15.
Je refusai de sortir malgré le soleil automnal. Alain ne me força pas. Il me refit couler un bain comme la veille et me massa à nouveau. Et comme la veille, je mendormis sous les caresses appuyées de ses mains.
Le lendemain, il fur moins conciliant et mobligea à prendre lair. En jean, pull et basket, sans maquillage, on se promena le long de la Seine.
Les journées se suivirent. Petit à petit, Alain réussit à me faire oublier cette épouvantable soirée. On visita les musées et les monuments les plus courus. Il minvita dans les restaurants chics le soir. On alla au théâtre, chez Michou. On recommença à faire les boutiques des quelles je revins avec quelques paquets.
Je remontai la pente.
Alain dormait avec moi, se collant à moi, protecteur. Ses bras puissants me rassuraient. Notre séjour imparti touchait à sa fin. Je décidai quil était temps de prendre sur moi. Alain avait fait un travail admirable en étant au petit soin pour moi. A moi de lui faire plaisir.
Je profitai de son absence pour me faire belle. Un ensemble de lingerie noire acheté la veille, une robe fourreau rouge bordeaux qui me laissait les épaules nues, bas noirs bien sûr et Louboutins, une folie à laquelle je ne pus résister. Je soignais mon maquillage.
LorsquAlain revint, il manqua de laisser tomber ce quil tenait à la main.
— je te plais ?
— beaucoup. Tu es magnifique. Merci
— cest moi qui te remercie de têtre occupée de moi. Cest le moins que je pouvais faire.
Il prit ma main et déposa un baiser sur son dos. Puis passa un coup de fil pour faire une réservation.
Nous sortîmes refaire une balade dans les rues parisiennes. Je redécouvris avec délice le plaisir de marcher avec des talons hauts, sentir le froid sinsinuer sous ma jupe et caresser mes cuisses à moitié nues. Je maccrochai au bras dAlain qui me tenait par la taille. Fidèle à lui-même, il ne parlait pas.
— ça va mieux ? me demanda-t-il enfin, tandis que du haut du Pont des Arts, on regardait passer les péniches.
— oui, grâce à toi. Pas facile denterrer ce qui sest passé, mais jai presque tourné la page.
— très bien alors. Javoue que jai quand même été un peu inquiet les premiers jours. Mais quand tu as recommencé à faire des essayages, jai compris que ça allait mieux.
Je mappuyai contre son épaule. Alain tourna la tête et déposa un baiser sur mes cheveux. Je me cramponnai de plus belle.
— il faut y aller, on va être en retard.
— où ça ?
— tu verras.
Il joua de son smartphone et quelques minutes plus tard nous montâmes dans un taxi qui nous déposa sur lembarcadère des Bateaux-Mouches.
— un diner croisière, ça te dit ?
Ma joie et mes yeux émerveillés firent office de réponse.
Une jolie serveuse nous installa à lavant du bateau. Le diner fut très agréable. Alain me fit même danser au son de laccordéon. Enfin, jessayai de ne pas lui marcher sur les pieds.
Nous rentrâmes à lhôtel pour notre dernière nuit.
— merci Alain pour cette soirée. Merci de têtre occupé de moi. Merci.
Je passai mes bras autour de son cou et lembrassai tendrement.
Quand je mécartai, je vis briller ses yeux, briller de désir, damour. Les bribes de la conversation que javais surprise entre lui et Isabelle me revinrent en mémoire.
— je je suis désolée.
— désolée de quoi ?
— non rien.
— explique-moi !
Je racontai ce que javais entendu.
— tu es amoureux dune femme. Et je ne peux pas tembrasser comme je lai fait. Ça te fait penser à elle.
Alain me regarda avec un air où lincrédulité se mêlait lenvie de rire.
— Nicole, tu es une idiote, une ravissante idiote. Cette femme, cest toi, dit-il en baissant la tête.
— …
— je taime Nicole.
—
Il souleva mon visage par le menton, planta ses yeux bleus dans les miens et répéta doucement sa déclaration.
— Nicole, je taime.
Puis il approcha ses lèvres et membrassa délicatement.
— mais je suis un garçon ! Inculte, ignare et bon à rien, à part baiser.
— non, non et non : tu es une jeune femme belle, sexy et désirable. Et tu nes pas ignare. Cest juste que tu as besoin de faire un effort pour te remettre à la page. Et je sais que tu fais cet effort en ce moment. Jai toute confiance en toi pour ça. Alors, je te le redis : je taime Nicole.
Je le regardai toujours. Mes yeux traduisaient une certaine panique et mon cur battait la chamade.
— cest ma tête ? Je suis trop vieux ?
Je senti de la colère. Mais pas envers moi, envers lui-même.
— désolé, je naurai pas dû, dit-il en rompant létreinte.
Je le fixai encore. Ma jalousie à lidée quAlain puisse en aimer une autre disparue, libérant lespace pour mes propres sentiments à son égard. Sentiments que je métais interdits. Mais il maimait telle que jétais.
Un dernier regard et je lui sautai dessus. Mes lèvres sécrasèrent sur les siennes. On tomba sur le lit, enlacés.
Malgré ses grosses mains, il défit en un rien de temps le zip de ma robe, dégrafa mon soutien-gorge et de mon porte-jarretelles. Et dun seul mouvement, il me mit à nu. Il reprit ses baisers, sur ma bouche, mon cou, mes seins, mon ventre, mon sexe quil suça comme une friandise. Sans que je men rende compte, toute chamboulée par ce quil marrivait, Igor Alain était déjà en moi. Il me fit lamour encore plus tendrement, encore plus amoureusement maintenant que javais accepté tacitement ses sentiments. Lorgasme, le vrai, monta rapidement, explosa et me laissa encore plus vidée que la première fois. Je comprenais maintenant lexpression « petite mort »
— tu es belle quand tu jouis, me dit-il
— merci mon chéri. Il ny a que toi qui me donne un tel plaisir.
— je taime Nicole.
On était allongé, sur le côté, face à face. Mes yeux ne quittaient pas les siens, brillants de désir et damour.
— je taime aussi, Alain, mon Alain à moi.
On refit lamour une deuxième fois. Nouvel orgasme. Puis une troisième fois, plus bestiale. Pas dorgasme, juste le plaisir dêtre prise par mon homme.
« Mon homme » ! Si un jour on mavait dit que je serai devenus presquune fille et amoureuse dun homme viril de vingt ans mon aîné. Moi le fainéant professionnel, dont la seule passion et le seul centre dintérêt étaient les jeux vidéo.
Je mendormis dans ses bras, rassurée, sereine.
Amoureuse.