CHAPITRE XIV
MONDE OUVERT
J’ouvre doucement les yeux. Julia et son sexe si exceptionnel m’ont accompagnée dans mes songes toute la nuit.
Je me retire lentement du lit, pour découvrir une tache humide là où mon entrejambe était situé. Il semblerait que mon plaisir solitaire d’hier ait laissé une trace… Tant pis, peut-être que celui qui nettoiera les draps sourira en comprenant ce qui s’est passé.
Je me rhabille rapidement, reprends mon sac et sors de ma chambre, pour retourner dans le modeste hall d’accueil de l’auberge. J’y découvre mes trois compagnons, qui semblent être en pleine conversation en m’attendant, mais également des personnages divers et variés discutant, entrant et sortant autour de moi. Nous n’étions visiblement pas du tout les seuls joueurs à dormir dans cette endroit. Je rejoins mon groupe, un peu anxieuse à l’idée de les avoir fait patienter.
– Me voilà ! Vous ne m’avez pas attendue trop longtemps j’espère ?
– Bonjour miaou ! Non, ne t’inquiète pas, on vient tout juste de sortir.
– Super. Du coup, programme de la journée ?
Julia balaye la salle du regard pour me faire comprendre que parler dans une salle remplie de joueurs n’est pas une bonne idée. Nous sortons en silence de l’établissement, et après être éblouis quelques secondes par un puissant soleil, nous nous éloignons de la foule pour rentrer dans une petite ruelle vide et ombrée. Ses hauts murs longeant sa mince épaisseur lui donne un aspect assez peu accueillant. Si peu que je me permets de demander :
– Une ruelle vide comme ça, vous êtes certains que c’est pas risqué ?
Tarik, qui ne semble pas inquiet le moins du monde, me répond dans un sourire :
– Pas tant qu’on reste groupés. Donc, le plan de la journée… Moi, j’aimerais bien retourner au marché pour y faire des courses, j’y ai vu un paquet d’ingrédients très bon marché et introuvables à Carrogia.
J’en déduis que Carrogia doit être la ville encerclée de forêts dont nous venons.
– Miaou, fais-donc, tu ne risques rien, même seul, tant que tu restes dans le marché. On peut commencer notre enquête près du palais si tu veux.
Julia se contente d’un signe de tête pour acquiescer. Leurs regards se tournent vers moi. Ils attendent vraiment une réponse de ma part ?
– Oui oui, comme vous voulez… Je ne m’y connais toujours pas moi, donc je me contenterai de suivre.
Tarik commence à compter les anneaux de sa bourse en souriant.
– Alors c’est décidé. Les filles, vous allez au quartier royal. Moi, je vais acheter de quoi préparer tout un tas de choses utiles. On se retrouve ce soir ?
Ayant la ferme intention de ne pas revivre la solitude de cette nuit, je m’interpose aussitôt :
– D’accord, mais pas dans des chambres simples alors. On se retrouvera au quartier royal, là on trouvera sûrement des chambres à plusieurs.
Tous les regards se tournent à nouveau vers moi. Après quelques minutes de silence, Tarik finit par hocher les épaules.
– Comme tu voudras, mais alors c’est toi qui paye.
– Pas de problème, je vous invite.
– En route alors miaou !
Tarik fait demi-tour pour retourner à notre emplacement d’hier, tandis que Julia part devant pour nous guider à travers le dédale de ruelles vers le quartier royal.
Cette ville semble encore plus grande que Carrogia. Il nous faut une bonne heure pour traverser le quartier marchand tout entier. Hormis dans les petites ruelles, la foule, sans pour autant être compacte, inonde toutes les voies. Les gardes se démarquent facilement du reste de la plèbe, d’une part de leur veste pourpre, de leur main toujours posée sur leur arme à leur ceinture et de leur regard mauvais et méfiant, mais également du fait qu’on ne les trouve que par groupe de trois en patrouille, ou immobiles devant certains édifices, la plupart religieux ou publics, fixant systématiquement le passant le plus proche d’eux.
Tout en parcourant ces rues, je prends un grand plaisir à laisser mon nouveau fessier se mouvoir avec mes pas, imaginant mon image vue de dos. Certains passants que je croise ne parviennent pas à résister à l’envie de jeter un il discret à mes hanches en pensant sans doute que je suis aveugle. Je tourne brusquement la tête pour vérifier si ce que j’espère est vrai, ça l’est : une bonne dizaine de personnes derrière moi dévient brusquement leurs regards en voyant que je me suis retournée. Ils étaient tous en train d’admirer mes superbes fesses.
Je reprends ma marche avec mes deux amies, cette fois sans me retourner une seule fois. J’imagine tous ces hommes en train de me regarder, de m’admirer, de fantasmer sur moi dans mon dos… Et pourtant, aucun d’entre eux ne vient se risquer à m’aborder ou à tenter de me tripoter. On me regarde et on fantasme tout en me respectant. J’adore cette idée. Je pourrais passer la journée ainsi à me faire flatter de leurs regards.
Tandis que nous avançons, Lilith finit par rompre le silence qui règne entre nous :
– Tant qu’on y est miaou, est-ce que tu peux nous résumer ce que tu sais d’Imilchi ? Et du palais ?
– Pour être honnête, tu en sais presque autant que moi… La ville est régie par le sultan local, qui abuse de son pouvoir et de celui de son armée à assouvir les moindres de ses désirs. Les impôts sont très hauts et les gardes très agressifs. Seule l’hostilité des nomades et des créatures dans le désert à l’extérieur empêche les habitants de s’en aller.
Je suis un peu surprise par cette nouvelle. La taille et l’activité de ce quartier marchand semblent pourtant démontrer une prospérité évidente.
– Pour ce qui est de notre objectif lui-même, ça ne va vraiment pas être facile. Ça ne l’est jamais avec les haut faits de toutes façons, tu me diras. La princesse est l’unique héritière du trône, ce qui fait de son cul le plus convoité du pays. Naturellement, le sultan, qui tient à elle plus que tout, en est bien conscient et lui interdit de sortir de ses quartiers, qu’il a fait garder par deux gardes, qui sont eunuques, pour plus de sécurité. Et les dits quartiers sont composés de quelques pièces sans aucune fenêtre, situées au cur même du palais, dont tous les couloirs et les entrées sont remplis de gardes.
Tout ça me donne un peu le tournis. Il est vrai qu’une telle infiltration semble impossible.
– Oh, et j’oubliais le plus drôle : le fait de s’introduire par effraction ne serait-ce que dans les jardins du palais est un crime passible d’une exécution immédiate. Ah, on y est, constatez par vous-même.
Je lève la tête, me sentant minuscule et insignifiante devant l’immensité et la somptuosité de l’immense bâtiment royal. Visiblement inspiré du Taj Mahal, ses murs sont aussi clairs et lisses que ceux des autres habitations, mais bien plus somptueusement décorés. Des marbrures et des reliefs dorés délimitent chaque étage et chaque fenêtre, et le tout est surplombé par un immense dôme de marbre blanc. Aux quatre coins, d’immenses colonnes d’un blanc étincelant donnent au tout une silhouette encore plus majestueuse, faisant paraître tous les bâtiments alentours parfaitement ridicules et imposant une sensation de supériorité évidente.
Nous restons toutes les trois immobiles et admiratifs devant un pareil chef-duvre d’architecture. Toutefois, nous redescendons bien vite en voyant la petite armée de garde faisant barrage à l’entrée principale, ainsi que ceux postés sur les toits des habitations proches du palais, tenant un arc à la main. Julia pensa à voix haute devant ce spectacle :
– Bonnn… Voilà le début de nos ennuis. À partir de là, seule une aile du palais est accessible au public, mais est très surveillée et est interdite aux étrangers.
– Allons-y, miaou ? Qu’est-ce que ça coûte ?
– Les blondes et les terranides sont des étrangers ici, chaton.
– Moi je ne suis ni l’un ni l’autre.
Julia détourne son regard du palais pour le porter sur moi. Elle me dévisage un moment, puis sourit.
– C’est vrai. Tu devrais pouvoir y aller. Par contre vêtue dans une tenue aussi courte, ils risquent de te prendre soit pour une fille pauvre, soit pour une fille de joie…
– Et c’est pas bien ?
– Dans le premier cas, ils t’interdiront l’accès et te jetteront en prison. Dans le deuxième cas, ils t’interdiront l’accès, te violeront puis te jetteront en prison. Et crois-moi, les prisons des zones intermédiaires ne sont pas des endroits où aller.
– Mais alors qui a accès à cet endroit ?
– Principalement les marchands qui veulent négocier des produits en grande quantité ou d’une rare qualité directement avec les autorités du sultan.
Lilith et moi nous creusons la tête un moment. Machinalement, mon regard se porte sur une passante vêtue de la même façon que moi, et sur l’un des gardes dont le regard va directement se poser sur ses courbes. Une idée jaillit alors de cette vision.
– Et si je me présentais comme responsable ou négociatrice d’une maison de plaisir, qui souhaiterait s’installer dans la ville, voire directement dans le quartier royal ?
Julia me regarde comme elle regarderait un chien qui viendrait de miauler.
– Ça… Ça peut passer, si tu joues bien le jeu. Il n’y a pas que ton cul qui est développé chez toi en fait… T’as des idées aussi…
Lilith renchérit aussitôt :
– Et c’est pas la première fois. Elle est plus futée qu’elle n’y parait.
Je suis sûrement en train de rougir. Je suis pourtant celle des trois qui connaît la moins bien le jeu.
– Miaou, par-contre nous deux, on fait quoi en attendant ? On fait le tour du palais en espérant trouver quelque chose ?
La guerrière regarda le bâtiment d’un air intrigué.
– Ça m’étonnerait qu’on apprenne quelque chose de plus juste en le regardant de l’extérieur… En plus les gardes risqueraient de se douter de quelque chose à nous voir rôder… Ils sont plus malins que ceux des zones simples, ceux d’ici. Et bien plus costauds aussi. En fait, ils sont supérieurs sur tous les points.
Je ne peux m’empêcher de me demander si ces points couvrent aussi leurs performances au lit. Pour avoir testée les précédents, ce serait dommage que ceux-ci soient au même niveau.
– Miaou, je vais tenter de m’infiltrer alors. Discrète comme je suis, ça devrait être faisable.
– Attention chaton, ils sont plus méfiants que ceux de Carrogia. Et sils t’attrapent dans le palais, ils te tueront sans poser de questions.
Inquiète, je lance un regard implorant à mon amie.
– Tu es certaine que tu peux le faire ?
Elle me fait un clin d’il en me répondant :
– Ne t’inquiète pas, je ferai attention.
– Et toi Julia, tu vas faire quoi ?
L’imposante et classieuse guerrière blonde, se sentant un peu mise en retrait par rapport à nous deux qui avons chacun un objectif, se reprend vite en main :
– J’ai quelques contacts parmi des PNJ cachés dans cette ville. Je vais tenter de les retrouver pour obtenir des informations. On se retrouve ici, disons dans deux heures !
Elle repart vers une ruelle, tandis que Lilith s’en va de l’autre côté pour contourner le palais et chercher une issue. Je rattrape rapidement Julia pour lui poser une dernière question :
– Attend, je dois savoir… Ce sultan là… Il est marié ?
Sans se retourner, elle me répond du tac au tac :
– Son épouse officielle – la mère de la princesse – est morte. Mais il dispose encore d’un harem d’une bonne cinquantaine de femmes. Si tu veux négocier les services des filles de joie, propose-les plutôt pour les soldats, le personnel, ou autre.
Elle repart, cette fois s’engouffrant dans un dédale de ruelles sortant de la voie principale menant au palais et disparaissant dedans.
Je me retourne pour refaire face au palais. Il y a effectivement une grande porte sur la droite, grande ouverte, menant sur une salle visiblement bondée de monde luxueusement vêtu. Quatre soldats en gardent l’accès, bras croisés.
Je rouvre mon sac pour me souvenir ce qu’il y a dedans. Il y reste toujours la bourse que j’ai volée à mon acheteur, qui doit bien contenir quelques centaines d’anneaux. Un frisson me parcours alors que je me demande si cette monnaie est bien valide ici. Puis je me souviens des marchés que je viens de traverser : les gens négociaient et marchandaient bien en anneaux autour de nous, et ils avaient la même forme. Ce doit être la même monnaie dans toutes les régions.
Je referme mon sac, et marche vers cette fameuse salle d’affaires d’un pas décidé.