Je suis étudiante et, comme beaucoup, je suis contre tout. Je milite, et chaque fois quune manifestation se déroule et peu importe contre quoi jy vais. Parfois plus pour faire le nombre que par conviction. Ayant des avis sur tout et surtout des avis, en réalité, mis à part ma petite personne, le reste je men balance. Jaime faire chier, quoi ; je nai aucun besoin : papa et maman mentretiennent. Je ne comprends pas pourquoi certains étudiants doivent travailler ni même pourquoi tous ne roulent pas en Porsche ou en Mercedes. Jai un appart, un frigo plein, une voiture et de largent sur mon compte en banque. Je vais à la fac quand ça me dit ; passant mes soirées dans les boîtes de nuit, je ne me lève pas avant midi.

Pour le reste, je suis assez sérieuse ; jai un petit copain mais je ne couche pas avec. Loin dêtre vierge, il me faut être sûre daimer pour coucher. Mon dernier petit ami avant celui-là ma un peu dégoûtée ; il ma trompée avec ma meilleure copine : ça, je nai pas pardonné. Puis bon, le plumard, ce nest pas mon truc. Je ne sais pas si je suis frigide ou quoi, mais jai du mal à jouir. Je dirai que je mennuie dans un lit.

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Je suis là depuis une heure, un chapeau en paille sur la tête, en jeans, tee-shirt et baskets. La manif tarde à démarrer. Je ne sais même pas pourquoi nous manifestons ; jessaie de voir ce quil y a écrit sur les banderoles pour avoir lair moins courge que ce que je suis. Des gens distribuent des tracts. Jessaie den avoir un. Tiens, une manif pour le mariage pour tous. Bof Pourquoi pas ? Je ne comprends pas lhomosexualité ; mais sils veulent avoir droit au divorce, pourquoi pas ? Car en fait, cest bien de cela quil sagit : le droit au divorce pour tous. Un groupe de filles crie plus fort que les autres à quelques dizaines de mètres. Jessaie de me frayer un passage dans la foule. Après tout, autant me mêler à un groupe.

Quelques filles tiennent des banderoles aux slogans évocateurs et tout aussi idiots que de vouloir se marier. « Droit à ladoption pour tous ! » ; «Le mariage pour tous ! » et bien dautres revendications qui me font sourire. Ce qui me surprend le plus, cest que toutes les filles du groupe sont seins nus. Il y en a même quelques-unes carrément à poil.

Je regarde ces filles nues ou à demi en me mêlant au groupe. Il y en a des moches, ça cest sûr ; par contre, je remarque une très jeune fille avec des seins magnifiques, bien ronds, au galbe parfait, avec de toutes petites aréoles roses et des tétons qui se dressent fièrement. Je la dévisage ; elle croise mon regard de ses yeux bleus, presque gris. Très joli visage : nez parfait à larête fine, lèvres sensuelles, cheveux blonds tombant sur ses épaules très fines. Merveilleux petit bijou, aussi grande que moi ; elle aussi est en jeans et baskets. Je remarque ses longues jambes fines. Elle a de petits pieds ; cest sûr, elle ne doit pas chausser plus que du trente-six. Petits par rapport aux miens : je chausse du trente-neuf.

Jai beaucoup de mal à la quitter du regard tant elle est belle, attirante même, je devrais dire. Pourtant, les filles, ce nest pas du tout mon truc ; mais là, je dois avouer que je reste scotchée sur elle. À tel point quelle sen rend compte et vient vers moi. Il faut quelle approche sa tête de la mienne pour que jentende ce quelle me dit. Sa bouche est à quelques centimètres de mon oreille, je peux sentir son odeur de blonde en sueur et son souffle chaud au doux parfum de menthe fraîche.

Tu fais quoi là, tu es venue pour mater ?

Pas du tout !

Alors regarde autre chose que mes nichons ; et si tu veux rester dans le groupe, tu fais comme les autres !

Mais je ne regarde pas vos seins, voyons.

Tu regardes quoi alors ? Mon nombril ? Tu montres tes nichons ou tu dégages de là !

Je pose ma besace que jai en bandoulière, retire mon tee-shirt sous lequel je suis seins nus. Elle regarde mes seins ; je vois quelle met ses lèvres comme pour siffler et approche à nouveau ses lèvres de mon oreille.

Ils sont magnifiques ; pourquoi les cacher ? Tu es lesbienne ?

Mais non, voyons. Pourquoi cette question ?

Quest-ce que tu fais là, alors ?

Je viens manifester !

Tu nas rien dautre à foutre ?

Non.

Nous restons côte à côte pendant toute la manif. Une brune un peu forte je dirais même grosse aux seins énormes qui pendent vraiment et qui doit avoir au moins trente ans est de lautre côté de la blondinette et lui prend la main de temps en temps. À un moment, elle lembrasse même sur la bouche et passe son bras autour de sa taille.

La manif se termine ; le groupe reste un moment à discuter, le temps que la foule se disperse. Je reste, je ne sais pourquoi, à côté de ma blondinette que lautre tripote sans vergogne. La brune me remarque et demande qui je suis sans sadresser à la blondinette.

Cest qui, celle-là ?

Je ne sais pas ; une qui na rien à foutre.

Tu es mignonne, dis donc. Tattends quoi à mater Sylvie ?

Rien, je vais y aller.

Tu es lesbienne ?

Non.

Dommage Tu es un sacré petit lot ! Viens boire un café, on te présentera aux autres, sait-on jamais, des fois que ça te donne des idées. Cest quoi ton petit nom ?

Jennifer.

Moi cest Audrey, et elle Sylvie. Tu es vraiment mignonne ; je te mangerais bien toute crue

Hé, je suis là, quoi !

Et alors ? Le mariage pour tous, ça ne veut pas dire la fidélité.

Tu es gonflée : ça fait deux jours quon est ensemble et tu en regardes une autre.

Dis donc, si tu lui as parlé, cest que toi aussi tu la trouves mignonne. Si cest pas pour la draguer, cest pour quoi que tu lui as adressé la parole ?

Elle matait mes seins.

Et tu as pensé te la faire ; moi aussi : un lit, cest assez grand pour trois et je nai jamais dit que je passerai ma vie avec toi. En plus, tu baises mal et je naime pas les pucelles.

Tu fais bien de le dire. En plus, tu es moche ; alors tu vois, jen ai rien à foutre !

Je remets mon tee-shirt et les laisse à leur discussion, qui ne me plaît pas du tout. Je fais quelques pas quand Sylvie me rattrape en me saisissant par la main.

Jennifer, attend ; cest une conne, il faut lexcuser. Je tinvite à boire un pot. Tu viens ?

OK. Excuse-moi de vous avoir fait disputer.

Pas grave : je ne serais pas restée avec elle, de toute façon. Je naime pas son genre ; je suis juste sortie avec elle parce que je navais pas de copine en ce moment.

Nous passons deux heures à discuter devant une tasse de café. Elle est charmante et très sympa. Sous ses airs de gamine délurée se cache une fille très intelligente et espiègle. Nous sympathisons vraiment, jusquau point déchanger nos numéros de portables. Je la laisse devant un arrêt de bus, et nous nous quittons en nous faisant la bise.

[à suivre]

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