée, je ne pouvais vraiment pas m’expliquer. Elle s’avançait sur moi au point que je croyais qu’elle allait m’en coller une, j’eus donc un mouvement de protection avec le bras.

Fais pas ta victime, en plus, j’vais pas te taper, rassure-toi…

Pendant que je baissais le bras avec une certaine hésitation, elle changea d’avis et m’en mit une, en disant.

Après tout, t’as raison, tiens et fous-moi l’camp, j’veux plus t’voir.

J’étais pétrifié, je redevenais le petit garçon qui était bon à rien, laid qui ne méritait pas d’être aimé. Je ne sus qu’aller en direction de la porte sans même prendre une veste et sortir.

Quand je repris mes esprits, errant dans les rues ne sachant où aller n’ayant ni famille ni amis où me réfugier, mon passé d’enfant, non pas mal aimé, mais bel et bien pas aimé du tout revenait m’envahir avec son flot de détresse, de désespoir et de mort.

La seule personne qui m’a aimé, il y a maintenant très longtemps, était ma mère, mais pas assez pour me préférer à l’alcool, résultat, mon enfance de famille daccueil en famille d’accueil. Chaque fois que je me sentais exister parce que je recevais de l’amour de la part de ces familles, l’administration dans sa grande sagesse m’emmenait dans un autre foyer. Un jour, pour une éternité, la bienveillance des travailleurs sociaux me confia à une mère de famille qui avait deux filles d’à peu près mon âge. J’avais à peine dix ans et là, j’ai appris ce qu’était l’enfer. Je n’ai subi qu’humiliations, non seulement de la part de la mère, mais aussi des filles pour qui je n’étais qu’un bon à rien, nul, bête, sale. J’avais honte d’exister. Je voulais mourir.

Aujourd’hui, alors que j’avais baissé la garde, que je croyais ma malédiction levée, elle me refrappait en plein cur. Je n’avais plus d’espoir et puisque ma vie devait être ça, il valait mieux que j’en finisse. Je n’ai jamais pris le train et bien aujourd’hui, c’est décidé, je vais le prendre. Je me dirige vers la gare, longe le quai. Je n’ai pas peur, je vais mourir enfin.

Mon téléphone sonne, je m’en balance, je m’en vais. Mais une dame un peu âgée tout en me prenant par le bras et en me souriant me dit:

Jeune homme, je crois que c’est votre téléphone qui sonne avec insistance, vous devriez répondre.

Je la regardais, absent, elle rajouta.

J’ai oublié de prendre de la lecture, pourriez-vous aller me chercher une revue s’il vous plaît, à mon âge, vous savez, les déplacements sont un peu plus délicats et je ne voudrais pas rater mon train. Elle me donne dix euros, mon esprit étant encore ailleurs, je les prends et me dirige, comme un automate vers le kiosque à journaux, soudain j’entends par le haut-parleur que le train en provenance de ou en partance pour je ne sais où est arrivé au quai numéro deux. Je me précipite pour donner à la dame sa revue. Elle me remercie d’un large sourire plein de tendresse, me prend les mains et me dit.

Ça va aller jeune homme. A bientôt.

Voilà, une fois encore j’avais raté mon suicide, une fois encore j’avais échoué, une fois encore j’avais manqué de courage. Ne sachant que faire, je me décidais à récupérer mes affaires chez Lola et… Et… On verra bien.

Arrivé chez elle, je sonne en espérant qu’elle accepte de m’ouvrir. Elle m’ouvre les yeux rouges comme si elle avait pleuré. Elle était en jean et pour le haut une espèce de marcel trop grand, nue dessous…

A suivre

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